Dimanche 7 Temps ordinaire – C (Lc 6,27-38). Méditation

Dimanche 7 Temps ordinaire – C (Lc 6,27-38). Méditation

San rien attendre

Pourquoi tant de personnes vivent-elles secrètement insatisfaites ? Pourquoi tant d’hommes et de femmes trouvent-ils la vie monotone, insignifiante, insipide? Pourquoi s’ennuient-ils au milieu de leur bien-être ? Qu’est-ce qui leur manque pour retrouver la joie de vivre ?

Peut-être l’existence de beaucoup changerait et prendrait une autre couleur et une autre vitalité, s’ils apprenaient simplement à aimer quelqu’un gratuitement. Qu’il le veuille ou non, l’être humain est appelé à aimer de manière désintéressée; et s’il ne le fait pas, un vide s’ouvre dans sa vie, que rien ni personne ne peut combler. Il n’est pas naïf d’écouter les paroles de Jésus: « Faites le bien… sans rien attendre en retour ». Cela peut être le secret de la vie. Ce qui peut nous rendre la joie de vivre

Il est facile d’en arriver à n’aimer personne de manière vraiment gratuite. Je ne blesse personne. Je ne me mêle pas des problèmes des autres. Je respecte les droits des autres. Je vis ma vie. J’en ai assez à me soucier de moi-même et de mes affaires.

Mais c’est ça la vie? Vivre sans se soucier de personne, réduit à mon travail, à ma profession ou à mon métier, insensible aux problèmes des autres, étranger aux souffrances des gens, enfermé sous une «cloche de verre» ?

Nous vivons dans une société où il est difficile d’apprendre à aimer gratuitement. Nous demandons presque toujours: à quoi ça sert? C’est utile? Qu’est-ce que je gagne avec ça ? Nous calculons et nous mesurons tout. Nous sommes arrivés à l’idée que tout est obtenu en «achetant»: nourriture, habillement, logement, transport, divertissement … Et de cette façon, nous courons le risque de convertir toutes nos relations en un pur échange de services.

Mais ce n’est pas avec de l’argent que l’on obtient l’amour, l’amitié, l’accueil, la solidarité, la proximité, la confiance, la lutte pour les faibles, l’espoir, la joie intérieure. C’est quelque chose de gratuit qui est offert sans rien attendre en retour, si ce n’est la croissance et la vie de l’autre.

Les premiers chrétiens, en parlant d’amour, utilisaient le mot «agape», précisément pour souligner davantage cette dimension de la gratuité, contrairement à l’amour compris uniquement comme «eros» et qui avait pour beaucoup une résonance d’intérêt et d’égoïsme.

Il y a des gens parmi nous qui ne peuvent que recevoir un amour gratuit, parce qu’ils n’ont pratiquement rien à redonner à ceux qui veulent les approcher. Des personnes seules, maltraitées par la vie, incomprises par presque tout le monde, appauvries par la société, pratiquement sans avenir dans leur vie.

Ce grand prophète qu’était Helder Camara nous rappelle l’invitation de Jésus avec ces mots: « Pour te libérer de toi-même, tends un pont au-delà de l’abîme que ton égoïsme a créé. Essaie de voir au-delà de toi-même. Essaie d’écouter quelqu’un d’autre et, surtout, tente de t’efforcer d’aimer au lieu de t’aimer toi seul ».

José Antonio Pagola / Traducteur: Carlos Orduna🔸

Nous vivons dans une société où il est difficile d’apprendre à aimer gratuitement. Nous demandons presque toujours: à quoi ça sert? C’est utile? Qu’est-ce que je gagne avec ça? Nous calculons et nous mesurons tout. Nous sommes arrivés à l’idée que tout est obtenu en «achetant»: nourriture, habillement, logement, transport, divertissement …

José A. Pagola
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Dimanche 5 Temps ordinaire – C (Lc 5,1-11). Méditation

Dimanche 5 Temps ordinaire – C (Lc 5,1-11). Méditation

LA FORCE DE L’EVANGILE

L’épisode d’une pêche surprenante et inattendue sur le lac de Galilée a été écrit par l’évangéliste Luc afin d’encourager l’Eglise lorsqu’il constate l’échec de tous ses efforts pour communiquer son message. Ce qu’il nous dit est très clair: nous devons placer notre espoir dans la force et dans l’attrait de l’Evangile.

Le récit commence par une scène insolite. Jésus est debout sur le bord du lac et les gens se pressent autour de lui pour entendre la Parole de Dieu. Ils ne viennent pas attirés par la curiosité. Ils ne s’approchent pas pour voir des prodiges. Ils veulent seulement entendre la Parole de Dieu de la bouche de Jésus.

Ce n’est pas samedi. Ils ne sont pas rassemblés dans la synagogue voisine de Capharnaüm pour entendre les lectures que l’on fait au peuple tout au long de l’année. Ils ne sont pas montés à Jérusalem pour écouter les prêtres du Temple. Ce qui les attire tant, c’est l’Evangile du Prophète Jésus, rejeté par les voisins de Nazareth. La scène de la pêche est également inhabituelle. Lorsque, la nuit, au moment le plus propice pour pêcher, Pierre et ses compagnons travaillent seuls, ils n’obtiennent aucun résultat. Quand, le jour, ils lancent leurs filets en ne faisant confiance qu’à la parole de Jésus qui guide leur travail, ils obtiennent contre toute attente une pêche abondante.

En arrière-plan des données qui rendent la crise du christianisme de plus en plus évidente parmi nous, il existe un fait indéniable: l’Eglise perd sans arrêt le pouvoir d’attraction et la crédibilité dont elle jouissait il y a quelques années. Nous ne devons pas nous tromper.

Nous chrétiens, nous avons expérimenté que notre capacité à transmettre la foi aux nouvelles générations diminue de plus en plus. Les efforts et les initiatives ne manquent pas. Mais apparemment, il ne s’agit pas seulement d’inventer de nouvelles stratégies.

Le moment est venu de se souvenir que dans l’Evangile de Jésus, il y a une force d’attraction qui n’existe pas en nous. Voici la question la plus décisive: allons-nous continuer à «faire les choses» à partir d’une Église qui perd de son pouvoir d’attraction et de sa crédibilité, ou allons-nous consacrer toute notre énergie à recouvrer l’Évangile comme seule force capable d’engendrer la foi chez les hommes et les femmes d’aujourd’hui?

Ne devons-nous pas mettre l’Évangile au premier plan de tout? Le plus important dans ces moments critiques ce ne sont pas les doctrines élaborées au cours des siècles, mais la vie et la personne de Jésus. Que les gens viennent prendre part à nos affaires n’est pas décisif mais qu’ils puissent entrer en contact avec lui. La foi chrétienne ne s’éveille que lorsque les gens rencontrent des témoins qui rayonnent le feu de Jésus.

José Antonio PAGOLA / Traducteur : Carlos ORDUNA 🔸

Nous chrétiens, nous avons expérimenté que notre capacité à transmettre la foi aux nouvelles générations diminue de plus en plus. Les efforts et les initiatives ne manquent pas. Mais apparemment, il ne s’agit pas seulement d’inventer de nouvelles stratégies.

José A. PAGOLA
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Saint Vincent de Paul et la communauté (III)

Saint Vincent de Paul et la communauté (III)

Le père Claude LAUTISSIER, directeur des Archives de la Congrégation de la Mission à la Maison-Mère de Paris, nous offre un article (numérisé) du père Jean Morin autour des origines de la « communauté » telle que saint Vincent de Paul l’a conçue pour les confrères de son temps et que nous pouvons relire à la lumière de notre expérience actuelle. Notre vie en commun destinée à la Mission le père Morin n’arrête pas de nous le dire ! Bonne lecture de ces deux premières parties.

III. La communauté du « Collège des Bons Enfants » (1625-1632)

Depuis le 1er mars 1624, saint Vincent était « principal » du Collège des Bons-Enfants ; et le 6 mars il prenait possession de l’Établissement. Mais une clause du Contrat de 1625 permet de supposer que le « principal » ne put s’installer aussitôt dans cette nouvelle résidence.

« …lesdits seigneur et dame (madame surtout, sans doute) entendent que ledit sieur Paul fasse sa résidence continuelle et actuelle dans LEUR maison, pour continuer à eux et à leur dite famille l’assistance spirituelle qu’il leur a rendue depuis longues années en ça… » (XIII, 199).

Madame de Gondi meurt le 23 juin 1625 et Monsieur Vincent obtient de Monsieur de Gondi l’autorisation de passer outre à cette clause du contrat. Il peut donc rejoindre sa Communauté au Collège des Bons-Enfants ; ce qu’il fit vraisemblablement entra le 20 octobre et le 22 décembre 1625.

 

1. La Communauté des « trois»

C’est donc fin 1625, sans doute, que se place la suite du témoignage cité plus haut : (XII, 8) « … le Collège des Bons-Enfants, où nous nous retirâmes, Monsieur Portail et moi, et primes avec nous un bon prêtre à qui nous donnions 50 écus par an. Nous nous en allions ainsi tous trois prêcher et faire la Mission de village en en village … »

Cette Communauté « Apostolique » composée de M. Vincent, M. Portail et le « bon prêtre » a été la première « stable » et entièrement adonnée à la Mission. Elle ne correspond pas encore à toutes les prescriptions du Contrat (cf. par exemple le statut « économique » du bon prêtre payé 50 écus), mais constitue la toute dernière expérience communautaire avant la première « Communauté des Prêtres de la Mission ».

Le texte (XII, 8) continue : « Voilà ce que nous faisons nous autres, et Dieu cependant faisait ce qu’il avait prévu de toute éternité. Il donna quelques bénédictions à nos travaux, ce que voyant, de bons ecclésiastiques se joignirent à nous et demandèrent à être des nôtres. »

Selon saint Vincent, le recrutement de la première Communauté se fit au vu des travaux. C’est la Mission elle-même qui attira ces bons ecclésiastiques, lesquels demandèrent à entrer. Les premières vocations à la Mission furent donc des vocations vraiment apostoliques qui se décidèrent en voyant les travaux et entrèrent pour la Mission.

 

2. La Communauté des « quatre »

Ces premières vocations à la Mission, nous les connaissons. Ce sont, les signataires de l’Acte d’Association du 4 septembre 1626 (XIII, 203-205)

Le Contrat de Fondation demandait à saint Vincent… d’élire et choisir six personnes ecclésiastiques … entre ci et un an prochainement venant.

Quinze mois plus tard, ils sont quatre à signer : M. Vincent, M. Portal, M. du Coudray et M. de la Salle. Ces deux derniers se sont sans doute présentés vers mars ou avril 1626, ce qui permet à saint Vincent d’écrire dans l’acte :

« Nous, en vertu de ce que dessus, après avoir fait preuve, un temps assez notable, de la vertu et suffisance de François du Coudray, prêtre, du diocèse d’Amiens, de Messire Antoine Portail, prêtre du diocèse d’Arles, et de Messire Jean de la Salle, aussi prêtre, dudit diocèse d’Amiens, avons iceux choisis, élus, agrégés et associés… pour ensemblement vivre en manière de congrégation, compagnie ou confrérie, et nous employer au salut dudit pauvre peuple des champs » . [52]

C’est donc un contrat écrit et signé qui « forma » la première Communauté des Prêtres de la Mission. Par ce contrat, les signataires « se lient et unissent POUR s’employer, en manière de mission, à catéchiser, prêcher et faire faire confession générale au pauvre peuple des champs ». Il s’agit donc bien d’un contrat apostolique.

On a également remarqué la formule : « pour ensemblement vivre en manière de congrégation, compagnie ou confrérie ».

Si la terminologie est encore vague, la vie commune – conformément à la Fondation – est explicitement formulée. Pour le reste, on promet, d’observer ladite fondation et le règlement particulier qui selon celui sera dressé et d’obéir tant à nous qu’à nos successeurs supérieurs, comme étant sous notre direction, conduite et juridiction. Ce que nous susnommés du Coudray, Portail et de la Salle agréons, promettons et nous soumettons garder inviolablement.

Le même jour et devant les mêmes notaires, saint Vincent faisait donation de ses biens à ses parents. (XIII, 61-63)

Les quelques lettres que nous avons de cette période 1626-1628 ne donnent que de rares échos sur la vie de la jeune Communauté. Les missions semblent se succéder à un rythme soutenu et Louise de Marillac a quelque mal à suivre son remuant Directeur et se plaint de ses absences aussi longues quo répétées (1,28). L’alternance prévue dans le Contrat (1 mois de mission et 15 jours de résidence), dès le début, ne semble guère observée, le travail prenant le pas sur la résidence (I, 36, 38, 40).

Quant aux Documents que nous trouvons au tome XIII, sur cette période, ils reprennent le plus souvent les termes du Contrat, insistant toujours et sur la finalité apostolique de la Communauté et sur la vie en commun (XIII, 206, 207, 215)

On peut également remarquer que l’Acte du 15 juillet 1627 (XIII, 213-214) fait mention de nouveaux membres dans la Communauté : aux quatre de l’Acte d’Association de 1626 s’ajoutent Jean Bécu, Antoine Lucas ainsi que Jean Jourdain qui sera le premier Frère et Jacques Régnier qui est clerc.

 

3. La Communauté des « neuf». (1er août 1628)

Les deux lettres que saint Vincent écrivit au Pape Urbain VIII, en juin et août 1628 sont signées de MM. de la Salle, J. Bécu du Coudray, Portail, Callon, Dehorgny, Brunet, Lucas et M. Vincent. Ces lettres, écrites dans le but d’obtenir l’approbation de Rome pour la Congrégation permettent de se faire une assez bonne idée de l’essor et des orientations de la Communauté (I, 42-62).

Six points peuvent être soulignés tout particulièrement :

 

1) Finalité apostolique et vie commune

L’essentiel du contrat de Fondation est repris de façon claire et saisissante : « …quelques prêtres résolus à vivre ensemble et à s’unir en Congrégation, après avoir quitté, avec les titres et les emplois ecclésiastiques qu’on a d’ordinaire dans les villes, l’espoir même de s’en procurer à l’avenir, et cela, pour faire profession de s’adonner, sous la direction dudit Vincent de Paul, au « salut des pauvres gens des champs… »

Trois thèmes essentiels à la Communauté des Prêtres de la Mission, dans ces quelques lignes : s’adonner au salut des pauvres gens des champs, résolus à vivre ensemble et à s’unir ; après avoir quitté titres, bénéfices et espoir d’en avoir. [54]

Le paragraphe suivant explique clairement les raisons de cette dernière exigence : on renonce aux bénéfices, « pour se livrer plus facilement et plus utilement au bien spirituel des habitants des campagnes… pour s’appliquer entièrement au salut des gons de la campagne… »

C’est là une motivation dont il conviendra de se souvenir au moment de l’introduction des Vœux dans la Communauté. La première forme de « renoncement » dans la Congrégation a été exigée POUR une disponibilité entière et durable au salut des pauvres gens des champs.

Quant à la vie commune, un autre passage de cette lettre précise : pour mener ensemble la vie commune, à l’exemple des religieux ». Cette précision était-elle de trop ? En tout cas, la réponse fut négative et ainsi motivée par la Propagande : « considerans illas petitiones terminos Missionis transgredi ac ad institutionem novae religionis tendere… » (XIII, 225)

 

2) La Géographie de la Mission

Le texte de la lettre donne une idée de l’extraordinaire essor des missions en deux années : « …non seulement sur les terres desdits seigneur et dame fondateurs… mais encore dans beaucoup d’autres parties de ce Royaume de France, comme dans les archevêchés de Paris et de Sens, dans les évêchés de Châlons en Champagne, de Troyes, Soissons, Beauvais, Amiens et Chartres… »

 

3) Le Recrutement de la Communauté

La supplique demande au pape de nommer ledit Vincent instituteur et supérieur général desdits prêtres, de ceux qui désirent s’adjoindre à eux et des personnes indispensables pour vaquer aux emplois domestiques dans « la Congrégation, dite de la mission, à laquelle ils s’unissent pour mener ensemble la vie commune. »

Et, un peu plus loin, le texte cite : « le supérieur, les prêtres, officiers, ministres et coadjuteurs des maisons. »

Les frères qui, on le sait, joueront un si grand rôle sous la direction de saint Vincent sont ici, et pour la première fois mentionnée comme membres de la Communauté.

 

4) La Pauvreté de la Communauté

La lettre rappelle la gratuité absolue du travail missionnaire : « … aux frais et dépends de ladite congrégation, ne recevant et n’attendant aucune récompense ou compensation matérielle… »

De par ailleurs, on l’a vu, les membres de la Communauté renoncent personnellement aux bénéfices. D’où le système économique des fondations et « dotations »« … qu’il soit permis audit Vincent … d’accepter librement… la possession corporelle, réelle et actuelle de tous ces biens et d’en garder à perpétuité les fruits, revenus et produits, d’en percevoir, exiger, lever et récupérer les droits, revenus et intérêts … »

La Communauté vivra donc de revenus. C’était, semble-t-il, le seul moyen pour éviter et la rétribution du travail et la mendicité.

 

5) L’Exemption

Un long paragraphe de la lettre traite de la situation juridique de la Communauté dans l’Église. Saint Vincent y demande expressément que soient exemptés : le supérieur, les prêtres susdits et tous les membres de ladite congrégation de la juridiction de leurs Ordinaires et de les faire dépendre du Saint Siège Apostolique… »

Mais intervient aussitôt la mise au point pastorale essentielle pour saint Vincent : [55] « …de telle sorte néanmoins que lesdites personnes soient tenues, on ce qui regards les missions d’obéir aux très révérends seigneurs Évêques et Ordinaires de leur résidence, d’aller où et vers qui ils seront envoyés… »

Curieusement, la lettre du 1er août ajoute ici quelques précisions à la version de juin ; et ces précisions éclairent sans doute la conception vincentienne de l’exemption, par l’évocation des thèmes de disponibilité et mobilité missionnaires. En effet, si les missionnaires se doivent d’obéir aux Ordinaires en ce qui regarde les Missions, le supérieur souhaite se réserver la « liberté » de choisir les missionnaires, nommer et déposer les supérieurs, de transférer d’une maison à une autre et « de les rappeler en quelque lieu ou on quelque maison qu’ils soient pour une mission ou si quelque nécessité l’exige ».

On soupçonne déjà là l’un des grands problèmes de la Mission naissante, qu’on pourrait traduire en langage d’aujourd’hui de la façon suivante : la tension entre les exigences de l’insertion pastorale et les nécessités de la disponibilité-mobilité missionnaire.

 

6) Les Structures de la Communauté

Elles ne sont qu’évoquées dans le texte. On peut cependant remarquer qu’aussitôt après avoir demandé le droit d’édicter statuts et règlements pour la Compagnie, la lettre poursuit : « …Que votre Sainteté veuille bien accorder encore audit Vincent plein pouvoir de corriger, modifier et retoucher les règles, quand elles seront faites, publiées et édictées, toutes les fois que les dispositions et les changements des personnes et des choses et des temps le demanderont… »

Les règles ne sont pas composées… elles ne le seront que trente ans plus tard et déjà saint Vincent se soucie du droit de pouvoir les modifier compte tenu des changements des personnes et des choses et des temps. Cette conception évolutive des structures était à souligner.

Bien que rejetée par Rome (XIII, 225), cette supplique de saint Vincent fait clairement le point sur l’état et les projets de la jeune Communauté, en août 1628. « La Mission demeure la raison d’être de la Communauté ; la vie commune se structure à l’exemple des religieux » ; et, enfin, le problème de l’exemption dans l’insertion apparaît comme le cap à franchir.

 

4. « … Cette nouvelle Mission extraordinaires ». (4 déc. 1630)

Avent d’en venir à la très intéressante « Opposition des Curés de Paris » où l’on trouve cette curieuse expression « Mission extraordinaire », opposée aux « prêtres ordinaires », il convient de faire état des quelques échos que nous trouvons dans la correspondance de l’époque de la vie de la Communauté.

Toujours très active (missions à Beauvais, Montmirail, Chelles, Bergier, Mesnil…) elle ajoute à ses travaux l’Œuvre des Ordinands, lancée à Beauvais en septembre 1628. (I, 65-66). Elle semble cependant observer le temps de résidence prévu, dans le Contrat, pour les mois d’été. Le 12 septembre 1631, saint Vincent écrit :

« Nous vivons d’une vie quasi aussi solitaire à Paris que les Chartreux, pource que, ne prêchant pas ni catéchisant ni confessant à la ville, personne presque n’a à faire à nous, ni nous à personne ; et cette solitude nous fait aspirer au travail à la campagne, et ce travail à la solitude. » (I, 122)

On sent bien quelque nostalgie de la Mission dans ces lignes. Que faisait-on pendant ces longs mois ? Une autre lettre, également de septembre, mais de 1628 nous en donne quelque idée. Saint Vincent est à Beauvais et écrit à M. du Coudray qui devait le remplacer à la tête de la Communauté des « Bons-Enfants ». (I, 64-68) : [56] « … Mais comment se porte la Compagnie ? Tout le monde est-il en bonne disposition ? Chacun est-il bien gai ? Les petits règlements s’observent-ils toujours ? Étudie-t-on et s’exerce-t-on sur la controverse ? Y tenez-vous l’ordre prescrit ? Je vous supplie, Monsieur, qu’on travaille à cela qu’on possède bien le petit Bécan. Il ne se peut dire combien ce petit livre sert… !! »

On apprend également, par cette lettre, que M. Lucas est détaché pour son travail et Monsieur Vincent se soucie de sa relation la Communauté : « Comment se porte M. Lucas en son travail ? Cet emploi lui revient-il ? Revient-il souper et coucher au Collège ? Assiste-t-il à nos Conférences ? »

Quoiqu’il en soit, cette vie Commune en résidence apparaît bien comme une sorte de parenthèse dans la vie missionnaire et la situation « normale » pour la Communauté est en mission. On y est à tour de rôle supérieur (IX, 8), et St Vincent écrit au P. Portail, le 21 juin 1631 : « J’espère beaucoup de fruit de la bonté de Notre-Seigneur, si l’union, la cordialité et le support sont entre vous deux… et parce que vous êtes le plus ancien, le second de la Compagnie et le supérieur supporte tout, je dis tout, du bon M. Lucas ; je dis encore tout, de sorte que vous déposant de la supériorité, ajustez-vous à lui en charité… Surtout qu’il ne paraisse point aucune scission entre vous. Vous êtes là sur un théâtre sur lequel un acte d’aigreur est capable de tout gâter… » (I, 112-113).

Ces curieuses consignes à un supérieur en mission donnent quelque idée de l’esprit que saint Vincent voulait entretenir dans ses Communautés Apostoliques.

Mais beaucoup plus que les problèmes internes à la Communauté, c’est la situation de la Compagnie dans l’Église en général et dans l’Église de France en particulier qui préoccupe saint Vincent.

En 1631, le Parlement de Paris doit entériner les lettres Patentes par lesquelles le Roi approuve la Congrégation de la Mission (XIII, 206-208 ; 225-227). Mais, au nom des Curés du diocèse de Paris, « le Syndic des curés de cette ville et faubourgs » fait opposition (XIII, 227-232). C’est un texte « dur », presque « polémique ». Mais cette opposition sera certainement, pour saint Vincent, révélatrice et l’amènera à mieux préciser la place de la « Mission » dans l’Église.

Trois griefs sont faits aux « soi-disant prêtres de la Mission » :

– on craint qu’ils ne renoncent pas vraiment aux emplois dans les villes ;

– on craint qu’ils s’immiscent intempestivement dans les paroisses ;

– on craint qu’ils en viennent à vouloir participer aux revenus des paroisses…!

Certes, dans la Contrat, la Communauté s’engage clairement sur tous ces points, mais cela n’est pas suffisant : « …car bien que toutes telles congrégations, de prime abord et en la source de leur première institution, soient très pures et fondées dans la considération de la plus éminente piété, dans la suite des années, l’ambition et l’avarice les changent entièrement… »

D’où trois conditions expresses :

– « qu’aucun vienne dedans une paroisse sans la permission du Curé ;

– « qu’aucun exercice de mission ne se fasse aux heures des offices habituels ;

– « que soit, à tous ces nouveaux prêtres de la mission, retranchée et ôtée l’espérance de pouvoir jamais prétendre, ni demander, soit sur le bénéfice de l’Église où ils entreront, soit sur le peuple, aucune rétribution de salaire… à quoi il est d’autant plus nécessaire de pourvoir, qu’il est certain que, quelque prétexte qu’ils prennent, en cette nouvelle institution, de refuser, leur intention n’est autre sinon de parvenir insensiblement à un partage des bénéfices… »

A plusieurs reprises, dans ce texte, intervient un parallèle ou plus exactement une opposition entre le ministère ordinaire et le ministère extraordinaire. On craint « des rixes et querelles journalières… entre les prêtres ordinaires [57] et ceux, de cette extraordinaire Mission, laquelle extraordinaire Mission serait inutile si les évêques soigneux à la un troupeau ne donnaient point les cures qu’à personnes de piété et capacités connues. Auquel cas, un curé serait suffisant pour célébrer le service, prêcher et catéchiser. Doncques la cour, s’il lui plaît, remédiera à ce point que cette nouvelle Mission extraordinaire ne nuise point aux fonctions de l’ordinaire… »

Dans sa forme « polémique », ce texte révèle bien la difficulté de situer la Mission dans la Pastorale Ordinaire. Ces mises en garde des Curés de Paris, comme sans doute aussi les difficultés rencontrées « sur le terrain », amèneront saint Vincent à préciser son projet. On le remarque, entr’autres, dans les consignes qu’il donne à François du Coudray envoyé à Rome pour activer l’affaire de la reconnaissance de la Congrégation.

 

5. …« Les cinq maximes fondamentales de la Congrégation »

Cette même année 1631, an effet, (I, 115-116), saint Vincent est amené à préciser ce qu’il appelle – par deux fois – les cinq maximes fondamentales de la Congrégation ; ajoutant qu’on n’y pourrait rien changer ni ôter qui ne portât un très grand préjudice. »

Ces consignes à M. du Coudray, envoya à Rome, sont précédées et motivées par le rappel de la raison d’être de la Communauté :

Le pauvre peuple se damne… c’est la connaissance qu’on en a eue qui a fait ériger la Compagnie … pour ce faire, il faut vivre en Congrégation… C’est très clair, il faut vivre en Congrégation pour assurer le travail d’évangélisation qu’on se propose.

D’ailleurs, les quatre premières maximes fondamentales de la Congrégation ne portent que sur le travail missionnaire :

–      laisser le pouvoir aux évêques d’envoyer les missionnaires dans la part de leur diocèse qu’il leur plaira ;

–      que les missionnaires seront soumis aux curés où ils font la mission, pendant le temps d’icelle ;

–      que la mission soit totalement gratuite et que les missionnaires vivent à leurs dépens ;

–    que l’on renonce à tout ministère en ville (où il y a évêché ou présidial ; sauf pour les Ordinands ct ceux qui feront les exercices dans la maison.

Il s’agit de situer la Mission dans l’Église, juridiquement et pastoralement. La Mission doit être, non pas « extraordinaire » comme le craignent les Curés de Paris, mais « envoyée » par l’évêque et « soumise » aux Curés. L’option est nette et la volonté d’insertion (comme l’on dirait aujourd’hui) Évidente, pendant le temps de la mission.

La gratuité du travail et la renonciation aux villes maintiendront, de leur côté, la Congrégation dans sa ligne désintéressée et missionnaire au service des pauvres gens des champs.

Enfin, la dernière maxime affirme la nécessité d’une autonomie de la Communauté. Soumise et « insérée » dans son travail, elle n’en est pas pour autant ni diocésaine, ni, à fortiori, paroissiale et le supérieur revendique l’entière direction d’icelle.

Ces cinq maximes doivent donc, selon saint Vincent, être considérées comme fondamentales de la Congrégation. Elles affirment tout à la fois mais à des niveaux différents l’insertion pastorale de la Mission, et son autonomie. C’est là la volonté de saint Vincent qui, pour le moment semble perçue comme « contradictoire » par Rome : l’autonomie souhaitée lui semblant « tendre à l’institution d’une nouvelle religion » . [58]

Mais Monsieur Vincent sait être persévérant. Grâce sans doute aux difficultés rencontrées (comme l’opposition des Curés de Paris), il a précisé son « dessein » et ne veut lâcher aucun des deux bouts de la chaine ! Insérée mais autonome ; et il conclut : « …Baste pour les paroles, mais pour la substance, il faut qu’elle demeure entière… Tenez y donc ferme et faites entendre qu’il y a de longues années que l’on pense à cela et qu’on en a l’expérience. »

Cette période du « Collège des Bons-Enfants » (1625-1632) constitue bien la première étape et la première forme de la Communauté de la Mission. Une Communauté qui intérieurement s’organise et qui extérieurement cherche à se situer dans l’Église.

Intérieurement, le fait de la résidence semble avoir été important. Le contrat de Fondation, on l’a vu, prévoyait de longues périodes de résidence : un mois de missions et 15 jours de résidence plus les mois de juin, juillet, août et septembre. Cela représente pratiquement six mois sur douze de résidence communautaire. Certes, il semble bien que ce rythme et cette alternance ne furent guère mathématiquement respectés, le temps de travail mordant souvent sur les temps de résidence, mais dès cette époque il apparait que l’organisation de ces longs jours de résidence (conçus plus ou moins sur un type « religieux ») modifie progressivement le style communautaire de ce qui n’était, au début, qu’une “Équipe de travail »… comme l’on dirait aujourd’hui. (Un certain phénomène de sédentarisation... ?)

Extérieurement, la Communauté cherche à se situer dans l’Église, par rapport à la Pastorale Ordinaire de l’Église. L’opposition des Curés de Paris se présente comme une sorte de « phénomène de rejet ». On demande que « cette nouvelle Mission Extraordinaire ne nuise pas aux fonctions de l’Ordinaire » et l’on se méfie beaucoup de « tous ces nouveaux Prêtres »… Dans les cinq maximes envoyées à M. du Coudray, saint Vincent situe vigoureusement sa Communauté dans l’Église : Totalement désintéressée, la Communauté dépendra – pour son travail Apostolique – des Évêques et sera soumise aux curés « où elle fait mission » ; mais pour sa vie et son organisation interne, elle ne dépendra que « du supérieur de la compagnie ».

On le voit, avec les termes et les réalités du temps, c’est tout le problème de l’insertion pastorale et de l’autonomie de la Communauté qui est ici posé et défini.

Au cours de cette période du « Collège des Bons-Enfants », la première communauté de la Mission s’organise donc intérieurement et se définit et se situe dans l’Église et par rapport « aux fonctions de l’Ordinaire »

Jean MORIN, CM 🔸

Au cours de cette période du « Collège des Bons-Enfants », la première communauté de la Mission s’organise donc intérieurement et se définit et se situe dans l’Église et par rapport « aux fonctions de l’Ordinaire ».

POUR CONNAÎTRE DAVANTAGE :

Visitez le site des Archives de la Congrégation de la Mission – Maison-Mère

 

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DOCUMENT SUR LA FRATERNITÉ HUMAINE POUR LA PAIX MONDIALE ET LA COEXISTENCE COMMUNE

Document sur la Fraternité Humaine pour la paix mondiale et la coexistence humaine

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS AUX ÉMIRATS ARABES UNIS (3-5 FÉVRIER 2019)

AVANT-PROPOS. La foi amène le croyant à voir dans l’autre un frère à soutenir et à aimer. De la foi en Dieu, qui a créé l’univers, les créatures et tous les êtres humains – égaux par Sa Miséricorde –, le croyant est appelé à exprimer cette fraternité humaine, en sauvegardant la création et tout l’univers et en soutenant chaque personne, spécialement celles qui sont le plus dans le besoin et les plus pauvres.

Partant de cette valeur transcendante, en diverses rencontres dans une atmosphère de fraternité et d’amitié, nous avons partagé les joies, les tristesses et les problèmes du monde contemporain, au niveau du progrès scientifique et technique, des conquêtes thérapeutiques, de l’époque digitale, des mass media, des communications ; au niveau de la pauvreté, des guerres et des malheurs de nombreux frères et sœurs en diverses parties du monde, à cause de la course aux armements, des injustices sociales, de la corruption, des inégalités, de la dégradation morale, du terrorisme, de la discrimination, de l’extrémisme et de tant d’autres motifs.

De ces échanges fraternels et sincères, que nous avons eus, et de la rencontre pleine d’espérance en un avenir lumineux pour tous les êtres humains, est née l’idée de ce « Document sur la Fraternité humaine ». Un document raisonné avec sincérité et sérieux pour être une déclaration commune de bonne et loyale volonté, destinée à inviter toutes les personnes qui portent dans le cœur la foi en Dieu et la foi dans la fraternité humaine, à s’unir et à travailler ensemble, afin que ce Document devienne un guide pour les nouvelles générations envers la culture du respect réciproque, dans la compréhension de la grande grâce divine qui rend frères tous les êtres humains.

DOCUMENT

 

Au nom de Dieu qui a créé tous les êtres humains égaux en droits, en devoirs et en dignité, et les a appelés à coexister comme des frères entre eux, pour peupler la terre et y répandre les valeurs du bien, de la charité et de la paix.

Au nom de l’âme humaine innocente que Dieu a interdit de tuer, affirmant que quiconque tue une personne est comme s’il avait tué toute l’humanité et que quiconque en sauve une est comme s’il avait sauvé l’humanité entière.

Au nom des pauvres, des personnes dans la misère, dans le besoin et des exclus que Dieu a commandé de secourir comme un devoir demandé à tous les hommes et, d’une manière particulière, à tout homme fortuné et aisé.

Au nom des orphelins, des veuves, des réfugiés et des exilés de leurs foyers et de leurs pays ; de toutes les victimes des guerres, des persécutions et des injustices ; des faibles, de ceux qui vivent dans la peur, des prisonniers de guerre et des torturés en toute partie du monde, sans aucune distinction.

Au nom des peuples qui ont perdu la sécurité, la paix et la coexistence commune, devenant victimes des destructions, des ruines et des guerres.

Au nom de la « fraternité humaine » qui embrasse tous les hommes, les unit et les rendégaux.

Au nom de cette fraternitédéchiréepar lespolitiques d’intégrisme et de division, et par les systèmes de profit effréné et par les tendances idéologiques haineuses, qui manipulent les actions et les destins des hommes.

Au nom de la liberté, que Dieu a donnée à tous les êtres humains, les créant libres et les distinguant par elle.

Au nom de la justice et de la miséricorde, fondements de la prospérité et pivots de la foi.

Au nom de toutes les personnes de bonne volonté, présentes dans toutes les régions de la terre.

Au nom de Dieu et de tout cela, Al-Azhar al-Sharif  – avec les musulmans d’Orient et d’Occident –, conjointement avec l’Eglise catholique – avec les catholiques d’Orient et d’Occident –, déclarent adopter la culture du dialogue comme chemin ; la collaboration commune comme conduite ; la connaissance réciproque comme méthode et critère.

Nous – croyants en Dieu, dans la rencontre finale avec Lui et dans Son Jugement –, partant de notre responsabilité religieuse et morale, et par ce Document, nous demandons à nous-mêmes et aux Leaders du monde, aux artisans de la politique internationale et de l’économie mondiale, de s’engager sérieusement pour répandre la culture de la tolérance, de la coexistence et de la paix; d’intervenir, dès que possible, pour arrêter l’effusion de sang innocent, et de mettre fin aux guerres, aux conflits, à la dégradation environnementale et au déclin culturel et moral que le monde vit actuellement.

Nous nous adressons aux intellectuels, aux philosophes, aux hommes de religion, aux artistes, aux opérateurs des médias et aux hommes de culture en toute partie du monde, afin qu’ils retrouvent les valeurs de la paix, de la justice, du bien, de la beauté, de la fraternité humaine et de la coexistence commune, pour confirmer l’importance de ces valeurs comme ancre de salut pour tous et chercher à les répandre partout.

Cette Déclaration, partant d’une réflexion profonde sur notre réalité contemporaine, appréciant ses réussites et partageant ses souffrances, ses malheurs et ses calamités, croit fermement que parmi les causes les plus importantes de la crise du monde moderne se trouvent une conscience humaine anesthésiée et l’éloignement des valeurs religieuses, ainsi que la prépondérance de l’individualisme et des philosophies matérialistes qui divinisent l’homme et mettent les valeurs mondaines et matérielles à la place des principes suprêmes et transcendants.

Nous, reconnaissant aussi les pas positifs que notre civilisation moderne a accomplis dans les domaines de la science, de la technologie, de la médecine, de l’industrie et du bien-être, en particulier dans les pays développés, nous soulignons que, avec ces progrès historiques, grands et appréciés, se vérifient une détérioration de l’éthique, qui conditionne l’agir international, et un affaiblissement des valeurs spirituelles et du sens de la responsabilité. Tout cela contribue à répandre un sentimentgénéral de frustration, de solitude et de désespoir, conduisant beaucoup à tomber dans le tourbillon de l’extrémisme athée et agnostique, ou bien dans l’intégrisme religieux, dans l’extrémisme et dans le fondamentalisme aveugle, poussant ainsi d’autres personnes à céder à des formes de dépendance et d’autodestruction individuelle et collective.

L’histoire affirme que l’extrémisme religieux et national, ainsi que l’intolérance, ont produit dans le monde, aussi bien en Occident qu’en Orient, ce que l’on pourrait appeler les signaux d’une « troisième guerre mondiale par morceaux », signaux qui, en diverses parties du monde et en diverses conditions tragiques, ont commencéàmontrer leur visage cruel ; situations dont on ne connaîtpas avec précision combien de victimes, de veuves et d’orphelins elles ontgénérés. En outre, il y a d’autres régions qui se préparent à devenir le théâtre de nouveaux conflits, où naissent des foyers de tension et s’accumulent des armes et des munitions, dans une situation mondiale dominée par l’incertitude, par la déception et par la peur de l’avenir et contrôlée par des intérêts économiques aveugles.

Nous affirmons aussi que les fortes crises politiques, l’injustice et l’absence d’une distribution équitable des ressources naturelles – dont bénéficie seulement une minorité de riches, au détriment de la majorité des peuples de la terre – ont provoqué, et continuent à le faire, d’énormes quantité de malades, de personnes dans le besoin et de morts, causant des crises létales dont sont victimes divers pays, malgré les richesses naturelles et les ressources des jeunes générations qui les caractérisent. A l’égard de ces crises qui laissent mourir de faim des millions d’enfants, déjà réduits à des squelettes humains – en raison de la pauvreté et de la faim –, règne un silence international inacceptable.

Il apparaît clairement à ce propos combien la famille est essentielle, en tant que noyau fondamental de la société et de l’humanité, pour donner le jour à des enfants, les élever, les éduquer, leur fournir une solide morale et la protection familiale. Attaquer l’institution familiale, en la méprisant ou en doutant de l’importance de son rôle, représente l’un des maux les plus dangereux de notre époque.

Nous témoignons aussi de l’importance du réveil du sens religieux et de la nécessité de le raviver dans les cœurs des nouvelles générations, par l’éducation saine et l’adhésion aux valeurs morales et aux justes enseignements religieux, pour faire face aux tendances individualistes, égoïstes, conflictuelles, au radicalisme et à l’extrémisme aveugle sous toutes ses formes et ses manifestations.

Le premier et le plus important objectif des religions est celui de croire en Dieu, de l’honorer et d’appeler tous les hommes à croire que cet univers dépend d’un Dieu qui le gouverne, qu’il est le Créateur qui nous a modelés avec Sa Sagesse divine et nous a accordé le don de la vie pour le préserver. Un don que personne n’a le droit d’enlever, de menacer ou de manipuler à son gré; au contraire, tous doivent préserver ce don de la vie depuis son commencement jusqu’à sa mort naturelle. C’est pourquoi nous condamnons toutes les pratiques qui menacent la vie comme les génocides, les actes terroristes, les déplacements forcés, le trafic d’organes humains, l’avortement et l’euthanasie et les politiques qui soutiennent tout cela.

De même nous déclarons – fermement – que les religions n’incitent jamais à la guerre et ne sollicitent pas des sentiments de haine, d’hostilité, d’extrémisme, ni n’invitent à la violence ou à l’effusion de sang. Ces malheurs sont le fruit de la déviation des enseignements religieux, de l’usage politique des religions et aussi des interprétations de groupes d’hommes de religion qui ont abusé – à certaines phases de l’histoire – de l’influence du sentiment religieux sur les cœurs des hommes pour les conduire à accomplir ce qui n’a rien à voir avec la vérité de la religion, à des fins politiques et économiques mondaines et aveugles. C’est pourquoi nous demandons à tous de cesser d’instrumentaliser les religions pour inciter à la haine, à la violence, à l’extrémisme et au fanatisme aveugle et de cesser d’utiliser le nom de Dieu pour justifier des actes d’homicide, d’exil, de terrorisme et d’oppression. Nous le demandons par notre foi commune en Dieu, qui n’a pas créé les hommes pour être tués ou pour s’affronter entre eux et ni non plus pour être torturés ou humiliés dans leurs vies et dans leurs existences. En effet, Dieu, le Tout-Puissant, n’a besoin d’être défendu par personne et ne veut pas que Son nom soit utilisé pour terroriser les gens.

Ce Document, en accord avec les précédents Documents Internationaux qui ont souligné l’importance du rôle des religions dans la construction de la paix mondiale, certifie ce qui suit :

–  La forte conviction que les vrais enseignements des religions invitent à demeurer ancrés dans les valeurs de la paix ; à soutenir les valeurs de la connaissance réciproque, de la fraternité humaine et de la coexistence commune ; à rétablir la sagesse, la justice et la charité et à réveiller le sens de la religiosité chez les jeunes, pour défendre les nouvelles générations de la domination de la pensée matérialiste, du danger des politiques de l’avidité du profit effréné et de l’indifférence, basée sur la loi de la force et non sur la force de la loi.

–  La liberté est un droit de toute personne : chacune jouit de la liberté de croyance, de pensée, d’expression et d’action. Le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains. Cette Sagesse divine est l’origine dont découle le droit à la liberté de croyance et à la liberté d’être différents. C’est pourquoi on condamne le fait de contraindre les gens à adhérer à une certaine religion ou à une certaine culture, comme aussi le fait d’imposer un style de civilisation que les autres n’acceptent pas.

–  La justice basée sur la miséricorde est le chemin à parcourir pour atteindre une vie décente à laquelle a droit tout être humain.

–  Le dialogue, la compréhension, la diffusion de la culture de la tolérance, de l’acceptation de l’autre et de la coexistence entre les êtres humains contribueraient notablement à réduire de nombreux problèmes économiques, sociaux, politiques et environnementaux qui assaillent une grande partie du genre humain.

–  Le dialogue entre les croyants consiste à se rencontrer dans l’énorme espace des valeurs spirituelles, humaines et sociales communes, et àinvestir cela dans la diffusion des plus hautes vertus morales, réclamées par les religions ; il consiste aussi à éviter les discussions inutiles.

–  La protection des lieux de culte – temples, églises et mosquées – est un devoir garanti par les religions, par les valeurs humaines, par les lois et par les conventions internationales. Toute tentative d’attaquer les lieux de culte ou de les menacer par des attentats, des explosions ou des démolitions est une déviation des enseignements des religions, ainsi qu’une claire violation du droit international.

–  Le terrorisme détestable qui menace la sécurité des personnes, aussi bien en Orient qu’en Occident, au Nord ou au Sud, répandant panique, terreur ou pessimisme n’est pas dû à la religion – même si les terroristes l’instrumentalisent – mais est dû à l’accumulation d’interprétations erronées des textes religieux, aux politiques de faim, de pauvreté, d’injustice, d’oppression, d’arrogance ; pour cela, il est nécessaire d’interrompre le soutien aux mouvements terroristes par la fourniture d’argent, d’armes, de plans ou de justifications, ainsi que par la couverture médiatique, et de considérer tout cela comme des crimes internationaux qui menacent la sécurité et la paix mondiale. Il faut condamner ce terrorisme sous toutes ses formes et ses manifestations.

–  Le concept de citoyenneté se base sur l’égalité des droits et des devoirs à l’ombre de laquelle tous jouissent de la justice. C’est pourquoi il est nécessaire de s’engager à établir dans nos sociétés le concept de la pleine citoyenneté et àrenoncer à l’usage discriminatoire du terme minorités, qui porte avec lui les germes du sentiment d’isolement et de l’infériorité ; il prépare le terrain aux hostilités et à la discorde et prive certains citoyens des conquêtes et des droits religieux et civils, en les discriminant.

–  La relation entre Occident et Orient est une indiscutable et réciproque nécessité, qui ne peut pas être substituéeni non plus délaissée, afin que tous les deux puissent s’enrichir réciproquement de la civilisation de l’autre, par l’échange et le dialogue des cultures. L’Occident pourrait trouver dans la civilisation de l’Orient des remèdes pour certaines de ses maladies spirituelles et religieuses causées par la domination du matérialisme. Et l’Orient pourrait trouver dans la civilisation de l’Occident beaucoup d’éléments qui pourraient l’aider à se sauver de la faiblesse, de la division, du conflit et du déclin scientifique, technique et culturel. Il est important de prêter attention aux différences religieuses, culturelles et historiques qui sont une composante essentielle dans la formation de la personnalité, de la culture et de la civilisation orientale ; et il est important de consolider les droits humains généraux et communs, pour contribuer à garantir une vie digne pour tous les hommes en Orient et en Occident, en évitant l’usage de la politique de la double mesure.

–  C’est une nécessité indispensable de reconnaître le droit de la femme à l’instruction, au travail, à l’exercice de ses droits politiques. En outre, on doit travailler à la libérer des pressions historiques et sociales contraires aux principes de sa foi et de sa dignité. Il est aussi nécessaire de la protéger de l’exploitation sexuelle et du fait de la traiter comme une marchandise ou un moyen de plaisir ou de profit économique. Pour cela, on doit cesser toutes les pratiques inhumaines et les coutumes courantes qui humilient la dignité de la femme et travailler à modifier les lois qui empêchent les femmes de jouir pleinement de leurs droits.

–  La défense des droits fondamentaux des enfants à grandir dans un milieu familial, à l’alimentation, à l’éducation et à l’assistance est un devoir de la famille et de la société. Ces droits doivent être garantis et préservés, afin qu’ils ne manquent pas ni ne soient refusés à aucun enfant, en aucun endroit du monde. Il faut condamner toute pratique qui viole la dignité des enfants et leurs droits. Il est aussi important de veiller aux dangers auxquels ils sont exposés – spécialement dans le domaine digital – et de considérer comme un crime le trafic de leur innocence et toute violation de leur enfance.

§  La protection des droits des personnes âgées, des faibles, des handicapés et des opprimés est une exigence religieuse et sociale qui doit être garantie et protégée par des législations rigoureuses et l’application des conventions internationales à cet égard.

A cette fin, l’Eglise catholique et Al-Azhar, par leur coopération commune, déclarent et promettent de porter ce Document aux Autorités, aux Leaders influents, aux hommes de religion du monde entier, aux organisations régionales et internationales compétentes, aux organisations de la société civile, aux institutions religieuses et aux Leaders de la pensée ; et de s’engager à la diffusion des principes de cette Déclaration à tous les niveaux régionaux et internationaux, en préconisant de les traduire en politiques, en décisions, en textes législatifs, en programmes d’étude et matériaux de communication.

Al-Azhar et l’Eglise Catholique demandent que ce Document devienne objet de recherche et de réflexion dans toutes les écoles, dans les universités et dans les instituts d’éducation et de formation, afin de contribuer à créer de nouvelles générations qui portent le bien et la paix et défendent partout le droit des opprimés et des derniers.

En conclusion nous souhaitons que :

cette Déclaration soit une invitation à la réconciliation et à la fraternité entre tous les croyants, ainsi qu’entre les croyants et les non croyants, et entre toutes les personnes de bonne volonté ;

soit un appel à toute conscience vivante qui rejette la violence aberrante et l’extrémisme aveugle ; appel à qui aime les valeurs de tolérance et de fraternité, promues et encouragées par les religions ;

soit un témoignage de la grandeur de la foi en Dieu qui unit les cœurs divisés et élève l’esprit humain ;

soit un symbole de l’accolade entre Orient et Occident, entre Nord et Sud, et entre tous ceux qui croient que Dieu nous a créés pour nous connaître, pour coopérer entre nous et pour vivre comme des frères qui s’aiment.

Ceci est ce que nous espérons et cherchons à réaliser, dans le but d’atteindre une paix universelle dont puissent jouir tous les hommes en cette vie.

Abou Dabi, le 4 février 2019

 

Sa Sainteté
Pape François
Grand Imam d’Al-Azhar
Ahmad Al-Tayyeb

La foi amène le croyant à voir dans l’autre un frère à soutenir et à aimer. De la foi en Dieu, qui a créé l’univers, les créatures et tous les êtres humains – égaux par Sa Miséricorde –, le croyant est appelé à exprimer cette fraternité humaine, en sauvegardant la création et tout l’univers et en soutenant chaque personne, spécialement celles qui sont le plus dans le besoin et les plus pauvres.

Explications :

 

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Présentation de Jésus au temple. Réflexion 2 février 2019

Présentation de Jésus au temple. Réflexion

Après quarante jours, les parents de Jésus l’amènent au Temple pour le présenter au Seigneur, parce qu’ils sont de vrais observateurs de la Loi.

La première chose qui m’étonne ce matin c’est le peu d’écho que cette fête conserve dans notre monde d’aujourd’hui, au-delà des crêpes d’usage et de bon goût. Pourquoi cette fête peut-elle encore nous parler ? Ce n’est pas parce qu’elle a un parfum d’Ancien Testament mais parce qu’elle clôt le cycle de Noël et découvre au peuple de baptisés que nous sommes, que Jésus-Christ est Lumière, splendeur du Père et point de ralliement pour tous les hommes de bonne volonté. Au nom de tous, nous sommes des processionnaires de la lumière du Christ. Nous avons réfléchit aux diverses manifestations de Celui qui se fait homme pour nous, manifesté aux bergers en signe d’ouverture aux petits et aux humbles ; manifesté aux mages en signe d’ouverture aux païens ; et manifesté aux amis et aux mariés de Cana en signe d’ouverture à notre humanité… Aujourd’hui, Jésus est le bien universel qui vient de Dieu et n’existe que pour Lui ; il est offert au Seigneur et, par lui, c’est tous les vivants qui sont offerts parce que notre humanité unie à sa divinité nous divinise. L’offrande appelle la glorification. Réjouissons-nous car elle vient « pour la multitude » !

La deuxième chose qui m’étonne ce matin et que je vous partage volontiers, c’est la présence de Syméon, le juste religieux qui attend. Il fait partie du « petit reste », de ces gens de peu comme on pourrait dire, qui étaient persuadés en Israël que le Messie n’allait pas tarder à venir, pétris qu’il était de l’Ecriture. Syméon est aux aguets prêt à saisir l’Envoyé de Dieu et de fait, il le reconnaît dans ses bras, c’est-à-dire contre son cœur. «On ne voit bien qu’avec le cœur». Et le cœur est capable de chanter la présence de Dieu dans nos vies : ‘J’ai vu, je peux partir, le salut est là à portée de main et il est universel. D’Israël, il touche toutes les nations. Je chante l’action de grâces au nom de tous’. Ce matin je prends le relais de Syméon pour dire merci pour ceux qui oublient de le dire.  Nous sommes des serviteurs-relais de la louange et de la reconnaissance.

La troisième chose qui m’étonne c’est ce qui arrive aux parents de Jésus. A Marie est dévoilé un avenir de souffrances. Elle sera associée au sacrifice de son fils. Elle aura l’âme traversée d’un glaive. Sans doute avait-elle besoin d’être prévenue de qui l’attendait. On accueille mieux l’épreuve quand on la sait inévitable. Nous savons bien que la suite de Jésus ne nous promet pas un chemin de roses mais que celles-ci se cueillent toujours au risque des épines. Jérusalem, la ville chère à st Luc, est au bout d’une route rude et semées de souffrances. Il n’y a pas de résurrection sans chemin de passion. A Joseph reste l’étonnement, l’homme du silence, qui nous convie à l’intériorité. Toutes nos relations vraies avec Dieu sont cachées et elles racontent notre véritable histoire sainte. Laissons l’Esprit nous mettre en lien avec le Père. Et prions aujourd’hui pour ceux qui cherchent sens à leur vie.

Et je m’étonne enfin avec Anne la prophétesse. Elle est la sainte du grand âge. Elle rejoint nombre d’entre nous aujourd’hui. Vieillir, c’est voir son physique s’altérer mais c’est croire en même temps, en la jeunesse de la foi. Anne aussi est toute glorification. Au lieu de nous lamenter sur le poids du passé et du péché, allons de l’avant et témoignons de notre fidélité. Parlons de Jésus. Comme il a su grandir et se fortifier pour devenir le Sauveur de ses frères, ne doutons pas qu’au creux des ans et des peines associées, il nous nous fait grandir et nous fortifie en nous communiquant sa Sagesse. Restons fidèlement au Nazareth où Dieu nous a fixés et attendons son Retour. C’est toujours le temps de la Rencontre. Amen.

Jean-Pierre RENOUARD, CM 🔸

La première chose qui m’étonne ce matin c’est le peu d’écho que cette fête conserve dans notre monde d’aujourd’hui, au-delà des crêpes d’usage et de bon goût. Pourquoi cette fête peut-elle encore nous parler ?

Jean-Pierre Renouard CM
Explications :
  • Titre: Presentation of Jesus at the Temple (détail)
  • Créateur: Master of the Cini Madonna
  • Date de création: Around 1330
  • Dimensions physiques: w407 x h505 x d40 cm
  • Type: Painting
  • Lien externe: Museu Nacional d’Art de Catalunya
  • Support: Tempera and gold leaf on wood