La Mission. Sortir vers les horizons de Dieu. Retraite spirituelle à Ars. Province de France (22-27 Octobre 2017) Cinquième Jour

La Mission. Sortir vers les horizons de Dieu.

Retraite spirituelle à Ars. Province de France (22-27 Octobre 2017) Quatrième Jour

La retraite est un parcours dans le désert. Mon rôle est de vous guider. J’ai cherché à m’inspirer de plusieurs figures bibliques. La première qui m’est venue à l’esprit est celle de Moïse, qui transmit au peuple la Loi. C’est un modèle très exigeant. Un autre guide est le démon. C’est vraiment de la racaille comme modèle pourrait-on dire dans une certaine façon peu commode de parler. La troisième figure est la personne qui dans le désert apporte au prophète Elie du pain et de l’eau, mais ensuite se retire, afin de permettre à Elie de monter tout seul sur la Montagne de Dieu. Moi je ne vous donnerai pas grand-chose, mais seulement de l’eau et du pain. C’est à vous de faire le reste.

Cinquième jour

Chartreux ou apôtres ?

 

« Un vent qui ne laisse pas reposer la poussière »

Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » Tous lui rendaient témoignage et s’étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche. Ils se disaient : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ? » Mais il leur dit : « Sûrement vous allez me citer le dicton : “Médecin, guéris-toi toi-même”, et me dire : “Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm ; fais donc de même ici dans ton lieu d’origine !” » (Lc 4,21-23)

La première réaction des personnes présentes dans la synagogue était d’abord l’étonnement. Elles venaient d’entendre des paroles jamais dites ou prononcées par quelqu’un auparavant. David Maria Turoldo les appelle « Un vent qui ne laisse pas dormir la poussière ». Plusieurs fois les paroles de Saint Vincent, et plus encore les nôtres, ont été des paroles en l’air, des paroles de poussière, des paroles de rêves, justes des paroles en fait. Mais à Folleville et à Châtillon, il n’en fut ainsi.

A Nazareth, devant le premier étonnement des gens, s’est constitué un front des « bien penseurs ». Si les paroles du fils du charpentier étaient donc vraies, alors s’effondraient tout ce en quoi les gens avaient cru jusque-là. Ils avaient compris, ces « bons penseurs », que Jésus les accusait de s’être trompés sur Dieu. Pouvait-on accepter et croire en un Dieu sans Temple et sans terre, qui guérit les lépreux et qui habite la douleur des gens ? En plus, il prétendait accomplir et parfaire la Loi, indiquant qu’il ne suffisait pas de l’observer, mais qu’il était nécessaire de se libérer de la pauvreté de la malédiction, briser les chaînes des prisonniers, ouvrir les yeux des aveugles et relever l’homme opprimé, sans aucun profit pour soi, ce qui était trop pour ces interlocuteurs. Et pour cela, ils le conduisirent au sommet de la montagne pour le jeter dans le ravin.

Cela arrive très souvent sinon toujours. Nous voulons un Dieu distributeur des faveurs comme un bancomat, et non Celui qui prétend changer nos cœurs. Dieu doit-il punir les méchants et récompenser les bons, comme le demandait le pharisien du temple dans la parabole de Lc 18, 9-14 ? Dieu doit-il combattre en leur faveur, comme le prétendaient les protagonistes des guerres de religion, mais ne surtout pas inviter les évêques à renoncer à leurs privilèges ? Faut-il que les pauvres soient contents, sans exiger que les biens de l’Eglise soient considérés comme le sang des pauvres ? Faut-il dire maintenant qu’il est important d’abord, de défendre les 99 brebis et s’il y a du temps et de la disponibilité personnelle, aller à la recherche de la brebis perdue ? C’est-à-dire tout le contraire de l’évangile ?

Missionnaires de la Miséricorde

Le Pape François a dit que « l’évangélisation devrait utiliser le langage de la miséricorde, fait de gestes et attitudes concrètes, avant tout genre de paroles ». et il faut « aller vers les autres », dialoguant avec tous. « Dans notre temps se vérifie plutôt une culture de l’indifférence vis-à-vis de la foi », dit le Pape François aux chrétiens ; ainsi donc, par le témoignage de leur vie, ils sont appelés à susciter un questionnement chez ceux qui les voient vivre et qu’ils rencontrent : « pourquoi vivent-ils comme ça ? Qu’est ce qui les motive ? ». « Ce dont nous avons le plus besoin, spécialement en ces temps qui sont les nôtres, c’est les témoins crédibles qui rendent l’évangile visible par leur vie et leurs paroles, réveillant le désir de Jésus Christ chez les autres ».

Nous missionnaires, sommes nés d’une confession. Nous sommes nés pour témoigner de la miséricorde, non pour être gardiens de l’éthique.

Paul écrivait aux corinthiens : « Malheur à moi si je n’annonce l’évangile » (1Co 9, 16). Evangéliser pour Paul était une nécessité. Raison pour laquelle il était toujours en chemin, sur les routes ; pas sur les sentiers battus, mais à la recherche de nouvelles voies, allant au-delà des frontières et se dépassant toujours lui-même. Il y avait toujours une parole qui suscitait et provoquait sa motivation : « n’enchaine pas » (2Tm 2, 9), et il annonçait avec franchise et de façon intempestive la Parole (Ac 28, 31).

Notre congrégation est née pour aller dans les rues voir même y mourir : « les missionnaires devraient s’estimer heureux s’ils devenaient pauvres pour avoir pratiquer la charité envers les autres. Il n’y a cependant aucune crainte à le devenir à le devenir par cette voie, à moins qu’ils ne se méfient de la bonté de Notre Seigneur et de la vérité de sa parole. Si jamais Dieu permettait qu’ils fussent réduits à la nécessité d’aller servir comme vicaires dans les villages pour trouver de quoi vivre, ou aussi que l’un d’entre eux fusse contraint de mendier le pain ou se coucher le long d’une haie, tout déchiré et engourdi par le froid, et dans cet état qu’on lui demande :  » Pauvre prêtre de la Mission, qui t’a réduit à un tel état ? », quelle joie, Messieurs, de pouvoir répondre : « C’est la charité ». Combien ce pauvre prêtre serait estimé de Dieu et des anges ! » (XI, 76s).

Par après les choses se sont un peu cimentées. Nous sommes devenus les chapelains des paroisses réelles, les prédicateurs des retraites au clergé de Rome, les dirigeants de prestigieuses universités dans plusieurs endroits du monde. Nous avons peut-être perdu le flair de retrouver les signes de la grâce. Nous avons eu peur des ouvertures audacieuses. L’humilité est devenue une excuse pour ne pas être créatifs. Plutôt que d’annoncer nous avons préféré expliquer, plutôt que de consoler nous avons enseigné, plutôt que proposer la sottise de la croix et la puissance de la résurrection (1Co 1, 18-25) nous avons fait recours aux motifs rationnels. Nous avons fait des prosélytes ou des témoins ?

Temps d’utopie ?

S’adressant aux personnes consacrées le Pape François a prononcé ces paroles touchantes : « Je n’attends pas de vous que vous mainteniez vives les utopies, mais que vous sachiez créer d’autres lieux, où se vit la logique évangélique du don, de la fraternité, de l’accueil de la diversité, de l’amour réciproque » (Lettre Apostolique aux consacrés, Rome le 21 Novembre 2014, II, 2).

L’utopie est l’île qui n’existe pas. Un lieu de fantaisie où on vit de souvenirs. On vénère la sainteté du fondateur, mais sans l’imiter (à une époque on disait que la France conservait le corps de Saint Vincent, l’Italie son vêtement et l’Espagne son esprit). On se souvient de la fraîcheur des origines, mais avec un visage triste. Les communautés qui vivent dans l’utopie sont comme les vieilles actrices qui ont peur d’apparaître en public. Elles portent des lunettes sombres, se roulent une écharpe au cou et font tout pour cacher des visages jadis séduisants mais aujourd’hui fanés.

Un institut de vie consacrée a un rythme de vie lié à la présence du charisme. Plusieurs congrégations sont des Musées, des cimetières. Voulons-nous rajeunir comme de vieilles actrices de cabaret ou voulons-nous « renaître » ?

Les signes du vieillissement, de la maladie et de la proximité de la mort sont :
  • Quand nous sommes tendus, mécontents, arides, acides, incapables de créativité, de tenter des choses nouvelles par peur d’admettre des faillites.
  • Quand nous faisons plus attention au nombre des membres qu’à leur qualité.
  • Quand on fait comme la tortue, qui se renferme dans sa carapace. Nous devenons autoréférentiels. Nous nous souvenons de comment nous étions bons, importants, loués. Aux Visiteurs nous offrons les reliques du fondateur ou des cartes avec les fanions des fondations dans le monde. Nous oublions que notre devoir d’état n’est pas d’annoncer Saint Vincent mais l’évangile.
  • Quand nous nous préoccupons plus de maintenir l’œuvre que la prophétie de l’œuvre.
  • Quand nous citons les paroles des fondateurs, sans accomplir des œuvres et sans chercher à sortir des sécurités de nos territoires, pour nous diriger vers de nouvelles frontières.
  • Quand nous sommes spirituellement anémiés, médiocres, sans passion, sans espérance.
  • Quand la vie spirituelle se limite à souligner des livres, à bâiller de psaumes, à accumuler l’ennui, à prier machinalement, à utiliser les confessions comme crème de protection contre le mal, sans nous enivrer du désir du ciel, sans se revêtir des ailes de l’aigle et voler dans la contemplation.
Le Temps de sortir

Le Pape François parle très souvent de « sortir » («aller»: 15/10/17). La sortie est comme celle de Lazare du sépulcre : « Lazare vient dehors » (Jn 11, 43). On ne sort pas par la volonté des hommes : « c’est l’Esprit qui donne la vie » (Jn 6, 63). Le Pape s’est toujours souvenu de son prédécesseur Benoît XVI qui a dit que « l’Eglise grandit par le témoignage et non par le prosélytisme. Le témoignage qui peut vraiment attirer est celui porté vers le souci des autres. C’est ça le témoignage, le « martyre » de la vie religieuse. Et pour les gens c’est un « signal d’alarme ». Les religieux, par leur vie, disent aux gens :  » qu’est ce qui se passe ? Ces personnes me disent quelque chose ! ces personnes vont au-delà des horizons mondains ! voilà – poursuit le Pape, citant Benoît XVI – la vie religieuse doit permettre la croissance de l’Eglise par la voie de l’attraction ». Dans une homélie à Sainte Marthe il a dit : « quand les gens, les peuples, voient ce témoignage d’humilité, de petitesse, de mansuétude, ils éprouvent le besoin dont parle le prophète Zacharie : « Nous voulons venir avec vous ! » Les gens éprouvent ce besoin devant le témoignage de charité, de cette charité humble, sans prétention, sans condescendance ni suffisance, humble vraiment, une charité qui adore et sert ».

On parle de crise et de coucher du soleil de la vie consacrée. Ce qui pour certains est un prélude de mort, est pour moi une occasion incroyable de reprise. C’est une invitation à renaître, à ressusciter. A sortir.

La vie consacrée est « sortie » seulement si elle est charismatique, c’est-à-dire si elle est conduite par le Saint Esprit.

Les charismes 

A l’époque où j’étudiais la théologie on ne cessait de nous répéter que le temps des charismes était fini avec la mort du dernier apôtre. Cette thèse fût soutenue pendant le Concile Vatican II par le Cardinal Ruffini, qui s’opposait à l’insertion du terme dans la Constitution dogmatique Lumen Gentium. Le Cardinal voulait une Eglise de pierres, sans vie et sans voix. La Constitution dogmatique Lumen Gentium par contre, parle de « conduite » et « sanctification » du peuple de Dieu au moyen des charismes qui peuvent être élargis à tous les membres de l’Eglise, dilatant ainsi l’intervention de l’Esprit et son action (LG 2)

Le mot charisme dérive du grec « charis » qui signifie grâce. Nous savons à présent que le mot Grâce signifie don de l’Esprit qui nous permet de participer, sans aucun mérite de notre part, à la vie divine. Ce don initiale et fondamentale est accompagné de bien d’autres dons, comme ceux de foi, espérance et charité (les vertus théologales) et d’autres dons spirituels qui servent au bien commun de l’Eglise. Par exemple fonder une communauté, initier une œuvre, illuminer une époque par la production d’un livre particulier (Sainte Thérèse de Lisieux et L’histoire d’une âme).

Saint Vincent a eu un charisme, c’est-à-dire a reçu de Dieu le don de « susciter une famille (la famille vincentienne) donnée par Dieu pour le service et l’évangélisation des pauvres ». Il comporte un élément commun, la sequela Christi, et une mission particulière dans l’Eglise, c’est-à-dire le service et l’évangélisation des pauvres.

Le charisme est quelque chose de vivant. Il a eu diverses phases : la phase spontanée (les débuts), la phase normative (celle de l’organisation, des règles, de la création et solidification des structures, réformes conciliaires), la phase du déclin (déclin institutionnel et spirituel). Après cette troisième phase s’est ouvert un carrefour où il fallait choisir : ou la mort ou la reprise (renouvellement).

La phase des débuts est celle durant laquelle le Saint a réuni les premiers missionnaires et les premières sœurs, où il a formé ses disciples ; avec eux il expérimenté la joie de construire quelque chose de nouveau. La seconde phase est née juste après sa mort. De fait les missionnaires se spécialisent dans la prédication. Cependant ils renoncèrent aux hôpitaux et aux œuvres de charité. De ces deux secteurs s’en occupèrent les sœurs. Cette attitude justifiait bien l’image d’une Eglise qui sépare dangereusement Evangile et promotion humaine. Puis en France la Congrégation de la Mission devint importante. Le sac de Saint Lazare (13/08/1789) fut le premier acte de la Révolution.

Les sœurs s’étaient consacrées aux visites à domicile. Puis quand montèrent les grands hôpitaux, les sœurs devinrent moniales. De fait elles perdirent l’agilité des origines et devinrent « religieuses ». Dans ces conditions le missionnaire et la sœur idéals devaient être des personnes posées, prudentes, avec le regard abaissé, observant la règles. Mais qui ne prirent jamais d’initiative. Qui ne firent preuve d’aucune personnalité propre. Comme de simples hommes et femmes de rangs sans véritables leaders ou chefs.

Dans la moitié du XVIIIème siècle, les deux familles étaient en grand déclin. On observait la discipline, mais on ne vivait pas le charisme. D’où la grave crise à l’époque de la Révolution française. Le Père Jean Baptiste Etienne prit en main la double famille et provoqua un réveil salutaire. Il sut donner une forte réponse aux signes des temps qui exigeaient des supérieurs de communautés le charisme de personnes décisives, qui voulaient atteindre des objectifs courageux (et l’ouverture missionnaire fût très importante), il réussit à rénover et raviver le charisme, et provoqua un profond renouvellement dans la prière. A partir du XIXème siècle les sœurs augmentèrent en nombre de façon grandiose. La vocation leur permettait de sortir de leur pays, d’étudier, de voyager. Si une sœur était supérieure ou économe elle pouvait exercer une activité d’entrepreneur. La vocation était une issue de secours, un exode vers la liberté. On formait des personnes libres, capables de décider, avec une forte personnalité (combien de supérieurs dotés de qualités extraordinaires avons-nous connu !). Puis vint la peur. On préférait dans l’éducation et la formation communiquer ou transmettre les comportements. Les personnes devaient être dociles. Sans personnalité. La liberté faisait peur. Le charisme de la charité que Saint Vincent disait « inventive à l’infinie » était désormais prudemment canalisé. On disait qu’il fallait répéter le Saint, ses paroles, mais pas son courage. Le mot d’ordre était de faire ce que Saint Vincent avait fait, mais pas ce qu’il ferait aujourd’hui. C’était plus sûr. Le charisme fût réduit à une exécution répétitive d’une partition déjà éprouvée. La peur était plus présente que l’Esprit.

La phase que nous vivons est comme un redémarrage, une reprise, un nouveau départ. Nous avons renouvelé les structures. Mais le renouvellement des structures présuppose le renouvellement intérieur (un rapport plus profond avec le Seigneur, un nouveau zèle, nouvelle volonté de prier, ouverture de nouvelles œuvres) et le renouvellement communautaire (repenser le vivre ensemble communautaire, capacité de décider, disponibilité à changer). La source de créativité qui semblait avoir tarie s’est réouverte. Peut-on dire que le charisme soit en pleine éclosion et renaissance ?

Comment « sortir » ?

Voir les choses à partir des périphéries. C’est là une des expressions phares du Pape François. « Il ne sert à rien d’être au centre d’une sphère. Pour nous comprendre nous devons voir la réalité de plusieurs points de vue différents ». Citant le Père Arrupe, le Pape dit « qu’un temps de contact réel avec les pauvres est nécessaire. Pour moi cela est vraiment important : il faut connaître la réalité par expérience, consacrer du temps pour aller aux périphéries pour connaître vraiment la réalité et le vécu des gens. S’il n’en n’est pas ainsi, alors on court le risque d’être des idéologistes abstraits ou des fondamentalistes, et cela n’est vraiment pas sain ». Le Pape ajoute : « celui qui travaille avec les jeunes ne peut plus s’arrêter au niveau des discours bien arrangés et bien structurés comme un traité, parce que ces choses glissent très rapidement sur le dos des jeunes. Il faut un langage nouveau, une nouvelle façon de dire les choses. Aujourd’hui Dieu nous demande de : sortir du nid qui nous contient pour être envoyés. Celui qui par la suite vit sa consécration dans le cloître, vit cette torsion intérieure dans la prière afin que l’évangile puisse croître. L’accomplissement du mandat évangélique « Allez partout le monde entier et proclamez l’évangile à toute créature » (Mc 16, 15) peut se réaliser avec cette clé herméneutique déplacée vers les périphéries existentielles et géographiques. C’est la manière la plus concrète d’imiter Jésus, Lui qui est allé vers toutes les périphéries. Jésus est allé vers tous, vraiment vers tous ».

La crise de la vie consacrée n’est pas de nature morale, mais beaucoup plus existentielle, de signification, de sens de mission. Nous devons retrouver notre mission et vocation « d’illuminer le futur ». On doit retourner à la prophétie, réveiller le prophétisme de la vie consacrée. A cet effet le Pape a dit : « La prophétie fait du bruit, du vacarme, on dirait un « bazar ». Mais en réalité son charisme est celui d’être levain : la prophétie annonce l’esprit de l’évangile ».

Comment est ce sentier, cette route sur laquelle nous devons marcher pour sortir ? goudronnée, pleine de trous, une voie dans le désert, une piste dans la jungle ? Personne ne le sait. Comme dit Antonio Machado : pèlerin, il n’y a pas de route, on se fait un chemin en marchant.

Nous observons un fait nouveau. En Amérique et en Asie les vocations augmentent. Je me suis posé une question et j’ai trouvé la réponse dans les propos du Pape François, dans certaines de ses réponses : « Il y a une volonté du Seigneur dans tout cela. Il y a des Eglises qui donnent des fruits nouveaux à présent. Peut-être auparavant elles n’étaient pas aussi fécondes, mais maintenant elles le sont. Cela oblige naturellement à repenser l’inculturation du charisme. Le charisme est un, mais comme disait Saint Ignace, il faut le vivre selon les lieux, les temps (les époques) et les personnes. Le charisme n’est pas une bouteille d’eau distillée. Il faut le vivre avec l’énergie, le relisant aussi culturellement. Mais dans ce cas il y a un risque de se tromper, me direz-vous, de commettre des erreurs. C’est risqué. Bien sûr, c’est risqué : ne commettrons toujours des erreurs il n’y a aucun doute à cela. Mais cela ne devrait pas nous freiner, parce qu’alors il y a le risque de commettre des erreurs plus grandes. En fait nous devons toujours demander pardon et regarder avec beaucoup de honte les échecs apostoliques qui ont été causées par le manque de courage. Pensons par exemple aux intuitions de pionniers de Matteo Ricci qui à son époque avaient été laissées de côté ». Le Pape ajoute : « inculturer le charisme est fondamental, et cela ne signifie jamais le relativiser. Nous ne devons pas rendre le charisme rigide et uniforme. Quand nous uniformisons nos cultures, alors nous tuons le charisme ».

La formation

« La formation des candidats – nous l’a rappelé le Pape François – est fondamentale. Il y a quatre piliers de la formation : spirituelle, intellectuelle, communautaire et apostolique. Le fantôme à combattre est celui de l’image de la vie religieuse perçue comme un refuge devant un monde « externe » difficile et complexe. Les quatre piliers doivent interagir dès les premiers moments de la formation (le premier jour d’entrée au noviciat), et ne doivent pas être structurés en séquence séparées. Il doit y avoir une interaction entre ces piliers ».

Je me souviens que durant mon noviciat on ne parlait presque jamais du fondateur et encore moins du charisme. Tout était considéré comme acquis.

A notre temps on parlait de sujets. On ne pouvait pas répliquer aux anciens. Le novice idéal était docile. « La culture ordinaire – a suggéré le Pape François – est beaucoup plus riche et conflictuelle que celle vécue à notre époque, à notre temps, il y a de cela plusieurs années. Notre culture était plus simple et ordonnée. Aujourd’hui l’inculturation requiert un comportement divers. Par exemple : on ne résout pas les problèmes en interdisant de faire ceci ou cela. Il faut assez de dialogue, assez de confrontation. Pour éviter les problèmes dans certaines maisons de formation, les jeunes serrent les dents, cherchent à ne pas commettre des erreurs évidentes, ils cherchent à rester en règle en faisant plusieurs sourires, en attendant qu’on lui dise un jour  » bien tu as fini la formation ». Ça c’est de l’hypocrisie, fruit du cléricalisme qui est un mal des plus terribles. Je l’ai déjà dit aux évêques de la Conférence Episcopale Latino-américaine (CELAM) cet été à Rio de Janeiro : il faut vaincre cette tendance au cléricalisme jusque dans les maisons de formation et les séminaires. Je le résume dans un conseil que j’ai une fois reçu d’un jeune : « Si tu veux aller de l’avant, pense clairement et parle de façon obscure ». C’était une invitation claire à l’hypocrisie. Il faut l’éviter à tout prix » … Autrement dit, nous formons de petits monstres. Et ces petits monstres forment le peuple de Dieu ».

« Nous devons toujours penser dans le peuple de Dieu à l’intérieur de celui-ci. Pensons à tous ces religieux qui le cœur acide comme du vinaigre : ils ne sont pas faits pour le peuple. En somme : nous ne devons pas former des administrateurs, des gestionnaires, mais plutôt des Pères, des frères, faits compagnons durant le cheminement ».

Vivre la fraternité en « caressant (adoucissant) les conflits »

 Le Pape François a rappelé l’expérience de Taizé : « A Taizé il y a des moines catholiques, calvinistes, luthériens… tous vivent vraiment une vie de fraternité. Ils sont un peuple apostolique impressionnant pour les jeunes. La fraternité a une force de conviction énorme. Les maladies de la fraternité (les manquements à la fraternité), par contre, ont une force qui détruit. Les atteintes à la fraternité sont ce qui entravent le plus le cheminement dans la vie consacrée. La tendance individualiste est au fond une façon de ne pas souffrir la fraternité… Quelques fois il est difficile de vivre la fraternité, mais si on ne la vit pas nous pouvons pas être féconds. Le travail, même apostolique, peut devenir une fuite de la vie fraternelle. Si une personne ne réussit pas à vivre la fraternité elle ne peut pas vivre la vie religieuse. Elle n’est pas à sa place ».

« La fraternité religieuse – poursuit le Pape François – malgré toutes les différences possibles, est une expérience d’amour qui va au-delà des conflits. Les conflits communautaires sont inévitables : dans un certain sens ils doivent même exister, surtout si la communauté vit vraiment de vrais rapports sincères et loyaux. Ainsi est la vie. Penser à une communauté sans des frères qui vivent des difficultés et des conflits n’a pas de sens, et cela ne fait d’ailleurs pas bonne impression. Si dans une communauté on ne souffre pas des conflits, cela veut dire qu’il manque quelque chose. La réalité dit que dans toutes les familles et dans tous les groupes humains le conflit est présent. Et le conflit est assumé : il ne doit pas être ignoré. Si on le couvre, cela crée une pression et une explosion. Une vie sans conflits n’est pas une vie ».

Le Pape François nous invite à ne pas éviter les conflits, mais à les résoudre : « nous ne devons jamais nous comporter comme le prêtre ou le lévite de la parabole du bon samaritain qui passe de l’autre côté. Mais comment faire ? Il me vient à l’esprit – dit le Pape François – l’histoire d’un jeune de 22 ans qui était en pleine crise dépressive. Je ne parle pas d’un religieux, mais d’un jeune qui vivait avec sa maman qui était une veuve et qui lavait le linge des familles fortunées. Ce jeune n’allait plus au travail et vivait dans l’alcoolisme. La maman ne pouvait rien faire : simplement chaque matin avant de sortir elle le regardait avec beaucoup de tendresse. Ce jeune est aujourd’hui une personne très importante dans la société : il a surmonté cette crise, secourue à la fin par ce regard de tendresse de sa mère. Alors, nous devons nous réapproprier la tendresse, cette tendresse maternelle. Pensez à la tendresse qu’a vécu Saint François par exemple. La tendresse aide à surmonter les conflits. Et si jusque-là ça ne marche pas, je pense qu’il serait temps peut-être de changer de communauté ».

« Il est vrai – poursuit le Pape François – quelques fois nous sommes crédules. Nous vivons la tentation commune de critiquer par satisfaction personnelle ou pour provoquer (rechercher) un avantage personnel. Quelques fois les crises de la fraternité sont dues aux fragilités de la personnalité, et dans ce cas il est nécessaire de demander l’aide d’un expert, un professionnel, un psychologue. Pas besoin d’avoir peur de cela ; on ne doit pas avoir peur de tomber nécessairement dans le psychologisme. Mais nous ne devons jamais agir comme des gérants devant le conflit d’un frère. Nous devons compatir de tout cœur ».

« La fraternité est quelque chose de très délicat. Dans l’hymne des premières vêpres de la solennité de Saint Joseph dans le bréviaire argentin, on demande au Saint de garder l’Eglise avec ternura de eucaristia, « tendresse eucharistique ». Voilà donc comment traiter les frères : avec tendresse eucharistique. Nous devons adoucir les conflits. Il me vient à l’esprit lorsque Paul VI reçu la lettre d’un enfant avec beaucoup de dessins. Paul VI dit, une table sur laquelle ne doivent arriver que des problèmes, l’arrivée d’une telle lettre lui fit beaucoup de bien. La tendresse eucharistique ne couvre pas le conflit, mais elle aide à l’affronter en hommes ».

Conclusion

Nous connaissons le ver en soie (Bombyx mori), qui secrète un fil de soie, avec lequel il forme une coquille dans laquelle il s’enferme pour se transformer en chenille, et puis en papillon. Cet insecte représente le défi qui nous attend : voulons nous mourir comme des chenilles ou recommencer à vivre en volant ?

« Le point essentiel de notre vocation est de travailler pour le salut des pauvres gens des champs. Tout le reste est accessoire. […] Ne sommes-nous peut-être pas chanceux, frères, de reproduire de façon naturelle la vocation de Jésus Christ ? Qui, mieux que les missionnaires vincentiens, sont les ténors de l’idéal d’une vie à la suite du Christ ? » Ce sont les mots mêmes de Saint Vincent.

Ces mots ne sont-ils que du vent ? Judas dirait oui, au moins selon les réprimandes qui lui ont été faites à Béthanie : « pourquoi n’avoir pas vendu ce parfum pour 300 dinars et les donner aux pauvres ? » (Jn 12, 5). L’aide aux pauvres vaut-elle plus que l’amour pour Jésus ? Pourquoi le parfum de la Mission n’est pas répandu par une action à caractère social ? un charisme qui invite à aller annoncer et porter la miséricorde a-t-il encore un sens ? N’est-ce pas voler aux pauvres un temps et des ressources qui seraient mieux employés dans une initiative sociale ? Justin de Jacobis a-t-il bien fait de se dépenser à prêcher l’évangile à un peuple, ou alors notre ex confrère Sapeto qui a abandonné la mission pour favoriser la conquête coloniale de ce même peuple ? Tout se réduit finalement à savoir quel est vraiment le charisme vincentien. C’est un nard pur. C’est un parfum. Quelque chose qui se réalise en se donnant. Le don n’a pas de prix.

Raison pour laquelle Saint Vincent ajoute : « Imaginons-nous que le Seigneur nous dise :  » Partez, missionnaires, partez ; mais comment ! Vous êtes encore là ? Regardez les pauvres âmes qui vous attendent et dont le salut dépend peut-être de votre prédication et de vos catéchismes ! ». Il faut bien réfléchir et savoir que Dieu nous a réservé en ces temps pour telles âmes, et non pour telles autres » (XI, 133ss). Si nous vivrons le charisme de la Mission avec cette disposition de « sortir vers l’autre et vers le Tout AUTRE » comme le parfum de Marie, alors le sacrifice de plusieurs dans la Mission et dans la famille vincentienne n’aura pas été vain.

Prière

(Lc 1, 46-55 : traduction d’André Chouraqui)

Et Miriâm dit : « Mon être exalte IHVH-Adonaï ;

Mon souffle exalte pour Elohîms, mon sauveur, parce qu’il a regardé l’humilité de sa servante.

Voici, désormais tous les âges me diront : En marche !Oui, le Puissant fait pour moi des grandeurs, et son nom est sacré.

Son secours matriciel, d’âge en âge sur ses frémissants Il fait prouesse de son bras ; Il disperse les orgueilleux en l’intelligence de leur cœur.

Il fait descendre les puissants des trônes, mais relève les humbles.

Il remplit de biens les affamés, ayant en mémoire le matricier,

Comme il l’a dit à nos pères en faveur d’Abrahâm et de sa semence, en pérennité ».

Luigi MEZZADRI, CM 🔸

La crise de la vie consacrée n’est pas de nature morale, mais beaucoup plus existentielle, de signification, de sens de mission. Nous devons retrouver notre mission et vocation « d’illuminer le futur ». On doit retourner à la prophétie, réveiller le prophétisme de la vie consacrée.

Traduction :

Emmanuel Patrick Issomo Mama CM

La Mission. Sortir vers les horizons de Dieu. Retraite spirituelle à Ars. Province de France (22-27 Octobre 2017). Quatrième Jour

La Mission. Sortir vers les horizons de Dieu.

Retraite spirituelle à Ars. Province de France (22-27 Octobre 2017) Quatrième Jour

La retraite est un parcours dans le désert. Mon rôle est de vous guider. J’ai cherché à m’inspirer de plusieurs figures bibliques. La première qui m’est venue à l’esprit est celle de Moïse, qui transmit au peuple la Loi. C’est un modèle très exigeant. Un autre guide est le démon. C’est vraiment de la racaille comme modèle pourrait-on dire dans une certaine façon peu commode de parler. La troisième figure est la personne qui dans le désert apporte au prophète Elie du pain et de l’eau, mais ensuite se retire, afin de permettre à Elie de monter tout seul sur la Montagne de Dieu. Moi je ne vous donnerai pas grand-chose, mais seulement de l’eau et du pain. C’est à vous de faire le reste.

Quatrième jour

L’EGLISE DE SAINT VINCENT ET LA NOTRE

 

 

Murs et frontières

C’est à la mode aujourd’hui de parler de murs et frontières. Les frontières sont quelque chose de naturel. Elles marquent les différences. Les murs sont construits par l’homme, comme la Tour de Babel. Ils créent des inimitiés.

Le Pape et Trump parlent d’ailleurs de murs et frontières. La frontière entre les Etats Unis et le Mexique est de 3200 km. Un mur monté en partie existe déjà, mais Trump appelle ce mur un jouet. Il cherche donc à le rallonger et le fortifier.

Le Pape veut rapprocher les peuples, parce que l’Eglise ne peut se contenter de rester au centre, mais doit plutôt aller vers les périphéries à la rencontre des peuples, pour porter le Christ à tous, l’amour de Dieu fait homme, et non pour faire du prosélytisme, mais plutôt nous accompagner sur le chemin de la vie.

 

L’Eglise « de toujours » et l’Eglise du Pape François

Il y avait une critique des milieux conservateurs entre la « Messe de toujours » et celle du « franc maçons » Annibale Bugnini cm.

Aujourd’hui le fossé s’est davantage creusé. Cela ne plaît pas que le Pape dans « Amoris Laetitia » décrive la famille telle qu’elle est dans sa réalité contextuelle et non pas comme on aimerait qu’elle soit. Cela ne plaît pas qu’il soit vraiment concret, qu’il nous propose la voie d’un discernement pastoral contextuelle plutôt que de s’enfermer dans un rigorisme dogmatique froid et stérile qui met l’accent sur un idéal presqu’abstrait. Cela ne plaît pas non plus qu’il insiste sur une Eglise décentrée d’elle-même, qui n’attend pas les gens sur place mais plutôt qui se risque sur les sentiers de la rencontre même et surtout vers ceux qui sont en difficulté, et aussi même des chrétiens non-catholiques romain (les protestants) et des non chrétiens, sans verser dans aucun prosélytisme. Cela ne plaît qu’il exhorte à ne pas avoir peur de la condition de minorité des chrétiens. Cela ne plaît pas non plus la distinction qu’il fait entre l’unité véritable et une malsaine uniformité (l’unité des boutons). Cela ne plaît pas qu’il propose une lecture du monde contemporain sans le condamner, mais aussi sans non plus le sanctifier. Cela ne plaît qu’il veuille repenser le questionnement sur le rôle de la femme dans l’Eglise. Ils ont peur que cela puisse ouvrir des possibilités de voir un jour des femmes ordonnées prêtres !!!

 

Saint Vincent et l’Eglise

Un lazariste aujourd’hui, je l’espère et je le crois aussi, ne se sent pas mal à l’aise avec le langage et l’attitude du Pape. J’ai vu le Pape aller rendre visite au Président de la République Italienne (notre Eglise de Saint Sylvestre au Quirinal est tout proche du palais présidentiel) avec un cortège composé de quatre grandes voitures (service de sécurité) et une petite dans laquelle il se trouvait. Cela m’a rappelé Saint Vincent qui appelait ignominie (V, 344) et infamie (XII, 21) l’usage du carrosse. Ces Paroles de notre saint fondateur sont en parfaites syntonie avec le Pape : « quand l’Eglise des premiers siècles vivait de la communion des biens, les fidèles étaient tous saints ; mais à peine qu’elle a eu ses propres biens et les ecclésiastiques les bénéfices particuliers […], tout a commencé à dépérir. Les ecclésiastiques d’aujourd’hui ne sont plus que l’ombre de ces ecclésiastiques des temps anciens et du siècle d’or » (XII, 398). Les pires ennemis de l’Eglise sont les prêtres, dit Saint Vincent (XI, 309 ; XII, 86). L’Eglise a besoin des « hommes évangéliques » (III, 202). L’évêque Speciano écrivait à la fin du XVIème siècle : « A une époque des hommes en or célébrait dans des calices de bois ; mais aujourd’hui des hommes de bois célèbrent dans les calices en or ».

 

Nous dans l’Eglise

Partons, pour cette étape, de la parabole du blé et de l’ivrai en Mt 13, 24-30

« Le royaume des cieux est semblable à un homme qui a semé une bonne semence dans son champ. Mais, pendant que les gens dormaient, son ennemi vint, sema de l’ivraie parmi le blé, et s’en alla. Lorsque l’herbe eut poussé et donné du fruit, l’ivraie parut aussi. Les serviteurs du maître de la maison vinrent lui dire : Seigneur, n’as–tu pas semé une bonne semence dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ? Il leur répondit : C’est un ennemi qui a fait cela. Et les serviteurs lui dirent : Veux–tu que nous allions l’arracher ? Non, dit–il, de peur qu’en arrachant l’ivraie, vous ne déraciniez en même temps le blé. Laissez croître ensemble l’un et l’autre jusqu’à la moisson, et, à l’époque de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Arrachez d’abord l’ivraie, et liez–la en gerbes pour la brûler, mais amassez le blé dans mon grenier ».

Dans un champ où la bonne graine a été semée, dans la nuit, quand il n’y a pas de lumière, l’ennemi arrive et sème l’ivraie. L’ennemi c’est le diable, le diviseur, celui qui sème l’ivraie parmi le grain, celui qui sème le mal parmi le bien. Les serviteurs sont impatients et veulent tout de suite séparer le mal du bien. Mais le Seigneur refreine leurs ardeurs : « quelques fois, sinon très souvent, nous sommes très prompts à juger, à cataloguer, à ranger les bons d’un côté et les mauvais de l’autre », relève très amèrement le Pape François. Le Seigneur par contre sait attendre. « Il regarde le champ de la vie de chaque personne avec beaucoup de patience et de miséricorde : il voit le mieux la saleté et le mal de plusieurs d’entre nous, cependant il voit aussi les germes du bien, et il attend avec confiance que ces germent murissent ». Et comme cela arrive assez souvent, Begoglio dit « qu’il est beau de savoir que Dieu nous attend pour nous pardonner. Et il conclut : « Attention ! La patience évangélique n’est pas une sorte d’indifférence face au mal ; on ne saurait confondre le bien du mal ! Face à l’ivraie qui est fortement présent dans notre monde, le disciple du Seigneur est appelé à imiter la patience de Dieu ».

 

Serviteurs impatients

Dans cette parabole les serviteurs jouent un rôle très important. L’ivraie est un parasite qui ne se distingue pas du bon grain. Elle s’assimile subtilement au bon grain, au point de le pénétrer de l’intérieur et s’enraciner en lui. L’ivraie c’est le mal, qui se trouve en l’intérieur de la communauté chrétienne et qui est aussi en nous. Nous devons toujours en tenir compte. Combien de fois nous sommes nous trompés en voulant bien faire, avons-nous compris le bien en voulant éradiquer le mal ? C’est la violence de la religion, des moralistes, des éducateurs. Nous voulons une communauté parfaite, une Eglise immaculée sans ride, nous n’acceptons même pas nos propres faiblesses.

En étudiant l’histoire de nos missions j’ai découvert que nos confrères italiens du XIXème siècle n’avaient absouts pratiquement aucun habitant d’un village. Jansénisme ? Non, mais des serviteurs impatients.

A une époque il y avait encore cette forte distinction entre les bons et les mauvais. Les gardiens étaient les bons et les voleurs les mauvais. Les prêtres étaient des bons (Don Camillo) et les pécheurs étaient les mauvais (Peppone). Les catholiques étaient les bons et les non catholiques les mauvais.

Ceux-là de nos confrères dont je parle se considéraient comme des bons. Du haut de la chair ils fustigeaient le péché. Saint Alphonse ne s’est pas fait lazariste parce que dégouté et irrité par un de nos confrères le Père Cutica qui prêchait comme un grondement de tonnerre.

 

Eloge de l’ivraie

Je pense ici à Erasme avec son Eloge de la folie, et je me demande si le mal n’est vraiment que mauvais. Le Père Fausti écrit : « le mal n’est pas pour détruire ou défaire ou dérouter, mais pour l’exaltation du bien : au moyen de la miséricorde nous devenons fils du Père, qui fait pleuvoir sur les justes et les injustes, et fait lever son soleil sur les bons et les mauvais. Si Dieu se révèle dans le bien comme un don, dans le mal il révèle son essence la plus intime et sa nature propre : il est par-don, amour sans conditions et sans limites. Le mal n’endommage pas le bien, mais collabore à son plein triomphe : il n’est pas pour la perdition, mais le salut. Vraiment tout concours au bien » (Rm 8, 28).

Nous devons comprendre qu’il n’existe pas le Bien à l’état pur et le Mal séparé du bien. Il y a une certaine perversion du bien, de même qu’il y a quelques bribes de bien dans le mal. Tout ceci nous ouvre à l’espérance, même si ça nous fait aussi peur.

Chose étrange : Vincent parle de cette contamination du bien. Il dit à cet effet : « qu’avons-nous vraiment de nous, si ce n’est le néant et le péché ? » (XI, 58). Il a affirmé en d’autres circonstances « qu’il y en a dans la Compagnie qui croient être pires que les démons de l’enfer » (XII, 208).

Ce langage contraste avec les comportements et raisonnements de beaucoup dans l’Eglise, ceux qui s’asseyent sur une cathèdre, dans une posture de juges, qui maltraitent les pénitents, qui menacent sans cesses les gens de sanctions éternelles. Nous devons affirmer avec force que la Vie nous la recevons de Jésus Christ et non de la Loi. La loi ne doit pas être interprétée dans un esprit d’esclave, mais de fils, parce que lui seul a en lui l’amour de Dieu, le Fils.

Durant son voyage à Milan cette année, le Pape François a pratiquement répondu aux attentes des gens. Son choix de visiter un quartier pauvre et les prisons, contraste avec les habitudes des papes jusqu’à Paul VI, qui étaient portés sur des épaules, arborant de longues chapes de plusieurs mètres, et aussi un langage de certains prédicateurs.

Je crois qu’il y a aucun doute que ce que François nous propose soit vraiment l’Eglise de Jésus Christ. Nous devons retourner à la prière, au pardon, à la miséricorde, à l’eucharistie, à l’adoration.

 

Prière

Béni soit Dieu,

Le Père de notre Seigneur Jésus Christ !

Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ.

Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour.

 Il nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ.

Ainsi l’a voulu sa bonté, à la louange de gloire de sa grâce,

la grâce qu’il nous donne dans le Fils bien-aimé.

En lui, par son sang, nous avons la rédemption, le pardon de nos fautes.

C’est la richesse de la grâce que Dieu a fait déborder jusqu’à nous en toute sagesse et intelligence.

Il nous dévoile ainsi le mystère de sa volonté, selon que sa bonté l’avait prévu dans le Christ : pour mener les temps à leur plénitude, récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre.

En lui, nous sommes devenus le domaine particulier de Dieu,

Nous y avons été prédestinés selon le projet de celui qui réalise tout ce qu’il a décidé : il a voulu que nous vivions à la louange de sa gloire, nous qui avons d’avance espéré dans le Christ.

En lui, vous aussi, après avoir écouté la parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et après y avoir cru, vous avez reçu la marque de l’Esprit Saint. Et l’Esprit promis par Dieu est une première avance sur notre héritage, en vue de la rédemption que nous obtiendrons, à la louange de sa gloire. (Eph 1, 3-14)

 

Luigi MEZZADRI, CM 🔸

Je crois qu’il y a aucun doute que ce que (Le Pape) François nous propose soit vraiment l’Eglise de Jésus Christ. Nous devons retourner à la prière, au pardon, à la miséricorde, à l’eucharistie, à l’adoration.

Traduction :

P. Emmanuel Patrick Issomo Mama CM

La Mission. Sortir vers les horizons de Dieu. Retraite spirituelle à Ars. Province de France (22-27 Octobre 2017) Troisième Jour

La Mission. Sortir vers les horizons de Dieu.

Retraite spirituelle à Ars. Province de France (22-27 Octobre 2017)

Troisième Jour

La retraite est un parcours dans le désert. Mon rôle est de vous guider. J’ai cherché à m’inspirer de plusieurs figures bibliques. La première qui m’est venue à l’esprit est celle de Moïse, qui transmit au peuple la Loi. C’est un modèle très exigeant. Un autre guide est le démon. C’est vraiment de la racaille comme modèle pourrait-on dire dans une certaine façon peu commode de parler. La troisième figure est la personne qui dans le désert apporte au prophète Elie du pain et de l’eau, mais ensuite se retire, afin de permettre à Elie de monter tout seul sur la Montagne de Dieu. Moi je ne vous donnerai pas grand-chose, mais seulement de l’eau et du pain. C’est à vous de faire le reste.

Troisième jour

« CHRIST MA DOUCE RUINE »

 

Il y a un moment de la vie où s’évanouissent nos rêves et commencent les bilans. C’est alors que tu te rends compte du peu de changement advenu dans ta vie. Et ce peu-là, sache que c’est le fait de la grâce.  Alors le mérite n’est pas le tien.  Et aussi ce peu de changement dans ta vie est d’une grandeur incommensurable. Parce que c’est le fait de la grâce.

Mais vous, qui dites-vous que je suis ?

Et il advint, comme il était à prier, seul, n’ayant avec lui que les disciples, qu’il les interrogea en disant : « Qui suis-je, au dire des foules ? ». Ils répondirent : « Jean Baptiste ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres, un des anciens prophètes est ressuscité. » – « Mais pour vous, leur dit-il, qui suis-je ? » Pierre répondit : « Le Christ de Dieu ». Mais il leur enjoignit et prescrivit de ne le dire à personne.  « Le Fils de l’homme, dit-il, doit souffrir beaucoup, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, le troisième jour, ressusciter ». (Lc 9, 18-22)

Rencontrer

Pendant longtemps j’ai cherché dans les libres et les pensées des hommes la réponse à mes questions. Désormais je sais que c’est seulement dans la prière que je peux avoir une réponse. Et une telle réponse ne vient d’une machine tel un distributeur. Représentez-vous les champs durant l’hiver. Ils sont sombres et déserts. Mais lorsqu’à un certain moment les journées commencent à se rallonger, alors les voici remplis de bourgeons, elles deviennent de véritables sources de vie. Que s’est-il donc passé ? Comment s’est opéré ce changement ? Nos questions, nos préoccupations, quand nous les confions au cœur de Dieu dans la prière, elles deviennent des bourgeons. Et à la fin surgit la vie.

Il en été de même pour les apôtres. Jésus, les apôtres n’ont pas tout suite saisie qui il était vraiment. Ils l’ont suivi comme sous l’effet du magnétisme qui se dégageait de lui. Puis, cheminant ensemble, ils l’ont vue comme guérisseur, prophète, explorateur des cœurs, Maître Sage, homme de Dieu, envoyé de Dieu et à la fin : Fils de Dieu. Mais cela, seuls Marie et Jean l’ont compris au pied de la Croix, ainsi que les autres femmes et le Centurion. Les autres l’ont compris vraiment après.

De mon temps il n’y avait pas de pastorale vocationnelle. Personne ne me dît de me faire prêtre. Je ne me souviens plus du jour, mais du lieu et la voix intérieure qui m’a toujours suivi et qui m’a ouvert à la certitude de l’appel.

Le Jésus de l’époque de mon appel était le Jésus du catéchisme. Après le cycle de philosophie je pouvais dire de ce Jésus : c’est un philosophe. Après l’Apologétique je pouvais dire : c’est un prophète. Progressant dans le ministère et régressant dans le rêve de sainteté, je pouvais dire : il est venu de Dieu. Il est donc le Messie. Mais je me sentais un prêtre résigné. Un survivant. Mais que m’a vraiment apporté ce Messie si j’ai seulement enseigné durant plusieurs années, si j’ai juste écrit tant de livres, si j’ai rencontré autant d’élèves et étudiants, dans une discipline qu’ils n’aimaint pas beaucoup et qui n’était pas aussi importante pour eux ?

Ensuite j’ai redécouvert la Sainte Vierge Marie et le Rosaire. Et j’ai vu le début de la floraison de la prière contemplative dans ma terre « aride, asséchée et sans eau » (Ps 63, 2). Le Christ qui n’était qu’une formule auparavant pour moi, est devenu un visage, une présence quotidienne, un ami qui ne me juge pas dans mes faiblesses, qui m’accepte tel que je suis et pour ce que je suis.

Tu es le Christ de Dieu

Voici comment je m’explique et comprend à ma manière la réponse de Saint Pierre : Tu es le Christ de Dieu, parce que tu étais tout fatigué au puit de la samaritaine et pourtant tu lui as répondu parce que tu aimais les femmes et les diners de fêtes, parce que tu ne voulais rien savoir des détails des péchés des hommes, parce que tu découvrais mes hypocrisies sans m’humilier, parce que tu m’as lavé les pieds, guéri mes blessures et m’as toujours attendu, parce que à tes yeux je passe avant la Loi et le Temple.

Ma foi n’est pas dans un homme du passé (telle était le déploiement d’une certaine théologie qui voulait en prouver l’historicité) ; la foi en lui n’est pas « par ouïe dire » (Job 42, 5), encore moins une doctrine que j’ai apprise de tel ou tel théologien ; les phrases toutes faites, les repas précuits ne plaisent pas du tout à celui qui aimaient les banquets.

J’ai compris que je devais lui répondre en disant : il m’est agréable de rester avec toi. Je ne voudrais pas te soumettre des problèmes inutiles, t’assaillir avec mes doutes. Prends-moi à ta suite. Je resterai volontiers à la dernière place. Te connaitre, rester avec toi, est mieux qu’être capable de te définir dans une christologie.  Ou mieux, une christologie je l’ai.

Tu as mis plus de joie dans mon cœur

Dans la réponse de Saint Pierre il y a quelque chose de particulier qui me plait : « Tu es le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16). J’ai beaucoup, et un peu trop même, entendu parler de « mortification », qui évoque à l’esprit des verbes tels qu’humilier, avilir, accabler, piétiner, punir, réprimer. Mais, mon Jésus est Vie ! Le jour de mon cinquantenaire il m’est venue cette pensée à l’esprit : Jésus m’est resté fidèle. Jésus est Fils du Dieu de la vie, qui m’a fait venir à la vie, qui me fait vivre et qui me prépare à la vie éternelle. Tu es donc Fils de la Vie, tu donnes la Vie et tu as les paroles de Vie, celles qui sont éternelles (Jn, 6, 68). « Ces paroles vivifient la Vie, elles sont Vie pour l’âme, parce que l’âme vit de Vérité, autrement tombe malade. Des Paroles qui sont Vie du cœur, qui vit d’amour, autrement meurt. Des paroles qui sont de l’esprit qui vit de liberté, autrement s’éteint. » (Citation de Ermes Ronchi reprise pendant la retraite du Pape François).

Etre prêtre et missionnaire n’est renier ou dédaigner la vie, se refuser à la vie. Raison pour laquelle Jésus parle à Pierre de la Croix. Celle-ci signifie que Jésus meurt pour partager la condition de tous, et dans sa mort il « attire tout à Lui » (Jn 12, 32). Si la souffrance n’est pas supprimée c’est parce que Dieu veut la partager et la porter avec nous, il veut la vivre avec nous, il veut l’offrir pour nous. Mais la souffrance ne demeurera pas éternellement.

Le danger gris

Le danger pour un prêtre ce n’est pas la femme. Nous connaissons tous des prêtres qui se sont mariés. Certains l’ont fait parce qu’ils n’avaient pas opéré un choix conscient et conséquent. D’autres l’ont fait parce qu’ils sont tombés amoureux. S’ils se réalisent dans cette voie, s’ils sont heureux, alors je me réjouis avec eux et pour eux. Le vrai danger du prêtre est une couleur : le gris. Vivre dans la grisaille, marcher en file vêtus d’ombre, ne pas avoir des instants de chant et de poésie, ne jamais sourire, ne pas jouir des joies les plus simples du ministère, ne jamais s’entendre dire : mon Père priez pour moi, être un bureaucrate du sacré, paresseux distributeurs des signes de croix, répéter de l’ambon des paroles fausses, voilà le vrai danger qui guette le prêtre. Cela est la preuve que nous n’avons pas rencontré le Christ, que dans notre vie nous nous sommes trompés sur tout, parce que nous n’avons jamais aimé. C’est un célibat de veufs.

Retourner

Croyez-vous qu’il ne vienne pas à tout prêtre l’idée de faire demi-tour ? A certains moments j’ai eu les torticolis. D’aucuns, pour ne pas rebrousser chemin, choisissent d’être des cariatides. Les cariatides sont ces statuts de pierre ou de marbre qui soutiennent et décorent les piliers centraux des basiliques. Quel dommage ! La vie du prêtre est en fait comme la traversée d’un désert. Et lorsque tu te sens exposé au soleil brûlant sur une terre aride et sans eau, et que tu te retrouves dans les gémissements de la solitude et sens le cri de Jésus en croix « mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », penses à tout ce à quoi tu as renoncé, penses à ce que tu as laissé. Jésus m’a rappelé plusieurs fois : ne rebrousse pas chemin, ne retourne pas en arrière… Le souvenir de ce jour sur le fauteuil quand une voix libre m’a parlé, m’a beaucoup aidé. Merci Seigneur de m’avoir gardé dans la fidélité. Tout est de ta faute !

Je conclu en vous lisant quelques paroles d’une chanson:

«Toutes ces lignes sur mon visage/Te racontent mon histoire /…d’où je suis allée/Et comment je suis arrivée où je suis/Mais ces histoires ne signifient pas grand chose /Quand tu n’as personne à qui les raconter/C’est vrai… Je suis faite pour toi/J’ai grimpé au sommet des montagnes /Nagé à travers l’océan bleu/J’ai traversé toutes les routes, et brisé toutes les règles /Mais bébé je les ai brisées pour toi» (Brandi Carlile : The Story).

Comme vous le voyez c’est une chanson d’amour. Ceci parce que la vie du prêtre est ou devrait être une histoire d’amour. Tout son discours ne devrait être qu’amour. Quand ma mère mourrait j’ai lu la plus belle poésie d’amour : le Cantique des Cantiques. Parce que ma mère n’est pas morte de mort pourrait-on dire, mais plutôt d’amour.

Notre vocation et la sienne

De tout ce qui vient d’être dit on en déduit que les fils et les filles de Saint Vincent ont la vocation même de Jésus Christ, vocation

  • à l’amour, au point de s’employer à fond au service des autres, brûler du feu de la charité. La devise des Filles de la Charité n’est-elle pas « la charité du Christ nous pousse » ? (On peut aussi traduire : nous presse, nous pousse avec force comme un feu, comme quelque chose de très ardent, qui nous préoccupe et nous inquiète, si nous ne nous mobilisons pas vers quelqu’un ou pour quelque chose) ;
  • au service : Saint Vincent a contemplé un Jésus Christ serviteur, toujours disponible pour les autres ;
  • aux pauvres « Nos maîtres et Seigneurs », dans ce sens que ce sont leurs exigences et les besoins qui commandent notre vie, nos horaires, nos traditions et pratiques au sein de la Compagnie. Comme le Christ, le chrétien et le prêtre doivent avoir toujours à l’esprit, comme pensée fondamentale, le salut, la libération, la promotion humaine et l’évangélisation. L’axe de la spiritualité de Saint Vincent passait par le Christ et arrivait aux pauvres : « il ne me suffit pas d’aimer Dieu, si mon prochain ne l’aime. » (XII, 262)

Prière

Sachez-le, en effet, l’Evangile que j’ai annoncé n’est pas à mesure humaine : ce n’est pas non plus d’un homme que je l’ai reçu ou appris, mais par une Révélation de Jésus Christ. Vous avez certes entendu parler de ma conduite jadis dans le judaïsme, de la persécution effrénée que je menais contre l’Eglise de Dieu et des ravages que je lui causais, et de mes progrès dans le judaïsme, où je surpassais bien des compatriotes de mon âge, en partisan acharné des traditions de mes pères.

Mais quand Celui qui dès le sein maternel m’a mis à part et appelé par sa grâce daigna révéler en moi son Fils pour que je l’annonce parmi les païens, aussitôt, sans consulter la chair et le sang, sans monter à Jérusalem trouver les apôtres mes prédécesseurs, je m’en allai en Arabie, puis je revins encore à Damas. Ensuite, après trois ans, je montai à Jérusalem rendre visite à Céphas et demeurai auprès de lui quinze jours : je n’ai pas vu d’autre apôtre, mais seulement Jacques, le frère du Seigneur : et quand je vous écris cela, j’atteste devant Dieu que je ne mens point. Ensuite je suis allé en Syrie et en Cilicie, mais j’étais personnellement des Eglises de Judée qui sont dans le Christ ; on y entendait seulement dire que le persécuteur de naguère annonçait maintenant la foi qu’alors il voulait détruire ; et elles glorifiaient Dieu à mon sujet (Gal 1, 11-24).

Luigi MEZZADRI, CM 🔸

Le vrai danger du prêtre est une couleur : le gris. Vivre dans la grisaille, marcher en file vêtus d’ombre, ne pas avoir des instants de chant et de poésie, ne jamais sourire, ne pas jouir des joies les plus simples du ministère, ne jamais s’entendre dire : mon Père priez pour moi, être un bureaucrate du sacré, paresseux distributeurs des signes de croix, répéter de l’ambon des paroles fausses, voilà le vrai danger qui guette le prêtre.

Traduction :

Emmanuel Patrick Issomo Mama CM

La Mission. Sortir vers les horizons de Dieu. Retraite spirituelle à Ars. Province de France (22-27 Octobre 2017) Deuxième Jour

La Mission. Sortir vers les horizons de Dieu.

Retraite spirituelle à Ars. Province de France (22-27 Octobre 2017)

Deuxième Jour

La retraite est un parcours dans le désert. Mon rôle est de vous guider. J’ai cherché à m’inspirer de plusieurs figures bibliques. La première qui m’est venue à l’esprit est celle de Moïse, qui transmit au peuple la Loi. C’est un modèle très exigeant. Un autre guide est le démon. C’est vraiment de la racaille comme modèle pourrait-on dire dans une certaine façon peu commode de parler. La troisième figure est la personne qui dans le désert apporte au prophète Elie du pain et de l’eau, mais ensuite se retire, afin de permettre à Elie de monter tout seul sur la Montagne de Dieu. Moi je ne vous donnerai pas grand-chose, mais seulement de l’eau et du pain. C’est à vous de faire le reste.

Deuxième jour

LE CHRIST DE SAINT VINCENT

La rencontre du matin

« En ce temps- là, Marie Madeleine se tenait près du tombeau, au-dehors, tout en pleurs. Et en pleurant, elle se pencha vers le tombeau. Elle aperçoit deux anges vêtus de blanc assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait reposé le corps de Jésus. Ils lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répond : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a déposé. » Ayant dit cela, elle se retourna ; elle aperçoit Jésus qui se tenait là mais elle ne savait pas que c’était Jésus. Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Le prenant pour le jardinier, elle lui répond : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre. » Jésus lui dit alors : « Marie ! » S’étant retournée, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni ! », c’est-à-dire : Maître. Jésus reprend : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur ! », et elle raconta ce qu’il lui avait dit. (Jn 20:11-18).

Chacun de nous a déjà eu à réfléchir sur ce texte plusieurs fois. Nous voyons une femme en sortie qui rencontre le Christ en sorti lui aussi, qui l’invite à sortir du jardin pour la mission d’aller annoncer à ses frères qu’elle a vu le Seigneur.

 

Les Missionnaires qui ont vu le Seigneur

Saint Vincent ne parle pas d’un Christ d’école. Sa christologie n’a pas pour point de départ les conciles ou les dogmes. Il ne cite pas, mais raconte « ce qui était au commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu avec nos yeux, ce que nous contemplons et que nos mains touchèrent du Verbe de la vie […], ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons » (1Jn 1, 1-3). Sa narration procède de ce qu’il a vu, entendu et touché, pas comme dans une vision, à l’exemple de Saint Ignace à « la Storta », mais en étant immergé dans la masse douloureuse des pauvres de son temps. Christ est entré dans sa vie, non pas à travers une fenêtre du Ciel, mais par les blessures des hommes. Les pauvres, il les a vu : il a entendu leur clameur, il a senti leur puanteur, il senti leur douleur, leur tristesse. Il a rencontré Jésus dans « les extases de la vie et des œuvres » (Saint François de Sales).

Toscani l’a défini comme « le mystique des pauvres », parce que quand Saint Vincent parlait de Dieu, il parlait comme un mystique, conscient du fait que « ce qu’il essayait de dire ne pouvait véritablement pas se traduire par des paroles humaines ». Et en effet, en lieu des paroles, il se laissait conduire par les visages des pauvres, dont les conditions de vie et les mésaventures lui parlent de Jésus, et sont une vraie narration évangélique. Jésus est la présence avec laquelle partager les douleurs et les espérances des pauvres. Il est le cœur de son cœur (XI, 156). En raison de cela il demandait à Dieu « de donner à la Compagnie cet esprit, ce cœur, ce cœur qui nous fasse aller n’importe où, ce cœur du Fils de Dieu, cœur de Notre Seigneur, cœur de Notre Seigneur, qui nous dispose à aller, comme Lui irait et il serait allé, si sa sagesse éternelle l’avait jugé opportun de travailler pour la conversion des pauvres des nations » (XI, 291).

L’amour génère la communion au point qu’il ne voulut pas aller à Dieu si Dieu ne vînt à lui. En effet Dieu est amour et voudrait qu’on aille à lui seulement par amour, parce qu’il est le premier à s’être rapproché de nous, à être venu à notre rencontre, à nous chercher, à frapper à notre porte : « Ô Dieu de mon cœur ! Votre infinie bonté ne me permet pas de partager mes affections, ni d’en faire part à quel qu’autre à votre préjudice ; oh ! Possédez, vous seul, mon cœur et ma liberté ! Mais, du moins, je vous offre, de toute l’étendue de mes affections, la charité la très sainte reine des anges et généralement de tous les bienheureux. O mon Dieu, en face du ciel et de la terre je vous donne mon cœur, tel qu’il est […] donnez-moi de l’amour pour vous, et puis commandez ce que vous voudrez (S. Augustin) » (XI, 145).

La voie sur laquelle Dieu le guidait et qui le conduisait à Dieu est la voie du cœur, une voie qui part du ciel, descend vers les plus abandonnés des hommes et retourne vers Dieu.  Dans la prière Vincent se demandait s’il y aurait quelques inconvénients à aimer Dieu : « Mais quoi : y a-t-il inconvénient à aimer Dieu ? Peut-on l’aimer trop ? Peut-il y avoir de l’excès en une chose si sainte et si divine, et même pouvons-nous jamais assez aimer Dieu, qui est infiniment aimable ? Il est vrai que nous ne saurions jamais assez aimer Dieu et qu’on ne peut jamais excéder en cet amour, eu égard à ce que Dieu mérite de nous. O Dieu Sauveur, qui pourrait monter à cet amour étonnant que vous nous portez, jusqu’à donner pour nous, misérables, tout votre sang, dont une seule goutte est d’un prix infini ! O Sauveur ! non, Messieurs, cela ne se peut ; quoi que nous puissions faire, nous n’aimerons jamais Dieu comme nous le devons ; cela est impossible ; Dieu est infiniment aimable » (XI, 217).

Saint Vincent, partant de quelques excès des jeunes étudiants, invitait à la modération, car en se laissant aller à l’exagération « on ne sert plus à rien pour le reste des jours ». En lisant cette page on a l’impression d’être devant un Vincent déchiré entre deux tensions comme Thérèse d’Avila, entre mourir et ne pas mourir :

Vivo sin vivir en mi,

Y tan alta vida espero

Que muero porque no muero.

Dans ces pages s’ouvre avec une vitesse telle la célérité de la lumière d’une lampe, une dimension insolite du saint, une dimension typiquement mystique, extatique, assoiffée du ciel et de l’absolu : « mourir de la sorte, c’est mourir de la plus belle manière, c’est mourir d’amour, c’est être martyr, martyr de l’amour. Il semble que ces bienheureuses âmes peuvent s’appliquer les paroles de l’Epouse et dire : Vulnerasti cor meum. C’est vous, ô mon Dieu aimant, qui m’avez blessé ; c’est vous qui avez navré et percé mon cœur de vos flèches ardentes ; c’est vous qui avez mis ce feu sacré dans mes entrailles, qui fait que je meurs d’amour ! Oh ! soyez à jamais béni ! O Sauveur, vulnerasti cor meum ! » (XI, 218). Ici Saint François de Sales corrobore Saint Vincent : « Oh ! je ne voudrais pas aller à Dieu, si Dieu ne venait à moi » (XI, 221).

 

Mission, état d’amour

Saint Vincent définit la Mission comme « un état d’amour, non seulement parce qu’elle vise à suivre la doctrine et les conseils de Jésus Christ, mais aussi parce qu’elle nous fait travailler à porter le monde à l’estime et à l’amour de Notre Seigneur ». En raison de cela, « si nous aimons Notre Seigneur, nous serons aimés de son Père, qui est autant à dire que son Père nous voudra du bien, et cela en deux façons :  la première, qu’il se plaira en nous, comme le père avec son enfant ; et la seconde, qu’il nous donnera ses grâces, celles de la foi, de l’espérance et de la charité, par effusion de son Saint Esprit, qui habitera dans nos âmes, comme il l’a donné aujourd’hui aux apôtres et lui a fait faire les merveilles qu’ils ont faites. Le second avantage d’aimer Notre Seigneur consiste en ce que le Père et le Fils et le Saint Esprit viennent dans l’âme qui aime Notre Seigneur ; ce qui se fait : 1° par l’illustration de notre entendement ; 2° par les mouvements intérieurs qu’ils nous donnent de leur amour, par les inspirations, par les sacrements, etc. Le troisième effet de l’amour de Notre Seigneur est que non seulement Dieu le Père aime ces âmes, et les personnes de la Sainte Trinité viennent en elles, mais elles y demeurent. L’âme donc de celui qui aime Notre Seigneur est la demeure du Père et du Fils et du Saint Esprit, et om le Père engendre perpétuellement son Fils, et où le Saint Esprit est incessamment produit par le Père et le Fils » (XI, 45).

 

Les pauvres, carrefour de Dieu 

Saint Vincent, après un début très difficile de sa vie n’eût pas comme les autres saints des preuves terribles de son élection particulière. Il se sentait enveloppé de Dieu. Il avait compris à quel point, comme chacun de nous, il était unique dans le projet de Dieu. Son action n’était pas inscrite sur le sable, mais dans le cœur de tant de pauvres. Il n’avait pas besoin de faire du prosélytisme. Les vocations naissaient et se présentaient spontanément. Il n’avait non plus besoin de faire des pénitences extraordinaires comme ce fût le cas de certains saints. Plusieurs personnes à son époque entraient au monastère pour se mortifier. Sainte Thérèse d’Avila disait au monastère : « Ne cherchez pas une vie commode… Vous êtes venues à mourir pour Jésus ! » L’idéal que visait Saint Vincent était le service, non pas la mort. La recherche du Salut pour lui ne signifiait pas une fuite du monde, mais plutôt un vrai contact avec le monde. Ce n’est pas le monde qui modèle ou détruit le missionnaire (ou la Fille de la Charité ou le volontaire laïc vincentien), mais c’est le missionnaire (la Fille de la Charité ou le volontaire laïc vincentien) qui influence positivement le monde et le change.

 

Flamme d’amour 

Pour le Saint de la Charité, l’Incarnation est à l’origine d’une nouvelle relation avec le Christ et avec l’homme. « Regardons le Fils de Dieu ; oh ! quel cœur de charité ! quelle flamme d’amour ! Mon Jésus, dites-nous, vous, un peu, s’il vous plait, qui vous a tiré du ciel pour venir souffrir la malédiction de la terre, tant de persécutions et de tourments que vous y avez reçus. O Sauveur ! ô source de l’amour humilié jusqu’à nous et jusqu’à un supplice infâme, qui en cela a plus aimé le prochain que vous-même ? Vous êtes venu vous exposer à toutes nos misères, prendre la forme de pécheur, mener une vie souffrante et souffrir une mort honteuse pour nous ; y a-t-il un amour pareil ? Mais qui pourrait aimer d’une manière tant suréminente ? Il n’y a que Notre Seigneur qui soit si épris de l’amour des créatures que de quitter le trône de son Père pour venir prendre un corps sujet aux infirmités. Et pourquoi ? Pour établir entre nous par son exemple et sa parole la charité du prochain. C’est cet amour qui l’a crucifié et qui a fait cette production admirable de notre Rédemption. O messieurs, si nous avions un peu de cet amour, demeurerions-nous les bras croisés ? Ceux que nous pourrions assister, les laisserions-nous périr ? Oh ! non, la charité ne peut demeurer oisive ; elle nous applique au salut et à la consolation des autres » (XII, 264 ss).

 

Le peuple meurt de faim et se damne

Comme on le voit la contemplation de l’incarnation constituait pour Saint Vincent une urgence apostolique. Où Bérulle envoyait les siens enseigner la « science du salut », le Saint de la charité, comme angoissé de constater que « le peuple meurt de faim et se damne », voulait que les missionnaires s’emploient de toutes leurs forces à l’action, à prêcher, baptiser, en d’autres termes à « construire le Royaume ». L’Incarnation n’était pas pour lui un mystère à contempler de façon passive, mais l’origine de l’agir, du faire.  C’est d’ailleurs pourquoi, selon Bermond, « ce n’est pas l’amour des hommes qui l’a conduit à la sainteté, mais c’est plutôt la sainteté qui l’a rendu véritablement et efficacement charitable ; ce ne sont pas les pauvres qui l’ont donné à Dieu, mais au contraire, c’est Dieu – c’est-à-dire le Verbe Incarné – qui l’a donné aux pauvres ». Raison pour laquelle on ne saurait considérer Vincent comme un homme d’action seulement, un distributeur d’aumône, mais surtout un homme de prière qui rencontrait le monde dans la sphère de Dieu, d’où sa prière qui s’est faite charité.

Fort de ce principe il n’eût aucune difficulté à inviter les missionnaires et les sœurs à « quitter Dieu pour Dieu ». Parce que les pauvres sont les pauvres de Jésus Christ, ils sont Jésus Christ, ainsi, les missionnaires laissant Jésus dans les activités spirituelles, le retrouvaient dans les membres souffrants de son corps que sont les pauvres. L’Incarnation fut donc à l’origine de son anthropologie. Comme l’écrivit Calvet, Vincent «est l’homme, qui a aimé le plus les hommes. Il a réalisé pleinement dans son cœur le sentiment de fraternité, c’est-à-dire qu’il croyait non pas seulement en paroles, ni de façon métaphorique ou par des réflexions philosophiques, mais de façon substantielle et concrète et dans les vicissitudes, que le miséreux, le petit pauvre diable de la rue, était son frère. Ce sentiment exprimé à ce niveau est très rare. Chaque jour il invitait à manger à sa table deux mendiants, et il s’employait lui-même à les servir avec un grand respect. Tous les saints ont servi les pauvres par conformité à l’esprit de l’évangile ; bien plus, lui il les servait avec amour et grand plaisir.  Quand il fut installé au prieuré de Saint Lazare, il y avait trouvé certains démunis, des abandonnés de tous, certains exclus de l’humanité. Il a été pris d’affection pour eux et s’est uni à eux avec douceur et compassion, au point où le jour où il dû partir du prieuré, il s’est demandé ce qu’il regretterait le plus en s’en allant, et il parvint à la réponse que ce serait le fait de laisser ces pauvres de qui personne ne se serait jamais occupé, qui coûterait le plus à son cœur ». S’il a choisi comme devise pour sa Congrégation « evangelizare pauperibus », c’était par conviction d’être appelé à continuer la mission historique de l’Homme Dieu qui vient dans le monde, renonçant à ses privilèges divins et embrassant la pauvreté pour le salut des hommes. De là se comprend le caractère évangélique de sa spiritualité, sans ajout de quelque type que ce soit, mais qui fut centrée sur la Trinité et l’Incarnation.

 

Les germes de la toute-puissance de Jésus en nous 

Le Christ de Saint Vincent est l’Evangélisateur des pauvres, le Missionnaire du Père, l’Envoyé du Saint Esprit pour « annoncer aux pauvres la bonne nouvelle… proclamer aux captifs la libération et rendre aux aveugles la vue…libérer les opprimés, et annoncer une année de grâce du Seigneur » (Lc 4, 18s.).

Lors d’une conférence aux missionnaires, Saint Vincent se représentait l’idéal missionnaire en ces termes : « Nos missionnaires de Barbarie et ceux qui sont à Madagascar, qu’ont-ils entrepris ? qu’ont-ils exécuté ? qu’ont-ils fait ? qu’ont-ils souffert ? Un seul entreprend une galère où il y a quelques fois deux cents forçats : instructions, confessions générales aux sains, aux malades, de jour et de nuit, pendant quinze jours ; et au bout de ce temps, il les traite, il va lui-même acheter un bœuf, il fait cuire cela ; c’est leur régal ; un homme seul fait ça ! Tantôt il s’en va dans les fermes où l’on met des esclaves, et va trouver les maîtres pour les prier de lui permettre de travailler à l’instruction de leurs pauvres esclaves ; il prend leur temps et leur fait connaître Dieu, les rend capables de participer aux sacrements, et à la fin il les traite et leur fait un petit régal […] A Madagascar, dit encore M. Vincent, les missionnaires prêchent, confessent, catéchisent continuellement depuis quatre heures du matin jusqu’à dix, et depuis deux heures après midi jusqu’à la nuit ; le reste du temps, c’est l’office, c’est la visite des malades. Voilà des ouvriers, voilà de vrais missionnaires ! Plaise à la bonté de Dieu nous donner cet esprit qui les anime, un cœur grand, vaste, ample ! Magnificat anima mea Dominum ; il faut que notre âme magnifie, amplifie Dieu, et pour cela que Dieu amplifie notre âme, qu’il nous amplitude d’entendement pour bien connaître la grandeur, l’étendue de la bonté et de la puissance de Dieu ; pour connaître jusqu’où s’étend l’obligation que nous avons de le servir, de le glorifier en toutes les manières possibles ; amplitude de la volonté pour embrasser toutes les occasions de procurer la gloire de Dieu. Oui, la Mission peut tout, parce que nous avons en nous les germes de la toute-puissance de Jésus-Christ ; c’est pourquoi nul n’est excusable sur l’impuissance ; nous aurons toujours plus de force qu’il n’en faudra, principalement dans l’occasion ; car, quand on est dans l’occasion, l’homme se sent un homme tout nouveau » (XI, 203s).

Cela implique que les vincentiens doivent avoir le regard de foi du Christ, en syntonie avec la volonté du Père par amour des frères.  Est-ce possible ? Saint Vincent répondait aux missionnaires dans la conférence 196, disant que le Saint Esprit résidant en nous, nous donne les mêmes inclinations qu’avait Jésus Christ, ses vertus, c’est-à-dire sa capacité d’action, sa sensibilité, pratiquement son instinct de Dieu.

 

Vers Dieu et vers l’homme
Qu’accomplit vraiment le Saint Esprit ? Une œuvre d’amour en deux directions.
  • Vers le haut : « c’est un Esprit de parfaite charité, rempli d’une merveilleuse estime de la divinité et d’un désir infini de l’honorer dignement, une connaissance des grandeurs de son Père pour les admirer et les extoller incessamment. (…) Et son amour, quel était-il ? Oh ! quel amour ! O mon Sauveur, quel amour n’avez-vous pas porté à votre Père ! En pouvait-il avoir un plus grand, mes frères, que de s’anéantir pour lui ? (…) En pouvait-il témoigner un plus qu’en mourant par amour de la manière qu’il est mort ? (…) Ses humiliations n’étaient qu’amour, son travail qu’amour, ses souffrances qu’amour, ses oraisons qu’amour, et toutes ses opérations intérieures et extérieures n’étaient que des actes réitérés de son amour. (…) Plaise à Dieu nous faire la grâce de conformer toujours nos conduites à ses conduites et nos sentiments aux siens, qu’il tienne nos lampes allumées en sa présence et nos cœurs toujours tendant à son amour et toujours appliqués à se revêtir davantage de Jésus Christ en la manière que nous venons de montrer ! » (XII, 109s).
  • Vers le bas : l’amour pour les hommes. Dans l’Incarnation Jésus Christ a voulu, non seulement que nous soyons « sauvés, mais sauvés comme lui » (XII, 113). Au cours de la conférence du 30 mai 1659 sur la charité, le Saint a dit : « nous sommes choisis de Dieu comme instruments de son immense et paternelle charité, qui se veut établir et dilater dans les âmes. (…) Notre vocation est donc d’aller, non en une paroisse, ni seulement en un évêché, mais par toute la terre ; et quoi faire ? Embraser les cœurs des hommes, faire ce que le Fils de Dieu a fait, lui qui est venu mettre le feu au monde afin de l’enflammer de son amour. Qu’avons-nous à vouloir, sinon qu’il brûle et qu’il consume tout ? (…) Il est donc vrai que je suis envoyé, non seulement pour aimer Dieu, mais pour le faire aimer. Il ne me suffit pas d’aimer Dieu, si mon prochain ne l’aime. (…) Or, si tant est vrai que nous soyons appelés pour porter loin et près l’amour de Dieu, si cela est ainsi, dis-je, si cela est ainsi, mes frères, combien dois-je brûler moi-même de ce feu divin ! (…) Mais qui pourrait aimer d’une manière tant suréminente ? Il n’y a que Notre Seigneur qui soit si épris de l’amour des créatures que de quitter le trône de son Père pour venir prendre un corps sujet aux infirmités. Et pourquoi ? Pour établir entre nous et par son exemple et sa parole la charité du prochain. C’est cet amour qui l’a crucifié et qui a fait cette production admirable de notre rédemption. O messieurs, si nous avions un peu de cet amour, demeurions-nous les bras croisés ? Ceux que nous pourrions assister, les laisserions-nous périr ? ». (XII, 262-266). A un confrère envieux des succès pastoraux d’un autre, le Saint écrivait ces paroles : « Et, au nom de Dieu, Monsieur, je vous prie d’entrer dans ces sentiments, et Monsieur Lucas aussi, de ne rien prétendre de vos travaux que honte, qu’ignominie et enfin la mort, s’il plaît à Dieu. Un prêtre ne doit-il pas mourir de honte de prétendre de la réputation dans le service qu’il rend à Dieu et de mourir dans son lit, qui voit Jésus Christ récompensé de ses travaux par l’opprobre et le gibet. Ressouvenez-vous, Monsieur, que nous vivons en Jésus-Christ par la mort de Jésus-Christ, et que nous devons mourir en Jésus-Christ par la vie de Jésus-Christ, et que notre vie doit être cachée en Jésus-Christ et pleine de Jésus-Christ, et que, pour mourir comme Jésus Christ, il faut vivre comme Jésus Christ. Or, ces fondements posés, donnons-nous au mépris, à la honte, à l’ignominie et désavouons les honneurs qu’on nous rend, la bonne réputation et les applaudissements qu’on nous donne et ne faisons rien qui ne soit à cette fin » (I, 294s).

Dans les avertissements adressés à un nouveau Supérieur le Saint parlait de la centralité du mystère du Christ dans notre vie : « Non, Monsieur, ni la philosophie, ni la théologie, ni les discours n’opèrent dans les âmes ; il faut que Jésus Christ s’en mêle avec nous, ou nous avec lui ; que nous opérions en lui et lui en nous ; que nous parlions comme lui et en son esprit, ainsi que lui-même était en son Père, et prêchait la doctrine qu’il lui avait enseigné. Il faut donc, Monsieur, vous vider de vous-mêmes pour vous revêtir de Jésus Christ… Si celui qui guide les autres, qui les forme, qui leur parle, n’est animé que de l’esprit humain, ceux qui le verront, qui l’écouteront et qui s’étudieront à l’imiter deviendront tous humains : il ne leur inspirera, quoi qu’il dise et qu’il fasse, que l’apparence de la vertu, et non pas le fond ; il leur communiquera l’esprit dont lui-même sera animé, comme nous voyons que les maîtres impriment leurs maximes et leurs façons de faire dans l’esprit de leurs disciples… Pour en venir là, Monsieur, il faut que Notre Seigneur lui-même imprime en vous sa marque et son caractère… Notre Seigneur imprimant en nous son caractère, et nous donnant, pour ainsi dire, la sève de son esprit et de sa grâce, et étant unis à lui comme les pampres de la vigne aux ceps, nous faisons le même qu’il a fait sur la terre, je veux dire que nous opérons des actions divines, et enfantons, comme saint Paul, tout plein de cet esprit, des enfants à Notre Seigneur » (XI, 342-344 ».

 

 

Prière

Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je ne suis plus qu’airain qui sonne ou cymbale qui retentit.

Quand j’aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j’aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter des montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien.

Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien.

La charité est longanime ; la charité est serviable ; elle n’est pas envieuse ; la charité ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas ;

Elle ne fait rien d’inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal ;

Elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle met sa joie dans la vérité.

Elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout.

La charité ne passe jamais. Les prophéties ? elles disparaîtront. Les langues ? elles se tairont. La science ? elle disparaîtra.

Car partielle est notre science, partielle aussi notre prophétie.

Mais quand viendra ce qui est parfait, ce qui est partiel disparaîtra.

Lorsque j’étais enfant, je parlais en enfant, je pensais en enfant, je raisonnais en enfant ; une fois devenu homme, j’ai fait disparaître ce qui était de l’enfant.

Car nous voyons, à présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. A présent, je connais d’une manière partielle ; mais alors je connaîtrai comme je suis connu.

Maintenant donc demeurent foi, espérance, charité, ces trois choses, mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité. (1Co 13, 1-13)

Luigi MEZZADRI, CM 🔸

Saint Vincent définit la Mission comme « un état d’amour, non seulement parce qu’elle vise à suivre la doctrine et les conseils de Jésus Christ, mais aussi parce qu’elle nous fait travailler à porter le monde à l’estime et à l’amour de Notre Seigneur ».

Traduction :

P. Emmanuel Patrick Issomo Mama CM

Illustration :

« Noli Me Tangere ». Hans Holbein le Jeune (1526 – 1528).  Royal Collection Trust, UK

La Mission. Sortir vers les horizons de Dieu. Retraite spirituelle à Ars. Province de France (22-27 Octobre 2017). Introduction et Premier Jour

La Mission. Sortir vers les horizons de Dieu.

Retraite spirituelle à Ars. Province de France (22-27 Octobre 2017)

Introduction et Premier Jour

La retraite est un parcours dans le désert. Mon rôle est de vous guider. J’ai cherché à m’inspirer de plusieurs figures bibliques. La première qui m’est venue à l’esprit est celle de Moïse, qui transmit au peuple la Loi. C’est un modèle très exigeant. Un autre guide est le démon. C’est vraiment de la racaille comme modèle pourrait-on dire dans une certaine façon peu commode de parler. La troisième figure est la personne qui dans le désert apporte au prophète Elie du pain et de l’eau, mais ensuite se retire, afin de permettre à Elie de monter tout seul sur la Montagne de Dieu. Moi je ne vous donnerai pas grand-chose, mais seulement de l’eau et du pain. C’est à vous de faire le reste.

Prier la Trinité avec Saint Vincent de Paul

  • Dieu viens à mon aide.
  • Seigneur à notre secours

Gloire au Père au Fils et au Saint Esprit…

 

PREMIERE PARTIE

– Dieu Saint, Dieu Fort, Dieu Immortel,

– Seigneur prends pitié de nous.

– A toi la louange, à Toi la gloire, à Toi la grâce pour les siècles, o Trinité bienheureuse.

– Saint, Saint, Saint,

Le Seigneur Dieu de l’univers. Les cieux et la terre sont remplis de ta gloire.

Gloire au Père au Fils et au Saint Esprit.

Bénie soit la Sainte Trinité, Qui crée et gouverne l’univers, Dans les siècles sans fin.

– Gloire à toi, o Sainte Trinité, Toi qui nous donne miséricorde et rédemption.

Des conférences de s. Vincent aux missionnaires

« L’état de la mission est un état d’amour, non seulement parce qu’il porte à suivre la doctrine et les conseils de Jésus Christ, mais aussi parce qu’il fait profession de porter le monde à l’estime et à l’amour de Notre Seigneur. Quels avantages en découlent ? Si nous aimons Notre Seigneur, nous serons aimés de son Père, ce qui équivaut à dire que le Père nous aimera, et ceci deux manières : premièrement, il aura compassion de nous comme le père de la parabole du fils prodige ; deuxièmement, il nous comblera de ses dons surnaturels que sont, la foi, l’espérance, la charité, par l’effusion de l’Esprit Saint qui habitera nos âmes, comme il l’a donné aujourd’hui aux apôtres, les rendant capables d’accomplir les merveilles que raconte l’Ecriture à leur sujet ».

– Dieu Saint, Dieu Fort, Dieu Immortel,

– Prends pitié de nous.

– A Toi louange, à Toi la gloire, à Toi la grâce dans siècles, O Trinité bienheureuse.

– Saint, Saint, Saint, Le Seigneur Dieu de l’univers.

Les Cieux et la terre sont remplis de ta gloire.

 

DEUXIEME PARTIE

– Dieu Saint, Dieu Fort, Dieu Immortel,

– Prends pitié de nous.

– A Toi louange, à Toi la gloire,

-Toi la grâce dans les siècles, O Trinité bienheureuse.

– Saint, Saint, Saint, Le Seigneur Dieu de l’univers. Les cieux et la terre sont remplis de ta gloire.

Gloire au Père et au Fils et au Saint Esprit.

– Bénie soit la Saint Trinité qui crée et gouverne l’univers, dans les siècles sans fin.

– Gloire à toi, o Sainte Trinité, Tu nous donnes miséricorde et rédemption.

Des conférences de s. Vincent aux missionnaires 

« Le second avantage qu’i y a à aimer Notre Seigneur consiste en la communication du Père, du Fils, de l’Esprit Saint aux âmes de ceux qui l’aiment, cela advient : 1° à travers l’illumination de nos pensées ; 2° à travers les motions intérieures que les personnes divines suscitent en nous, nous communiquant leur amour avec des inspirations, avec des sacrements, etc. »

 

TROISIEME PARTIE

– Dieu Saint, Dieu Fort, Dieu Immortel,

– Prends pitié de nous.

– A Toi louange, à Toi la gloire,

A Toi la grâce dans les siècles,O Trinité bienheureuse.

– Saint, Saint, Saint, Le Seigneur Dieu de l’univers. Les cieux et la terre sont remplis de ta gloire.

Gloire au Père et au Fils et au Saint Esprit.

– Bénie soit la Saint Trinité qui crée et gouverne l’univers, dans les siècles sans fin.

Gloire à toi, o Sainte Trinité, Tu nous donnes miséricorde et rédemption.

Des conférences de s. Vincent aux missionnaires

« Le troisième effet de l’amour de Notre Seigneur est que non seulement Dieu le Père aime ces âmes, et que les personnes de la Très Sainte Trinité viennent en elles, mais aussi elles y demeurent. L’âme donc, de celui qui aime Notre Seigneur, devient demeure du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, et le Père y engendre perpétuellement le Fils, le Saint Esprit également y procède sans cesse du Père et du Fils. Il y a des personnes aimées du Père, et en qui les trois Personnes viennent faire leur demeure ; mais elles n’y restent pas, parce que ces personnes ne persévèrent pas dans l’amour de Notre Seigneur s’attiédissent de l’estime de sa Parole et de la vie selon ses conseils et selon les exemples qu’il nous a légués. Peut-être l’avons-nous aimé une année ou deux au début de notre conversion, mais ensuite nous laissé la nature prendre le dessus, de telle sorte que nous vivons de nouveau selon nos propres penchants, etc. » (SV XI, 44s.)  

– Dieu Saint, Dieu Fort, Dieu Immortel,

– Prends pitié de nous.

– A Toi louange, à Toi gloire, à Toi la grâce dans les siècles,O bienheureuse Trinité.

– Saint, Saint, Saint, Le Seigneur Dieu de l’univers. Les cieux et la terre sont remplis de ta gloire.

 

INTRODUCTION

Dans l’Eglise il y a deux traditions théologiques : celle de l’Exode et celle du Deutéronome. La première est une théologie en sortie, une théologie du voyage avec tous les risques que comporte la marche vers l’inconnu. La seconde est une théologie du souvenir, de la mémoire, du déjà fait, de la loi, de la norme.

Dans la première, prédomine la prophétie, le courage, le risque. Les voies se cherchent, on se trompe, mais on est en mouvement. Dans la seconde, tout est loi. On ne risque rien. Ou du moins c’est ce qu’on croit, parce que même la vie sédentaire a ses dangers.

Dans la première tradition théologique la responsabilité de conduire le peuple est confiée à un Moïse libérateur, qui guide un peuple en sortie dans le désert, des espèces enfermés vers la Terre Promise. Dans la seconde prévaut la figure d’un Moïse législateur, faisant des discours exténuants à la limite.

Dans la première tradition théologique l’image de Dieu est un feu et la nuée, et l’image du peuple est le mouvement et la bataille. Dans la seconde tradition théologique tout est ferme, comme pétrifié.

De ces deux traditions théologiques dérivent deux types de pastorale. De la première dérive une pastorale pneumatique, sous la conduite de l’Esprit Saint, avec un contenu progressif, qui met au centre la personne avec ses fragilités, mais qui est inventive, et aussi risquée. De la seconde théologie découle une pastorale institutionnalisée, sous le contrôle du Droit canonique qui, insinuant la peur, freine l’élan de créativité et d’inventivité, cette deuxième forme de pastorale est pauvre en imagination et en courage.

Il en est de même pour notre vie de communauté et de mission qui est animée de ces deux mouvements ou tendances théologiques. Il y a eu une phase prophétique et une phase institutionnelle, une phase de sortie et une phase de défense ; une phase de créativité et une phase de stabilisation des dispositions codifiées ; une phase durant laquelle on se préoccupait de mesurer la longueur de l’habit conformément aux exigences de l’époque, et une phase d’abandon total de l’habit clérical ; une phase de forte présence de jeunes confrères et peu d’anciens, alors qu’aujourd’hui nous savons tous que c’est le contraire. Il y a eu temps où nous devrions construire des communautés et structures de formation et de mission pour les jeunes, et un temps où il nous faut fermer, vendre, mettre en location. Ce qui se passe est déjà advenu et adviendra encore :

« il y a un temps pour tout,

Et chaque évènement a son temps sous le soleil.

Il y a un temps pour naître et un temps pour mourir,

Un temps pour planter et un temps pour déraciner ce qui a été planté » (Qo 3, 1-2).

 

Voulez-vous partir vous aussi ?

C’est une question que Jésus a posé à ses disciples à un moment critique que nous rapporte Jn 6, 68. Il leur a fait comprendre, à travers cette question, la fragilité extrême qu’ils avaient à affronter. Bientôt ils verront le Fils de l’homme élevé, glorifié, c’est-à-dire crucifié et tué.

C’est la même question que Jésus nous pose aujourd’hui. Accepter la croix et, abandonnant plusieurs sécurités du passé, se résoudre à sortir et marcher vers l’inconnu à la recherche des personnes à servir ou à sortir du désert des tranchées les plus profondes du rejet et de la solitude, pour relire nos règles, se souvenir des vieilles histoires et puis y mourir ?

 

Ou partir ou mourir ?

Nous sommes à un tournant. Nous avons un Pape argentin et jésuite qui s’appelle François et qui parle comme Vincent. Je ne crois pas qu’avec le nouveau pontificat d’un homme « venu d’un autre monde », nous retournons à cette Eglise des somptueuses vêtures balayant le sol et trainant le plus long possible, et des sièges et chapeaux de plus de 12 mètres parfois.

Le premier nom donné aux disciples de Jésus était les « disciples de la voie » (Ac 9, 2). Nous des hommes du chemin, des hommes en chemin. Notre vocation est de construire des chemins, redresser les sentiers, ouvrir les horizons. Comme le fît Jean Baptiste.

Seules mission et charité changeront l’Eglise.

PRIERE

Il est nécessaire en fait que ce corps corruptible se revête d’incorruptibilité et que ce corps mortel se revête d’immortalité. Et quand alors ce corps corruptible se sera revêtu d’incorruptibilité et ce corps mortel d’immortalité, s’accomplira la parole de l’Ecriture : La mort a été engloutie dans la vie. Ô Mort, où est donc ta victoire ? Ô Mort, où est ton dard venimeux ? Le dard de la mort c’est le péché et la force du péché c’est la Loi.

Que toute gloire soit rendue à Dieu, qui nous donne la victoire par la mort de notre Seigneur Jésus Christ ! En raison de cela, mes frères bien aimés, restez fermes et inébranlables, progressant chaque jour dans l’œuvre du Seigneur, convaincus de ce que votre peine n’est pas vaine dans le Seigneur. (1Co 15, 53-58)

 

 

Premier Jour

LES CONVERSIONS DE SAINT VINCENT ET LES NOTRES

Evangelizare pauperibus

Jésus retourna en Galilée, avec la puissance de l’Esprit Saint, et une rumeur se répandit par toute la région à son sujet. Il enseignait dans leurs synagogues, glorifié par tous. Il vint à Nazareth où il avait été élevé, entra dans la synagogue, et se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe et, déroulant le livre, il trouva le passage où il était écrit : l’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres ; il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugle le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur. Il replia le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous dans la synagogue tenaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Ecriture ». (Lc 4, 14-18)

Jésus n’était pas un homme du désert. Il vint au milieu des siens, il a vécu avec les siens et mourut pour eux cf Jn 1, 14). Revenu en Judée, il reçut le baptême dans les eaux du Jourdain, ce qui correspondait au passage de la mer rouge, pour refaire la route du désert. Et là il fut tenté. Le Diable lui présenta tout ce à quoi aspire l’homme : le pain, les prodiges et le pouvoir. Puis il retourna à Nazareth, où le dessein du Dieu de l’Incarnation se révéla avec Marie. Jésus, dans la synagogue le jour du sabbat, manifesta le dessein de la Rédemption comme libération. Il annonça publiquement la « joyeuse nouvelle ». Il commença l’évangélisation.

Vincent avait perçu que les deux rencontres de 1617 n’étaient pas le fait du hasard. Il avait compris que les deux évènements de Folleville et Châtillon étaient sa Mission.

 

Les années perdues

Saint Vincent n’était pas né saint. Il avait des assises humaines saines : il était pétri de bonnes habitudes et vertus paysannes, il était bien en lui-même, il avait de bons rapports avec les femmes, il connaissait la valeur du travail et de l’argent. Même s’il n’était pas humble de nature en raison de son origine Gascogne, il était prudent et avisé.

Cependant dans la lettre adressée à sa mère le 17 février 1610, il lui parlait d’avancement et de désastres. Ajoutant qu’il rêvait d’une « honnête retraite pour employer le reste de mes jours auprès de vous » (I, 18).

Donc la première décennie de son sacerdoce étaient en fait des années perdues, puisqu’il pensait à se retirer. Mais celles-ci ont été en fait les années de semence sous la neige.

 

Les conversions 

Je parle de conversions au pluriel parce que le mot métanoia m’inspire le mouvement de l’hélice de l’avion qui en tournant maintient l’avion en l’air. Ainsi donc la conversion n’est pas le fait d’un moment, mais c’est quelque chose qui s’approfondi et qui nous change graduellement. Saint Athanase dans sa biographie de Saint Antoine, fondateur du monachisme, nous le montre à travers ses conversions multiples : il renonça premièrement à ses biens et sa maison, puis à ses tombes, puis il se retira au désert, ensuite il quitta le désert pour combattre l’arianisme et enfin il abandonna la vie. Il changea plusieurs fois. Et finit par se convertir.

Les années entre 1610 et l’année 1617 sont les années durant lesquelles Dieu préparait à Vincent une sorte de piège. Ce piège ne l’a pas loupé au passage. Il s’est laissé prendre par le Seigneur. Il a reçu l’Eglise, il a redécouvert le sacerdoce non comme « privilège et prestige » mais comme « office et service ». (Clichy). A la différence de certains saints, il n’a pas été question de visions mystiques pour lui, il n’en a pas eu besoin. Comme Descartes, Newton, Galilée, Pascal et bien d’autres, il valorisa l’expérience et il su interpréter les deux expériences comme appels de Dieu. Il comprit qu’il était appelé à répondre à la double pauvreté de la Parole et du Pain. A Folleville et à Châtillon il reçut le don du charisme : la Mission et la Charité. Quand, « sans que personne ne l’eût pensé… » il fut à la tête d’une grande famille bien articulée, il dû se convertir à une paternité plus large, à une vision stratégique et à de nouvelles responsabilités, surtout celles qui engageaient la vie des personnes.

Impliqué et engagé en politique, il dû choisir entre engagement pour la paix et soumission à la volonté du gouvernement. Engagé envers l’Eglise, plutôt que de rester en France comme ce fût le cas des autres congrégations de l’Ecole française de Spiritualité par exemple, il sortit vers le monde et les pauvres du monde.

Engagé comme fondateur, il ne se laissa pas capturer par les sirènes de « l’invasion mystique » (Bremond).

A la mystique abstraite Vincent préféra la mystique des pauvres ; à la théologie métaphysique, il préféra la théologie de la charité, au rêve d’une vie cloîtrée comme à la chartreuse il préféra la réalité de la vie des serviteurs de l’évangile dans les missions.

Une des portes de la Cité de Dieu était fermée : celle qui empêchait aux femmes de servir les pauvres. Il ne la défonça pas, il la contourna. Il se convertit avec eux et pour eux.

A chaque phase de sa vie quelque chose changea en lui. Il changea en lui, et il nous change.

 

Nos conversions à nous 

Le missionnaire de ma génération (1954-1963 ; puis l’université) devait tout savoir. Nous devions avoir toutes les réponses aux questions de la vie. L’existence de Dieu était comme le théorème de Pythagore : mathématiquement démontrable. Que Jésus ait marché sur les eaux (sans se mouiller les pieds) prouvait sa divinité. Le Suaire de Turin prouvait la résurrection. L’Eglise est Une (les protestants sont divisés), Sainte (seuls nous avons les saints), Catholique (le nom le dit suffisamment) et Apostolique (c’est nous qui avons la succession apostolique). Il y a sept sacrements. Et tous les communistes vont en enfer. Nous avions, au sujet de tout, une machine infaillible qui fabriquait des réponses : le syllogisme.

Voici quel était le climat de cette époque : durant une mission, les missionnaires furent priés d’aller dans une paroisse voisine, parce que les habitants de cette paroisse qui étaient en désaccord avec l’évêque voulaient se faire protestants. Notre supérieur y envoya le confrère le moins cultivé. Il y eu un débat avec un pasteur protestant. Notre confrère cita « tu es Pierre ». Le protestant répliqua « c’est apocryphe». Et notre confrère répondit « c’est apocryphe, mais cela est ! » les gens applaudirent. Le confrère avait gagné le débat ! il n’était pas très intelligent mais il était rusé, génial.

Et puis vint le Concile. La Congrégation de la Mission teint une assemblée générale pour remplacer les prières du soir par les complies. Et puis arriva le clergyman. Les Visiteurs étaient désormais élus et non plus simplement nommés par Paris. Il y eut la rédaction de magnifiques Constitutions. Mais seulement sur papier. Au point où l’édifice commença à vaciller. Plusieurs confrères nous abandonnèrent. La petite méthode nous semblait une bicyclette avec des pneus dégonflés. On ne se rendait plus nulle part pour la mission. Les séminaires se vidèrent. Et d’années en années les gens de ma génération restaient toujours considérés comme « les jeunes confrères », juste parce qu’il n’y avait plus de nouvelles entrées des jeunes pour nous remplacer.

C’est alors que je compris que je devais me convertir. Il devenait clair pour moi que les réponses n’étaient pas importantes mais plutôt les questions. Comment Dieu a-t-il nourri son peuple dans le désert ? Avec la manne. Une nourriture-question (man hu : Is 16, 13-15). Les premières paroles de Jésus dans l’évangile de Jean sont : « Que cherchez-vous ? » (Jn 1, 38).

Les premières paroles que le Ressuscité adressa à Marie Madeleine sont : « Qui cherches-tu ? » (Jn 20, 15).

Comme les disciples cherchaient d’abord quelque chose et puis quelqu’un, moi aussi j’ai compris que je cherchais d’abord le sacerdoce, être un professeur qualifié, être capables de dire des choses intéressantes, mais pas Jésus Christ.

Dieu ne nous parle pas avec des réponses, mais avec des questions. Dans la Bible il y a dix commandements et par ailleurs près de 200 questions de Jésus. Après le Concile Vatican I un prêtre anglais s’attendait chaque jour à trouver, à côté de la tasse bouillante de thé, du pudding, bacon et egg, le journal avec « notre dogme quotidien». Heureusement que de 1870 à nos jours un seul dogme a été proclamé : celui de l’Assomption.

Si Dieu nous nourrit par des questions ne pouvons-nous pas nous aussi nous aujourd’hui, toutes les fois que nous prêchons, nous poser cette question : « M’aimes-tu plus que tous ceux-ci ? » (Jn 21, 15-19).

 

Les obélisques romains

A Rome il y a beaucoup d’obélisques. Ils viennent de l’Egypte et ont été amenés là par les anciens romains pour signifier que le pouvoir de l’empereur ne finirait jamais. Pour le transport de l’obélisque de la Place Saint Pierre fut conçu un bateau spécial rempli de lentilles. Sixte V n’avait pas lu les Contes de ma mère l’Oye de Charles Perrault, avec le Petit Poucet. Il avait eu une idée pareille. Il a érigé des obélisques sur toutes les places principales de la vielle comme une sorte de chaîne qui devait conduire à Saint Pierre, comme avait fait le Petit Poucet avec ses tchèques.

Les questions sont les petites graines du Petit Poucet ou les obélisques de Rome. Donc plus de simples questions, elles sont des chemins.

Le premier sentier est la question sur Dieu. Depuis ma tendre enfance l’image maçonnique du triangle et la mention « Dieu te voit » ne me plaisait pas. Ils l’utilisaient dans les affiches électorales : « Dieu te voit, Staline non ! »

On transmettait à cette époque l’idée d’un Dieu qui récompense les bons et envoient les mauvais périr en enfer. L’Esprit Saint était complètement absent des spéculations sur la question de Dieu. Dans notre formation de jeunesse on nous rappelait les paroles du salésien saint Dominique Savio : « la mort mais pas les péchés ». Par après, en découvrant mes faiblesses à moi, j’ai découvert le Christ faible, « dernier des derniers » (Charles de Foucault), « en agonie jusqu’à la fin du monde » (Pascal), « une vermine et plus un homme » (Isaïe), abandonné sur la croix, qui implore l’assistance du Père et des hommes. Plus qu’à travers les manuels de moral (nous étions aux premiers instants de Häring), qui semblaient des tables de logarithmes, j’ai appris à confesser grâce à un jeune garçon handicapé : Michelino. Il ne parlait pas, il ne bougeait pas, mais il communiquait avec les yeux et les doigts de la main. Quand j’arrivai au centre pour handicapés, l’infirmière qui le suivait disait : « le Père Luigi arrive et tu dois te confesser ». Je revois encore ces yeux-là ! Je sais qu’ils regardent et contemplent à présent Dieu.

Mais alors ces yeux m’ont conduit à comprendre que le péché plus qu’une offense à Dieu (Dieu ne s’offense pas), est un refus à l’amour. Tout à fait différent de ce qu’on enseignait au séminaire. Un jeudi saint à la messe à la cathédrale notre évêque parla de la nécessité d’exiger la confession des péchés en genre, espèce et nombre. Je me souviens que le jour de mon examen de juridiction à Rome nous avons été admis 3 sur 13. Relisant le passage de la femme adultère (Jn 8, 1-11) j’ai compris que même Jésus, s’il se présentait à notre époque pour passer cet examen de juridiction, n’aurait pas été admis. Il n’a pas demandé à la dame : « combien de fois as-tu fait cela ? »

Pour qui sonne la cloche ?

A Sainte Marie Majeure, tous les soirs à 21h une cloche sonne. Autrefois la cloche sonnait pour indiquer le chemin vers la Ville Eternelle à ceux qui arrivaient de nuit et ne pouvaient voir la ville dans l’obscurité. Nous avons surnommé cette cloche : « la Perdue », parce qu’elle avait sonné pour la première fois quand un enfant s’était égaré.

Que c’est beau de savoir que les cloches d’une église servent à indiquer le chemin qui sauve. Admettre à la communion oui ou non ? C’est une discussion récente et même actuelle pour savoir si un divorcé remarié peut communier. Je me trouvais à Lourdes avec les handicapés. C’était dans les années soixante-dix. Une maman me dît : demain mon enfant fera sa première communion. Mais je suis une divorcée. Je me suis dit : mais que dira cet enfant ? Il pourra poser trois questions : 1) Si elle ne communie pas, est-ce parce qu’elle a commis un péché grave ? 2) Si elle ne communie pas, est-ce parce je suis méchant. 3) Si elle ne communie pas, est-ce parce que Dieu est méchant. Les possibles interrogations de cet enfant m’ont fait refléchir.

Devenons-nous être pasteurs ou percuteurs ? Remarquez que c’est une expression du Concile de Trente, qui affirmait que : Salus animarum suprema ratio. Pourrait-on penser que l’examen des questions morales de la famille ait été confié aux professeurs des universités pontificales ? Pour certaines personnes divorcées la communion eucharistique est l’occasion de s’auto absoudre pourrait-on dire. Mais pour tous ? Quel péché ont-ils commis si la vie avec ses erreurs les a secoué dans un sens comme dans l’autre ?

Dans l’Eglise Saint Augustin à Rome il y a un beau tableau de Caravaggio qui présente deux pauvres qui se rendent en pèlerinage à Lorette. Et subitement à l’improviste apparait la Madone avec Jésus dans ses bras. Les Monsignori de cette époque n’étaient pas du tout contents : les pèlerins avaient des pieds sales ! Quel manque de respect !! Mais Marie est venue à la rencontre des pauvres ou des monsignori ?

Combien de fois avons-nous dû nous convertir dans l’Eglise !! J’ai connu l’Eglise de Pie XII, de Jean XXIII, de Paul VI, de Jean Paul II, de Benoît XVI et maintenant de François. J’ai entendu et entends encore des critiques féroces. Un religieux me disait : Paul VI ne croit pas en Dieu. Aujourd’hui sur le net on peut lire : le Pape François est hérétique. Nous sommes passés par le Concile, la crise postconciliaire, Humanae vitae, la chute du communisme, la crise de la pédophilie, pour finalement nous entendre dire d’ouvrir les portes et que l’Eglise est « en sortie », qu’on peut discerner, qu’au centre de tout le déploiement ecclésial ne se trouve plus la Loi mais la Grâce.

J’étais sur la place Saint Pierre lors de l’élection du Pape Benoît XVI. J’étai déçu. Je dît : Obéissance et paix (le mot de Jean XXIII et du card. Baronio). Plusieurs fois je me suis senti en désaccord avec certains choix. Mais par la suite j’ai eu à répondre en disant : qui conduit l’Eglise ? Obéir ne veut pas dire fermer les yeux, mais plutôt ouvrir le cœur pour mieux accueillir les nouveautés que le Seigneur nous envoie. Les temps des semences ne sont pas les temps des épis.

Laisser Dieu pour Dieu

C’est une phrase de Saint Vincent qui justifie dans certains cas la considération d’un acte de charité comme étant une véritable prière. Recourir à ce principe reste tout de même délicat. Ne pas prier et agir, on risque finalement d’agir sans prier. Nous devons d’ailleurs aussi nous reconvertir même pour ce qui est de la prière. La prière de la CM était composée de « pratiques » traditionnelles faites en commun. La tendance ou le mode était ascétique. Nous n’avons pas été éduquées à la prière mystique.

Je crois que la reconversion devrait nous convaincre à organiser autrement notre prière. Quand j’ai donc commencé à fréquenter les gens qui vivent sous les ponts à Rome, quand j’ai connu les histoires des femmes victimes de féminicide, ma prière est devenue moins cléricale. J’ai senti la prière-drame, la prière-pourquoi ? Dans la prière je suis disputé avec Dieu. J’ai compris que Dieu n’est pas celui qui manipule les marionnettes, car la douleur a pénétré au plus profond du cœur de la Trinité. J’ai compris la christologie de Saint Vincent, une christologie qui n’est pas celle étudiée dans les livres de la Sorbonne, mais portée par l’odeur des pauvres, de la puanteur de mort respirée dans les cellules des pestiférés. On étudie cette christologie dans les larmes, on ne connait ce Christ que quand on pleure. Ce n’est pas par hasard qu’il y avait une prière pour obtenir le don des larmes. A côté de mon Eglise, Saint Robert Bellarmin a écrit un traité sur le don des larmes.

La prière du missionnaire devrait aller bien au-delà des deux heures. Il faut donner plus de temps à la célébration eucharistique, à la liturgie des heures, à la Lectio divina et l’adoration eucharistique. Le rosaire a beaucoup contribué à m’introduire à la prière mystique. Durant sa visite à Nazareth, Paul VI a qualifié la maison de Nazareth « d’école de l’évangile ». En elle, « apprenons la méthode qui nous permettra de connaître qui est le Christ. […] Ici, dans cette école, nous comprenons certainement pourquoi nous devons tenir une discipline spirituelle, […]. Elle enseigne le silence. S’il renaissait en nous l’amour du silence, atmosphère admirable et indispensable au déploiement de l’esprit : cependant nous sommes étourdis par tant de bruits, de vacarme et de voix retentissantes dans cette vie agitée et tumultueuse du temps qui est le nôtre. Oh ! Silence de Nazareth, enseignes nous à être fermes dans les bonnes pensées, attentifs à la vie intérieure, prompts à écouter les secrètes inspirations de Dieu et les exhortations des vais maîtres. Enseigne-nous combien importants et nécessaires sont, les travaux de préparation, l’étude, la méditation, la vie intérieure, la prière, que Dieu seul voit dans le secret »

Continuer la Mission

En 1658, Saint Vincent, présentant les Regulae seu Constitutiones communes, a écrit que nous sommes des hommes appelés « à continuer la mission même du Christ ». C’est ça la communauté. La CM n’est pas la somme des nous. La CM n’est pas que nous. La CM est plus grande que nous, elle est plus que nous. La CM c’est Jésus Christ et nous avec. Notre objectif n’est pas de faire les missions, mais continuer LA MISSION de Jésus Christ. C’est pourquoi notre devoir ne consiste pas en défendre des communautés ou protéger des maisons, mais être remplis de l’Esprit et suivre ses traces qui nous conduiront inévitablement sur les siens et nos Calvaires.

PRÈRE

Il faut, en effet, que cet être corruptible revête l’incorruptibilité, que cet être mortel revête l’immortalité. Quand donc cet être corruptible aura revêtu l’incorruptibilité et que cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira la parole qui est écrite : la mort a été engloutie dans la victoire. Où est-elle, ô mort, ta victoire ? Où est-il, ô mort ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort, c’est le péché, et la force du péché c’est la Loi. Mais grâces soient à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ ! Ainsi donc, mes frères bien-aimés, montrez-vous fermes, inébranlables, toujours en progrès dans l’œuvre du Seigneur, sachant que votre labeur n’est pas vain dans le Seigneur. (1Co 15, 53-58).

 

Luigi MEZZADRI, CM 🔸

Voulez-vous partir vous aussi ? C’est la même question que Jésus nous pose aujourd’hui. Accepter la croix et, abandonnant plusieurs sécurités du passé, se résoudre à sortir et marcher vers l’inconnu à la recherche des personnes à servir ou à sortir du désert des tranchées les plus profondes du rejet et de la solitude, pour relire nos règles, se souvenir des vieilles histoires et puis y mourir ?

Traduction :

P. Emmanuel Patrick Issomo Mama CM