Saint Vincent de Paul et la Messe

il convient en effet, de vous faire vibrer à la vie et à la pensée de Monsieur Vincent sur ce sujet qui lui est très cher. Regardons-le aujourd’hui célébrant la Messe ; au sens forme du terme, il édifie (élève) les participants et l’un d’eux remarque : « Mon Dieu, que voilà un prêtre qui dit bien la messe. Il faut que ce soit un saint homme de Dieu ». (Abelly L. III, 72)

Saint Vincent de Paul et la Messe

Puisque nous sommes autour de la fête du corps et du sang du Christ, il convient en effet, de vous faire vibrer à la vie et à la pensée de Monsieur Vincent sur ce sujet qui lui est très cher. Regardons-le aujourd’hui célébrant la Messe ; au sens forme du terme, il édifie (élève) les participants et l’un d’eux remarque : « Mon Dieu, que voilà un prêtre qui dit bien la messe. Il faut que ce soit un saint homme de Dieu ».(Abelly L. III, 72)

Il se prépare silencieusement à la sacristie dans le recueillement, scrute sa conscience et s’il s’estime en litige avec l’Evangile, il se confesse sur-le-champ. Son premier biographe raconte qu’il quitte un jour ses ornements et  court se réconcilier avec un religieux avec qui il a avait eu quelque différent. On pense au mot de Jésus : « Si, au moment de présenter ton offrande à l’autel,  tu te souviens que quelqu’un a quelque chose contre toi, laisse-là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; puis reviens, et alors présente ton offrande » (Mt 5, 23-24).Seul le saint est capable d’un tel geste.

Il prépare le Missel, le suit scrupuleusement et en ces temps d’après Concile (Le Concile de Trente est alors au début de son application), il est très attentif à suivre les indications pour bien célébrer. Il n’improvise pas une messe solennelle mais exige que tout soit prévu dans les moindres détails suivant le degré solennité ; il veut que la sacristie de st Lazare soit bien pourvue en ornements et en vases sacrés et il n’aimerait pas notre parcimonie d’aujourd’hui !

Sa piété est exemplaire et contagieuse. Sa façon de célébrer aussi : il montre « une grande humilité » et « un port grave et majestueux » dans sa manière de se tenir à l’autel. Il proclame l’Evangile avec une insistance sur les mots qui lui parlent. Il se tourne vers le peuple avec le désir de partager sa joie de célébrer ; mieux encore, il aimait servir la Messe de ses confrères et le faisait à genoux comme un bon servant !

 Peut-être pouvons-nous faire profit des paroles qu’il dit un jour à ses missionnaires : « Ce n’est pas assez que nous célébrions la Messe, mais nous devons aussi offrir ce Sacrifice avec le plus de dévotion qu’il nous sera possible… Efforçons-nous donc d’offrir nos Sacrifices à Dieu dans le même esprit que Notre-seigneur a offert le sien ; comme autant parfaitement que notre pauvre et misérable nature le peut permettre »(Abelly L.III, 72).

Monsieur Vincent nous indique ainsi un premier chemin : vivre la messe à la suite du Christ, en état d’offrande !

 

Saint Vincent de Paul et l’Eucharistie

La messe est le moment de rencontre privilégiée de Monsieur Vincent. Mais elle éclaire sa journée et il vit dans une atmosphère eucharistique qui se manifeste par une très grande dévotion au Mystère du Saint Sacrement.

Il est l’homme de la Trinité (c’est le patron de sa nouvelle congrégation), de l’Incarnation (il veut qu’on célèbre Noël de façon intense) et du Très Sacrement de l’Autel. Tous ces mystères peut-on dire, s’emboîtent pour lui, les uns dans les autres. Mais le sacrement de l’Eucharistie est la concrétisation des deux premiers. D’où l’intense dévotion qu’il développe. Il entre spontanément dans les églises avec grand respect et tombe à genoux devant le tabernacle. Il aime s’attarder devant lui s’il n’est pas pressé par le temps. Il ne parle en sa présence pas et ne supporte pas les bavardages inutiles. Que ne dirait-il pas aujourd’hui ?

Mieux encore : il lit son courrier devant la sainte réserve et je connais tel supérieur général qui l’imitera dans cette pratique. Entrant et sortant de la Maison, il vénère d’abord le Maître des lieux en passant par la chapelle et en fait prescription à ses disciples ; certains continuent encore cette pratique.

Que dire encore si ce n’est qu’il célèbre tous les jours et s’il tombe malade – ce qui lui arrive assez souvent car il a ses accès de fièvrottes ! – il réclame la communion quotidienne. Pour une époque qui va sombrer bientôt dans le jansénisme et ses outrances, cette exigence est remarquable. Que faisons-nous de la communion fréquente ? Ou nous la banalisons ? Ou nous la négligeons ?

Il reste ses propos incisifs sur sa foi au Saint Sacrement comme cette remarque : « Ne ressentez-vous pas, mes frères, ne ressentez-vous pas ce feu Divin brûler dans votre poitrine, quand vous avez reçu le Corps adorable de Jésus-Christ dans la Communion ? (Abelly L.III. 77).Il donne des consignes fortes aux filles de la charité, consignes qui n’ont pas une ride : « Une personne qui a bien communié fait tout bien » (IX, 332). Cet enseignement est décisif pour la qualité de nos communions. Nous avons à faire cet acte de façon mieux désirée, mieux préparée et mieux vécue. S’approcher du pain eucharistique n’est en rien banal mais toujours nouveau et stimulant. Il nous construit spirituellement et nous engage en sainteté. Communier c’est désirer « devenir ce que nous sommes, le Corps du Christ » Y pensons-nous ?

Enfin, si nous sommes rétifs et trop rebelles à la communion fréquente, nous pouvons entendre saint Vincent nous stimuler : « Pensez-vous devenir capables de vous approcher de Dieu en vous en éloignant qu’en vous en approchant ? Oh, certes, c’est une illusion ! » (Coste I, 111).

 

Jean-Pierre RENOUARD cm

 

N° 50

 

 

St Vincent, mystique de l’Eucharistie,

 

 

S’il vous arrive d’aller à Paris, entrez dans la chapelle où Monsieur Vincent repose (95, Rue de Sèvres- Métro Vanneau) et prenez l’allée de gauche. Un tableau vous arrête  et vous interpelle : on y reconnaît notre saint célébrant la Messe, le visage rayonnant, comme pétrifiés par des boules de feu, entouré de la Trinité, d’angelots et de religieuses… Surprenante composition, curieux tableau qui a une histoire et qui nous en dit long sur l’état d’âme de saint Vincent !

Il s’agit rien moins que d’une vision avoué par st Vincent lui-même. A la mort de Sainte Jeanne de Chantal, en 1641, il voit trois globes de feu qui vont s’élevant et se perdant l’un dans l’autre. Le premier est l’âme de la sainte, le second celle de François de Sales et le troisième plus gros, l’Essence divine. Le peintre du XVIII ème siècle — peut-être Gaétan SONTIN — a représenté la scène : la Trinité siège sur les nuages au sommet du tableau, à gauche les trois globes, à droite saint François et sainte Jeanne conversent entourés d’anges ; des visitandines comme sidérées assistent derrière leur grille à la Messe du saint. Ce dernier écrit à son confrère Bernard CODOING à propos de la Mère Chantal : “Il a plu à Dieu de me consoler en la vue de sa réunion à notre Bienheureux Père et de tous les deux à Dieu” (lettre de décembre 1641). Et la chose fut si “sensible” (c’est son mot) qu’il nous a laissé le récit de cette messe mémorable en l’appliquant à une tierce personne ! Ce texte donne à penser sur l’état mystique de notre saint ( voir le texte de cette vision dans Pierre Coste : Documents relatifs à St Vincent, tome XIII, pp.126-127).

Ainsi savons-nous que Vincent vit l’Eucharistie comme un lieu de rencontre privilégié avec son Dieu et ses amis. Il sait que la Messe est le moment où le chrétien – et singulièrement le prêtre – est « uni à la divinité de celui qui a pris notre humanité ». Il sait que la sacrifice de la croix célébré et actualisé à l’autel est offert pour les âmes des fidèles « qui se sont endormis dans la paix du Christ ». Il dit lui-même qu’au moment de cette vision – l’unique qu’il ait eu, d’après ce qu’il atteste – il est préoccupé par le salut de la Mère Jeanne de Chantal et il intensifie sa prière pour elle. Dieu le rassure et lui procure la certitude de son « état de bienheureuse ».

Plus nous amplifions notre piété au moment de la Messe, plus nous entrons en contact avec Dieu qui nous inonde de sa grâce et peut, s’il le veut, nous toucher au cœur. Impossible de banaliser la Messe ; elle le lieu de la Rencontre, anticipation de la Rencontre finale où nous serons tout en Dieu !

 

La communion et les petits

Rappelez-vous ce mot d’une sœur repris par st Vincent : « une personne qui a bien communié fait tout bien ». Quand on est une fille de la charité porteuse de l’esprit vincentien ou quand on se recommande de lui comme vous, lecteurs de cette belle revue, on essaye de vivre en profondeur le message eucharistique du saint de la charité. Vivre eucharistié, c’est vivre pour les derniers de ce monde, à leur service. On ne communie pas simplement pour soi mais aussi pour les autres.

Il est clair que pour saint Vincent la qualité du service est directement lié à la qualité de la vie eucharistique. Il en résulte quelques attitudes de fond à vivre avant tout par les communiants : l’offrande de la communion, l’application d’une intention, le désir, l’action de grâce, le recueillement, la demande de pardon pour les fautes contre la communion). A partir de là, il donne des consignes avec cette ouverture surprenante :“Pour la sainte communion, vous communierez les jours qui vous sont ordonnés (la règle et la coutume les précisaient à l’époque), si vous n’en êtes point empêchées par le service des pauvres” (X, 203) et il demande aux premières dames de la charité de Châtillon de communier les jours de la fête des Saints Martin et André, les deux saints de la charité. Ainsi, le service des pauvres est premier.

De plus, on voit son insistance à orienter la vie eucharistique vers ce souci des petits. Il est clair que la Messe et la communion qui y est liée nous rendent plus disponibles pour les servir. Ainsi nous faisons nôtre ce mot de Monsieur Vincent, orfèvre en charité : « Quand vous verrez une sœur de la Charité servir les malades avec amour, douceur, grand soin, vous pourrez dire hardiment  : «Cette sœur a bien communié.» Quand vous verrez une sœur patiente dans ses incommodités, qui souffrira gaiement ce qui se peut rencontrer de pénible à supporter, oh ! Soyez assurées que cette sœur a fait une bonne communion et que ces vertus-là ne sont point vertus communes, mais vertus de Jésus-Christ ”. (IX, 333). Qu’attend -nous pour suivre de tels exemples ? Quand je sors de la Messe plus fort pour évangéliser ceux qui sont loin de Dieu et surtout pour les secourir dans leur détresse, je suis dans la logique voulue par st Vincent.

 
La Messe, une action sacerdotale

Pour St Vincent de Paul, aucun doute, les laïcs sont prêtres. Chacun d’eux doit offrir sa vie et par le baptême, tous sont prêtres avec Jésus-Christ. Tous forment son Corps Mystique et il a cette parole admirable, célèbre à juste titre, et qui occupe ici une place royale :

 “Que pensez-vous faire étant à la sainte messe ? Ce n’est pas le prêtre seul qui offre le saint sacrifice mais ceux qui y assistent ; et je m’assure que… vous y aurez grande dévotion, car c’est le centre de la dévotion” (IX, 5).

 

Et il atteste que les assistants qui participent au sacrifice du célébrant “y participent plus que lui, s’ils ont plus de charité que le prêtre”. Voici le contexte de la conférence du 7 novembre 1659 sur le sujet :

«Quand un prêtre dit la messe, nous devons croire et savoir que c’est Jésus-Christ même, notre Seigneur, le principal et souverain prêtre, qui offre le sacrifice : le prêtre n’est que le ministre de Notre- Seigneur, qui s’en sert pour faire extérieurement cette action. Or, l’assistant qui sert le prêtre et ceux qui entendent la messe participent-ils, comme le prêtre, au sacrifice qu’ils font avec lui, comme il dit lui-même en son «Orate fratres».. . Sans doute, ils y participent et plus que lui, s’ils ont plus de charité que le prêtre. Ce n’est pas la qualité de prêtre de religieux qui fait que les actions sont plus agréable à Dieu et méritent davantage, mais bien la charité s’ils l’ont plus grande que nous. (XII, 376-377).

Comme l’Incarnation, l’Eucharistie est un échange. Par elle, nous sommes divinisés. Nous ne sortons pas indemne de chaque messe dès que nous sommes sincères. Toute Eucharistie nous oriente indissolublement vers Dieu et le prochain. Toute communion nous met dans une commune – union. Il faut nous réapproprier les mots de saint Vincent : «Approchez-vous de l’Eucharistie au nom de Dieu ! C’est là qu’il faut aller étudier l’amour ! (XII, 298).

 

Ami lecteur, bon renouveau eucharistique !

Avis de décès de notre confrère le Père Jean LOUVARIS de la Communauté de Thessalonique

Le secours me viendra du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. Le Seigneur, ton gardien, ton ombrage, se tient près de toi. Il te gardera de tout mal, il gardera ta vie ; il te gardera au départ et au retour, maintenant, à jamais. Ps 120

Avis de décès de notre confrère le Père Jean LOUVARIS de la Communauté de Thessalonique

C’est avec peine et tristesse que je vous annonce le décès de notre confrère le Père Jean LOUVARIS de la Communauté de Thessalonique. Il s’est endormi dans la Paix du Seigneur cette nuit, dans le centre médical qu’il avait rejoint après un séjour à l’hôpital. Il est le dernier de nos confrères grecs.

Le P. Jean LOUVARIS est né le 4 juin 1938 à SYRA, ile des Cyclades, en GRÈCE. Il est le fils de Isidore LOUVARIS et de Marie FRERIS. Il lui reste un frère.

Après avoir fait ses études primaires à FANEOMENI et secondaires à Thessalonique, il est au Berceau de St Vincent de Paul en 1953 pour continuer ses études. Il est entré dans la Congrégation le 2 octobre 1959 ; il fait ses études de philosophie à Dax de 1960 à 1962 puis continue les études théologiques à Paris de 1962 à 1966.

IL a prononcé les vœux définitifs le 1er novembre 1964 à PARIS.

Il est ordonné diacre  le 30 juin 1965 à Paris par Mgr. BROT ; il reçoit l’ordination sacerdotale le 3 juillet 1966 à THESSALONIQUE des mains de Mgr PRINDEZIS, archevêque d’Athènes.

Il est placé à Thessalonique en 1966.

Jean fut un artisan important au niveau de l’œcuménisme avec nos Frères Orthodoxes. Il les a fréquentés, il a participé très régulièrement à des rencontres où il prenait la parole, et a écrit de nombreux articles. Il a traduit en grec des ouvrages vincentiens. Il a longtemps sillonné la Grèce du Nord pour aller à la rencontre des familles catholiques dispersées.

La célébration des funérailles du Père Jean LOUVARIS aura lieu ce mardi 9 juin à 12h en la cathédrale de l’Immaculée Conception à THESSALONIQUE tenue par les confrères à THESSALONIQUE ; elle sera suivie de l’inhumation au Cimetière où reposent nos confrères.

Ce même jour, j’invite tous les confrères de la Province à s’unir dans une même célébration de l’Eucharistie, pour le repos dans la Paix et la Joie du Ressuscité de ce confrère. Nous y associerons les membres de sa famille, et prierons ce jour-là pour la communauté de Thessalonique, endeuillée par la perte de l’un des leurs, leur ainé.

Comme toujours, c’est une occasion de demeurer unis dans ce départ et fraternels dans nos liens.

Ce 8 juin 2020.

Christian MAUVAIS CM – Visiteur, Province de France

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Racisme et Humanité

Alors que nous sortons de la pandémie du Covd-19, une nouvelle épidémie nous contamine, le racisme, saurons-nous en sortir sans provoquer de morts ? Sans accuser politiques ni rejeter la presse ? Saurons-nous éviter une descente dans les bas-fonds d’une mémoire meurtrie ?

Racisme et Humanité

Alors que nous sortons de la pandémie du Covd-19, une nouvelle épidémie nous contamine, le racisme, saurons-nous en sortir sans provoquer de morts ? Sans accuser politiques ni rejeter la presse ? Saurons-nous éviter une descente dans les bas-fonds d’une mémoire meurtrie ?

Depuis le 25 mai, comme vous, j’ai vu la terrible image de l’homme noir au sol, à Minneapolis, aux Etats-Unis, demandant à respirer, mourir sous les genoux d’un policier sachant qu’il était en train de tuer cet homme. J’ai été horrifié et révolté par ce qu’il est arrivé à Mr Georges Floyd. Il n’est cependant que l’une des multiples personnes de couleurs à souffrir la discrimination.

Quelques jours avant, le 13 mai, une jeune infirmière noire de Louisville, était malencontreusement tuée dans son appartement. Tout cela fait resurgir à la lumière ces actes injustifiables dont sont victimes les noirs dans un pays constitué de multiples ethnies.

Cela ne fait pas naitre en moi la haine de la police, mais me renvoie à la justice qui va devoir condamner les pratiques injustifiables de celles et ceux qui ont charge de protéger l’ordre dans nos sociétés. Le policier responsable de la mort de Mr Floyd d’abord accusé d’homicide involontaire, verra les jours suivant, la plainte requalifiée de meurtre. Cela semble plus juste. Mais n’oublions pas le 5 juin à Buffalo, un militant pacifiste chrétien de 75ans, déséquilibré par un policer, mourra de sa chute tandis qu’un twitt irresponsable et méprisant du président des Etats-Unis, le jour suivant le traitera « d’Antifa », justifiant cette nouvelle mort. C’est donc bien l’éthique de nos services de sécurité qui est en cause, notez tout de même que dans les jours ayant suivi la mort de Mr Floyd, la police municipale de Minneapolis a été dissoute pour tenter d’en recréer une plus saine et sure au service des citoyens. N’oublions pas non plus de saluer cette nouvelle !

Nous le savons, les Etats-Unis ont une longue et douloureuse histoire de rapport des races, un lourd passé d’esclavagisme, avant de parvenir une saine coexistence. La société croyait avoir gagné en respect et dignité après la longue marche civique du pasteur Martin Luther King. Quelle étrange nation capable d’écrire son histoire en élisant son premier président noir et plaçant comme successeur un populiste qui attise les tensions d’une société à fleur de peau.

Je rappellerai cette mésaventure d’un photographe animalier noir qui promenant son chien dans New-York le 26 mai demande à une dame blanche de bien vouloir garder son chien afin de prendre le cliché d’un oiseau. La dame appellera au secours la police prétextant une attaque. La police va tout d’abord plaquer la photographe au sol avant de s’excuser. Triste attitude de cette new yorkaise blanche qui a effectivement joué du privilège blanc. 

Tous ces cas nous renvoient au souvenir douloureux d’une histoire récente auquel le terrible film « Twelve years slaves » : la vie d’un noir dans les années 1840. Libre dans la partie nord de sa patrie, il est enlevé par des colons du sud qui 12 ans l’emploieront comme esclave dans la production de coton. Ne perdons pas la mémoire, mais écrivons un présent sans haine. Inventons une histoire réconciliée et résiliante.

Car ces derniers jours, nous voyons en de multiples endroits sur divers continents de statues de rois, d’empereurs, de navigateurs déboulonnées et jetées à la mer. En France, on se demande s’il ne faut pas enlever les rues mémoires jules Ferry, les statues de Louis XVI, Napoléon… ou cet élu qui le 11 juin, rebaptise la rue parisienne cuvier, un naturaliste raciste par celui de la première étudiante africaine noire. Si nous continuons à jeter aux oubliettes de l’histoire nos images, nous voilà revenus à la période de querelle iconoclaste du 9ème siècle. Ce temps où les empereurs d’Occident et d’Orient, interprétant les désastres de leur nation comme résultat de l’adoration d’images ont cherché à les faire disparaitre. C’est alors que nait plus d’une centaine d’années de batailles incessantes entre ceux qui défendaient le droit de vénérer le créateur en respectant les images comme espace de médiation entre monde sacré et mondé créé et ceux qui traitaient ces derniers d’idolâtres.

Christophe Colomb le vénitien du Portugal jeté à l’eau à Boston, Léopold II roi des belges, à Bruxelles, tagué, mais où va-t-on s’arrêter ? César n’a-t-il pas colonisé une bonne partie de l’Europe ? Napoléon n’est-il pas allé en Afrique après avoir essayé d’entrer en Italie et en Espagne? Le Japon Showa dans son ère expansionniste n’a-t-il pas réduit de nombreux asiatiques en esclaves ? Mehmet II le sultan truc, n’avait-il instauré un grand marché aux esclaves blancs à Constantinople ?

N’oublions pas, si nos ancêtres n’ont pas été des dirigeants modèles, toutes celles et ceux qui ont commencé par faire disparaitre les traces du passé ont toujours partie liée avec les courants nationalistes. Des courants qui ont conduit aux dictatures. Sachons conserver d’eux la mémoire, y compris controversée. Tirons de leurs expériences, de leurs écrits, des leçons pour ne pas reproduire leurs erreurs. Si nous continuons cette folie destructrice de la mémoire, nous risquons de perdre nos identités et d’entrer dans des conflits incessants qui nous conduiront aux régimes totalitaires et à la destruction.

Ne l’oublions pas, l’histoire du monde a été une série de mises sous tutelles de civilisations par d’autres. Les scandinaves poussant leurs conquêtes vers les terres du sud ont réduit les rus en esclavages de nombreuses années[1] ; les turcs et les berbères ont gardés en esclavages les blancs[2] (les femmes pour leurs harems et les hommes comme leurs forces de travail et leurs armées) ; les blancs ont utilisés les noirs comme leurs mains d’œuvre (pour produire le sucre et le coton)[3]. Triste mémoire, mais conservons-la pour lire et apprendre de ces mécanismes qui ont été source honteuses de richesses.  Veillons à ne pas reproduire de telles injustices.

Soyons disciples de Jésus qui vivait dans une terre colonisée par les romains. Un peuple partagé entre des purs qui ne souhaitaient aucun mélange : les pharisiens, et des autorités qui s’accommodaient d’une acculturation : les sadducéens, des peuples voisins en lutte sur les frontières : les syro-phéniciens, ou une tribu divisée par l’histoire religieuse fixiste : les samaritains. Au cœur de ces tensions Jésus va trouver des paroles de communion.

Aux sadducéens et pharisiens il rappellera qu’au lieu de se battre pour savoir quelles sont les lois à appliquer il faut retrouver, l’amour de Dieu et du prochain, leur sens respect du transcendant et service du prochain, comme le rappellent les dix commandements.

A une femme syro-phénicienne suppliant l’aide pour sa fille il accordera la guérison pour que continue la vie. A la femme de Samarie qui venait puiser de l’eau il rappellera que la vraie religion avant d’être affaire de traditions identitaires est soif de communion avec le Tout-Autre qui est proche de chacun.

Il n’hésitera pas une seule seconde à redonner la santé au serviteur du soldat envahisseur, saisissant en cet appel le besoin de compagnonnage du soldat pour continuer à vivre sa mission de surveillance en demeurant humain.

Soyons de ces humains capables d’inventer une nouvelle histoire de paix, qui racontera aux générations à venir les errements de ses ancêtres pour ouvrir des voies nouvelles pour une vie commune sur notre petite planète.

Hier entrant dans un des centres d’hébergement de la ville où j’habite, après avoir été sollicité une rencontre avec la direction, je m’approche d’un jeune couple africain qui écoutait des chansons sur leur téléphone, je demande maladroitement à l’homme d’où il venait. Il me reprend que nous avons beau ne pas avoir la même couleur, que nous étions tous sur la terre et que tous nous avions droit à vivre dignement sur celle-ci, que les frontières avaient été inventées par les hommes. Je m’excuse et leur explique que j’ai longtemps travaillé avec des sénégalais des camerounais, des malgaches et que chacun était vraiment différent, un miracle de cette terre que mon désir n’était pas de les blesser. Je leur demande s’ils le pouvaient, de m’excuser de ma maladresse.  Je m’éclipse pour mon rendez-vous et en me retirant, je fais le détour pour aller de nouveau m’excuser de ma question qui leur avait fait de la peine. Je leur redis qu’il n’y avait aucun de racisme de ma part, que j’étais, il y a quelques jours en conversation avec un jeune ami congolais sur whatsapp, hospitalisé à Kinshasa, après avoir été accidenté par un véhicule. Ce sera pour eux l’occasion de me dire alors leur tristesse d’être depuis 4 ans en centre d’hébergement, alors qu’ils aimeraient commencer à vivre normalement. Violence issue de leur rage de ne parvenir à s’insérer qui s’était traduite en crainte de racisme blanc face aux noirs.

Chaque vie, chaque être humain avant d’être noir, blanc, jaune, rouge, a deux yeux, deux oreilles, deux bras deux jambes exposées aux regards de tous, un cerveau et un cœur invisible, mais qui produisent la vie. Car le cerveau est ce qui anime toutes les pensées et le cœur, le siège des émotions qui conduisent vers les autres. Soyons ces infatigables artisans de justice faisant que tout acte d’incivilité soit justement sanctionné, mais surtout, attelons-nous ensemble à construire de vrais liens dignes de notre humanité, plurielle et un signe de la beauté de la création.

Comme le dit l’appel lancé par nos frères d’Amérique, animateurs de la famille vincentienne. « En 1649, Vincent de Paul écrivait les pauvres sont mon souci et ma douleur. Aujourd’hui en 2020, membres de la famille vincentienne nous redisons fermement ; la vie de hommes et femmes de couleurs comptent ». Les personnes de couleurs et toute vie comptent, à la suite de saint Vincent, dans les pas de Jésus, elles sont notre préoccupation et notre peine.

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[1] Gruzinski, Les quatre parties du monde, Ed La Martinière, Paris, 2014.

[2] R.C Davis Esclaves chrétiens maitres musulman, Ed Jacqueline Chambis, Cahors, 2006 ; N’Daye, Le génocide voilé, Folio, Paris 2017.

[3] Olivier Pétré-Grenouilleau, La Traite des noirs, Poche, Ed. PUF, 1998.