Accueillir l’étranger : Affirmations des chefs religieux


ACCUEILLIR L’ETRANGER : AFFIRMATIONS DES CHEFS RELIGIEUX

Accueillir l’étranger n’est pas seulement un thème du 400è anniversaire de la Vocation Vincentienne (1617-2017). C’est la valeur centrale de pratiquement toutes les religions. L’appel à “accueillir l’étranger” par la protection et l’hospitalité et d’honorer les étrangers ou ceux de foi différentes dans le respect et l’égalité, est profondément ancré dans toutes les principales religions. La Famille Vincentienne repose sur ce socle commun.

En décembre 2012, le Haut-Commissaire des Nations-Unies pour les réfugiés António Guterres a organisé un dialogue entre des responsables religieux, des associations humanitaires fondées sur la foi, des représentants universitaires et de gouvernements de nombreux pays avec pour thème « Foi et protection ». Nous transcrivons ici le texte final :

  1. Contexte général

En décembre 2012, António Guterres, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a organisé un Dialogue avec des chefs religieux, des organisations humanitaires confessionnelles, des représentants de gouvernements du monde entier et des chercheurs sur le thème « Foi et Protection ». Comme le Haut Commissaire l’a noté dans ses remarques liminaires, « … tous les systèmes de valeurs des principales religions embrassent l’humanité, le soin et le respect de l’autre, ainsi que la tradition d’octroyer une protection aux personnes en danger. Les principes du droit moderne des réfugiés s’enracinent profondément dans ces Ecritures et Traditions anciennes. » Lors de la clôture de cet événement marquant, le Haut Commissaire a souscrit à une recommandation relative à l’élaboration d’un code de conduite à l’intention des chefs religieux visant à accueillir les migrants, les réfugiés et d’autres personnes déplacées de force et à lutter contre la xénophobie.

En réponse à cet appel, de février à avril 2013, une coalition de grandes organisations humanitaires confessionnelles et d’établissements universitaires (y compris HIAS, Islamic Relief Worldwide, Jesuit Refugee Service, Fédération Luthérienne Mondiale, Oxford Centre for Hindu Studies, Religions for Peace, University of Vienna Faculty of Roman Catholic Theology, le Conseil Oecuménique des Eglises, World Evangelical Alliance et World Vision International) ont rédigé « Accueillir l’étranger : affirmations des chefs religieux. » Ces affirmations, traduites en arabe, chinois, espagnol, français, hébreu et russe, appellent les chefs de toutes les confessions à « accueillir l’étranger » dans la dignité, le respect et l’appui bienveillant. Des groupes confessionnels dans le monde entier utiliseront également ces affirmations et leurs ressources d’appui comme des instruments pratiques visant à mobiliser un soutien pour les réfugiés et les autres personnes déplacées dans leurs communautés.

  1. Principes fondateurs

L’appel visant à « accueillir l’étranger », par le biais de la protection et de l’hospitalité, et à honorer l’étranger ou les fidèles d’autres confessions avec respect et sur un pied d’égalité, est profondément enraciné dans toutes les grandes religions.

Dans les Upanishads, le mantra atithi devo bhava ou « l’hôte est semblable à Dieu » exprime l’importance fondamentale de l’hospitalité dans la culture hindoue. Au centre du dharma ou de la Loi hindoue, se trouvent les valeurs de karuna ou de compassion, ahimsa ou non-violence à l’égard de tous et de seva ou volonté de servir l’étranger et l’hôte inconnu. Fournir nourriture et abri à l’étranger dans le besoin est traditionnellement du devoir du chef de famille et bon nombre s’y conforment encore. Plus généralement, le concept du dharma consacre l’injonction à faire son devoir, y compris à l’égard de la communauté, ce qui doit se faire dans le respect des valeurs telles que la non-violence et l’abnégation au service du bien.

Le Tripitaka souligne l’importance de cultiver quatre états d’âme : metta (l’amour bienveillant), muditha (la joie sympathique), upekkha (l’équanimité), et karuna (la compassion). Les traditions du bouddhisme sont multiples et variées mais le concept de karuna en est la pierre angulaire. Il recouvre les qualités de tolérance, de non-discrimination, d’inclusion et d’empathie pour la souffrance des autres, reflétant le rôle central que joue la compassion dans d’autres religions.

La Torah contient 36 occurrences de l’honneur dû à l’étranger. Le Lévitique contient l’un des fondements les plus remarquables de la foi juive : « L’étranger qui séjourne parmi vous, vous sera comme celui qui est né parmi vous, et tu l’aimeras comme toi-même ; car vous avez été étrangers dans le pays d’Egypte ». (Lévitique 99, 33-34). Par ailleurs, la Torah déclare « tu n’opprimeras point l’étranger ; vous savez vous-mêmes ce qu’éprouve l’étranger, car vous avez été étrangers dans le pays d’Egypte. » (Exode 23, 9)

Dans l’Evangile de Matthieu (32, 32), nous entendons l’appel : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais étranger et vous m’avez accueilli… ». Et dans la Lettre aux Hébreux (13, 1-2), nous lisons « Persévérez dans l’amour fraternel. N’oubliez pas l’hospitalité ; quelques-uns en la pratiquant ont, à leur insu, logé des anges. »

Lorsque le Prophète Mohammed a fui la persécution de la Mecque, il a cherché́ refuge à Medina, où il a été accueilli avec hospitalité. L’hijrah du Prophète, ou la migration, symbolise le déplacement depuis les terres d’oppression et le traitement hospitalier qui lui a été réservé incarne le modèle islamique de la protection des réfugiés. Le Saint Coran appelle à la protection du demandeur d’asile, ou al-mustamin, qu’il soit musulman ou non-musulman, dont la sécurité́ est irrévocablement garantie par l’institution d’Aman (la fourniture de sécurité et de protection). Comme mentionné dans la Sourate Al Anfal : « […] ceux qui […] ont donné́ refuge et porté secours, ceux-là sont les vrais croyants : à eux, le pardon et une récompense généreuse. » (8, 74)

Le monde compte aujourd’hui des dizaines de millions de réfugiés et de déplacés internes. Nos croyances exigent que nous nous rappelions que nous sommes tous des migrants sur cette Terre, cheminant ensemble dans l’espoir.

(LES AFFIRMATIONS)

« L’une des valeurs fondamentales de ma foi est d’accueillir l’étranger, le réfugié, le déplacé interne, l’autre. Je le/la traiterai comme j’aimerais qu’on me traite. Je demanderai aux autres, même aux dirigeants de ma communauté́ religieuse, de faire de même.

De concert avec les chefs religieux, les organisations confessionnelles, et les communautés religieuses du monde entier, j’affirme :

  • J’accueillerai l’étranger.
  • Ma foi m’enseigne que la compassion, la miséricorde, l’amour et l’hospitalité visent chacun : le compatriote ainsi que l’étranger, le membre de ma communauté ainsi que le nouveau venu.
  • Je me souviendrai et je rappellerai aux membres de ma communauté que nous sommes tous considérés comme « étrangers » quelque part, et que nous devrions traiter l’étranger dans notre communauté comme nous souhaiterions être traités nous-mêmes et lutter contre l’intolérance.
  • Je me souviendrai et je rappellerai aux membres de ma communauté que personne ne quitte sa patrie sans raison : certains fuient la persécution, la violence ou l’exploitation ; d’autres les catastrophes naturelles ; d’autres encore souhaitent offrir, par amour, une vie meilleure à leur famille.
  • Je reconnais que toute personne, en tant qu’être humain, a le droit à la dignité et au respect. Tous ceux qui se trouvent dans mon pays, y compris l’étranger, sont soumis à ses lois, et personne ne devrait faire l’objet d’hostilité ou de discrimination.
  • Je reconnais que l’accueil de l’étranger nécessite parfois du courage mais que les joies et les espoirs qui lui sont associés en surpassent les risques et les défis. Je soutiendrai ceux qui font preuve de courage en accueillant l’étranger.
  • Je ferai preuve d’hospitalité envers l’étranger car ceci confère une bénédiction à ma communauté, à ma famille, à l’étranger et à moi-même.
  • Je respecterai et j’honorerai le fait qu’un étranger puisse être d’une autre confession ou avoir des croyances différentes des miennes ou de celles des membres de ma communauté.
  • Je respecterai le droit de l’étranger de pratiquer librement sa propre religion. Je m’efforcerai d’aménager un lieu où il/elle pourra librement pratiquer son culte.
  • Je parlerai de ma foi sans mépriser ou ridiculiser celle des autres.
  • Je construirai des ponts entre l’étranger et moi-même. Par mon exemple, j’encouragerai les autres à faire de même.
  • Je ferai un effort non seulement pour accueillir l’étranger mais également pour l’écouter avec attention et pour promouvoir la compréhension et l’accueil dans ma communauté.
  • Je défendrai la justice sociale pour l’étranger, tout comme je le fais pour d’autres membres de ma communauté.
  • Lorsque je serai témoin d’hostilité à l’égard de l’étranger dans ma communauté, que ce soit par des paroles ou par des actes, je ne l’ignorerai pas mais je tenterai plutôt d’établir un dialogue et de faciliter la paix.
  • Je ne me tairai pas lorsque je verrai d’autres personnes, y compris les chefs de ma communauté religieuse, parler mal des étrangers, les juger sans chercher à les connaître, ou lorsque je les verrai exclus, lésés ou opprimés.
  • J’encouragerai ma communauté religieuse à œuvrer avec d’autres communautés et organisations confessionnelles pour trouver de meilleurs moyens de porter secours à l’étranger.
  • J’accueillerai l’étranger.
Bernard Massarini CM🔸

L’une des valeurs fondamentales de ma foi est d’accueillir l’étranger, le réfugié, le déplacé interne, l’autre. Je le/la traiterai comme j’aimerais qu’on me traite. Je demanderai aux autres, même aux dirigeants de ma communauté́ religieuse, de faire de même.

António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés
VISITER LE SITE :
http://www.unhcr.org/fr/protection/hcdialogue%20/53884c946/accueillir-letranger-affirmations-chefs-religieux.html

Les lazaristes aux Mascareignes aux XVIIe et XIXe siècles


Les Lazaristes aux Mascareignes aux XVIIIe et XIXe siècles

Île Bourbon (La Réunion) et Île de France (Maurice)

Cet ouvrage n’a pas d’autre ambition que de mettre à disposition du chercheur et du curieux un choix de sources sur les lazaristes.

La Congrégation de la Mission a été fondée en 1625 par Saint Vincent de Paul. Ses membres s’appellent les lazaristes ou prêtres de Saint-Lazare. Pendant plus d’un siècle, plus d’une centaine de Lazaristes, prêtres et frères, ont évangélisé l’île Bourbon et l’île de France. C’est leur histoire, leur mission, que nous découvrons à travers les manuscrits, documents, lettres, notes, traités et mémoires entreposés aux Archives de la Congrégation de la Mission à Paris.

Avant-Propos

Cet ouvrage n’a pas d’autre ambition que de mettre à disposition du chercheur et du curieux un choix de sources sur les lazaristes. Ces sources sont souvent difficiles d’accès : les réunir dans une publication les rend accessibles au plus grand nombre.

Les documents présentés sont issus de la correspondance et des traités qui concernent la mission des lazaristes aux Mascareignes. Le texte original de chaque document retenu est retranscrit afin de permettre aux chercheurs une exploitation aisée. La table des matières détaillée organise ces documents par dates et par thèmes.

Mgr Maupoint avait écrit un ouvrage qui représente cinq ou six tomes manuscrits. Il souhaitait les publier, mais n’a pu les faire, car l’éditeur trouvait cet ouvrage trop conséquent. Mgr Maupoint donna ce manuscrit à un père lazariste, Gabriel Perboyre, qui s’en servit partiellement pour écrire ce qui aurait dû être le tome 10 des Mémoires des Missions Lazaristes. Ce tome 10, toujours manuscrit, n’a jamais été publié. J’ai repris ce manuscrit comme base de travail. J’y rajouté la correspondance échangée entre les missionnaires, le supérieur général, l’archevêque de Paris et les membres de la Compagnie des Indes.

Pour cette publication, j’ai retenu uniquement les documents ayant trait à l’aspect religieux.

CHAPITRE 1 : Négociations et Traité pour la mission de Bourbon – 1712-1714

CHAPITRE 2 : Préfecture Apostolique de M. Renou : 1714-1721

CHAPITRE 3 : Préfecture Apostolique de M. Criais pour les deux îles

CHAPITRE 4 : Préfecture Apostolique de M. Teste pour les deux îles

CHAPITRE 5 : Préfecture Apostolique de M. Contenot – 1772-mai 1778

CHAPITRE 6 : Préfecture Apostolique de M. Davelu – 1778-1781

CHAPITRE 7 : Préfecture Apostolique de M. Chambovet – 1781-1788

CHAPITRE 8 : Préfecture Apostolique de M. Darthé – 1788-1796

CHAPITRE 9 : Préfecture Apostolique de M. Boucher – 1804-1806

CHAPITRE 10 : Fin de la mission lazariste à l’île de France -1806-1808

CHAPITRE 11 : Projet Madagascar

CHAPITRE 12 : Notices sur les missionnaires des Mascareignes

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

Marc Thieffry 🔸

Au travers de cet ouvrage, nous souhaitons redonner vie à ces hommes qui se sont consacrés à cette oeuvre et permettre aux habitants de La Réunion et de Maurice de connaître l’histoire de la première évangélisation de leurs Îles.

Marc Thieffry

a eu l’occasion de travailler de nombreuses années en Afrique avec les Lazaristes, et les a fréquentés en Europe et en Amérique latine. Aujourd’hui, il lui est offert de travailler sur les archives lazaristes et ainsi de redonner vie à différentes missions ouvertes par Saint Vincent de Paul. Ce faisant, il permet à un plus grand nombre de vivre ces créations de l’intérieur.

Editions L’Harmattan, 5-7, rue de l’École Polytechnique 75005 Paris Tél. 01 40 46 79 20 / Fax 01 43 25 82 03 (commercial). 535 pages. // 42 euros
www.editions-harmattan.fr //

Le cœur de Vincent continue de battre près de Ranquines


Le cœur de Vincent continue de battre près de Ranquines

L’important dans cet évènement, c’est le cœur de Monsieur Vincent qui bat en plein hiver, comme en 1617

Arrivant à Dax le 6 février 2017 par le TGV du soir, Frédéric était un peu en retard pour m’amener au Berceau de Saint Vincent de Paul. Il m’a de suite annoncé : « Les migrants sont arrivés. » et d’ajouter : « ce sont la plupart des femmes seules, qui viennent d’Erythrée, de Somalie, du Soudan et d’Afghanistan. Il y a même une famille de 6 personnes. »

Tout en conduisant, Frédéric me raconte comment s’est passé l’accueil dans les locaux du Séminaire Interne des Lazaristes, au Berceau. Ils sont actuellement vides de tout occupant.

« Elles sont arrivées en bus. Fatiguées par le voyage qui les a amenées de l’Ile de France jusque dans les Landes. Intimidées mais heureuses. »

Le Maire de Saint-Vincent-de-Paul, le sous-Préfet des Landes, les responsables d’associations caritatives, le Vicaire Général du diocèse de Dax, et des Administrateurs de l’œuvre du Berceau, ont essayé d’échanger quelques mots en anglais ; pour les arabophones, un professeur de Dax était là.

L’association « Maison du Logement » a reçu l’agrément de l’Etat pour organiser l’accueil de ces femmes. Des salariés et des bénévoles les aideront à régulariser leur situation et à réaliser leur projet.

Tout le mobilier présent dans les différentes pièces a été mis à disposition.

Chaque personne accueillie pourra bénéficier d’un lit, avec un vrai matelas. Quelque chose d’inimaginable pour elle, il y a encore quelques jours. Elles partageront une chambre à deux par affinité. Ce n’est pas toujours le cas dans certains lieux d’accueil où les moyens ne suivent pas pour diverses raisons.

Pour les repas, c’est l’hôpital de Dax qui les fournira. La cuisine du Séminaire pourra aussi permettre aux unes et aux autres de cuisiner selon leur goût les plats de leur pays d’origine.

Voilà ce que Frédéric m’a précisé durant le trajet entre la gare de Dax et le Hillon.

Ce Mardi 7 février, Jean-Pierre, René, Eric, Pascale et moi étions en réunion. Et un moment, dans un aparté, nous nous sommes interrogés sur la façon dont nous allions parler des personnes de ce groupe. Seront-ils les « migrants » dans un sens péjoratif, seront-ils les étrangers, les gens de passage ?

Comment parler d’eux, d’elles ? Ils ont comme nous un nom et une histoire. Ce sont des personnes. Elles ont besoin de notre attention.

L’important dans cet évènement, c’est le cœur de Monsieur Vincent qui bat en plein hiver, comme en 1617.

Philippe Lamblin CM🔸

Comment parler d’eux, d’elles ? Ils ont comme nous un nom et une histoire. Ce sont des personnes. Elles ont besoin de notre attention

Des aumôniers militaires sur le front de Picardie


Des aumôniers militaires

sur le front de Picardie

Octobre 2002, Des aumôniers militaires sur le front de Picardie

Une récente biographie de St Vincent de Paul, tout dernièrement traduite en français, et qui fera date, évoque la mission atypique que notre saint et ses compagnons prêchèrent aux Armées en 1636 – José Maria Roman, « St Vincent de Paul – Biographie » – Traduction : André Sylvestre, cm ; Jules Vilbas, cm ; Jean-Marie Lesbats, cm. cf. présentation et extrait du chapitre concerné dans ce n° d’Egmil, page 01-27 -. Ce bref épisode de l’histoire de l’aumônerie militaire en France mérite notre attention et suscite quelques remarques, et pas seulement pour l’historien.

Les événements d’août 1636

Que se passe-t-il donc en 1636 ? Les troupes espagnoles de Don Fernand d’Autriche envahissent le Nord de la France, culbutent les armées royales et, début août, campent à 60 kms de Paris. Louis XIII et Richelieu lèvent en hâte des troupes pour contre-attaquer. A la mi-août, plus de 70 compagnies ont été formées.

C’est alors que le chancelier Pierre Séguier donne l’ordre (peu après le 15 août) à St Vincent de Paul de fournir à l’armée vingt prêtres – sur les 29 que la Compagnie de la Mission comprenait alors – pour prêcher une mission à ces régiments. Cette mission durera six semaines. La campagne militaire se poursuivra, quant à elle, jusqu’en novembre, mais seulement quelques-uns des prêtres furent retenus jusque-là pour assurer la fonction d’aumônier.

Ces événements appellent quelques remarques. D’une part, quant à l’attitude de l’autorité politique ou miliaire, d’autre part, quant à celle de St Vincent de Paul, pour y répondre.

Les initiatives du chancelier royal

Peut-être s’attendrait-on à ce que St Vincent de Paul, alerté sur la gravité de la situation, et témoin direct de la préparation d’une nouvelle armée pour contre-attaquer, proposât l’aide spirituelle de quelques prêtres de la Mission auprès de ces unités, voire demandât au Roi de ménager des postes d’aumôniers dans les différents régiments. Or, les choses ne se font pas ainsi, c’est le chancelier qui « réquisitionne  » les prêtres et non l’Église qui réclame d’être présente.

De plus, l’ordre porte d’abord sur la prédication d’une mission, pas seulement sur l’accompagnement pour assister spirituellement les hommes, avant et au long de la bataille. Une mission sur six semaines, cela indique une démarche catéchétique et sacramentelle quelque peu approfondie ; le nombre d’aumôniers est, lui-même, élevé et correspond à peu près à un prêtre pour quelque centaines d’hommes. Celui des confessions est lui aussi remarquable (plus de 4000 à la date du 20 septembre, soit en l’espace de quatre semaines).

Ce n’est que dans un deuxième temps, celui de la campagne proprement dite et avec un effectif en aumôniers bien moindre, qu’on devine la mise en place d’un autre style d’action pastorale, où il s’agit d’accompagner les militaires sur le terrain et dans des combats.

A remarquer encore le fait que le chancelier Séguier inscrit dans sa suite personnelle un poste d’aumônier, qui sera rempli par Robert de Sergis. On aimerait évidemment connaître de manière plus précise les intentions qui étaient celles du chancelier et du Roi dans cette perspective, et en particulier vis-à-vis des 6 semaines de  » mission « .

Le règlement que St Vincent de Paul donna à ses prêtres en la circonstance répond peut-être pour une part à cette question, au moins en son premier article :

Les prêtres de la Mission, qui sont à l’armée, se représenteront que Notre Seigneur les a appelés à ce saint emploi : Pour offrir leurs prières et sacrifices à Dieu pour l’heureux succès des bons desseins du Roi et pour la conservation de son armée
– ibid. p. 192.

La généreuse réponse de St Vincent de Paul

Le chancelier réclamait vingt prêtres, Vincent de Paul ne disposait que de quinze prêtres présents à Paris, qu’il envoya aussitôt ; lui-même se déplaça au Q.G. royal à Senlis ; il rédigea sans tarder un règlement -que nous avons déjà évoqué plus haut- pour ces prêtres nouvellement promus aumôniers militaires. On voit qu’il cherche par là à maintenir l’excellence de la vie spirituelle et religieuse de ses confrères et, simultanément, à orienter leur action pastorale, notamment en vue de la conversion et de la sanctification des soldats, qui leur étaient confiés :  » aider les gens de guerre qui sont dans le péché à s’en retirer, et ceux qui sont en état de grâce à s’y conserver « .

Il songera aussi à donner à l’aumônier de la suite personnelle du chancelier Séguier des instructions utiles pour se bien comporter dans sa charge d’aumônier des  » grands « . Somme toute, Vincent de Paul, avant la lettre, compose un directoire de l’aumônier catholique !

Clairement, dans ces documents, apparaît l’assurance paisible de Vincent de Paul quant à la légitimité de ce ministère aux Armées, que ce soit à travers l’expression des sentiments patriotiques ou à travers la conviction que le  » Dieu des Armées  » – St Vincent de Paul aime à rappeler ce titre que l’ancien testament (une quinzaine d’emplois) et la liturgie donnent volontiers à Dieu – ne s’oppose pas au métier des armes ou aux actions militaires qui restent ordonnées à donner la paix.

Outre cet usage qu’il fait, comme au premier degré, de l’expression vétéro-testamentaire du  » Dieu des Armées « , on remarquera son  » utilisation  » du passage de l’Évangile où Jean déclare  » N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais bien le glaive  » (Mt 10, 34) ; St Vincent de Paul commente :  » et cela pour nous donner la paix qui est la fin de la guerre « . Le métier des armes et l’action militaire elle-même trouvent donc leur légitimation éventuelle dans cette recherche et dans cette construction de la paix, à la suite du Christ lui-même, au prix parfois de l’usage du glaive.

De cet épisode, vieux de plus de trois siècles et demi, je retiens trois conclusions qui pourraient s’avérer toujours d’actualité :

 

  1. Ce grand missionnaire et consolateur de toutes les misères, que fut Vincent de Paul, n’eût pas l’initiative de cette action pastorale auprès des militaires (ni lui, ni l’Église en son temps) ; c’est bien le commandement qui eût l’initiative, et qui définît même la ligne d’action des aumôniers, mais St Vincent de Paul, rapidement, y répondit avec une grande générosité et un grand sérieux dans la mise en oeuvre de son  » dispositif  » (même si ses moyens restaient limités et en deça du programme qui lui avait été fixé).
  2. Le programme de  » la pastorale aux Armées « , que cet épisode suggère, apparaît double : chronologiquement d’abord, le temps de la mission, puis celui des opérations militaires ; cela n’est d’ailleurs pas réductible à l’idée d’un temps de prise de contact, puis d’un temps d’accompagnement dans l’action. Il s’agit plutôt de deux pôles : un pôle proprement d’évangélisation et un pôle de conseil et d’écoute (l’un et l’autre pouvant d’ailleurs s’exprimer à travers un  » vivre avec « ). C’est ce premier pôle, qui se traduit à travers la demande d’une  » mission « , qui peut sans doute nous inspirer aujourd’hui, sachant qu’il est quelque peu oublié comme tel, ou traité de manière extrinsèque, alors qu’il permet d’apporter du sens et de la profondeur à l’autre pôle d’accompagnement spirituel.
  3. Vincent de Paul cherche à fonder de manière christologique cette présence dans les Armées et au cours des actions militaires. Il s’agit de suivre le Christ qui vient apporter la paix aux hommes mais à travers un chemin de contradiction : le glaive, le feu … Il ne s’agit pas seulement de porter secours, le cas échéant, au combattant malheureux et souffrant, mais bien de dégager un sens à ce métier des armes, s’il est vraiment au service de la Paix.
Patrick LE GAL, Evêque aux Armées Françaises 🔸

Les prêtres de la Mission, qui sont à l’armée, se représenteront que Notre Seigneur les a appelés à ce saint emploi !

Invitation à vivre comme SVDP


Invitation à découvrir et vivre

comme saint Vincent-de-Paul

Saint Vincent de Paul (1581-1660) s’est laissé appeler à poursuivre la Mission du Christ, et depuis, d’autres hommes s’engagent comme lui.

Vous avez entre 18 et 35 ans, et vous aimeriez en connaitre davantage ? Nous vous invitons à nous rencontrer, selon vos possibilités. Nous organisons trois week-ends de prières, d’échanges et d’approfondissements.

Du vendredi soir 18h30 au dimanche 14h00 :

  • 4 au 6 novembre 2016
  • 13 au 15 janvier 2017
  • 31 mars au 2 avril 2017