“Prière pour les temps présents”. Par Mgr Olivier Leborgne

Personne, par la solidarité qu’il apporte, ne fait le jeu des passeurs, on ne peut jamais diaboliser l’aide. (…) La réalité, c’est que l’incapacité des responsables politiques à oser des décisions novatrices et courageuses, quand bien même elles ne seraient pas populaires, favorise le jeu des passeurs.

“Prière pour les temps présents”. Par Mgr Olivier Leborgne

Dans Eglise en Périgord, Jean Claude PETEYTAS, diacre permanent, nous recommande le livre de Mgr Olivier LEBORGNE intitulé Prière pour les temps présents.  Il en fait une recension que vous pouvez découvrir dans le fichier PDF ci-dessous. Pour savoir où trouver le livre, clique ici

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Bilan positif d’activités pour Habitat et Humanisme Somme

Comme le dit le père fondateur du mouvement, Bernard Devert, « la source de la fraternité est l’engagement », bravo à toute cette équipe d’Habitat et Humanisme qui contribue à redonner du souffle à celles et ceux qu’ils accueillent pour contribuer à cette terre plus humaine que nous désirons tous.

Bilan positif d’activités pour Habitat et Humanisme Somme

Bernard MASSARINI
Bernard MASSARINI

Ce 16 juin, dans une salle de congrès du Crédit Agricole, Habitat et Humanisme Somme tenait son Assemblée Générale. Une quarantaine de personnes assistaient à cette occasion de faire le bilan annuel.

Occasion de rappeler que le mouvement Habitat et Humanisme en France loge 9300 familles, plus de 5000 dans ses propres logements, le reste dans des logements mobilisés auprès de « propriétaires solidaires ». Le mouvement a élargi sa palette d’activité : En plus du logement accompagné pour des publics en précarité, il s’est doté des moyens d’accueillir les migrants (1080 places d’accueil) et gère maintenant 40 EPHAD.

Habitat et Humanisme Somme loge et accompagne 51 familles dont 35 dans les logements de la pension de famille Maison Monsieur Vincent, achevée en 2015 grâce au soutien de la congrégation des lazaristes et depuis 2020, dans huit nouveaux logements (TI, T2 et T3) ainsi qu’une maison dans les environs d’Amiens. Les autres logements sont mobilisés auprès de « propriétaires solidaires » qui confient leur logement à l’association, moyennant un loyer en dessous du marché, mais avec l’assurance d’une tranquillité de gestion de leur bien.

Habitat et Humanisme Somme regroupe plus de 200 sympathisants et une trentaine de bénévoles dont quelques-uns encore en exercice professionnel ce qui impose d’animer autrement la relation et leur participation, car la compétence professionnelle des actifs est souvent précieuse !

Les nouvelles normes de logement imposées (norme de consommation d’énergie) rendent plus complexe leur acquisition ou leur mobilisation.

L’équipe regrette de n’avoir pas pu encore accueillir de migrants Afghans ou Ukrainiens, faute de logement disponible.

 Les activités de l’association s’organisent autour de trois axes :

  • le pôle immobilier dont le suivi des nouveaux projets (une négociation est en cours avec un promoteur de réhabilitation d’une friche industrielle sur laquelle H et H souhaite l’acquisition d’une vingtaine de logements) et l’entretien des logements existants.
  • Le pôle ressources et communication de l’association qui planifie et organise les évènements pour une meilleure visibilité de l’association.
  • Enfin le pôle accompagnement qui aide les 4 salariés dans les activités permettant d’améliorer le quotidien des résidents.

De nombreux partenaires (autres associations, entreprises mécènes) facilitent la mise en œuvre des activités et des sorties. Les résidents de la Maison Monsieur Vincent bénéficient en proximité d’un jardin partagé où ils produisent des légumes qu’ils cuisinent, ensuite dans l’atelier cuisine que propose régulièrement la maison. Ils ont récemment visité le château de Versailles et avec la Fondation Abbé Pierre participé à un festival de danse à Avignon. Le prochain évènement sera la réalisation d’une exposition photo sur le thème : de l’art dans l’assiette »

Oui comme le dit le père fondateur du mouvement, Bernard Devert, « la source de la fraternité est l’engagement », bravo à toute cette équipe d’Habitat et Humanisme qui contribue à redonner du souffle à celles et ceux qu’ils accueillent pour contribuer à cette terre plus humaine que nous désirons tous.

P. Bernard MASSARINI, cm

 

 

 

 

 

 

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Accompagner le parcours d’un réfugié

Nous continuerons à créer une culture de solidarité, et nous aurons le souci d’améliorer le bien-être dans les pays d’origine des personnes qui migrent, pour aider leurs proches à pouvoir demeurer dans leurs pays.

Accompagner le parcours d’un réfugié

Bernard MASSARINI
Bernard MASSARINI

À Séville, dans la maison provinciale des Filles de la Charité d’Espagne-Sud, l’Alliance Vincentienne des Sans-Abris a organisé la rencontre des 7, 8 et 9 juin. Nous avons été invités ces 7, 8 et 9 juin 2002, pour évoquer et réfléchir à l’accompagnement du parcours des réfugiés. Les sœurs ont su nous faire partager l’énergie andalouse et les chaleurs déjà estivales pour agrémenter notre séjour.

L’équipe de préparation avait tout bien pensé, dès l’arrivée nous recevions nos groupes, salles, lieux de service à visiter avec notre petit badge.

Nous étions 80 des cinq continents, passant de l’Océanie avec l’Australie et la Papouasie Nouvelle Guinée, à l’Afrique (avec notamment Madagascar, le Rwanda, le Ghana), l’Amérique du Nord et Sud avec les USA – St John Université, la SSVP, les AIC – , l’Europe (avec L’Ukraine, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne – les AIC, les CM, les FDLC -, la Slovaquie, l’Angleterre-), joie de retrouver une partie de la famille vincentienne présente dans 160 pays et selon les diverses estimations de 5 millions de membres. Étaient avec nous une 40aine de participants qui suivaient la rencontre par internet. Je n’ai pu faire que deux jours sur trois

La sœur Visitatrice ouvre la rencontre en nous invitant à entrer dans l’esprit de Fratelli tutti pour que continue le projet des 13 maisons entamé lors du jubilé de 2017 et à continuer à vivre la dynamique proposée par le pape François envers les migrants : accueillir, accompagner, promouvoir et intégrer les migrants que nous rencontrons.

Ensuite, ce fut à Mac Grevy, le directeur de l’Alliance Vincentienne des Sans-Abris, de nous rappeler qu’une personne sur sept de la planète est sans-abris pour raison de pauvreté ou migrante. Il nous a partagé que grâce à l’opération 13 maisons, les vincentiens avaient aidé plus de 7000 personnes à retrouver un toit. Il nous invite à faire que ces trois jours nous aident à savoir améliorer le sort de celles et ceux qui sont en situation de migration.

C’était au tour d’un membre de l’équipe de nous proposer une dynamique en anglais et espagnol pour nous présenter. Un petit quart d’heures à se questionner les uns et les autres sur divers sujets vincentiens, occasion de rire, faire connaissance, sachant que les premiers qui terminaient une ligne de la feuille allaient se voir remettre un bel éventail orné aux motifs de Séville par l’équipe d’animation.

Quelques interventions ont nourri la réflexion : le Père Maloney, Mgr Vitilo, le P Agostino, Mgr Baggio, Mac Grevy et nous avions des modérateurs, des personnages clefs dans notre vie vincentienne : Jim Claffey notre représentant à l’ONU, la sœur Carol Keehan FDLC, Andrew Mc-Night et de nombreux témoins pères lazaristes, filles de la Charité et sœurs de la charité de la fédération nord-américaine, administrateur de Depaul International, président international de la Famille vincentienne, ont apporté leur pierre à ce champ de service dans lequel nombre sont actifs au service des divers migrants.

L’Alliance Vincentienne des Sans Abris, forte de la déclaration obtenue à l’ONU sur les sans-abris, a dégagé avec l’Institut Universitaire sur les sans-abris à St-John university la définition suivante des sans-abris : «Les personnes à la rue, les personnes vivants en Bidonville et les personnes migrantes.» C’est pour mieux répondre aux défis que nous adressent ces derniers que l’AVH a organisé cette rencontre.

Après avoir écouté le père Maloney, remplacé par Jim Claffey, notre représentant à l’ONU, car en récupération du COVID, nous a rappelé nos saints prédécesseurs, héros de ce service : que ce soient les frères Renard et  qui prenaient les risques pour faire circuler l’argent et les biens nécessaires, puissent améliorer le sort des déplacés de guerre, des galériens et des otages des barbaresques en Algérie et Tunisie, tous les déplacés du XVIIème , faisant appel aux financeurs : la Duchesse d’Aiguillon, un membre d’une société secrète le conte de Renty, ou de nobles dames qui donneront des bijoux de plusieurs milliers et parfois de millions d’euros, et faisant servir les Filles de la Charité et les Pères veillant à leur fournir un toit, de la nourriture, les soins et l’accompagnement spirituel . Une prise en charge systémique comme nous aimons le dire dans la famille vincentienne, même s’il lui manquait de penser la durée du service.

Mgr Vitti, secrétaire du Secrétariat des migrants du dicastère du développement durable, représentant du Saint-Siège à Genève, a ancré le service de ces personnes dans le premier testament nous rappelant que le peuple choisi ne devait pas oublier qu’il avait été déporté : «Tu n’exploiteras ni n’opprimeras l’émigré, car vous avez été des émigrés au pays d’Égypte» (Ex 22,20 ) et dans le livre du Lévitique «Vous traiterez l’étranger en séjour parmi vous comme un indigène du milieu de vous, vous l’aimerez comme vous-même parce que vous-même avez été des étrangers dans le pays d’Égypte» (Lev 19, 34) disant qu’il fallait accueillir le pauvre comme son frère pour faire mémoire de la largesse de Dieu devant la souffrance de son peuple. Le second testament nous rappelant qu’en accueillant l’étranger on peut recevoir des anges : « N’oubliez pas l’hospitalité car en quelques-uns ont logé des anges sans le savoir» (He, 13,2). Il nous a ensuite rappelé que depuis le XIXème siècle les papes, face aux migrations économiques, n’ont cessé de redire que nous devions pratiquer l’amour du prochain dans l’accueil du migrants et nous a dit qu’au plan des états il existe deux grands types de migrants, les réfugiés couverts par la convention de Genève et le pacte des migrations, avec ses vingt principes pour offrir aux personnes en déplacement un traitement digne ; les états pourraient mettre en œuvre ce traité qu’ils ont adopté en 2016
(https://www.ohchr.org/fr/migration/global-compact-safe-orderly-and-regular-migration-gcm)

Mgr Baggio, sous-secrétaire du secrétariat des migrants nous dira que selon les rapports de l’ONU, un habitant sur sept est en situation de migration soit comme déplacé pour conflit, migrant économique ou migrant climatique. Il est aussi important de savoir que 56% des migrations ont lieu à l’intérieur des pays. Il a parcouru Fratelli Tutti, nous disant que situant la question de la migration avec la parole du bon samaritain, nous ne pouvons qu’être en attitude positive caractérisée par quatre dynamiques, accueillir, écouter, promouvoir et intégrer. Le pape rappelle que nous nous tenons éveillé évoquant pour cette dynamique la parabole du bon samaritain pour faire que les migrants soient dignement accompagnés. Nous saurons prendre le temps d’écouter celles et ceux d’entre nous qui se déplacent, en leur donnant un statut et un espace social leur permettant de reconstruire leur existence, et les invitant à partager leurs richesses pour que continue à s’édifier la fraternité humaine que nous sommes invités à édifier.

Puis vint le temps d’écoute et des témoignages : de proximité auprès des Ukrainiens avec les frères en Ukraine offrant leurs résidences et leurs chapelles pour accueillir et réconforter les frères en urgence cherchant refuge et les sœurs de Slovaquie sur la frontière présentes pour répondre dans l’urgence aux premières nécessités de celles et ceux qui fuyaient et qui, la guerre s’installant, on laisser la sœur psychologue pour aider à écouter les traumas devant la dureté de la situation. Des sœurs en Afrique ouvrant des espaces d’accueil de femmes en fuites victimes du trafic et formant les jeunes à éviter d’y tomber. D’autres dans la recherche de ressources pour financer les activités qu’entrainent toutes ces réalités complexes. Des sœurs et des frères laïcs dans la construction de réseaux pour répondre de façon la plus adaptée aux nouvelles personnes arrivant dans les espaces d’accueil. Car il est évident que nous ne pourrons travailler dans ce genre d’activité si nous ne sommes pas en réseau avec des partenaires ou ne créons pas ces réseaux pour permettre une meilleure connaissance des réalités, une approche plus précise des lois afin d’offrir un service plus performant.

La visite d’une dizaine des 14 projets animés par les sœurs de Séville nous a rapproché des jeunes en attente de papiers qui se forment aux métiers agricoles ou de service dans la restauration et des femmes retirées au trafic humain.

Les temps de prières nous ayant mis en présence d’un frère réfugié politique, sauvé de l’exécution sommaire, ou d’une jeune mère de famille retirée au trafic humain, pour offrir au Seigneur notre action de grâce de sa présence qui relève dans nos existences.

Vincentiens nous conserverons quelques attitudes dans nos pratiques, nous garderons les yeux ouverts, pour voir les personnes, et nous quitterons nos sandales dans les rencontres car les terres des sœurs et frères sont terres sacrées. Nous serons des voix prophétiques pour faire connaitre leur voix. Nous saurons vivre notre originalité vincentienne et nous nous ferons proches de celles et ceux que nous accueillerons, en veillant aux langues des espaces dont ils viennent. Nous privilégierons le cheminer avec, l’écoute active et la compassion, nous ferons que l’accueilli soit protagoniste de son histoire, pour vivre un service intégral. Nous favoriserons l’intégration culturelle du déplacé en promouvant leur participation.

Nous veillerons à sensibiliser le public sur le drame des déplacés, nous développerons une communication interne et feront en sorte que s’ouvrent des brèches. Nous oserons interagir au plan politique, sauront établir des réseaux de décideurs, nous mobiliserons les entités publiques pour qu’elles répondent aux déplacés. Le P Agostino, coordinateur international, nous a expliqué que sont déjà nées une dizaine de fraternité vincentienne en espagnol et en anglais : dont celles des graphistes, des musiciens, des avocats, des psychologues, des assesseurs de formation , les intéressés peuvent joindre cette adresse pour se joindre à l’une d’entre elles : cnavarrete05@yahoo.com. Aussi a-t-il été créé une banque de matériel vidéo disponible en plusieurs langues : https://vinflix.net, un espace pour proposer des lieux en recherche de bénévoles  http://famvin.help.

Nous continuerons à créer une culture de solidarité, et nous aurons le souci d’améliorer le bien-être dans les pays d’origine des personnes qui migrent pour aider leurs proches à pouvoir demeurer dans leurs pays. Nous chercherons aussi à anticiper les futures crises prévoyant outils et imaginant des voies de solution pacifiques. Nous nous appuierons  sur les vingt points du pacte mondial des migrations de l’ONU, demeurant dans l’attitude à laquelle le pape nous invite à entrer : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer.

Bernard MASSARINI cm

 

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Les activités de la diaconie de la “Somme l’Oasis Saint Ho”

Suite au synode du diocèse d’Amiens en 2018,  la diaconie de la Somme s’est mise place. Une équipe qui veille sur tout ce que les communautés chrétiennes catholiques et instances diocésaines font au service du développement humain intégral. C’est la naissance d’un service qui reçoit une église désaffectée. L’équipe est constituée d’une laïque coordinatrice, accompagnée par un diacre permanent et sa femme et notre confrère Pierre MARIONNEAU. Ensemble ils font équipe pour être l’oreille et les bras des services diocésains auprès des plus fragiles : sans abris, familles en difficultés, migrants, personnes malades, personnes seules.

L’équipe se fait écho des activités du Secours Catholique, de la pastorale de la santé, de la pastorale des migrants, de la pastorale de la prison, des Conférences de la Société Saint Vincent de Paul amiénoises (qui proposent des paniers alimentaires en plus de la rencontre de proximité par les visites domiciliaires). Nous comptons aussi avec des initiatives au service des pauvreté : Cœur soleil sur Amiens (une association qui partage un repas hebdomadaire et propose la garde d’enfants en fin d’après-midi, du soutien scolaire, des cours de français langue étrangère), le réseau Welcome de Jeunes réfugiés services (des familles qui accompagnent des jeunes mineurs migrants dans leurs démarches administratives leur offrant un hébergement). Il y a aussi les maraudes réalisées auprès des sans-abris.

Nous pouvons aussi mettre en évidence les multiples paroisses qui récoltent le panier dominical tout l’hiver pour soutenir les familles aux faibles ressources, celles qui ont ouvert des vesti-boutiques (lieux de distributions de vêtements pour aider les personnes à faibles ressources), ou des boutiques solidaires (offrant des produits alimentaires pour aider les familles aux faibles budget). Il y en a aussi qui gèrent des studios pour accueillir des migrants en attentes de papiers.Je me suis personnellement inscrit dans l’initiative « Oasis St Ho », un service de l’église Saint Honoré qui, chaque lundi en fin d’après-midi, propose une maraude et chaque jeudi une célébration eucharistiques à 11h30, suivie d’un repas partagé. « Oasis St Ho » propose également, dans le narthex de l’église, un salon d’accueil quotidien des sans-abris et sans papiers, du lundi au vendredi, de 15h à 17h.

Le jeudi 10h l’équipe de coordination se retrouve pour échanger sur les nouvelles des uns et des autres (des accueillis) et coordonner diverses activités, soit proposées par le service soit faites en coordination avec d’autres associations, et échanger des nouvelles sur le service de soins qui utilise une des pièces des locaux pour rencontrer certains des visiteurs. Nous sommes une dizaine sur la vingtaine des bénévoles pour la célébration de l’eucharistie ; à laquelle nous rejoignent 1, 2 ou 3 sans-abris. Parfois d’émouvants échanges marquent la célébration. Une fois, un trentenaire sans-abri arrivé en France depuis plusieurs années en provenance d’un pays de l’est, au moment de la communion s’approche pour demander une bénédiction. Après un séjour d’internement en psychiatrie qui l’avait affecté, il refuse de prendre la communion tout en me faisant comprendre qu’il lui faut se confesser avant. Je lui réponds « oui tu demanderas pardon à Jésus après, mais là il s’invite chez toi et tu as besoin de sa force ». Il va se mettre à genoux, communier et rester pleurant toute son action de grâce. Lorsque nous nous dirigeons vers le repas il me remercie « toi tu es un beau prêtre, tu donnes Jésus pour nous donner force »

Au repas ils sont une dizaine chaque semaine à venir déguster ce que l’esprit fermier a concocté. L’esprit fermier est une coopérative de 11 producteurs picards qui vendent leurs produits fermiers agricoles et laitiers et préparent quelques recettes qu’ils proposent de consommer sur places à leurs clients. Chaque jeudi ils nous fournissent leurs restes de la veille pour une vingtaine de personnes qui savourent des plats régionaux, de délicieux fromages et des yogourts préparés par leurs soins.

Tous savent que lorsque l’on passe la porte on ne hausse pas le ton et l’on s’écoute. Plusieurs disent qu’ils aiment cet espace « où l’on mange sans disputes, sans cris, sans s’envoyer la nourriture à la figure ». Puis tous participent à la vaisselle avant de se quitter vers 13H30 en hiver et 14h30 à la belle saison, car nous avons la chance de prendre le repas dans le jardin, ce qui crée un climat d’intimité très agréable.

 L’après-midi, lors de chaque temps-salon entre 15h et 17h, nous sommes à deux pour accueillir tous ceux qui passeront chaque jour, une quinzaine pour prendre un café, un thé et quelques gâteaux (restes du repas de midi ou des biscuits achetés grâce aux dons des amiénois qui connaissent notre service et sont heureux d’y contribuer.

Ce temps de pause est un temps très apprécié par tous. Lors de la dernière journée mondiale de lutte contre la misère, plusieurs ont participé en écrivant leur morceau de la voile du bateau de notre traversé. L’un d’entre eux a bien traduit ce que tous nous vivons dans ces temps de présence fraternelle : « Être écouté, regardé dans les yeux, alors on se sent mieux dans sa tête ».

Il y a parfois la réparation de petits bobos causés par quelques échanges un peu musclés où il faut effacer les traces de sang et panser la marque des coups. Mais il y a aussi ce jeune mineur sans-papiers qui dit en français correct sa peine d’être hébergé en centre d’hébergement d’adultes. Il y a encore ce sans-papiers qui demande à être confessé. En fait, il s’effondre car il a perdu son fils dans un accident d’auto il y a quelques années et ne peut même plus participer aux soins de sa petite fille atteinte du cancer. Il a réussi à n’avoir que 1 euro et ne peut pas participer à soigner sa fille. Lorsque qu’après un long temps d’écoute je lui dis ma peine de n’avoir pas d’argent, il me répond : « mais ce n’est pas ce que j’attends de toi, tu es le seul qui peut comprendre ma peine et avec qui je peux pleurer sans rire ». Il dit sans fioriture la place du croyant dans la relation à ses frères : être le visage de la tendresse de Dieu.

Lors des accueils, nous sommes toujours à deux pour nous soutenir au cas où éclaterait une dispute ou pour qu’il y ait un de disponible, si l’un des visiteurs nécessite un temps d’écoute particulier. La plus grande partie des accueillis sont des hommes. Sur une quinzaine de passages, seules 2 ou 3 sont des femmes. Ce qui est comme à tous, c’est qu’ils disent leur joie de trouver un espace de repos dans leur journée où ils peuvent venir parler. Certains, même parmi les musulmans s’isolent, seuls dans la nef, pour écouter le silence. Ils se sentent, disent-ils, plus forts et en paix.

Nous voulons aider toutes ces personnes à retrouver un îlot d’humanité dans leur vie chaotique. En effet, la plupart d’entre elles doivent appeler le 115 à dix-heures pour savoir s’ils auront un espace pour dormir dans l’un des foyers d’accueil.  Malheureusement, nous n’avons pas le nécessaire pour aider ces personnes fragiles à se stabiliser ; car quoi de plus inquiétant que de ne pas savoir si l’on va dormir à l’abri. Si pour les plus jeunes cela peut paraître une partie de l’aventure, pour celles et ceux qui ont plus de quarante ans au contraire, cela continue à les déconstruire.

Lors de la cérémonie d’hommage, les personnes sans-abris et/ou sans papiers vont nous communiquer les prénoms et les âges de leurs amis décédés au cours de deux dernières années et cela nous permettra de dire notre respect et d’exprimer notre communion à leurs intentions : Ils étaient 16 en 2020 et 6 en 2021. 

Lieu d’écoute et de repos dans leur vie bloquée dans les dédales d’une société incapable de leur donner un toit pour vivre, à l’« Oasis Saint Ho » nous continuerons d’être une discrète présence, saveur d’évangile qui donne à goûter un peu de la douceur de l’existence, telle qu’elle devrait être pour toutes et tous. Comme une part d’entre eux est de la religion musulmane, ils sont touchés par la bonté exprimée par cet accueil. Ils nous disent que cela a un peu à voir avec la douceur du Créateur qui est à nos côtés : « c’est un peu comme si Dieu était là » nous a dit un jour l’un d’entre eux. Oui il est là au milieu de nous lorsque nous vivons cette respectueuse hospitalité car, ne l’oublions pas, « en les accueillant ce sont des anges que nous logeons sans le savoir » (Cf. Hé 13,2).

Bernard MASSARINI

Message du Pape François. 5e Journée Mondiale des Pauvres. 14 novembre 2021 – 33e dimanche du temps ordinaire : « Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous » (Mc 14,7)

Les pauvres de toute condition et de toute latitude nous évangélisent, car ils nous permettent de redécouvrir de manière toujours nouvelle les traits les plus authentiques du visage du Père. « Ils ont beaucoup à nous enseigner. En plus de participer au sensus fidei, par leurs propres souffrances ils connaissent le Christ souffrant. Il est nécessaire que tous nous nous laissions évangéliser par eux.

Message du Pape François. 5e Journée Mondiale des Pauvres. 14 novembre 2021 – 33e dimanche du temps ordinaire : « Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous » (Mc 14,7)

1. « Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous » (Mc 14, 7). Jésus a prononcé ces paroles dans le cadre d’un repas à Béthanie, dans la maison d’un certain Simon dit « le lépreux », quelques jours avant la pâque. Comme le raconte l’évangéliste, une femme était entrée avec un vase d’albâtre rempli d’un parfum très précieux et l’avait versé sur la tête de Jésus. Ce geste avait suscité un grand étonnement et a donné lieu à deux interprétations différentes.

La première est l’indignation de certains parmi les personnes présentes, y compris les disciples qui, compte tenu de la valeur du parfum – environ 300 deniers, soit l’équivalent du salaire annuel d’un travailleur – pensent qu’il aurait été préférable de le vendre et de donner le produit aux pauvres. Selon l’Évangile de Jean, c’est Judas qui se fait l’interprète de cette position : « Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum pour trois cents deniers que l’on aurait donné à des pauvres ? » Et l’évangéliste note : « Il parlait ainsi, non par souci des pauvres, mais parce que c’était un voleur : comme il tenait la bourse commune, il prenait ce que l’on y mettait. » (12, 5-6). Ce n’est pas un hasard si cette critique sévère vient de la bouche du traître: c’est la preuve que ceux qui ne reconnaissent pas les pauvres trahissent l’enseignement de Jésus et ne peuvent pas être ses disciples. Rappelons-nous, à cet égard, les paroles fortes d’Origène: « Judas semblait se soucier des pauvres […]. S’il y a maintenant encore quelqu’un qui détient la bourse de l’Église et qui parle en faveur des pauvres comme Judas, mais qui prend ce qu’on y met dedans, alors qu’il ait sa part avec Judas » (Commentaire à l’Évangile de Matthieu 11, 9).

La deuxième interprétation est donnée par Jésus lui-même et permet de saisir le sens profond du geste accompli par la femme. Il dit : « Laissez-la ! Pourquoi la tourmenter ? Il est beau le geste qu’elle a fait envers moi » (Mc 14, 6). Jésus sait que sa mort est proche et voit dans ce geste l’anticipation de l’onction pour son corps sans vie avant qu’il ne soit placé au tombeau. Ce point de vue va au-delà de toute attente des convives. Jésus leur rappelle que le premier pauvre c’est Lui, le plus pauvre parmi les pauvres parce qu’il les représente tous. Et c’est aussi au nom des pauvres, des personnes seules, marginalisées et discriminées que le Fils de Dieu accepte le geste de cette femme. Par sa sensibilité féminine, elle montre qu’elle est la seule à comprendre l’état d’esprit du Seigneur. Cette femme anonyme – peut être destinée à représenter l’univers féminin tout entier qui, au fil des siècles, n’aura pas voix au chapitre et subira des violences – inaugure la présence significative des femmes qui participent aux événements culminants de la vie du Christ : sa crucifixion, sa mort et son ensevelissement ainsi que son apparition comme Ressuscité. Les femmes, si souvent discriminées et tenues à l’écart des postes de responsabilité, sont au contraire, dans les pages des Évangiles, protagonistes dans l’histoire de la révélation. Et l’expression finale de Jésus, qui associe cette femme à la grande mission évangélisatrice, est éloquente : « Amen, je vous le dis : partout où l’Évangile sera proclamé – dans le monde entier – on racontera, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire » (Mc 14, 9).

2. Cette forte “empathie” entre Jésus et la femme, et la façon dont il interprète son onction en contraste avec la vision scandalisée de Judas et des autres, ouvrent une voie féconde de réflexion sur le lien indissociable qui existe entre Jésus, les pauvres et l’annonce de l’Évangile.

Le visage de Dieu qu’il révèle est en effet, celui d’un Père pour les pauvres et proche des pauvres. Toute l’œuvre de Jésus affirme que la pauvreté n’est pas le fruit de la fatalité, mais le signe concret de sa présence parmi nous. Nous ne le trouvons pas quand et où nous le voulons, mais nous le reconnaissons dans la vie des pauvres, dans leur souffrance et leur misère, dans les conditions parfois inhumaines dans lesquelles ils sont forcés de vivre. Je ne me lasse pas de répéter que les pauvres sont de véritables évangélisateurs parce qu’ils ont été les premiers à être évangélisés et appelés à partager le bonheur du Seigneur et de son Royaume (cf. Mt 5, 3).

Les pauvres de toute condition et de toute latitude nous évangélisent, car ils nous permettent de redécouvrir de manière toujours nouvelle les traits les plus authentiques du visage du Père. « Ils ont beaucoup à nous enseigner. En plus de participer au sensus fidei, par leurs propres souffrances ils connaissent le Christ souffrant. Il est nécessaire que tous nous nous laissions évangéliser par eux. La nouvelle évangélisation est une invitation à reconnaître la force salvifique de leurs existences, et à les mettre au centre du cheminement de l’Église. Nous sommes appelés à découvrir le Christ en eux, à prêter notre voix à leurs causes, mais aussi à être leurs amis, à les écouter, à les comprendre et à accueillir la mystérieuse sagesse que Dieu veut nous communiquer à travers eux. Notre engagement ne consiste pas exclusivement en des actions ou des programmes de promotion et d’assistance; ce que l’Esprit suscite n’est pas un débordement d’activisme, mais avant tout une attention à l’autre qu’il considère comme un avec lui. Cette attention aimante est le début d’une véritable préoccupation pour sa personne, à partir de laquelle je désire chercher effectivement son bien » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, nn. 198-199).

3. Jésus est non seulement du côté des pauvres, mais partage avec eux le même sort. C’est aussi un enseignement fort pour ses disciples de tous les temps. Ses mots « les pauvres, vous en aurez toujours avec vous » indiquent aussi ceci : leur présence parmi nous est constante, mais elle ne doit pas conduire à une habitude qui devienne indifférence, mais impliquer dans un partage de vie qui n’admet pas de procurations. Les pauvres ne sont pas des personnes “extérieures” à la communauté, mais des frères et sœurs avec qui partager la souffrance, pour soulager leur malaise et leur marginalisation, pour qu’on leur rende la dignité perdue et qu’on leur assure l’inclusion sociale nécessaire. Par ailleurs, on sait qu’un geste de bienfaisance présuppose un bienfaiteur et quelqu’un qui en bénéficie, tandis que le partage engendre la fraternité. L’aumône est occasionnelle ; tandis que le partage est durable. La première risque de gratifier celui qui la fait et d’humilier celui qui la reçoit ; la seconde renforce la solidarité et pose les conditions nécessaires pour parvenir à la justice. Bref, les croyants, lorsqu’ils veulent voir Jésus en personne et le toucher de leurs mains, savent vers qui se tourner : les pauvres sont un sacrement du Christ, ils représentent sa personne et nous renvoient à lui.

Nous avons tant d’exemples de saints et de saintes qui ont fait du partage avec les pauvres leur projet de vie. Je pense, entre autres, au père Damien de Veuster, un saint apôtre des lépreux. Avec une grande générosité, il répondit à l’appel à se rendre sur l’île de Molokai, devenue un ghetto accessible uniquement aux lépreux, pour vivre et mourir avec eux. Il s’est retroussé les manches et fit tout pour rendre la vie de ces pauvres malades et marginalisés, réduits à une dégradation extrême, digne d’être vécue. Il se fit médecin et infirmier, inconscient des risques qu’il prenait et dans cette “colonie de la mort”, comme on appelait l’île, il a apporté la lumière de l’amour. La lèpre l’a également frappé, signe d’un partage total avec les frères et sœurs pour lesquels il avait fait don de sa vie. Son témoignage est très actuel en ces jours marqués par la pandémie de coronavirus : la grâce de Dieu est certainement à l’œuvre dans le cœur de beaucoup de personnes qui, dans la discrétion, se dépensent pour les plus pauvres dans un partage concret.

4. Nous devons donc adhérer avec une conviction totale à l’invitation du Seigneur : « Convertissez-vous et croyez en l’Évangile » (Mc 1, 15). Cette conversion consiste avant tout à ouvrir notre cœur afin de reconnaître les multiples expressions de pauvreté et à manifester le Royaume de Dieu par un mode de vie cohérent avec la foi que nous professons. Souvent, les pauvres sont considérés comme des personnes séparées, comme une catégorie qui demande un service de bienfaisance particulier. Suivre Jésus implique, à cet égard, un changement de mentalité, c’est-à-dire de relever le défi du partage et de la participation. Devenir ses disciples implique le choix de ne pas accumuler de trésors sur la terre, qui donnent l’illusion d’une sécurité, en réalité fragile et éphémère. Au contraire, cela exige la disponibilité à se libérer de tout lien qui empêche d’atteindre le vrai bonheur et la béatitude, pour reconnaître ce qui est durable et ne peut être détruit par rien ni personne (cf. Mt 6, 19-20).

Ici l’enseignement de Jésus va aussi à contre-courant, car il promet ce que seuls les yeux de la foi peuvent voir et expérimenter avec une certitude absolue : « Celui qui aura quitté, à cause de mon nom, des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants, ou une terre, recevra le centuple, et il aura en héritage la vie éternelle » (Mt 19, 29). Si l’on ne choisit pas de devenir pauvre de richesses éphémères, de pouvoir mondain et de vantardise, on ne pourra jamais donner sa vie par amour ; on vivra une existence morcelée, pleine de bonnes intentions, mais inefficace pour transformer le monde. Il s’agit donc de s’ouvrir résolument à la grâce du Christ, qui peut nous rendre témoins de sa charité sans limites et redonner de la crédibilité à notre présence dans le monde.

5. L’Évangile du Christ pousse à avoir une attention tout à fait particulière à l’égard des pauvres et demande de reconnaître les multiples, les trop nombreuses formes de désordre moral et social qui engendrent toujours de nouvelles formes de pauvreté. La conception selon laquelle les pauvres sont non seulement responsables de leur condition mais constituent un fardeau intolérable pour un système économique, qui place au centre l’intérêt de certaines catégories privilégiées, semble faire son chemin. Un marché qui ignore ou sélectionne les principes éthiques crée des conditions inhumaines qui frappent des personnes qui vivent déjà dans des conditions précaires. On assiste ainsi à la création de pièges toujours nouveaux de la misère et de l’exclusion, produits par des acteurs économiques et financiers sans scrupules, dépourvus de sens humanitaire et de responsabilité sociale.

L’année dernière, un autre fléau s’est ajouté, qui a encore multiplié les pauvres : la pandémie. Elle continue à frapper aux portes de millions de personnes et, quand elle n’apporte pas avec elle la souffrance et la mort, elle est quand même porteuse de pauvreté. Le nombre de pauvres a augmenté de manière démesurée et, malheureusement, cela sera encore dans les mois à venir. Certains pays subissent des conséquences très graves de la pandémie, de sorte que les personnes les plus vulnérables se retrouvent privées de biens de première nécessité. Les longues files d’attente devant les cantines pour les pauvres sont le signe tangible de cette aggravation. Un examen attentif exige que l’on trouve les solutions les plus appropriées pour lutter contre le virus au niveau mondial, sans viser des intérêts partisans. En particulier, il est urgent d’apporter des réponses concrètes à ceux qui souffrent du chômage, qui touche de façon dramatique de nombreux pères de famille, des femmes et des jeunes. La solidarité sociale et la générosité dont beaucoup, grâce à Dieu, sont capables, combinées à des projets clairvoyants de promotion humaine, apportent et apporteront une contribution très importante à cet égard.

6. La question qui n’est en rien évidente reste toutefois ouverte : comment peut-on apporter une réponse tangible aux millions de pauvres qui trouvent souvent comme seule réponse l’indifférence quand ce n’est pas de l’agacement ? Quelle voie de justice faut-il emprunter pour que les inégalités sociales puissent être surmontées et que la dignité humaine, si souvent bafouée, soit rétablie ? Un mode de vie individualiste est complice de la pauvreté, et décharge souvent sur les pauvres toute la responsabilité de leur condition. Mais la pauvreté n’est pas le fruit du destin, elle est une conséquence de l’égoïsme. Il est donc essentiel de mettre en place des processus de développement qui valorisent les capacités de tous, pour que la complémentarité des compétences et la diversité des rôles conduisent à une ressource commune de participation. Beaucoup de pauvreté des “riches” qui pourrait être guérie par la richesse des “pauvres”, si seulement ils se rencontraient et se connaissaient ! Personne n’est si pauvre qu’il ne puisse pas donner quelque chose de lui-même dans la réciprocité. Les pauvres ne peuvent pas être seulement ceux qui reçoivent ; ils doivent être mis dans la condition de pouvoir donner, parce qu’ils savent bien comment le faire. Combien d’exemples de partage sont sous nos yeux! Les pauvres nous enseignent souvent la solidarité et le partage. C’est vrai, ces gens manquent de quelque chose, ils leur manquent souvent beaucoup et même du nécessaire, mais ils ne manquent pas de tout, parce qu’ils conservent leur dignité d’enfants de Dieu que rien ni personne ne peut leur enlever.

7. C’est pourquoi une approche différente de la pauvreté s’impose. C’est un défi que les Gouvernements et les Institutions mondiales doivent relever avec un modèle social tourné vers l’avenir, capable de faire face aux nouvelles formes de pauvreté qui touchent le monde et qui marqueront de manière décisive les décennies à venir. Si les pauvres sont mis en marge, comme s’ils étaient les responsables de leur condition, alors le concept même de la démocratie est mis en crise et chaque politique sociale devient défaillante. Nous devrions avouer avec une grande humilité que nous sommes souvent des incompétents devant les pauvres. On parle d’eux de manière abstraite, on s’arrête aux statistiques et on s’émeut devant quelque documentaire. La pauvreté, au contraire, devrait entraîner une conception créative, permettant d’accroître la liberté effective de pouvoir réaliser l’existence avec les capacités propres à chaque personne. C’est une illusion, dont il faut rester à l’écart, que de penser que la liberté s’obtient et grandit par le fait de posséder de l’argent. Servir efficacement les pauvres provoque l’action et permet de trouver les formes les plus appropriées pour relever et promouvoir cette partie de l’humanité trop souvent anonyme et sans voix, mais qui a imprimé en elle le visage du Sauveur qui demande de l’aide.

8. « Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous » (Mc 14, 7). C’est une invitation à ne jamais perdre de vue l’occasion qui se présente de faire le bien. En arrière-plan, on peut entrevoir l’ancien commandement biblique : « Se trouve-t-il chez toi un malheureux parmi tes frères […], tu n’endurciras pas ton cœur et tu ne fermeras pas la main à ton frère malheureux, mais tu lui ouvriras tout grand la main et lui prêteras largement de quoi suffire à ses besoins. […] Tu lui donneras largement, ce n’est pas à contrecœur que tu lui donneras. Pour ce geste, le Seigneur ton Dieu te bénira dans toutes tes actions et dans toutes tes entreprises. Certes, le malheureux ne disparaîtra pas de ce pays. Aussi je te donne ce commandement : tu ouvriras tout grand ta main pour ton frère quand il est, dans ton pays, pauvre et malheureux » (Dt 15, 7-8.10-11). Sur la même longueur d’onde, l’apôtre Paul exhorte les chrétiens de ses communautés à secourir les pauvres de la première communauté de Jérusalem et à le faire « sans regret et sans contrainte, car Dieu aime celui qui donne joyeusement » (2 Co 9, 7). Il ne s’agit pas d’alléger notre conscience en faisant quelque aumône, mais plutôt de s’opposer à la culture de l’indifférence et de l’injustice avec lesquelles on se place vis-à-vis des pauvres.

Dans ce contexte, il convient également de rappeler les paroles de saint Jean Chrysostome : « Celui qui est généreux ne doit pas demander des comptes sur la conduite, mais seulement améliorer la condition de pauvreté et satisfaire le besoin. Le pauvre n’a qu’une seule défense : sa pauvreté et la condition de besoin dans laquelle il se trouve. Ne lui demande rien d’autre. Mais que l’homme le plus mauvais du monde, s’il manque de la nourriture nécessaire, soit libéré de la faim. […] L’homme miséricordieux est un port pour ceux qui sont dans le besoin : le port accueille et libère du danger tous les naufragés ; qu’ils soient malfaiteurs, bons ou qu’ils soient en danger, le port les met à l’abri à l’intérieur de sa crique. Toi aussi, donc, quand tu vois un homme sur la terre qui a fait le naufrage de la misère, ne juge pas, ne lui demande pas compte de sa conduite, mais libère-le du malheur. » (Discours sur le pauvre Lazare, II, 5).

9. Il est décisif d’accroître notre sensibilité afin de comprendre les besoins des pauvres, toujours en mutation comme le sont les conditions de vie. Aujourd’hui, en effet, dans les régions du monde économiquement plus développées, on est moins disposé que par le passé à faire face à la pauvreté. L’état de bien-être relatif auquel on s’est habitué rend plus difficile l’acceptation des sacrifices et des privations. On est prêt à tout pour ne pas être privé de tout ce qui a été le fruit d’une conquête facile. On tombe ainsi dans des formes de rancune, de nervosité spasmodique, de revendications qui conduisent à la peur, à la détresse et, dans certains cas, à la violence. Ce n’est pas le critère sur lequel construire l’avenir; et pourtant, ce sont aussi des formes de pauvreté dont on ne peut détourner le regard. Nous devons être ouverts à lire les signes des temps qui expriment de nouvelles façons d’être évangélisateur dans le monde contemporain. L’assistance immédiate pour aller à la rencontre des besoins des pauvres ne doit pas empêcher d’être clairvoyant pour réaliser de nouveaux signes de l’amour et de la charité chrétienne, comme réponse aux nouvelles pauvretés que l’humanité d’aujourd’hui expérimente.

J’espère que la Journée mondiale des pauvres, qui en est à sa cinquième célébration, pourra s’enraciner de plus en plus au cœur de nos Églises locales et provoquer un mouvement d’évangélisation qui rencontre en premier lieu les pauvres là où ils se trouvent. Nous ne pouvons pas attendre qu’ils frappent à notre porte, il est urgent que nous les atteignions chez eux, dans les hôpitaux et les résidences de soins, dans les rues et les coins sombres où ils se cachent parfois, dans les centres de refuge et d’accueil… Il est important de comprendre ce qu’ils ressentent, ce qu’ils éprouvent et quels désirs ils ont dans leur cœur. Faisons nôtres les paroles pressantes de Don Primo Mazzolari: « Je vous prie de ne pas me demander s’il y a des pauvres, qui ils sont et combien ils sont, parce que je crains que de telles questions ne représentent une distraction ou un prétexte pour s’éloigner d’une indication précise de la conscience et du cœur. […] Je ne les ai jamais comptés, les pauvres, car on ne peut pas les compter : les pauvres s’embrassent, ils ne se comptent pas » (Adesso  n. 7,  15 avril 1949). Les pauvres sont au milieu de nous. Comme ce serait évangélique si nous pouvions dire en toute vérité : nous sommes pauvres, nous aussi, et c’est seulement de cette manière que nous réussissons à les reconnaître réellement et les rendre partie intégrante de notre vie et instrument de salut.

Donné à Rome, Saint Jean de Latran, 13 juin 2021, en la mémoire de Saint Antoine de Padoue.