Livre : « La Charité Inventive »

Livre : « La Charité Inventive »

Les «nouvelles pauvretés» tel que le phénomène migratoire mondial, lancent le défi de chercher, avec tous ceux qui en sont victimes, des chemins de charité encore inexpérimentés. La charité est au-delà du partage, de la fraternité, de la justice et de la solidarité. Elle est davantage que ces mots «modernes» car elle leur donne leur sens ultime en les rassemblant sous sa coupe.

À l’occasion des 400 ans des Équipes Saint Vincent – fondées en 1617 par saint Vincent de Paul, suite à ses rencontres intimes avec les pauvres, pour vivre la charité d’une façon affective et effective– l’auteur invite à poser de nouveaux actes de charité qui ne soient basés, ni sur l’émotion, ni sur la naïveté, ni sur la peur, mais uniquement sur la certitude qu’aucun homme n’est à écarter d’une charité en action.

Ce livre nous dit que si l’amour de Dieu est inventif à l’infini, la charité qui en découle et qui est à la fois l’oeuvre de Dieu en l’homme et l’oeuvre de l’homme en Dieu, est elle aussi inventive à l’infini.

Préambule

« Être sans charité, c’est être chrétien en peinture. » Saint Vincent de Paul

Même si elle est ancienne, la charité n’est pas dépassée. Elle n’est pas non plus ringarde, comme si elle renvoyait au concept souvent décrié de « bonnes œuvres qui donnent bonne conscience ». La charité est toujours d’actualité et n’a jamais cessé de l’être, puisqu’elle est le sang de l’Église. Ce qui lui « manque » peut-être, c’est un « renouveau » dans sa manière d’être et d’agir dans l’aujourd’hui de Dieu qui est notre temps présent. Assurément, à l’instar de la miséricorde dont le pape François a rappelé la pertinence, la charité a toujours, et sans doute plus que jamais, sa place dans nos relations humaines. Avec force l’Église rappelle que ces dernières n’ont de sens que si chacun d’entre nous – pauvre ou riche – peut vivre sa vie avec tout le respect qui est dû à sa dignité d’homme voulu, créé et aimé par Dieu. Ce possible renouveau de la charité commence alors certainement dans le cœur de l’homme, lorsque celui-ci reconnaît ses fragilités et son besoin de l’autre.

C’est pourquoi, grâce à l’Église, dont le saint pape Jean XXIII disait qu’elle est « Mère et Maîtresse », nous devons retrouver les « sens » premiers de la charité qui est bien plus qu’une simple solidarité. Nous comprendrons la différence entre ces deux concepts à la lecture de notre petit traité. Nous tourner « seulement » vers l’homme en restant à la simple constatation de sa fragilité pour en saisir la dureté quotidienne n’est pas suffisant. Il nous faut nous élever vers Dieu, notre roc, qui s’est abaissé vers nous afin de nous montrer la définition de ce qu’il entend par charité qui est son essence même.

Ce chemin spirituel d’élévation de l’homme vers Dieu, très ancien dans l’Église, a été balisé par de grandes figures de notre humanité pérégrinant sur les routes chaotiques de la fraternité universelle. Il suffit de penser aux Pères de l’Église, notamment aux Pères orientaux comme saint Cyrille de Jérusalem, saint Grégoire de Naziance, ou encore saint Basile qui a fondé la première léproserie, ou même au grand théologien saint Jean Chrysostome qui a créé un embryon d’hôpital aux portes de Constantinople. Plus près de nous, n’hésitons pas à mettre en évidence des personnes comme le roi saint Louis qui avait une haute idée de la misère de son Royaume, au point de devenir le premier à servir les pauvres et à leur rendre justice. On peut penser aussi à saint François d’Assise qui a mis la charité au cœur même de sa vie de prière et de missionnaire de l’Évangile.

De grandes figures se sont levées, comme sainte Teresa de Calcutta, pour ne citer que la plus emblématique, et se lèvent encore. Des figures qui ne doivent pas cacher pour autant tout ce qui se fait dans le monde au nom de Dieu, dont l’un des noms glorieux est justement celui de « charité ». Par les terres arides comme par les terres fertiles de notre planète, il se fait beaucoup de choses nouvelles pour les plus pauvres de nos frères, avec eux et souvent grâce à eux, moyennant la grâce divine qui fait que rien n’est impossible, et la volonté de l’homme qui choisit d’être éclairée par plus grand qu’elle.

Inventive donc, la charité n’a jamais cessé de l’être au fil des siècles, et doit continuer de l’être, au nom de ce Dieu qui a voulu faire d’elle le signe visible de sa présence sacramentaire dans notre monde, en attente de salut éternel. Comme cela l’a été par le passé, c’est toujours le défi de notre Église de ce XXIe siècle. Au regard des souffrances et des misères les plus injustes, la charité a toujours su innover pour rejoindre le cœur des blessés de la vie. Elle a su le faire par le biais d’hommes et de femmes qui, dans leur fragilité, ont accepté de se faire humbles, à l’image du Christ « doux et humble de cœur ». Ils ont ainsi reçu de lui, par la grâce infinie de son Esprit Saint, la puissance d’un feu nouveau capable de répandre sa chaleur bienfaisante sur les souffrants de ce monde dont l’Église reste la maison privilégiée.

L’une des grandes figures de ce feu d’amour qui ne s’éteint pas est sans doute saint Vincent de Paul. Il est l’un des saints les plus populaires de notre Histoire de France qui ne tire son sang spirituel qu’en lien avec l’Histoire de l’Église qui l’a abreuvée. Le titre de « Monsieur » que l’on donna à ce prêtre, simple, aux allures un peu bourrues et au caractère gascon bien trempé, montre, s’il en est besoin, tout le respect que la société d’alors avait pour cet homme qui a su si bien marier action et contemplation, mission et charité, évangile et loi humaine, grandeur de Dieu et pauvreté de l’homme.

Il y a tout juste 400 ans, en 1617, le jeune Vincent, déjà prêtre depuis quelques années, est bousculé dans son cœur et dans son âme par la grande pauvreté humaine et spirituelle qu’il touche du doigt en visitant les campagnes.

La charité n’a pas d’heure, disait le fondateur du Secours catholique, Mgr Jean Rodhain. Elle n’a pas non plus d’âge. 400 ans ne sont donc qu’une goutte d’eau dans l’océan de l’amour divin. La bienveillance de Dieu continue à faire des merveilles aujourd’hui dans le cœur de ceux qui acceptent de mettre leur fragilité dans sa miséricorde éternelle. Ils puisent en elle la source de la vie toujours créatrice et font ainsi en sorte que la charité, comme au temps de saint Vincent de Paul, devienne toujours actuelle et donc inventive. Humblement, mettons-nous donc maintenant à son école et laissons-nous guider par son inventivité. Dieu lui-même nous y appelle comme il appelle les ouvriers à sa vigne, lui qui reste éternellement notre Chemin, notre Vérité et notre Vie.

Jean-Yves DUCOURNEAU, CM 🔸

« Sans charité, l’Église nous rappelle avec raison que notre vie est « perdue » et même en danger d’être avalée par le Mal. Une vie sans charité ne sert pas à la construction d’une monde meilleur puisqu’elle ne peut comprendre le sens ultime de la dignité de toute vie humaine »

Jean-Yves Ducourneau
Notice Bibliographique :

Publication : Editions des Béatitudes, EdB, 2017. http://www.editions-beatitudes.com/

Collection : Petits traités spirituels. I, Spiritualité ; 57

Description : 115×175 mm. 114 pages

Livre papier : 8,50 €

Livre :  » Saint Vincent de Paul. Un génie de la Charité « 

Livre :

« Saint Vincent de Paul. Un génie de la Charité ». Biographie

Editions Salvator

On l’appelle volontiers  » le grand saint du Grand Siècle  » : à l’époque de Louis XIII, Vincent de Paul donne une éclatante leçon de charité et de modernité.

On connaît son combat pour les plus pauvres, les galériens, les enfants abandonnés. On se souvient de son rôle de fondateur des Confréries de la Charité, des Prêtres de la Mission, des Filles de la Charité. On le considère, à côté de Bérulle ou d’Olier, comme une des grandes figures de l’École française de spiritualité. Mais dans cette vivante biographie, Chantal Crépey met aussi l’accent sur des points moins connus : l’impulsion que Vincent a donnée à l’engagement des femmes dans l’Église et dans la société, son influence sur la prédication, sa spiritualité mariale.

D’une façon nouvelle, l’auteur raconte les temps forts de la postérité de saint Vincent et leur insertion dans la grande Histoire.
En notre temps, marqué par les nouvelles pauvretés et la mondialisation, le charisme de « Monsieur Vincent » garde toute sa pertinence. Et au questionnement d’aujourd’hui et de toujours : « Qui est l’homme ? », saint Vincent de Paul répond par sa vie : l’homme est don.

En notre temps, marqué par les nouvelles pauvretés et la mondialisation, le charisme de « Monsieur Vincent » garde toute sa pertinence. Et au questionnement d’aujourd’hui et de toujours  » Qui est l’homme ? « , saint Vincent de Paul répond par sa vie : l’homme est don.

Extrait de l’avant-propos

« Le nom seul de Saint Vincent de Paul est un éloge. Partout dans le monde, on connaît, on admire, on aime saint Vincent. Son visage même parle au cœur. Le regard est le miroir de l’âme, dit-on. Rien n’est plus vrai chez Saint Vincent.

Malgré les supplications de ses proches qui réclamaient qu’on fasse son portrait, Monsieur Vincent refusa toujours de poser. Il fallut employer la ruse. En 1660, on introduisit dans la maison mère de Saint-Lazare un peintre tourangeau, Simon François, qui se mêla à la communauté pour étudier de près son modèle. Le peintre de Tours réalisa de cette façon deux portraits de Vincent, l’un en tenue de ville, l’autre en surplis. Les gravures qui lui furent tirées, les copies qui en furent faites, reflètent la physionomie lumineuse et douce, le regard d’une grande profondeur de l’homme d’action et du mystique… »

 

 

Mais l’essentiel n’a pas été dit. Ce qui manque, c’est l’histoire de toutes celles et de tous ceux qui ont suivi saint Vincent, c’est l’histoire aussi de celles et de ceux, pauvres, malades, isolés, abandonnés, prisonniers, exclus, exilés, qui ont bénéficié de l’élan de charité initié par Vincent de Paul et on repris espoir, c’est le présent de la charité sur tous les continents, comme « un grand feu »…

Chantal Crépey
Note Bibliographique :

Chantal Crépey

SAINT VINCENT DE PAUL. UN GÉNIE DE LA CHARITÉ. BIOGRAPHIE

Éditions Salvator, Paris, 2017

103, rue Notre-Dame des Champs. F-75006 PARIS

www.editions-salvator.com

Caractéristiques :


Auteur : Chantal Crépey
Editeur : SALVATOR
Paru en : novembre 2017
Présentation : roché,10 mm * 140 mm * 210 mm,224 pages,290 g
Code barre : 9782706715983

Historienne et écrivain. Chantal Crépey a été présidente nationale du mouvement caritatif féminin fondé par saint Vincent de Paul en 1617 : Les équipes Saint-Vincent (AIC-France)

http://www.equipes-saint-vincent.com/

La Mission. Sortir vers les horizons de Dieu. Retraite spirituelle à Ars. Province de France (22-27 Octobre 2017). Introduction et Premier Jour

La Mission. Sortir vers les horizons de Dieu.

Retraite spirituelle à Ars. Province de France (22-27 Octobre 2017)

Introduction et Premier Jour

La retraite est un parcours dans le désert. Mon rôle est de vous guider. J’ai cherché à m’inspirer de plusieurs figures bibliques. La première qui m’est venue à l’esprit est celle de Moïse, qui transmit au peuple la Loi. C’est un modèle très exigeant. Un autre guide est le démon. C’est vraiment de la racaille comme modèle pourrait-on dire dans une certaine façon peu commode de parler. La troisième figure est la personne qui dans le désert apporte au prophète Elie du pain et de l’eau, mais ensuite se retire, afin de permettre à Elie de monter tout seul sur la Montagne de Dieu. Moi je ne vous donnerai pas grand-chose, mais seulement de l’eau et du pain. C’est à vous de faire le reste.

Prier la Trinité avec Saint Vincent de Paul

  • Dieu viens à mon aide.
  • Seigneur à notre secours

Gloire au Père au Fils et au Saint Esprit…

 

PREMIERE PARTIE

– Dieu Saint, Dieu Fort, Dieu Immortel,

– Seigneur prends pitié de nous.

– A toi la louange, à Toi la gloire, à Toi la grâce pour les siècles, o Trinité bienheureuse.

– Saint, Saint, Saint,

Le Seigneur Dieu de l’univers. Les cieux et la terre sont remplis de ta gloire.

Gloire au Père au Fils et au Saint Esprit.

Bénie soit la Sainte Trinité, Qui crée et gouverne l’univers, Dans les siècles sans fin.

– Gloire à toi, o Sainte Trinité, Toi qui nous donne miséricorde et rédemption.

Des conférences de s. Vincent aux missionnaires

« L’état de la mission est un état d’amour, non seulement parce qu’il porte à suivre la doctrine et les conseils de Jésus Christ, mais aussi parce qu’il fait profession de porter le monde à l’estime et à l’amour de Notre Seigneur. Quels avantages en découlent ? Si nous aimons Notre Seigneur, nous serons aimés de son Père, ce qui équivaut à dire que le Père nous aimera, et ceci deux manières : premièrement, il aura compassion de nous comme le père de la parabole du fils prodige ; deuxièmement, il nous comblera de ses dons surnaturels que sont, la foi, l’espérance, la charité, par l’effusion de l’Esprit Saint qui habitera nos âmes, comme il l’a donné aujourd’hui aux apôtres, les rendant capables d’accomplir les merveilles que raconte l’Ecriture à leur sujet ».

– Dieu Saint, Dieu Fort, Dieu Immortel,

– Prends pitié de nous.

– A Toi louange, à Toi la gloire, à Toi la grâce dans siècles, O Trinité bienheureuse.

– Saint, Saint, Saint, Le Seigneur Dieu de l’univers.

Les Cieux et la terre sont remplis de ta gloire.

 

DEUXIEME PARTIE

– Dieu Saint, Dieu Fort, Dieu Immortel,

– Prends pitié de nous.

– A Toi louange, à Toi la gloire,

-Toi la grâce dans les siècles, O Trinité bienheureuse.

– Saint, Saint, Saint, Le Seigneur Dieu de l’univers. Les cieux et la terre sont remplis de ta gloire.

Gloire au Père et au Fils et au Saint Esprit.

– Bénie soit la Saint Trinité qui crée et gouverne l’univers, dans les siècles sans fin.

– Gloire à toi, o Sainte Trinité, Tu nous donnes miséricorde et rédemption.

Des conférences de s. Vincent aux missionnaires 

« Le second avantage qu’i y a à aimer Notre Seigneur consiste en la communication du Père, du Fils, de l’Esprit Saint aux âmes de ceux qui l’aiment, cela advient : 1° à travers l’illumination de nos pensées ; 2° à travers les motions intérieures que les personnes divines suscitent en nous, nous communiquant leur amour avec des inspirations, avec des sacrements, etc. »

 

TROISIEME PARTIE

– Dieu Saint, Dieu Fort, Dieu Immortel,

– Prends pitié de nous.

– A Toi louange, à Toi la gloire,

A Toi la grâce dans les siècles,O Trinité bienheureuse.

– Saint, Saint, Saint, Le Seigneur Dieu de l’univers. Les cieux et la terre sont remplis de ta gloire.

Gloire au Père et au Fils et au Saint Esprit.

– Bénie soit la Saint Trinité qui crée et gouverne l’univers, dans les siècles sans fin.

Gloire à toi, o Sainte Trinité, Tu nous donnes miséricorde et rédemption.

Des conférences de s. Vincent aux missionnaires

« Le troisième effet de l’amour de Notre Seigneur est que non seulement Dieu le Père aime ces âmes, et que les personnes de la Très Sainte Trinité viennent en elles, mais aussi elles y demeurent. L’âme donc, de celui qui aime Notre Seigneur, devient demeure du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, et le Père y engendre perpétuellement le Fils, le Saint Esprit également y procède sans cesse du Père et du Fils. Il y a des personnes aimées du Père, et en qui les trois Personnes viennent faire leur demeure ; mais elles n’y restent pas, parce que ces personnes ne persévèrent pas dans l’amour de Notre Seigneur s’attiédissent de l’estime de sa Parole et de la vie selon ses conseils et selon les exemples qu’il nous a légués. Peut-être l’avons-nous aimé une année ou deux au début de notre conversion, mais ensuite nous laissé la nature prendre le dessus, de telle sorte que nous vivons de nouveau selon nos propres penchants, etc. » (SV XI, 44s.)  

– Dieu Saint, Dieu Fort, Dieu Immortel,

– Prends pitié de nous.

– A Toi louange, à Toi gloire, à Toi la grâce dans les siècles,O bienheureuse Trinité.

– Saint, Saint, Saint, Le Seigneur Dieu de l’univers. Les cieux et la terre sont remplis de ta gloire.

 

INTRODUCTION

Dans l’Eglise il y a deux traditions théologiques : celle de l’Exode et celle du Deutéronome. La première est une théologie en sortie, une théologie du voyage avec tous les risques que comporte la marche vers l’inconnu. La seconde est une théologie du souvenir, de la mémoire, du déjà fait, de la loi, de la norme.

Dans la première, prédomine la prophétie, le courage, le risque. Les voies se cherchent, on se trompe, mais on est en mouvement. Dans la seconde, tout est loi. On ne risque rien. Ou du moins c’est ce qu’on croit, parce que même la vie sédentaire a ses dangers.

Dans la première tradition théologique la responsabilité de conduire le peuple est confiée à un Moïse libérateur, qui guide un peuple en sortie dans le désert, des espèces enfermés vers la Terre Promise. Dans la seconde prévaut la figure d’un Moïse législateur, faisant des discours exténuants à la limite.

Dans la première tradition théologique l’image de Dieu est un feu et la nuée, et l’image du peuple est le mouvement et la bataille. Dans la seconde tradition théologique tout est ferme, comme pétrifié.

De ces deux traditions théologiques dérivent deux types de pastorale. De la première dérive une pastorale pneumatique, sous la conduite de l’Esprit Saint, avec un contenu progressif, qui met au centre la personne avec ses fragilités, mais qui est inventive, et aussi risquée. De la seconde théologie découle une pastorale institutionnalisée, sous le contrôle du Droit canonique qui, insinuant la peur, freine l’élan de créativité et d’inventivité, cette deuxième forme de pastorale est pauvre en imagination et en courage.

Il en est de même pour notre vie de communauté et de mission qui est animée de ces deux mouvements ou tendances théologiques. Il y a eu une phase prophétique et une phase institutionnelle, une phase de sortie et une phase de défense ; une phase de créativité et une phase de stabilisation des dispositions codifiées ; une phase durant laquelle on se préoccupait de mesurer la longueur de l’habit conformément aux exigences de l’époque, et une phase d’abandon total de l’habit clérical ; une phase de forte présence de jeunes confrères et peu d’anciens, alors qu’aujourd’hui nous savons tous que c’est le contraire. Il y a eu temps où nous devrions construire des communautés et structures de formation et de mission pour les jeunes, et un temps où il nous faut fermer, vendre, mettre en location. Ce qui se passe est déjà advenu et adviendra encore :

« il y a un temps pour tout,

Et chaque évènement a son temps sous le soleil.

Il y a un temps pour naître et un temps pour mourir,

Un temps pour planter et un temps pour déraciner ce qui a été planté » (Qo 3, 1-2).

 

Voulez-vous partir vous aussi ?

C’est une question que Jésus a posé à ses disciples à un moment critique que nous rapporte Jn 6, 68. Il leur a fait comprendre, à travers cette question, la fragilité extrême qu’ils avaient à affronter. Bientôt ils verront le Fils de l’homme élevé, glorifié, c’est-à-dire crucifié et tué.

C’est la même question que Jésus nous pose aujourd’hui. Accepter la croix et, abandonnant plusieurs sécurités du passé, se résoudre à sortir et marcher vers l’inconnu à la recherche des personnes à servir ou à sortir du désert des tranchées les plus profondes du rejet et de la solitude, pour relire nos règles, se souvenir des vieilles histoires et puis y mourir ?

 

Ou partir ou mourir ?

Nous sommes à un tournant. Nous avons un Pape argentin et jésuite qui s’appelle François et qui parle comme Vincent. Je ne crois pas qu’avec le nouveau pontificat d’un homme « venu d’un autre monde », nous retournons à cette Eglise des somptueuses vêtures balayant le sol et trainant le plus long possible, et des sièges et chapeaux de plus de 12 mètres parfois.

Le premier nom donné aux disciples de Jésus était les « disciples de la voie » (Ac 9, 2). Nous des hommes du chemin, des hommes en chemin. Notre vocation est de construire des chemins, redresser les sentiers, ouvrir les horizons. Comme le fît Jean Baptiste.

Seules mission et charité changeront l’Eglise.

PRIERE

Il est nécessaire en fait que ce corps corruptible se revête d’incorruptibilité et que ce corps mortel se revête d’immortalité. Et quand alors ce corps corruptible se sera revêtu d’incorruptibilité et ce corps mortel d’immortalité, s’accomplira la parole de l’Ecriture : La mort a été engloutie dans la vie. Ô Mort, où est donc ta victoire ? Ô Mort, où est ton dard venimeux ? Le dard de la mort c’est le péché et la force du péché c’est la Loi.

Que toute gloire soit rendue à Dieu, qui nous donne la victoire par la mort de notre Seigneur Jésus Christ ! En raison de cela, mes frères bien aimés, restez fermes et inébranlables, progressant chaque jour dans l’œuvre du Seigneur, convaincus de ce que votre peine n’est pas vaine dans le Seigneur. (1Co 15, 53-58)

 

 

Premier Jour

LES CONVERSIONS DE SAINT VINCENT ET LES NOTRES

Evangelizare pauperibus

Jésus retourna en Galilée, avec la puissance de l’Esprit Saint, et une rumeur se répandit par toute la région à son sujet. Il enseignait dans leurs synagogues, glorifié par tous. Il vint à Nazareth où il avait été élevé, entra dans la synagogue, et se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe et, déroulant le livre, il trouva le passage où il était écrit : l’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres ; il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugle le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur. Il replia le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous dans la synagogue tenaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Ecriture ». (Lc 4, 14-18)

Jésus n’était pas un homme du désert. Il vint au milieu des siens, il a vécu avec les siens et mourut pour eux cf Jn 1, 14). Revenu en Judée, il reçut le baptême dans les eaux du Jourdain, ce qui correspondait au passage de la mer rouge, pour refaire la route du désert. Et là il fut tenté. Le Diable lui présenta tout ce à quoi aspire l’homme : le pain, les prodiges et le pouvoir. Puis il retourna à Nazareth, où le dessein du Dieu de l’Incarnation se révéla avec Marie. Jésus, dans la synagogue le jour du sabbat, manifesta le dessein de la Rédemption comme libération. Il annonça publiquement la « joyeuse nouvelle ». Il commença l’évangélisation.

Vincent avait perçu que les deux rencontres de 1617 n’étaient pas le fait du hasard. Il avait compris que les deux évènements de Folleville et Châtillon étaient sa Mission.

 

Les années perdues

Saint Vincent n’était pas né saint. Il avait des assises humaines saines : il était pétri de bonnes habitudes et vertus paysannes, il était bien en lui-même, il avait de bons rapports avec les femmes, il connaissait la valeur du travail et de l’argent. Même s’il n’était pas humble de nature en raison de son origine Gascogne, il était prudent et avisé.

Cependant dans la lettre adressée à sa mère le 17 février 1610, il lui parlait d’avancement et de désastres. Ajoutant qu’il rêvait d’une « honnête retraite pour employer le reste de mes jours auprès de vous » (I, 18).

Donc la première décennie de son sacerdoce étaient en fait des années perdues, puisqu’il pensait à se retirer. Mais celles-ci ont été en fait les années de semence sous la neige.

 

Les conversions 

Je parle de conversions au pluriel parce que le mot métanoia m’inspire le mouvement de l’hélice de l’avion qui en tournant maintient l’avion en l’air. Ainsi donc la conversion n’est pas le fait d’un moment, mais c’est quelque chose qui s’approfondi et qui nous change graduellement. Saint Athanase dans sa biographie de Saint Antoine, fondateur du monachisme, nous le montre à travers ses conversions multiples : il renonça premièrement à ses biens et sa maison, puis à ses tombes, puis il se retira au désert, ensuite il quitta le désert pour combattre l’arianisme et enfin il abandonna la vie. Il changea plusieurs fois. Et finit par se convertir.

Les années entre 1610 et l’année 1617 sont les années durant lesquelles Dieu préparait à Vincent une sorte de piège. Ce piège ne l’a pas loupé au passage. Il s’est laissé prendre par le Seigneur. Il a reçu l’Eglise, il a redécouvert le sacerdoce non comme « privilège et prestige » mais comme « office et service ». (Clichy). A la différence de certains saints, il n’a pas été question de visions mystiques pour lui, il n’en a pas eu besoin. Comme Descartes, Newton, Galilée, Pascal et bien d’autres, il valorisa l’expérience et il su interpréter les deux expériences comme appels de Dieu. Il comprit qu’il était appelé à répondre à la double pauvreté de la Parole et du Pain. A Folleville et à Châtillon il reçut le don du charisme : la Mission et la Charité. Quand, « sans que personne ne l’eût pensé… » il fut à la tête d’une grande famille bien articulée, il dû se convertir à une paternité plus large, à une vision stratégique et à de nouvelles responsabilités, surtout celles qui engageaient la vie des personnes.

Impliqué et engagé en politique, il dû choisir entre engagement pour la paix et soumission à la volonté du gouvernement. Engagé envers l’Eglise, plutôt que de rester en France comme ce fût le cas des autres congrégations de l’Ecole française de Spiritualité par exemple, il sortit vers le monde et les pauvres du monde.

Engagé comme fondateur, il ne se laissa pas capturer par les sirènes de « l’invasion mystique » (Bremond).

A la mystique abstraite Vincent préféra la mystique des pauvres ; à la théologie métaphysique, il préféra la théologie de la charité, au rêve d’une vie cloîtrée comme à la chartreuse il préféra la réalité de la vie des serviteurs de l’évangile dans les missions.

Une des portes de la Cité de Dieu était fermée : celle qui empêchait aux femmes de servir les pauvres. Il ne la défonça pas, il la contourna. Il se convertit avec eux et pour eux.

A chaque phase de sa vie quelque chose changea en lui. Il changea en lui, et il nous change.

 

Nos conversions à nous 

Le missionnaire de ma génération (1954-1963 ; puis l’université) devait tout savoir. Nous devions avoir toutes les réponses aux questions de la vie. L’existence de Dieu était comme le théorème de Pythagore : mathématiquement démontrable. Que Jésus ait marché sur les eaux (sans se mouiller les pieds) prouvait sa divinité. Le Suaire de Turin prouvait la résurrection. L’Eglise est Une (les protestants sont divisés), Sainte (seuls nous avons les saints), Catholique (le nom le dit suffisamment) et Apostolique (c’est nous qui avons la succession apostolique). Il y a sept sacrements. Et tous les communistes vont en enfer. Nous avions, au sujet de tout, une machine infaillible qui fabriquait des réponses : le syllogisme.

Voici quel était le climat de cette époque : durant une mission, les missionnaires furent priés d’aller dans une paroisse voisine, parce que les habitants de cette paroisse qui étaient en désaccord avec l’évêque voulaient se faire protestants. Notre supérieur y envoya le confrère le moins cultivé. Il y eu un débat avec un pasteur protestant. Notre confrère cita « tu es Pierre ». Le protestant répliqua « c’est apocryphe». Et notre confrère répondit « c’est apocryphe, mais cela est ! » les gens applaudirent. Le confrère avait gagné le débat ! il n’était pas très intelligent mais il était rusé, génial.

Et puis vint le Concile. La Congrégation de la Mission teint une assemblée générale pour remplacer les prières du soir par les complies. Et puis arriva le clergyman. Les Visiteurs étaient désormais élus et non plus simplement nommés par Paris. Il y eut la rédaction de magnifiques Constitutions. Mais seulement sur papier. Au point où l’édifice commença à vaciller. Plusieurs confrères nous abandonnèrent. La petite méthode nous semblait une bicyclette avec des pneus dégonflés. On ne se rendait plus nulle part pour la mission. Les séminaires se vidèrent. Et d’années en années les gens de ma génération restaient toujours considérés comme « les jeunes confrères », juste parce qu’il n’y avait plus de nouvelles entrées des jeunes pour nous remplacer.

C’est alors que je compris que je devais me convertir. Il devenait clair pour moi que les réponses n’étaient pas importantes mais plutôt les questions. Comment Dieu a-t-il nourri son peuple dans le désert ? Avec la manne. Une nourriture-question (man hu : Is 16, 13-15). Les premières paroles de Jésus dans l’évangile de Jean sont : « Que cherchez-vous ? » (Jn 1, 38).

Les premières paroles que le Ressuscité adressa à Marie Madeleine sont : « Qui cherches-tu ? » (Jn 20, 15).

Comme les disciples cherchaient d’abord quelque chose et puis quelqu’un, moi aussi j’ai compris que je cherchais d’abord le sacerdoce, être un professeur qualifié, être capables de dire des choses intéressantes, mais pas Jésus Christ.

Dieu ne nous parle pas avec des réponses, mais avec des questions. Dans la Bible il y a dix commandements et par ailleurs près de 200 questions de Jésus. Après le Concile Vatican I un prêtre anglais s’attendait chaque jour à trouver, à côté de la tasse bouillante de thé, du pudding, bacon et egg, le journal avec « notre dogme quotidien». Heureusement que de 1870 à nos jours un seul dogme a été proclamé : celui de l’Assomption.

Si Dieu nous nourrit par des questions ne pouvons-nous pas nous aussi nous aujourd’hui, toutes les fois que nous prêchons, nous poser cette question : « M’aimes-tu plus que tous ceux-ci ? » (Jn 21, 15-19).

 

Les obélisques romains

A Rome il y a beaucoup d’obélisques. Ils viennent de l’Egypte et ont été amenés là par les anciens romains pour signifier que le pouvoir de l’empereur ne finirait jamais. Pour le transport de l’obélisque de la Place Saint Pierre fut conçu un bateau spécial rempli de lentilles. Sixte V n’avait pas lu les Contes de ma mère l’Oye de Charles Perrault, avec le Petit Poucet. Il avait eu une idée pareille. Il a érigé des obélisques sur toutes les places principales de la vielle comme une sorte de chaîne qui devait conduire à Saint Pierre, comme avait fait le Petit Poucet avec ses tchèques.

Les questions sont les petites graines du Petit Poucet ou les obélisques de Rome. Donc plus de simples questions, elles sont des chemins.

Le premier sentier est la question sur Dieu. Depuis ma tendre enfance l’image maçonnique du triangle et la mention « Dieu te voit » ne me plaisait pas. Ils l’utilisaient dans les affiches électorales : « Dieu te voit, Staline non ! »

On transmettait à cette époque l’idée d’un Dieu qui récompense les bons et envoient les mauvais périr en enfer. L’Esprit Saint était complètement absent des spéculations sur la question de Dieu. Dans notre formation de jeunesse on nous rappelait les paroles du salésien saint Dominique Savio : « la mort mais pas les péchés ». Par après, en découvrant mes faiblesses à moi, j’ai découvert le Christ faible, « dernier des derniers » (Charles de Foucault), « en agonie jusqu’à la fin du monde » (Pascal), « une vermine et plus un homme » (Isaïe), abandonné sur la croix, qui implore l’assistance du Père et des hommes. Plus qu’à travers les manuels de moral (nous étions aux premiers instants de Häring), qui semblaient des tables de logarithmes, j’ai appris à confesser grâce à un jeune garçon handicapé : Michelino. Il ne parlait pas, il ne bougeait pas, mais il communiquait avec les yeux et les doigts de la main. Quand j’arrivai au centre pour handicapés, l’infirmière qui le suivait disait : « le Père Luigi arrive et tu dois te confesser ». Je revois encore ces yeux-là ! Je sais qu’ils regardent et contemplent à présent Dieu.

Mais alors ces yeux m’ont conduit à comprendre que le péché plus qu’une offense à Dieu (Dieu ne s’offense pas), est un refus à l’amour. Tout à fait différent de ce qu’on enseignait au séminaire. Un jeudi saint à la messe à la cathédrale notre évêque parla de la nécessité d’exiger la confession des péchés en genre, espèce et nombre. Je me souviens que le jour de mon examen de juridiction à Rome nous avons été admis 3 sur 13. Relisant le passage de la femme adultère (Jn 8, 1-11) j’ai compris que même Jésus, s’il se présentait à notre époque pour passer cet examen de juridiction, n’aurait pas été admis. Il n’a pas demandé à la dame : « combien de fois as-tu fait cela ? »

Pour qui sonne la cloche ?

A Sainte Marie Majeure, tous les soirs à 21h une cloche sonne. Autrefois la cloche sonnait pour indiquer le chemin vers la Ville Eternelle à ceux qui arrivaient de nuit et ne pouvaient voir la ville dans l’obscurité. Nous avons surnommé cette cloche : « la Perdue », parce qu’elle avait sonné pour la première fois quand un enfant s’était égaré.

Que c’est beau de savoir que les cloches d’une église servent à indiquer le chemin qui sauve. Admettre à la communion oui ou non ? C’est une discussion récente et même actuelle pour savoir si un divorcé remarié peut communier. Je me trouvais à Lourdes avec les handicapés. C’était dans les années soixante-dix. Une maman me dît : demain mon enfant fera sa première communion. Mais je suis une divorcée. Je me suis dit : mais que dira cet enfant ? Il pourra poser trois questions : 1) Si elle ne communie pas, est-ce parce qu’elle a commis un péché grave ? 2) Si elle ne communie pas, est-ce parce je suis méchant. 3) Si elle ne communie pas, est-ce parce que Dieu est méchant. Les possibles interrogations de cet enfant m’ont fait refléchir.

Devenons-nous être pasteurs ou percuteurs ? Remarquez que c’est une expression du Concile de Trente, qui affirmait que : Salus animarum suprema ratio. Pourrait-on penser que l’examen des questions morales de la famille ait été confié aux professeurs des universités pontificales ? Pour certaines personnes divorcées la communion eucharistique est l’occasion de s’auto absoudre pourrait-on dire. Mais pour tous ? Quel péché ont-ils commis si la vie avec ses erreurs les a secoué dans un sens comme dans l’autre ?

Dans l’Eglise Saint Augustin à Rome il y a un beau tableau de Caravaggio qui présente deux pauvres qui se rendent en pèlerinage à Lorette. Et subitement à l’improviste apparait la Madone avec Jésus dans ses bras. Les Monsignori de cette époque n’étaient pas du tout contents : les pèlerins avaient des pieds sales ! Quel manque de respect !! Mais Marie est venue à la rencontre des pauvres ou des monsignori ?

Combien de fois avons-nous dû nous convertir dans l’Eglise !! J’ai connu l’Eglise de Pie XII, de Jean XXIII, de Paul VI, de Jean Paul II, de Benoît XVI et maintenant de François. J’ai entendu et entends encore des critiques féroces. Un religieux me disait : Paul VI ne croit pas en Dieu. Aujourd’hui sur le net on peut lire : le Pape François est hérétique. Nous sommes passés par le Concile, la crise postconciliaire, Humanae vitae, la chute du communisme, la crise de la pédophilie, pour finalement nous entendre dire d’ouvrir les portes et que l’Eglise est « en sortie », qu’on peut discerner, qu’au centre de tout le déploiement ecclésial ne se trouve plus la Loi mais la Grâce.

J’étais sur la place Saint Pierre lors de l’élection du Pape Benoît XVI. J’étai déçu. Je dît : Obéissance et paix (le mot de Jean XXIII et du card. Baronio). Plusieurs fois je me suis senti en désaccord avec certains choix. Mais par la suite j’ai eu à répondre en disant : qui conduit l’Eglise ? Obéir ne veut pas dire fermer les yeux, mais plutôt ouvrir le cœur pour mieux accueillir les nouveautés que le Seigneur nous envoie. Les temps des semences ne sont pas les temps des épis.

Laisser Dieu pour Dieu

C’est une phrase de Saint Vincent qui justifie dans certains cas la considération d’un acte de charité comme étant une véritable prière. Recourir à ce principe reste tout de même délicat. Ne pas prier et agir, on risque finalement d’agir sans prier. Nous devons d’ailleurs aussi nous reconvertir même pour ce qui est de la prière. La prière de la CM était composée de « pratiques » traditionnelles faites en commun. La tendance ou le mode était ascétique. Nous n’avons pas été éduquées à la prière mystique.

Je crois que la reconversion devrait nous convaincre à organiser autrement notre prière. Quand j’ai donc commencé à fréquenter les gens qui vivent sous les ponts à Rome, quand j’ai connu les histoires des femmes victimes de féminicide, ma prière est devenue moins cléricale. J’ai senti la prière-drame, la prière-pourquoi ? Dans la prière je suis disputé avec Dieu. J’ai compris que Dieu n’est pas celui qui manipule les marionnettes, car la douleur a pénétré au plus profond du cœur de la Trinité. J’ai compris la christologie de Saint Vincent, une christologie qui n’est pas celle étudiée dans les livres de la Sorbonne, mais portée par l’odeur des pauvres, de la puanteur de mort respirée dans les cellules des pestiférés. On étudie cette christologie dans les larmes, on ne connait ce Christ que quand on pleure. Ce n’est pas par hasard qu’il y avait une prière pour obtenir le don des larmes. A côté de mon Eglise, Saint Robert Bellarmin a écrit un traité sur le don des larmes.

La prière du missionnaire devrait aller bien au-delà des deux heures. Il faut donner plus de temps à la célébration eucharistique, à la liturgie des heures, à la Lectio divina et l’adoration eucharistique. Le rosaire a beaucoup contribué à m’introduire à la prière mystique. Durant sa visite à Nazareth, Paul VI a qualifié la maison de Nazareth « d’école de l’évangile ». En elle, « apprenons la méthode qui nous permettra de connaître qui est le Christ. […] Ici, dans cette école, nous comprenons certainement pourquoi nous devons tenir une discipline spirituelle, […]. Elle enseigne le silence. S’il renaissait en nous l’amour du silence, atmosphère admirable et indispensable au déploiement de l’esprit : cependant nous sommes étourdis par tant de bruits, de vacarme et de voix retentissantes dans cette vie agitée et tumultueuse du temps qui est le nôtre. Oh ! Silence de Nazareth, enseignes nous à être fermes dans les bonnes pensées, attentifs à la vie intérieure, prompts à écouter les secrètes inspirations de Dieu et les exhortations des vais maîtres. Enseigne-nous combien importants et nécessaires sont, les travaux de préparation, l’étude, la méditation, la vie intérieure, la prière, que Dieu seul voit dans le secret »

Continuer la Mission

En 1658, Saint Vincent, présentant les Regulae seu Constitutiones communes, a écrit que nous sommes des hommes appelés « à continuer la mission même du Christ ». C’est ça la communauté. La CM n’est pas la somme des nous. La CM n’est pas que nous. La CM est plus grande que nous, elle est plus que nous. La CM c’est Jésus Christ et nous avec. Notre objectif n’est pas de faire les missions, mais continuer LA MISSION de Jésus Christ. C’est pourquoi notre devoir ne consiste pas en défendre des communautés ou protéger des maisons, mais être remplis de l’Esprit et suivre ses traces qui nous conduiront inévitablement sur les siens et nos Calvaires.

PRÈRE

Il faut, en effet, que cet être corruptible revête l’incorruptibilité, que cet être mortel revête l’immortalité. Quand donc cet être corruptible aura revêtu l’incorruptibilité et que cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira la parole qui est écrite : la mort a été engloutie dans la victoire. Où est-elle, ô mort, ta victoire ? Où est-il, ô mort ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort, c’est le péché, et la force du péché c’est la Loi. Mais grâces soient à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ ! Ainsi donc, mes frères bien-aimés, montrez-vous fermes, inébranlables, toujours en progrès dans l’œuvre du Seigneur, sachant que votre labeur n’est pas vain dans le Seigneur. (1Co 15, 53-58).

 

Luigi MEZZADRI, CM 🔸

Voulez-vous partir vous aussi ? C’est la même question que Jésus nous pose aujourd’hui. Accepter la croix et, abandonnant plusieurs sécurités du passé, se résoudre à sortir et marcher vers l’inconnu à la recherche des personnes à servir ou à sortir du désert des tranchées les plus profondes du rejet et de la solitude, pour relire nos règles, se souvenir des vieilles histoires et puis y mourir ?

Traduction :

P. Emmanuel Patrick Issomo Mama CM

Lendemains de Fêtes

Lendemains de Fêtes

Depuis les prémices de l’année des « 400 ans », je note une efflorescence d’études, de recherches, de textes divers et internationaux. D’aucuns répètent, d’autres innovent. Mais je suis interrogé par la réflexion d’un confrère : « Après les célébrations conclues que restera-t-il de tout cela ? ». Lui, doute de quelque résultat. A-t-il raison de se projeter ainsi et nous avec lui ? Permettez-moi d’interroger Monsieur Vincent dans les deux pages requises de l’auteur par la commission qui gère C’Mission

Je regarde sa ténacité : de son vivant, Folleville impulse quelques 840 missions sur Paris et ses alentours tandis que, par les autres maisons, les missionnaires[1] touchent environ un tiers du territoire français. Il va répétant pour se tenir sur la défensive identitaire : « notre principal est l’instruction du peuple de la campagne » (IV, 42). Les charités sont systématiques et clôturent chaque mission ; elles sont d’autant jusqu’à la mort du fondateur et ne peuvent être recensées avec précision. Mais il y a les à-côtés : les exercices spirituels ouverts à tous et c’est là une originalité, soit pour le seul saint Lazare 700 ou 800 à personnes par an (Soit 20.000 entre 1634 et 1660). J’aime relire sous la plume avertie de J-M Roman, les œuvres mal connues : les prédications aux soldats, l’aumônerie des galériens, les interventions ponctuelles efficaces dans les régions dévastées et les œuvres conséquentes, telles que les enfants trouvés, les mendiants, le prisonniers, les esclaves, les malades, les aliénés, les orphelins, les inondés, les paysans déplacés, les religieux et religieuses déplacés, les prêtres appauvris, les exilés etc. Ténacité aussi dans la formation des prêtres en contribuant à l’ouverture de séminaires dans un contexte très favorable (Olier et st Sulpice (voyez l’exposition en cours dans l’église), Bérulle et l’Oratoire, Jean Eudes et des évêques sensibles à ce problème) quelques 400 prêtres par an, sortent des séminaires vincentiens. Les conférences des mardis prolongent cette institution et assurent la permanence de la formation initiale.

Ténacité enfin du côté de Châtillon avec les confréries, et l’élan caritatif donné à partir de cette source perpétuelle ; les dames de condition s’associent de la même manière une fois Vincent à Paris : elles découvrent la personne du pauvre et du même coup se sanctifient. Bloquées par leur rang et leurs obligations mondaines, elles passent la main à leurs servantes dont certaines vont se regrouper en compagnie des Filles de la charité sous la houlette de ste Louise de Marillac et de l’exemplaire Marguerite Naseau. Et suivront aussi toute l’animation spirituelle et des œuvres charitables propres à leur génie féminin.

Ténacité des propos aussi : un principe l’anime : « tenir bon ». Par exemple cultiver les fruits acquis et semer ailleurs comme il le dit à propos de l’expansion de l’Eglise : « Vous voyez que les conquérants laissent une partie de leurs troupes pour garder ce qu’ils possèdent, et envoient l’autre pour acquérir de nouvelles places et étendre leur empire. C’est ainsi que nous devons faire : maintenir ici courageusement les possessions de l’Église et les intérêts de Jésus-Christ, et avec cela travailler sans cesse à lui faire de nouvelles conquêtes et à le faire reconnaître par les peuples les plus éloignés » (septembre 1656 aux missionnaires sur l’Eglise-XI, 355). Il applique à l’activité missionnaire ce qui est une clé de base pour l’avancement spirituel : « il faut grâce pour commencer ; il en faut encore pour persévérer jusqu’à la fin » (I, 356). Ainsi de la Bonne Nouvelle, ainsi de l’activité caritative : il faut l’aide divine pour continuer, sinon le fruit tourne vite à l’aigre.

Que nous reste-t-il à faire ? Tout. L’histoire et sa célébration sont des sortes de tremplins pour mieux rebondir. Beaucoup est à inventer pour aujourd’hui sur le plan de l’Annonce de l’Evangile : initiation, problématique du langage, décalages de toujours entre la pensée théologique et la vie compliquée de beaucoup, méconnaissance de Dieu, de Jésus-Christ, de l’Evangile et surtout d’une Eglise trop sophistiquée et hyper structurée; accompagnement des personnes ; aides des réseaux de contact et de vie ; rassemblements de la vie cultuelle : apprentissage et pratique sacramentelle. Que faire de solide et de vérifiable qui soit ajusté, dans ce pays qui vit naitre st Vincent, il y plus de 400 ans ? Et au plan caritatif ? On vient de parler de changement systémique. Est-ce acquis et suffisant ? En Europe, l’heure serait à « l’entreprise bienveillante » me souffle un homme d’affaire avisé de sensibilité chrétienne, c’est-à-dire donner à la personne que nous rencontrons, ses meilleures chances en lui permettant d’exprimer ce qu’elle porte de meilleur en elle. Cela demande de notre part beaucoup d’attention, de complicité, de délicatesse, d’écoute, de proximité, de savoir-faire pour comprendre et aimer et pour aimer en comprenant. Voilà une attitude vincentienne par excellence

Une chose me titille : j’ai vu ce vaste rassemblement romain appelé « symposium ». Une réussite et un chiffre impressionnant de 11.000 participants, sources romaines ! J’ai entendu des paroles stimulantes pour l’ensemble de la famille vincentienne, nouvelle réalité aux expressions les plus variées, soit modestes, soit fort actives. L’ardeur manifestée, l’enthousiasme collectif, la fascination du nombre enjolivent l’avenir. Bravo aux organisateurs et merci aux participants !

Mais je ne cache pas que je rejette tout amalgame. Si tout se retrouvait dans un vaste ensemble incolore et activé par des principes généraux, le dommage pourrait être considérable. Chaque partie de la famille doit garder ses caractéristiques propres. Un exemple : trois vertus de service pour les filles de la charité, cinq vertus apostoliques pour les confrères de la Mission et non une mixture indifférenciée offerte à tous. St Paul nous inspire : nous sommes un corps et chaque membre apporte sa spécificité, son utilité et sa place irremplaçable pour que l’ensemble vive en harmonie. Chaque groupe est unique en soi et étroitement solidaire. Pour une vraie synergie, il convient de cultiver nos différences réciproques. Ne tombons pas dans la tentation facile d’un conglomérat mais décidons de vivre distincts et complémentaires. La volonté authentifie le désir d’agir ensemble. La richesse ne peut venir que de chaque esprit d’origine. Le seul argument fructueux est issu du charisme de st Vincent, lié à sa personne, à son histoire, aux raisons qui l’ont conduit à donner telles réponses à tels besoins, de telle manière par telle fondation. De cette entreprise naît l’esprit vincentien qui demande toujours actualisation et fécondité pour le monde présent. Pour que vive l’authenticité de l’ensemble, que soit vive et généreuse l’esprit et l’action de chaque branche.

Et provocation possible encore : pourquoi pas de nouvelles créations ? Le prédicateur de la retraite d’Ars, Luigi Mezzadri, jamais assez remercié,  a donné beaucoup à penser ; il faudra en reparler….

Jean-Pierre RENOUARD, CM 🔸

Que nous reste-t-il à faire ? Tout. L’histoire et sa célébration sont des sortes de tremplins pour mieux rebondir.

Notes :

[1] Mezzadri-Roman, Histoire de la Congrégation de la Mission Tome I, DDB, 1994.