Colloque 200 ans de la Maison-Mère des Lazaristes : « Au cœur de la ville un cœur missionnaire »

Colloque 200 ans de la maison mère : « Au cœur de la ville un cœur missionnaire »

La célébration de l’Eucharistie ouvre le colloque : « 200 ans de la Maison Mère : « au cœur de la ville, un cœur missionnaire ». La Messe est célébrée en l’honneur de Marie mère de l’Eglise ainsi que le pape François vient de l’instituer et nous avons terminé en faisant un court pèlerinage aux autels des saints pères CLET, PERBOYRE puis à la chasse de St Vincent de Paul. Pour rejoindre la salle Baude, nous traversons la salle communautaire où quelques photos et originaux de lettres ou de divers textes sont exposées ainsi que l’exposition réalisée pour l’ONU à Genève, par la Société Saint Vincent de Paul et les Filles de la Charité. Salle Baude quelques 100 personnes trouvent place, nombre de laïcs, de Filles de la Charité, des lazaristes et de fidèles habitués de la Chapelle.

Sr MARVAUX, FDLC de la maison de Lyon, animatrice et coordinatrice, nous présente la journée et donne quelques détails pour la vivre, puis elle invite le père Mauvais, provincial de France, à ouvrir le colloque. Il rappelle que c’est en novembre 1817 que les confrères s’installent dans le quartier et il insiste sur le fait que la journée tout en faisant mémoire du passé, en rappelant le dynamisme missionnaire des confrères qui l’ont habité, souhaite nous projeter vers demain. Déjà notre maison du 95 continue de relever des défis de formation (l’Université Saint John, le foyer d’étudiants des doctorants, l’accueil de la bibliothèque d’Etudes Augustinienne) ; elle soutient des initiatives de solidarité telles l’accueil de l’APA qui vit des collocations entre personnes en précarité et personnes insérées, la préparation de l’accueil de jour de femmes en précarité, l’ouverture d’un jardin d’enfants avec le quartier. En nous mettant à l’écoute de l’histoire, Il nous souhaite, de retrouver le goût missionnaire de nos aînés afin que le Saint Lazare d’aujourd’hui continue d’avoir un cœur qui bat pour Jésus et qu’ainsi, il donne vie à l’environnement.

Sœur Marvaux nous rappelle ensuite que les personnages abordés dans ce colloque s’échelonnent de 1787 à 1956, c’est-à-dire qu’ils retracent l’histoire de la Congrégation depuis la Révolution, lors des périodes des révoltes de 1830 et celle des deux grands conflits mondiaux.

Avant de nous retrouver dans ce nouveau saint Lazare, notre seconde Maison Mère, c’est par le grand conflit autour de la lutte contre le jansénisme que le Père Mezzadri (malheureusement privé de transports et qui ne peut être là) nous propose, par manière de transition et d’introduction, la première crise vécue par la Congrégation. Alors que les confrères sont nombreux dans les séminaires et que la réception de cette bulle donne lieu à de vives tensions dans l’Eglise de France, des évêques prennent parti en appuyant ou en refusant d’ordonner des candidats au sacerdoce dont on ne peut assurer la rectitude doctrinale de leurs professeurs. Ceci entraine la fermeture de séminaires et instille la crainte chez les confrères polonais et italiens, estimant que la Congrégation ne soit associée à un conflit essentiellement français. Mais comme ni le droit ni les coutumes n’exigent que la maison générale soit transférée à Rome, la fondation, les restes du fondateur et le plus grand nombre de communauté étant en France, tout cela oriente vers son maintien sur Paris ; c’est l’Assemblée Générale de 1724 qui tranche en faveur de son maintien en France.

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Nous entrons alors dans l’histoire de la Maison-Mère/ 95, Rue de Sèvres, à partir de l’évocation de 10 confrères : 2 supérieurs généraux, 7 prêtres et un frère.

Pour les supérieurs généraux ce sont les pères Etienne et Boré sur lesquels porte notre attention.

Tout d’abord Monsieur Etienne, qui sera Supérieur Général durant 31 ans, sans compter sa période de procureur qui lui donnait une mission importante. Homme de tempérament, politique dans l’âme, malgré la dernière biographie qui émet des réserves sur sa direction, nous ne pouvons que constater qu’il a organisé 14 nouvelles provinces lazaristes, et verra les Filles de la Charité passer de 6.000 à 20.000, au terme de son mandat. C’est lui qui inaugurera le Berceau avec le concours de 30.000 personnes. Durant son supériorat, il devra faire la déclaration de reconnaissance de l’infaillibilité pontificale, ses silences pouvant être reçus comme une forme de gallicanisme. Face à la croissance de la Compagnie, il utilisera la Maison-Mère  comme modèle à reproduire dans le monde, ce qui lui attirera des inimitiés.

Monsieur Boré qui lui succède est un orientaliste de renom. Sa vocation naît par la rencontre d’un père lazariste alors qu’il voyage en Orient, fervent adepte de sa passion. Il est rapidement ordonné avant d’être affecté en Turquie et de travailler avec la communauté arménienne. Durant la guerre de Crimée, il fait appel aux Filles de la Charité pour soigner malades et blessés. Il est remercié de son excellent travail par le sultan qui ordonne la construction de l’hôpital de la Paix, siège de l’actuelle communauté des Filles de la Charité dans ce pays. Il ne gouvernera la congrégation que quatre ans. Un historien contemporain l’a jugé fort peut apte à l’administration. Une appréciation que nous pouvons pondérer si nous remarquons que son sens politique lui a fait choisir Monsieur Fiat comme assistant, celui qu’une Assemblée Générale choisira comme son successeur.

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Nous entrons en familiarité avec les pères Jean, David, Perboyre, Pouget, Portal et le frère Carbonnier. Tous des hommes passionnés de leur sciences et habités par l’Esprit.

Si l’on parle de Monsieur Jean, c’est un autre orientaliste de renom, qu’internet ignore, alors que ses recherches ont servi aux études des langues anciennes akkadiennes et sumériennes. Il va découvrir de nombreuses tablettes des deuxième et troisième millénaire avant notre ère. Convaincu que notre culture occidentale est née de ces pré-cultures, Il n’a de cesse de revisiter la Bible avec toutes les trouvailles qu’il fait. Il montre les liens entre les textes bibliques et les savoirs des cultures environnantes, accompagnant la naissance de l’idée de «milieu biblique» pour expliquer la culture dont la Révélation est porteuse.

Le Père David ce basque au bon pied, au jarret aguerri, est naturaliste. Il peine à obtenir un  départ en Chine, développe ses talents scientifiques en Italie ; passionné de missions, il peut finalement partir en Chine. A son premier retour de Chine sur Paris il rencontre des scientifiques à qui il parle de sa passion pour la nature chinoise ; ses aptitudes reconnues, il reçoit de l’argent pour organiser une expédition scientifique en Chine. Parti pour fonder des écoles on acceptera qu’il fasse des expéditions scientifiques ; il a ainsi l’occasion de découvrir près de 200 espèces végétales et animales découvrant et sauvant le panda géant et le cerf chinois. Sa découverte du panda est devenue l’animal-emblématique de la diplomatie chinoise. La ville où il a découvert le panda porte aujourd’hui le nom de « nouveau David ».  De retour en France, il n’aura de cesse de partager ses découvertes et reconnaissait que la Chine n’avait pas besoin de l’Europe tout en disant sa joie de voir tant de chinois devenir chrétiens.

Vient ensuite le Père Pouget spécialisé en exégèse. L’étude du Pentateuque lui permet de dégager ses principes de lecture historique de la Bible. Il se démarque du rationalisme tout en épousant la lecture historico-critique. Ses cours articulent révélation et humanité dans la perspective historique dans laquelle la foi prend un sens. Il estime que l’on doit penser la théologie dans l’histoire, à partir du concret, plutôt que par le magistère. Rapidement devenu aveugle il en profitera pour approfondir sa rumination épuisante, en continuant à travailler à cette nouvelle compréhension de l’Écriture qui inspirera les textes de Vatican II et notamment, l’ouverture faite par st Jean XXIII.

Monsieur Portal quant à lui, rejoint la Congrégation pour partir en Chine et c’est comme professeur de Bible qu’il commence à Nice. Des raisons de santé lui permettent de rejoindre la Mission en Espagne. Il y rencontre Lord Halifax à qui il souhaite transmettre la passion du catholicisme. Il fonde une revue de dialogue qui produira 50 numéros, et il se déclare favorable à la reconnaissance de la validité des ordinations anglicanes. Léon XIII, réputé pourtant ouvert, en décide autrement. À la suite de cela il lui est demandé de ne plus rencontrer Lord Halifax et il est reconduit en France pour reprendre la tâche de formation des séminaristes. Ce n’est que vingt ans plus tard que le Cardinal Mercier reprendra le dialogue et en secret.

Il rentre sur Paris et participe au renouveau des études des séminaires tout en portant son attention à la foi dans le monde étudiant. Il fonde les groupes « TALA », jeunes universitaires chrétiens. Avec Mme Galice une mystique initiatrice d’une association de laïcs vivant en proximité de pauvres dans les quartiers défavorisés, il intègre les jeunes dans les activités que déploie son patronage.

Il aura de l’influence sur Marcel Legault, Teilhard de Chardin, Vincent Lebbe. Il s’installe rue de Lourmel où il va mourir. Il voulait pousser ailleurs pour trouver de nouvelles frontières. Tout ce qu’il a fondé à disparu, la nouvelle revue « le séminaire », la revue catholique », la rue de Grenelle, et même la communauté de Mme Galice. Il a laissé la marque d’un veilleur, d’un semeur, d’un découvreur de nouvelles terres, nous invitant à nous souvenir que nous sommes des voyageurs qui devons en garder la mentalité.

Nous avons ensuite évoqué le visage de Saint Jean Gabriel Perboyre, premier saint reconnu de Chine. Ce lotois d’une famille qui donnera cinq de ses enfants à la religion, vivra le don de lui-même dans les missions de formation en France puis en Chine où rapidement il sera arrêté et vivra une passion qui l’assimilera à son maitre Jésus auquel il souhaite ressembler ; sa prière quotidienne qu’il prononce avant la messe, nous le rappelle. Sa condamnation pour propagation d’une « secte abominable » rappelle l’absence de réel motif. Elle continue de persévérer dans sa configuration au Christ dont il a fait sa règle de vie.

C’est par la beauté qui orne St Lazare que nous avons terminé la journée, en parlant du frère François Casimir Carbonnier. Ce beauvaisien d’une famille pauvre, est repéré pour ses aptitudes à la peinture et a reçu une bourse d’étude avant de rejoindre l’école de Delacroix, peintre de l’empereur. Ne maitrisant pas la perspective et mal à l’aise avec l’ambiance débauchée des membres de l’école il va rejoindre celle d’un peintre récemment arrivé sur Paris : Ingres. Bien en vue, Il part à Rome puis rejoint Naples ou il fait des tableaux pour la Reine.  A l‘abdication de Napoléon, il doit s’exiler en Angleterre comme tous les peintres de son règne.

Il rencontre une pauvre fille qu’il prend sous sa protection et avec laquelle il se marie.  Ni l’un ni l’autre n’ont vocation au mariage. Il se voit proposé l’Inde mais préfère rentrer en France. Participant à une conférence, Monsieur Nozo le remarque et l’invite à rentrer chez les lazaristes ; comme il décline cet engagement, Monsieur Nozo lui propose de l’héberger pour participer à faire de la maison ce qu’elle est aujourd’hui.  C’est lui qui habillera les murs de son art : la chapelle, le réfectoire, les couloirs, la sacristie par les nombreuses créations qu’il nous a légué. Il acceptera de devenir frère, conscient que peindre est pour lui un service religieux. Toutes ses créations lui ont demandé prière et silence pour donner à voir ce qu’il peint.

Vers 16h, le père Gomez clôt cette belle journée rappelant que le premier saint Lazare avait comme blason sur la porte, un Lazare ressuscité : témoignage de l’œuvre de Jésus qui a transformé la mort et fait du tombeau une source de vie. En rappelant tous ces visages nous avons rencontré des frères en humanité, habités de la passion du Christ. Que ce soient des historiens, un romancier, une orientaliste, venus nous en parler, tous montrent le rayonnement que leur vie a laissé.

Il nous propose à faire que cette maison, qui peut parfois paraitre lourde au moins dans sa structure, reste un lieu de rencontre des divers courants de notre société, sachant allier théologie, spiritualité et apostolat, trois éléments constitutifs de l’héritage laissé par Saint Vincent. Nous continuerons cette mission en repensant comment vivre l’internationalité et en répondant aujourd’hui, aux défis du monde et de l’Église.

Bernard MASSARINI, CM – Jean-Pierre RENOUARD, CM 🔸

Faire de cette maison, qui peut parfois paraitre lourde au moins dans sa structure, un lieu de rencontre des divers courants de notre société, sachant allier théologie, spiritualité et apostolat, trois éléments constitutifs de l’héritage laissé par Saint Vincent

Colloque : « Au cœur de la Ville, un Cœur Missionnaire ». 200 ans de présence lazaristes dans le 6e. Paris, 21 mai 2018

Colloque :   » Au cœur de la Ville, un Cœur Missionnaire « 

200 ans de présence lazaristes dans le 6e

Paris, 21 mai 2018

Sous un beau soleil de printemps, le premier lundi de Pentecôte, jour où toute l’Église universelle était invitée par Rome à célébrer pour la première fois la mémoire de la bienheureuse Vierge Marie, Mère de l’Église, instaurée par le décret Ecclesia Mater du 3 mars dernier, la Maison-Mère des prêtres et frères de la Mission accueillait près d’une centaine de participants pour un colloque intitulé : « Au cœur de la ville, un cœur missionnaire ».

Cet événement culturel auquel a bien voulu prendre part le père Thomaz Mavric, Supérieur Général de la Congrégation de la Mission, constitue un temps fort pour la Maison-Mère qui, en cette année jubilaire, fête le 200ème anniversaire de sa présence dans le sixième arrondissement de Paris. Après la célébration eucharistique dans la chapelle Saint-Vincent et l’ouverture du colloque par le père Christian Mauvais, Visiteur provincial, plus de dix intervenants se sont succédés entre 9h et 17h (avec bien sûr une pause déjeuner) dans la salle Baude ; la sœur Michelle Marvaud, Fille de la Charité en assurait l’animation avec beaucoup de dynamisme et d’entrain.

La première intervention de la journée complétée en tout début d’après-midi par celle du père Bertrand Ponsard, supérieur de la Maison-Mère (sur le père Étienne) nous ont permis de situer le cadre historico-culturel dans lequel la Maison-Mère a évolué. Celle-ci est en effet la fille de son temps. Le site anciennement connu sous le nom d’Hôtel de Lorges fut concédé à la Compagnie quelque temps seulement après son rétablissement en 1816 par Louis XVIII. C’est principalement sous le généralat du père Jean-Baptiste Étienne (1801-1874), 14è supérieur général de la Congrégation pendant 27 ans, que la maison mère a acquis sa physionomie actuelle. Fort de son entregent et de ses relations politiques haut placées qu’il sut mettre habilement au service de la Congrégation (au point d’être considéré par certains comme le second fondateur après Monsieur Vincent), le père Étienne ne ménagea aucune peine pour transformer cette maison en véritable maison-mère pour toutes les communautés lazaristes dans le monde. Il est significatif à cet égard que parallèlement à tous ses efforts en vue de l’embellissement de la maison mère, la congrégation connut alors sous son mandat une période de croissance numérique et de prospérité. Au terme de son mandat de général, la Congrégation était ainsi implantée sur les cinq continents.

15ème Supérieur Général de la Congrégation de la Mission, le père Eugène Boré (1809-1878), introduit par le père Yves Danjou, eut la responsabilité délicate de succéder au père Étienne. Homme d’une grande envergure intellectuelle et doté d’une très vaste culture, il cumulait la maîtrise de l’archéologie, de plusieurs langues orientales (arabe, turc, persan, hébreu, syriaque…) et assurait même des cours de sanskrit au Collège de France ! Réputé dans le tout Paris intellectuel comme étant un orientaliste de qualité, il fut correspondant de l’Académie des Belles-Lettres et se vit confier par le ministère de l’instruction publique une mission (1837) en Asie mineure. Il lui fut demandé d’effectuer un rapport sur l’état des établissements français en Orient dont certains étaient sous l’autorité administrative des Lazaristes. C’est à cette occasion qu’il fit la rencontre du père Leleu, Supérieur de la communauté de Constantinople, et des prêtres et des frères de la Mission qui exercèrent sur lui une impression telle qu’il sollicita son admission dans la Congrégation qui devint effective en 1851. Son parcours intellectuel et spirituel déjà atypique s’enrichît alors d’une dimension missionnaire. L’orientaliste de bibliothèque se mua ainsi en orientaliste de terrain en Asie Mineure avant de devenir comme missionnaire bâtisseur d’écoles à Tabriz ou encore à Ourmia. Il convient à cet égard de préciser que l’école de Tabriz ouverte en 1839 est considéré par les historiens comme la première école mixte en Perse groupant des enfants de différentes religions. [1] A l’exemple du père Fernand Portal sur la figure de laquelle nous reviendrons plus tard, le père Boré était un apôtre de l’unité soucieux de faire cohabiter dans l’harmonie et la paix des populations de traditions confessionnelles différentes. C’est à cette fin qu’il s’engagea pleinement comme prêtre de la Mission de la Congrégation de la Mission dont il finira Supérieur Général à la fin de sa vie.

C’est à la demande du père Étienne que le frère François-Casimir Carbonnier (1787-1873), présenté pendant le colloque par un autre frère, Maxime Margoux, exécuta de belles œuvres picturales pour orner et décorer outre la chapelle, le réfectoire, quelques salles et corridors de la maison-mère. Dans la sacristie de la chapelle, ce disciple de David, premier peintre de l’empereur Napoléon Ier et d’Ingres, montre toute l’étendue de ses talents de portraitiste avec la réalisation de tous les portraits des supérieurs de la Congrégation de la Mission, du père Alméras (1660) jusqu’au père Étienne (1874) ! Un travail méticuleux et colossal que le frère assimilait à un service sacré rendu à Dieu et à l’Église qu’il mettait un point d’honneur à préparer dans le recueillement et la prière. C’est ainsi qu’il composait ses tableaux au pied de l’autel cherchant auprès de Dieu l’inspiration et la force pour promouvoir une catéchèse par l’art et la beauté. Contemplant toutes ses œuvres, le cardinal de Paris, François Nicolas Madeleine Morlot ne put s’empêcher de s’exclamer un jour: « Il faut être un saint pour concevoir de telles scènes ».

Autre figure de missionnaire ayant fréquenté la maison-mère et encore peu connu du grand public, au plus grand regret d’ailleurs de Mme Carole Roche-Hawley (ICP-Paris/ directrice au CNRS) chargée de le présenter, le père Charles François Jean (1874-1955), élève de l’archéologue dominicain Jean-Vincent Scheil célèbre pour avoir découvert et traduit les inscriptions de la stèle du Code de Hammurabi, le plus complet des codes de lois de la Mésopotamie antique. Polyglotte, il maîtrisait aussi bien l’hébreu que l’assyrien ou d’autres langues mésopotamiennes. Sa culture érudite lui valut d’être envoyé en Orient en 1921 comme chargé de mission du ministère français de la recherche. Le père Jean put recueillir plus de 200 tablettes cunéiformes de l’ancienne Mésopotamie avant de soutenir la même année un mémoire sur ses découvertes à l’École des Hautes Études, sous la direction de son maître et professeur Jean-Vincent Scheil. Un de ses ouvrages les plus célèbres « Milieu biblique avant Jésus-Christ » témoigne de l’audace et de la pertinence de sa démarche scientifique alors que l’Église catholique, aux prises à cette époque, avec la crise moderniste tenait encore pour suspecte tout interaction entre l’histoire critique et l’exégèse.

A peu près au même moment émerge avec le père Guillaume Pouget une autre figure de missionnaire précurseur dans le domaine biblique et théologique. Aux yeux du père Antonello c.m., professeur de théologie dogmatique au séminaire de Plaisance (Italie), chargé de le présenter, le père Pouget apparaît comme un « artisan du renouvellement théologique du 20ème siècle ». Son intuition géniale et prophétique pour son époque repose sur le principe confirmé et repris plus tard par le Concile Vatican II dans la Constitution Dei Verbum, selon lequel la théologie sacrée s’appuie sur la Révélation biblique conjointement avec la Tradition de l’Église. Selon le témoignage du père Loris Capovilla, ancien secrétaire particulier du futur Saint Jean XXIII, rapporté à un de ses disciples laïcs Jean Guitton, observateur laïc au Concile, le père Pouget aurait par ailleurs inspiré au pape du Concile une des distinctions axiales conciliaire entre le dépôt de la vérité de la foi d’une part, et d’autre part la forme, le langage sous lequel cette vérité pourrait être énoncée. A relever enfin, que du fait de l’exemplarité de sa vie au plus fort de sa cécité, le père Guillaume Pouget a indirectement inspiré la création d’un mouvement au sein du Groupement des Intellectuels Aveugles ou Amblyopes. Il s’agit des Amitiés Pouget qui rassemblent des clercs, religieux malvoyants ou non voyants don président le diacre Marcel Chalaye nous a honoré de sa présence.

Le père Élie Delplace s’est quant à lui attaché à un exemple accompli de missionnaire vincentien qui a su concilier vie spirituelle, travail théologique et action apostolique. Le père Fernand Portal est surtout connu dans le monde catholique pour son rôle de pionnier dans le dialogue œcuménique. Fondateur en 1895 de la revue anglo-romaine, il fut à l’initiative des Conversations de Malines qui se sont tenues de 1921 à 1925 et qui constituaient un temps d’échange inédit entre des personnalités catholiques et anglicanes. Outre son action en faveur de l’unionisme, le père Portal se distingua par son zèle auprès de la jeunesse catholique. Son biographe Régis Ladous [2] en fait le père spirituel de Jean Guitton, de Marcel Légaut ou encore du dominicain Yves Congar ! On connaît moins par ailleurs son investissement qui mérite d’être plus souligné auprès des plus pauvres du quartier Javel de Paris où il se rendait souvent présent.

Pour introduire sa présentation de Saint Jean-Gabriel Perboyre (1802/1840), premier saint martyr canonisé de Chine et figure d’inspiration du père Portal, le père Philippe Lamblin a commencé par nous partager une prière composée par le saint lui-même et une de ses réflexions spirituelles : « La croix est le plus beau monument […] qu’elle est belle cette croix implantée en plein cœur d’une terre infidèle arrosée des sangs des martyrs… ». Saint Jean Gabriel Perboyre représente une autre figure de missionnaire vincentien qui a pu donner une visibilité à toutes les richesses du charisme vincentien.  Professeur au séminaire de Montdidier, il s’est rendu l’auteur de plusieurs réflexions et écrits spirituels qui continuent à nourrir la prière de confrères contemporains à l’image du père Lamblin. Il ne s’est pas contenté de discourir sur la beauté de la croix mais il l’a vécu dans sa chair par son martyr en Chine.

Comment enfin évoquer la présence des missionnaires lazaristes en Chine en omettant la figure exceptionnelle d’Armand David. Il revenait à José Frêches, écrivain, sinologue et auteur : « Le père David, l’impératrice et le panda », de préciser d’abord le contexte historique et culturel dans lequel s’est inscrit son action missionnaire. Les relations de la Chine avec les puissances occidentales étaient il est vrai à l’époque très tendues du fait principalement de la guerre d’opium. Ce fut donc en sa double qualité de missionnaire et de naturaliste que le père Armand David arriva en Chine. Dans une biographie qu’il a bien voulu transmettre au père Frédéric Pellefigue pour qu’il la lise à sa place, étant lui-même empêché, Dominique Robin rappelle que c’est plus de 189 nouvelles espèces animales, végétales qu’il a ainsi pu découvrir, répertoriées lors de ces trois expéditions qui s’étalent entre 1866 et 1874. Correspondant de l’Académie des Sciences nommé plus tard membre permanent de la section géographie, il en envoya des échantillons au Muséum d’Histoire naturelle à Paris. Sa renommée fut telle qu’à la suite d’un rapport élogieux établi en 1864 à son sujet, ses deux dernières explorations en Chine s’accompagnaient d’indemnités pécuniaires versées généreusement par la communauté scientifique pour la plus grande joie du supérieur général de l’époque, le père Étienne ! Parmi les espèces célèbres que le père Armand David put mettre en lumière figure l’arbre aux mouchoirs (Davidia involucrata, nom scientifique en latin), le cerf du père David (c’est bien son nom en français!) et bien sûr…le panda devenu avec la WWF, animal-symbole des espèces menacées dans le monde mais aussi instrument diplomatique pour la politique extérieure de la Chine. Le site d’information France Info parle à ce sujet de « diplomatie du panda »[3] pour évoquer le don fait par la Chine de bébé panda au président français nouvellement élu. Aux dire du sinologue José Frêches, la découverte du panda par le père Armand David dans la province du Sechuan a préservé cette espèce d’une extinction assurée comme ce fut malheureusement le cas du « dodo » de l’Île Maurice.

L’investissement du père David dans le domaine scientifique ne doit pas occulter pour autant son action apostolique dont nous pouvons aujourd’hui apprécier l’efficacité par un fait notable. En 2015, le village chinois où le père David à découvert pour la première fois le panda a changé de nom pour prendre celui du prêtre de la Mission et s’appeler « village du père David ». Peuplé de 168 habitants, les 3/4 d’entre eux sont catholiques !

En considération de toutes ces grandes figures de missionnaires lazaristes en prise directe avec les réalités de leur temps, nous pouvons mesurer combien la Maison-Mère qui fut leur lieu de résidence et/ou de travail constitue un foyer de rayonnement évangélique mais aussi…scientifique comme en atteste aujourd’hui encore tous leurs travaux précieux soigneusement conservés au bureau des archives par le père Lautissier. Ainsi, nous pouvons conclure avec le père Roberto Gomez coordinateur de ce colloque que la Maison-Mère constitue bien « un cœur missionnaire au cœur de la ville » dans la mesure où il s’agit non pas d’un lieu replié sur lui-même mais ouvert sur le monde.

P. Patrick RABARISON, CM 🔸

En considération de toutes ces grandes figures de missionnaires lazaristes en prise directe avec les réalités de leur temps, nous pouvons mesurer combien la Maison-Mère qui fut leur lieu de résidence et/ou de travail constitue un foyer de rayonnement évangélique mais aussi… scientifique. Ainsi, la Maison-Mère constitue bien « un cœur missionnaire au cœur de la ville » dans la mesure où il s’agit non pas d’un lieu replié sur lui-même mais ouvert sur le monde.

Notes :

[1] Présence Française Outre-Mer (XVIème/XXIème siècle). Tome 1. Académie des Sciences, p. 212

[2] Régis Ladous, Monsieur Portal et les siens, éd. Cerf, 1985

[3] https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/brigitte-macron/brigitte-macron-la-diplomatie-du-panda_2498917.html

Rechercher le dialogue œcuménique. Une fidélité statutaire

Rechercher le dialogue œcuménique.

Une fidélité statutaire

En préparation du colloque des 200 ans de st Lazare, il m’est demandé d’évoquer le thème de l’œcuménisme et d’essayer de comprendre pourquoi il est préoccupation de la congrégation. Le paragraphe 4ème de nos nouveaux statuts[1] est formel et conserve le texte de 1984 : « Les Confrères rechercheront le dialogue œcuménique ; ils seront activement présents auprès des autres, chrétiens ou non-chrétiens, dans les domaines religieux, social et culturel[2] ». On peut de prime abord être étonné de cette écriture, alors que cela est requis de tout chrétien. A y bien réfléchir, le travail de Monsieur Vincent et des premiers confrères vont aussi dans ce sens et l’histoire rencontre l’actualité, voire notre pastorale et notre spiritualité. Etait-ce pour autant nécessaire de le formaliser ?

St Vincent au temps des missions

Saint Vincent, de par l’Histoire, se heurte  très tôt à la Réforme. Jeanne d’Albret, protestante convaincue meurt en 1572. Elle avait fait de Montgommery son lieutenant général, pour reconquérir ses États. En trois semaines, il avait repris le Béarn et Orthez en faisant exécuter systématiquement tous les prisonniers catholiques. Il ravagea Tarbes, prit Saint-Sever et Mont-de-Marsan et s’installa sur l’Adour. Durant la bataille de Jarnac, il tenta sans succès de battre Condé. Après la bataille de Moncontour, Montgommery rejoignit Coligny, et ils dirigèrent ensemble leurs forces sur Toulouse. La paix de Saint-Germain, en 1570, mit fin à cette campagne. Quand st Vincent naît, cet épisode avait laissé des traces jusqu’en Chalosse  et l’enfant entend parler des souvenirs encore à vif. Il comprend de visu, le grand désordre et le mal commis par la désunion. Baptisé au lendemain de sa naissance, grandissant dans une famille chrétienne, fortifié par le contact des Pères Cordeliers de Dax (alias franciscains)[3], lié à de grandes influences chrétiennes à l’Université, notamment par les familles qui lui confient leurs enfants à Buzet, renforcé par ses études toulousaines et son bref séjour espagnol, il aborde le sacerdoce comme résolument catholique. Ses séjours à Rome renforcent son enracinement. Peu à peu, il affermit son état de prêtre de Jésus-Christ. Quand il commence à s’investir dans l’aide aux paroisses, il se heurte aux problèmes interconfessionnels et il désire gagne les âmes à ce qu’il estime la vraie foi. L’Eglise comme le pouvoir royal ne peuvent supporter le schisme. Il faut convertir.  Au cours d’une mission donnée à Marchais, au début des missions sur les terres des Gondi, il a l’occasion de guider un protestant vers la foi catholique ; le chemin est pourtant laborieux, dure une année, choqué qu’est cet homme du mauvais témoignage des prêtres. St Vincent tourne cette médaille-là et lui fait rencontrer des prêtres sérieux, pieux. Lors d’une mission,  « il vit le soin qu’on prenait d’instruire ceux qui étaient dans l’ignorance es vérités nécessaires à leur salut, la charité à la faiblesse et lenteur d’esprit des plus grossiers, et les effets merveilleux que le zèle des missionnaires opérait dans le cœur des plus grands pêcheurs »[4]. Touché par cette application aux pauvres, il se fit catholique. La rencontre entre st Vincent et st François de Sales, confirme cette manière d’agir. Il est l’exemple parfait du convertisseur. Lors du procès de béatification de l’évêque, Monsieur Vincent dépose en ces termes : « Mgr de Sales a exposé sa vie à de nombreux périls pour la conversion des hérétiques qui pullulaient depuis soixante-dix ans environ dans le duché du Chablais, dans les bailliages de Ternier et de Gaillard, en Savoie, près de Genève, où la foi avait complètement disparu. Le fruit de son pieux labeur et de ses souffrances dans ces pays, fut le retour de plusieurs milliers d’hérétiques dans le giron de la Sainte Église ; ces choses sont vraies, publiques et notoires… Je sais, en outre, que la suavité de cette même foi, ce serviteur de Dieu avait le don habituel de la faire passer dans l’âme de ceux qui l’entendaient, soit dans les discussions, soit dans les confessions, à tel point qu’après avoir entendu ses explications claires et lucides des plus sublimes et des plus obscurs mystères, ses auditeurs se rangeaient facilement et avec suavité à son avis, d’où il advint qu’il excitait l’admiration même des hérétiques qui étaient d’abord les plus obstinés : et ceci encore est notoire et public. (XIII, 68) ».[5] Le fougueux, voire coléreux Monsieur Vincent plaidera pour la plus difficile des attitudes quand il dira à ses missionnaires sur la douceur dans les controverses : « Quand on dispute contre quelqu’un, la contestation dont l’on use en son endroit lui fait bien voir qu’on veut emporter le dessus ; c’est pourquoi il se prépare à la résistance plutôt qu’à la reconnaissance de la vérité ; de sorte que, par ce débat, au lieu de faire quelque ouverture à son esprit, on ferme ordinairement la porte de son cœur ; comme, au contraire, la douceur et l’affabilité la lui ouvrent. Nous avons sur cela un bel exemple en la personne du bienheureux François de Sales, lequel, quoiqu’il fût très savant dans les controverses, convertissait néanmoins les hérétiques plutôt par sa douceur que par sa doctrine. » (XI, 65-66). Notre saint a compris la force du témoignage et très explicitement, celui de la douceur. Il voit toutes les vertus qui en découlent : bonté, calme, patience, simplicité, humilité et pour tout dire charité.

 

Au temps de l’aumônerie des galères

Nommé le 8 février 1629, aumônier réal des Galères, Monsieur Vincent  est préoccupé par le sort des forçats dont beaucoup sont là, condamnés pour leur appartenance à la Religion. Convertis de force, il fallait les entretenir dans « la vraie foi ». Il fait tout sur Paris pour améliorer d’abord leur sort, aidé par la Compagnie du saint Sacrement. Il obtiendra du Roi l’utilisation du château de la Tournelle comme prison des forçats en instance de départ pour les mers. Des Filles de la Charité logent à proximité pour leur apporter de l’aide et le pot quand c’est possible.

Vincent va avoir une grande influence sur les élites sociales et culturelles, donnant naissance à de nouvelles sensibilités telles que le pardon et la réinsertion sociale durant le XVIIIème siècle. Aux victimes, il prêche l’espérance, rappelant aux forçats « que, tout criminels qu’ils étaient, Jésus-Christ les aimait encore ». Il fallait se soumettre au sort mais ne jamais oublier que le pouvoir temporel est éphémère face à celui de l’Eternel. Peu de prêtres et de confrères rejoignaient cette pensée car hélas, nous n’avons pas une histoire de rêves sur notre conduite d’aumôniers des galères à cause de notre sévérité morale et celle des autres aumôniers. Sous Louis XIV, le recrutement se fera surtout par les jésuites pour les aumôniers subalternes, le roi créant, et leur confiant, deux écoles appropriées à Brest et Toulon.

A Marseille, destination de la fameuse « chaîne » Vincent s’applique à une action sérieuse et efficace ; grâce à l’Evêque Jean-Baptiste Gault de l’Oratoire, il lance des missions aux galériens en 1643 et organise la grande fête de la Trinité et de six baptêmes qui eurent des effets ricochets sur quelques « hérétiques ». On voit ainsi privilégier une fois de plus le témoignage sur la force. Mais tous les aumôniers n’ont pas été des anges, note André Zysberg dans son étude « les galériens »[6]. Un seul ouvrage nous absous et nous trouve sympathiques, celui des « galériens du Roi » de Marc Vigié [7]. Je tiens l’appréciation de mon maître en histoire, Monsieur Chalumeau, cm. Toutefois, ce n’est pas de ce côté-là qu’il faut chercher, encore qu’il ait dû exister des confrères exemplaires de bonté et de compréhension comme aumôniers après st Vincent, et qui pourraient justifier notre engagement œcuménique.

 

Héritage et actualité

Les Constitutions très provisoires de 1954 ne citent pas l’œcuménisme parmi nos œuvres encore que le mot soit utilisé depuis le XVIIIème siècle dans le monde protestant par le pasteur Zinzendorf (1700-1760), créateur d’un œcuménisme intra protestant en fondant une communauté de frères séparés par diverses tendances protestantes. « Au XIXème siècle, on constate soit des débuts de rapprochements entre églises, portant sur certains aspects seulement de la vie ecclésiale, et restant discrets et prudents, soit l’échec, mais sans aucun doute porteur de fruit pour l’avenir, de tentatives plus entre anglican et catholique autour du cardinal Mercie, préparés de longue date par les activités de longue date par les activités de lord Halifax  et de l’abbé Portal  »[8]. Puis l’œcuménisme se fait organisation internationale avec le Conseil œcuménique des Eglises. La recherche d’unité apparaitra avec le mot. La semaine de prière de janvier donne naissance à un œcuménisme spirituel, dès 1933. L’Eglise catholique fait peu à peu son entrée dans la recherche. Le Concile Vatican II publie le décret « unitatis redintegratio » et les actions notables de Jean XXIII et Paul VI. Les développements deviennent alors spectaculaires. On sait bien que notre confrère Monsieur Fernand Portal, dit l’abbé Portal[9] inscrit sa marque dans l’Histoire générale de l’œcuménisme. A lui seul il mériterait la communication  que le colloque envisagé lui réserve ; nous nous réjouissons de son action et de sa place qui le fait présenter ainsi par le site l’Eglise de France : « à la fois fils spirituel de saint Vincent de Paul et pionnier de l’œcuménisme, ce prêtre lazariste a consacré sa vie à l’unité des chrétiens tout en ancrant ses convictions dans l’action sociale auprès des plus pauvres. » [10] Son action si grande soit elle, ne peut justifier à elle seule, l’écriture de l’article 4 des statuts de la Congrégation mais nous ne devons pas oublier le contexte conciliaire dans lequel il a été pensé et voulu et rejoindre nos provinces du Moyen Orient marqués par les relations inévitables inter-cultuelles. Le décret « Unitatis redintegratio » dit plus simplement, décret sur l’œcuménisme, date du 21 novembre 1964. Nous ne pouvions éviter au début des années 80 d’insister sur cet essor, au nom de l’héritage direct de st Vincent, de celui de Monsieur Portal et de nos différentes provinces directement confrontées au dialogue interconfessionnel, telles celles d’Afrique, d’Europe de l’Est et d’Orient et de l’Amérique. Ouverture, douceur, absence d’attaques dans la parole publique, pour dire encore charité restent nos caractéristiques de prédicateurs et de formateurs. [11] Entendons st Vincent nous exhorter par-delà les siècles, avec un langage inattendu :

« Calvin fit donc lui-même une méthode de prêcher : prendre le livre, comme fit Notre-Seigneur, lire, l’expliquer selon le sens littéral et le spirituel, et puis tirer des moralités. Voilà la méthode de Calvin, que les protestants gardent depuis dans leurs prêches ». (XI, 295) [12]

Jean-Pierre RENOUARD, CM 🔸

Peu à peu, il affermit son état de prêtre de Jésus-Christ. Quand il commence à s’investir dans l’aide aux paroisses, il se heurte aux problèmes interconfessionnels et il désire gagne les âmes à ce qu’il estime la vraie foi. L’Eglise comme le pouvoir royal ne peuvent supporter le schisme. Il faut convertir.

Notes :

[1] Statuts nouvelle version du 27 septembre 2011 – Voir Vincentiana N° 3 de septembre 2011

[2] Pour ce point voir la proposition du Père François Hiss cm sur ce même site qui ne manque pas d’allure !

[3] Vincent  n’étudie pas chez les Cordeliers mais y loge moyennant pension. C’est pour alléger la charge parentale qu’il sera pris par M. de Comet comme précepteur des enfants tout en continuant à étudier au collège de la ville qui distille un enseignement valable malgré une histoire chaotique. Telle est la vision du Père Koch dans une étude de la session européenne de l’été 1981. Mais je remarque néanmoins que nombreux sont les collèges tenus pas les Cordeliers.

[4] XI, 34 à 37 – sur la conversion d’un hérétique

[5] Déposition de saint Vincent de Paul au procès de béatification de saint François de Sales -17 avril 1628

[6] André ZYSBERG, les galériens, vies et destins de 60000 forçats sur les galères de France 1680-1748-Seul 1987.

[7] VIGIE, Marc.- Galériens du roi : 1661-1715.- Paris : Fayard, 1985

[8] Catholicisme  – Tome IX ème Œcuménisme. col 1506

[9] Fernand Portal cm 1855-1926

[10] http://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/temoigner/temoins/372454-p-fernand-portal-1855-1926/

[11] Il resterait à consulter dans les archives de la Curie généralice, « le verbale » (le compte-rendu quotidien) des jours qui ont vu traiter cette question de l’œcuménisme et leur introduction dans les statuts : origine de cette demande ? Argumentation ? Votation ? Le participant signataire avoue son oubli en la matière et lance un appel intéressé.

[12] Voir sur ce sujet « Cahiers vincentiens »  Fiche 84, l’unité des chrétiens.

Des scientifiques discrets éloquents

Des scientifiques discrets éloquents

La célébration du bicentenaire de la Maison-Mère prépare un colloque portant sur quelques figures de proue lazaristes.  Des noms de  confrères scientifiques émergent déjà, tels Messieurs Boré, orientaliste, David, chercheur de renommée universelle, Pouget, le penseur, Charles Jean, professeur à l’Ecole du Louvre, Huc et Gabet, les défricheurs. Comment st Vincent concilie-t-il spiritualité et science ? Quels enseignements pour nous ?

A son école, ces hommes de Dieu aiment pratiquer la discrétion. D’origine souvent modeste, plutôt issus de la campagne, ils visent le silence et la besogne cachée, au jour le jour, sans recherche du sacre et de la notoriété. Cette dernière vient souvent après leur mort, de l’extérieur et quelquefois longtemps après. Il faut que le monde s’en empare pour que la Congrégation ouvre l’œil et ose se souvenir de leur existence et de leur impact. Ce sont de simples lazaristes, plutôt adeptes de l’enfouissement, « par expérience et par nature », comme pourrait le souligner leur fondateur avec l’un de ses propos sur lui-même. Monsieur Dodin a presque caricaturé leur apparence : « Extérieurement, ces vincentiens n’ont pas fière allure  une  présentation modeste et souvent étriquée les éloigne des salons mondains. S’ils s‘y égarent ils s’y ennuient, car ils savent que leur grâce est ailleurs. Nourris de travail, éduqués dans la simplicité, ils rêvent toujours d’être les vrais amis des petits et des pauvres. Leur vocation, c’est l’accueil, l’apaisement, le renoncement à soi et aussi la simplicité qui facilite la communion des cœurs »[1].Ce sourcier des études vincentiennes n’avait pas tort d’écrire ces lignes rejoignant un littéraire de bon ton, Georges Goyau, historien prolixe de l’Eglise catholique, secrétaire perpétuel de l’Académie Française en 1938, juste quand il écrivait son ouvrage sur La Congrégation de la Mission des Lazaristes paru chez Grasset, remarqué à l’époque et oublié de nos jours. L’auteur s’arrête sur st Vincent de Paul et ses deux siècles d’élan, sur le « second fondateur » Etienne avec l’expansion universelle de la Congrégation et l’action lazariste singularisée par l’esprit missionnaire. Alors peuvent apparaître des noms et des actions, voir surgir un esprit chez quelques hommes de science remarqués.

1. Le temps de l’histoire

L’histoire de la Congrégation se concrétise à travers deux types d’hommes, les missionnaires et les penseurs dont les scientifiques. Pour connaitre ces derniers, je citerai un fin connaisseur parce que chercheur éclairé qui résume la situation au temps du fondateur et par la suite [2] : « Face aux facultés de théologie, telle que la Sorbonne, qui ont une visée uniquement intellectuelle, les séminaires ont une visée nettement pastorale. C’est une œuvre difficile, qui a connu et connaît encore bien des échecs, et qui n’a pas le prestige des universités … Chez les Lazaristes, les esprits sont divisés. Certains refusent d’y enseigner, même quand ils y sont envoyés, arguant que leur vocation, c’est les missions aux pauvres gens des champs, tel Luc Plunket » [3].  D’autres, à l’opposé, voudraient en faire l’œuvre principale, tel Bernard Codoing, ou se lancer dans le travail de spécialistes, comme François du Coudray, à qui on demandait de participer à la traduction latine de la Bible syriaque. M. Vincent s’efforce de maintenir chacun dans la ligne moyenne d’études sérieuses, mais avec le primat de la visée pastorale. [4]

Au XVIIIème siècle, l’accent est mis davantage sur l’étude, très pointue, en raison des controverses jansénistes. Les directives de M. Bonnet poussent les « régents » à un travail intensif pour eux-mêmes, qui réclame qu’ils aient chacun dans sa chambre les livres de fond, sur chaque courant, y compris les auteurs protestants ; mais les cours doivent rester selon les méthodes actives, faisant surtout travailler les séminaristes, et viser à faire des pasteurs, avec l’application pratique à la prédication et à la catéchèse. L’étude des sciences est également approfondie, si bien que, lorsque les Jésuites seront supprimés et devront quitter la Cour de Chine, les Lazaristes qui les remplaceront comme astronomes et mathématiciens de l’Empereur feront toute aussi bonne figure – mais en outre, ils iront évangéliser les villages reculés, s’apercevant que cela n’avait pas été fait ! ».

En ce XVIIIème siècle, les Séminaires deviendront l’œuvre principale des Lazaristes, il n’y aura pas de fondation de nouvelles maisons de Missions en France. Un peu plus tard s’ouvriront des Ecoles dites apostoliques, d’un siècle d’existence environ.

 Faut-il rappeler que trente ans après la tentative de st François Xavier, la Compagnie de Jésus reprit de nouveau le chemin de la Chine en 1582, avec succès cette fois. Elle introduisit la science à l’occidentale, les mathématiques et l’astronomie. En 1601, l’un des jésuites installés en Asie, Matteo Ricci, se rendit à Pékin. Les Jésuites entreprirent une évangélisation par le haut en s’intégrant au groupe des lettrés. Ils y obtinrent des conversions, mais donnèrent l’impression d’avoir des objectifs cachés, et le christianisme fut bientôt déclaré « secte dangereuse ». La Querelle des Rites leur porta le coup de grâce ; en 1773, le pape ordonna la clôture de leurs missions. Au milieu du XIXème, les missions catholiques reprirent avec les Lazaristes (dont la figure notable est st Jean-Gabriel Perboyre), et encore les Jésuites[], surtout après la première guerre de l’opium, dans les zones côtières. « Porte-sacs des Jésuites », aime-t-on répéter.

Bref, en Chine comme ailleurs, nos confrères lazaristes peuvent donc être savants et apporter aussi avec eux l’annonce évangélique.

 

2. Quel message ?

 A pressentir le détail de la vie de nos missionnaires, on pense à la maxime de st Vincent : « Il faut… de la science… Missionnaires savants et humbles sont le trésor de la Compagnie » (XI, 126-127)[5]. La fin de la conférence est porteuse de spiritualité : « ceux qui ont de l’esprit ont bien à craindre : « scientia inflat », la science gonfle, (1 Cor 8,1)  et ceux qui n’en ont point, c’est encore pis, s’ils ne s’humilient ! ». Le balancement de la phrase exprime bien celui de la pensée profonde du fondateur. Le trop-plein de savoir est dangereux, boursouffle, surtout quand il n’est pas au service de la charité. Paul l’énonce en un raccourci éloquent : « La connaissance enfle mais l’amour édifie » (1 Cor 8,1). Néanmoins, la juste connaissance est don de Dieu. Et il ajoutera plus tard : « A l’un est donné un message de sagesse, à l’autre un message de connaissance, selon le même Esprit » (1 Co 12,8). Pascal, de son côté, devait connaître ces références quand il déchantait de connaître la science de l’homme, fatigué des sciences abstraites, et concluait : « Ce n’est pas encore là, la science que l’homme doit avoir » (Pensées 687). Il faut une science qui porte du fruit, un fruit de charité. Le missionnaire savant est plus connu, selon st Vincent, par l’amour dont il témoigne, au risque de fanfaronner, et il martèle aux Filles de la Charité, toutes proportions de nécessité gardées : « Il vous suffit d’aimer Dieu pour être bien savantes (IX, 32). Tel est son legs : savoir, savoir par amour, savoir à la manière du Christ.

Et c’est selon son esprit qu’il faut allier humilité et science. Le Fils de Dieu a laissé s’anéantir aussi en lui toute connaissance divine pour ne retenir que l’apprentissage et l’expérience humaine. En lui, « reconnu homme à son aspect », il s’accomplit petit à petit, jour après jour, comme tel. Il vit l’enfouissement et la croissance, « grandissant, en taille et en sagesse », selon Luc. On sait avec quel enthousiasme, Vincent parle de l’humilité, comment il en vit et désire qu’on en vive. « Mot du guet, fondement de la perfection, nœud de la vie spirituelle, vertu des Missionnaires, elle est la marque infaillible de Jésus-Christ » et il nous confie : « C’est la vertu que j’aime le plus » (I, 284, les citations précédentes parsemant les Règles Communes).

Des nôtres ont réalisé en eux-mêmes cette alliance science-humilité. Ils ont connu bien des secrets de la nature et de l’homme mais en même temps ont su qu’ils ne savaient rien sous et sans le regard du Verbe.

***

Pour achever selon  les directives imposées par la ligne éditoriale, j’aimerai citer le plus discret de nos scientifiques, l’inoubliable occupant de la cellule 104 du couloir central du 2e étage de St Lazare, le cher Monsieur Pouget. Un soir de février 1906, il lâche à Jacques Chevalier : « Le propre de l’homme c’est Dieu », et cinq jours après ; « Jadis je rêvais de posséder bien ma mécanique céleste, et puis de m’en aller à l’éternité. Mais notre science fige le réel dans ses équations ; elle n’en suit qu’une piste. Le réel lui-même nous échappe : il est ce clapotement que je perçois lorsque je traverse la Seine … »[6].

Jean-Pierre RENOUARD, CM 🔸

A son école, ces hommes de Dieu aiment pratiquer la discrétion. D’origine souvent modeste, plutôt issus de la campagne, ils visent le silence et la besogne cachée, au jour le jour, sans recherche du sacre et de la notoriété. Cette dernière vient souvent après leur mort, de l’extérieur et quelquefois longtemps après. Il faut que le monde s’en empare pour que la Congrégation ouvre l’œil et ose se souvenir de leur existence et de leur impact.

NOTES :

[1] André Dodin, st Vincent de Paul et la charité, coll. Maîtres spirituels – Seuil 1960 p 87.

[2] Bernard KOCH : étude informatique intitulée « st Vincent et le savoir ».

[3] Le 21 mai 1659, VII, 561.

[4] Il faut, en lisant ses lettres, toujours tenir compte du destinataire de son état de vie, de ses dons et limites…peut-être de ses ambitions.

[5] On gagnerait à lire tout le contexte de cette sentence  sur l’étude (Répétition d’oraison d’octobre 1643) :

« … Quoique tous les prêtres soient obligés d’être savants, néanmoins nous y sommes particulièrement obligés, à raison des emplois et exercices auxquels la providence de Dieu nous a appelés, tels que sont les ordinands, la direction des séminaires ecclésiastiques et les missions, encore bien que l’expérience fasse voir que ceux qui parlent le plus familièrement et le plus populairement réussissent le mieux. Et de fait, mes frères, ajouta-t-il, avons-nous jamais vu que ceux qui se piquent de bien prêcher aient fait bien du fruit ? Il faut pourtant de la science. Et il ajouta de plus que ceux qui étaient savants et humbles étaient le trésor de la Compagnie, comme les bons et pieux docteurs étaient le trésor de l’Eglise…

Il ajouta ensuite quelque, moyens d’étudier comme il faut :

1° C’est d’étudier sobrement, voulant seulement savoir les choses qui nous conviennent selon notre condition.

2° Etudier humblement, c’est-à-dire ne pas désirer que l’on sache, ni que l’on dise que nous sommes savants ; ne vouloir pas emporter le dessus, mais céder à tout le monde. O Messieurs, dit-il, qui nous donnera cette humilité, laquelle nous maintiendra ! Oh! Qu’il est difficile de rencontrer un homme bien savant et bien humble ! Néanmoins cela n’est point incompatible. J’ai vu un saint homme, un bon Père jésuite, nommé …, lequel était extrêmement savant ; et avec toute sa science il était si humble, qu’il ne me souvient pas d’avoir vu une âme si humble que celle-là. Nous avons vu encore le bon M. Duval, un bon docteur, fort savant et tout ensemble si humble et si simple qu’il ne se peut davantage.

3° Il faut étudier en sorte que l’amour corresponde à la connaissance, particulièrement pour ceux qui étudient en théologie, et à la manière de M. le cardinal de Bérulle, lequel, aussitôt qu’il avait conçu une vérité, se donnait à Dieu ou pour pratiquer telle chose, ou pour entrer dans tels sentiments, ou pour en produire des actes ; et par ce moyen, il acquit une sainteté et une science si solides qu’à peine en pouvait-on trouver une semblable.

Enfin il conclut ainsi : «Il faut de la science, mes frères, et malheur à ceux qui n’emploient pas bien leur temps ! Mais craignons, craignons, mes frères, craignons, et, si j’ose le dire, tremblons et tremblons mille fois plus que je ne saurais dire ; car ceux qui ont de l’esprit ont bien à craindre : scientia inflat et ceux qui n’en ont point, c’est encore pis, s’ils ne s’humilient ! » (XI, 127 0 128)

[6] Jacques Chevalier, LOGIA  Propos et enseignements, Père POUGET, Grasset 1955, p 4

Homélie 200e anniversaire de l’arrivée des confrères à l’actuelle « Maison-Mère ». Fête de la Conversion de Saint Paul et fondation de la Congrégation de la Mission

Homélie 200e anniversaire de l’arrivée des confrères à l’actuelle « Maison-Mère ». Fête de la Conversion de Saint Paul et fondation de la Congrégation de la Mission

Homélie prononcée lors de la messe à la chapelle saint Vincent de Paul le 25  janvier 2018. A cette occasion les Lazaristes de la Province de France célébraient la clôture de l’Année Jubilaire Vincentienne

 

Lectures : Ac 22, 3-16 ou Ac 9, 1-22 ; Mc 16, 15-18.

Chapeau

Nous sommes réunis aujourd’hui pour célébrer le 200ème anniversaire de l’arrivée des confrères dans cette maison, peu de temps après le rétablissement de la Congrégation, après la Révolution française. Je suis heureux de savoir que vous allez marquer ce bicentenaire par d’autres événements et festivités. La Congrégation de la Mission est présente ici, à la rue de Sèvres, depuis 200 ans, et je suis certain que ceux qui fréquentent cette Chapelle voudront participer à quelques-unes de ces activités.

Nous clôturons aussi l’année jubilaire, durant laquelle nous avons célébré le 400ème anniversaire du charisme vincentien. Avec l’Église, nous marquons la fête de la Conversion de Saint Paul. Comme vous le savez tous, Saint Vincent de Paul a toujours considéré ce jour comme étant celui de la fondation de la Congrégation, parce qu’à cette date, il y a 401 ans, il a prêché ce qu’il appelait le premier sermon de la mission.

La première lecture d’aujourd’hui nous donne un compte rendu de la conversion de Saint Paul. Luc inclut trois versions dans ses Actes. Dans la première, Luc se rappelle le moment où cela s’est passé, peu de temps après la mort d’Etienne et la persécution qui a suivi. Pendant cette période, Paul, alors Saul, s’efforçait de détruire le nouveau Chemin. Cependant, à cause de sa rencontre avec Jésus sur la route vers Damas, il cessa de persécuter les adeptes du Seigneur pour devenir le plus grand missionnaire de l’Église, l’Apôtre des Gentils.

Paul, lui-même, raconte les deux dernières versions de cet événement, d’abord dans son procès devant les Juifs et ensuite au roi Agrippa quand il fut emprisonné à Césarée. Pourquoi Paul répète-t-il cette histoire ? Je crois que c’est parce que cette rencontre personnelle avec Jésus a été le tournant de sa vie. Il désirait le garder toujours frais dans son esprit. Il pouvait bien s’en être rappelé à plusieurs reprises, et l’avoir partagé avec d’autres plus souvent que les trois fois racontées dans les Actes des Apôtres. Cette rencontre personnelle avec Jésus signifiait tout pour lui. Elle a littéralement changé sa vie.

Vincent de Paul a eu deux moments semblables dans sa vie. Le premier, nous le célébrons aujourd’hui, c’est l’anniversaire de son sermon dans l’église de Folleville, qu’il donna, à la demande insistante de Madame De Gondi, après avoir reconnu la pauvreté spirituelle de la population rurale. Le deuxième, comme nous le savons, se passa sept mois plus tard, dans la ville de Châtillon-les-Dombes, quand il se rendit compte de leur pauvreté matérielle. Ces deux événements ont transformé sa vie et il racontait fréquemment ce qui était arrivé. Il rappelle l’histoire de la confession du paysan de Gannes quatre fois dans les conférences aux confrères et une fois dans une conférence aux Filles de Charité. Il raconte l’histoire de Châtillon deux fois aux premières Sœurs. Ces moments-là sont ceux que nous connaissons, mais on pourrait dire avec certitude que ce ne furent pas les seuls moments où il se souvint de l’histoire de ces deux expériences. Elles étaient beaucoup trop importantes dans sa vie pour ne pas se les rappeler fréquemment.

Avons-nous une histoire semblable à raconter ? Avons-nous eu une rencontre personnelle avec Jésus, une conversion qui a marqué significativement qui nous sommes et ce que nous faisons de notre vie ? Je suis certain que oui, bien que peut-être elles ne soient pas aussi spectaculaires que celles de Paul et de Vincent. Néanmoins, nous devons aussi continuer à nous souvenir de ce moment, à le partager peut-être avec d’autres, comme une manière de le revivre, de louer et remercier Jésus de son action dans notre vie.

Pour nous en tant que missionnaires, l’Évangile d’aujourd’hui est tout à fait approprié puisqu’il est précisément l’envoi en mission des apôtres par Jésus, après sa résurrection, « Allez dans le monde entier et proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création » (Mc 16, 15). Parce que nous sommes appelés à suivre Jésus Christ, Evangélisateur des pauvres, notre mission est de leur annoncer la Bonne Nouvelle. Si Vincent n’avait pas choisi, pour notre devise, la citation d’Isaïe, qui se trouve dans Luc 4, 18, il pourrait avoir choisi cette citation de Marc. Il nous rappelle certainement notre appel missionnaire.

Notre année jubilaire a commencé à des dates différentes dans plusieurs pays du monde, et donc, elle s’est clôturée à diverses dates. Cependant, nous considérons aujourd’hui, 25 janvier 2018, la date officielle de clôture. Par conséquent, aujourd’hui marque également le début du cinquième siècle du charisme vincentien. L’histoire des quatre siècles passés nous laisse à croire que, si nous sommes fidèles, le Seigneur Jésus ne manquera pas de bénir la Congrégation de la Mission et la Famille vincentienne tout entière. Il y a eu, bien sûr, beaucoup de hauts et de bas, des joies et des peines pendant les 400 années passées. Néanmoins, Dieu continue de susciter des missionnaires selon son esprit. Vincent lui-même a encouragé ses confrères à cet égard :

« Donnons-nous à Dieu, Messieurs, pour aller par toute la terre porter son saint Evangile ; et en quelque part qu’il nous conduise, gardons-y notre poste et nos pratiques jusqu’à ce que son bon plaisir nous en retire. Que les difficultés ne nous ébranlent pas ; il y va de la gloire du Père éternel et de l’efficacité de la parole et de la passion de son Fils. Le salut des peuples et le nôtre propre sont un bien si grand, qu’il mérite qu’on l’emporte, à quelque prix que ce soit ; et n’importe que nous mourions plus tôt, pourvu que nous mourions les armes à la main ; nous en serons plus heureux, et la Compagnie n’en sera pas plus pauvre, parce que sanguis martyrum semen est Christianorum [le sang des martyrs est la semence des chrétiens]. Pour un missionnaire qui aura donné sa vie par charité, la bonté de Dieu en suscitera plusieurs qui feront le bien qu’il aura laissé à faire »[1].

Prions donc pour que nous, ainsi que ceux qui suivent nos pas, puissions rester fidèles à notre appel pour un autre 100, 200, 400 ans et au-delà, aussi longtemps que Jésus continuera de nous envoyer porter la Bonne Nouvelle aux pauvres (cf. Lc 4, 18).

Tomaž Mavrič, CM – Supérieur Général 🔸

L’histoire des quatre siècles passés nous laisse à croire que, si nous sommes fidèles, le Seigneur Jésus ne manquera pas de bénir la Congrégation de la Mission et la Famille vincentienne tout entière. Il y a eu, bien sûr, beaucoup de hauts et de bas, des joies et des peines pendant les 400 années passées. Néanmoins, Dieu continue de susciter des missionnaires selon son Esprit.

NOTES :

[1] SV XI p. 412-413, Extrait d’Entretien n° 170.

 

TOUTES LES CONFÉRENCES ET PARTAGES DE CES JOURNÉES DE CÉLÉBRATION (24 ET 25 JANVIER 2018) APPARAÎTRONT DANS LE PROCHAIN CAHIERS SAINT VINCENT – BULLETIN DES LAZARISTES DE FRANCE DU MOI DE MAI 2018
Pout toute information vous pouvez envoyer un courrier au P. Benoît Kitchey CM à l’adresse mail : benoitkitchey@hotmail.com