Solennité de Christ Roi de l’univers 2022 (homélie)

Cela est beau à entendre, mais difficile, très difficile, à comprendre. Figurez-vous, le roi de l’univers est un crucifié. Jésus crucifié est le roi de l’univers ! Quelle ironie et quel contraste avec la manière humaine de concevoir la royauté et la puissance.

Solennité de Christ Roi de l’univers 2022 (homélie)

Roberto GOMEZ
Roberto GOMEZ

Chères sœurs, chers frères :

C’est la solennité de Christ roi de l’univers ! Cela est beau à entendre, mais difficile, très difficile, à comprendre. Figurez-vous, le roi de l’univers est un crucifié. Jésus crucifié est le roi de l’univers ! Quelle ironie et quel contraste avec la manière humaine de concevoir la royauté et la puissance. 

Certes, Jésus le crucifié est au centre de l’Evangile et plus précisément il est au centre de la scène décrite par l’évangile de Luc. Mieux encore, il est crucifié au milieu de deux larrons, de deux voleurs publiquement exécutés avec Jésus. Il faut dire encore que tous les personnages décris par le récit de l’évangile sont concernés par celui qui est suspendu au bois de la croix ; mais un seul, le bon larron, perce le mystère : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume ».

Saint Cyrille d’Alexandrie, un père de l’église du cinquième siècle, questionnait déjà le bon larron : « Tu le vois crucifié et l’appelles roi ? Tu crois que celui qui supporte les moqueries et la souffrance parviendra à la gloire divine[1]? » ; en d’autres mots : ce condamné qui vient d’être cloué tout nu sur une croix que peut-il révéler de la gloire de Dieu et de sa puissance ? Il a raison de poser ce genre de questions Cyrille d’Alexandrie : un crucifié peut-il prétendre à la royauté et à la fonction de Messie ? C’est du jamais vu !

Le sarcasme des autorités, les moqueries des soldats, les injures du supplicié expriment le même étonnement et mettent en avant le paradoxe : le roi des juifs est un supplicié, un crucifié. Jésus le crucifié, usurpe le titre de roi messianique  et de manière ironique chacun à son tour le défi de démontrer son prétendu messianisme et sa capacité à délivrer de la mort : « Il en a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu » crient les autorités.  « N’es-tu pas le Christ, sauve-toi toi-même et nous aussi », lâche l’un des malfaiteurs. La question est simple et dramatique : que peut promettre de bon un crucifié ? A l’époque on attendait le Messie, celui-ci devait être un élu de Dieu, habilité par lui pour guérir, pardonner et offrir le salut. Ce Jésus-là, que peut-il offrir de bon ? Un roi sans pouvoir est tout simplement dérisoire.

Il semblerait que Luc l’évangéliste devine le malaise et le malentendu crées par la scène brutale et dramatique de la crucifixion du roi des juifs. Surgit alors l’autre supplicié, que nous avons convenu d’appeler « le bon larron ». Il semble voir clair et saisir ce qui se joue justement sur le Golgotha. Il appelle Jésus par son prénom ;  de crucifié à crucifié, de condamné à condamné, il lui parle : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu seras don ton royaume ».

Il commence par reconnaître sa faute et sa responsabilité tout en déclarant l’innocence de Jésus. Il craint Dieu et reconnaît mystérieusement la puissance de Dieu révélée dans la faiblesse de ce Jésus crucifié. « Si le premier supplicié va rater sa mort comme il a raté sa vie puisqu’il insulte Jésus ;  le second reconnaît sa mort mais il le fait face à Dieu[2] ». Jésus lui promet le paradis aujourd’hui même. Jésus crucifié qui n’a pas répondu aux moqueries et aux insultes, ouvre la bouche pour assurer au supplicié repenti le paradis de Dieu, son salut total et définitif. 

La croix du Christ, la mort du Christ est féconde ; c’est en donnant sa vie qu’il nous donne la Vie. Souviens-toi de moi…voilà l’insistance du bon larron. Et Jésus se souviens de lui à cet instant même, et à cet instant même il se souvient de tous les larrons, même les plus gros. Le bon larron va mourir en faisant appel à la mémoire de Dieu. C’est la meilleure garantie face à la mort. Existe-t-il une meilleure manière de mourir ? C’est ainsi même que Jésus va mourir : « Père entre tes mains je remets mon esprit ».

Cette page de l’évangile et cette fête de Jésus-Christ Roi de l’univers  nous invitent à méditer sur le mystère de la croix et sur le paradoxe de la croix. La royauté du Chris est révélée dans un Christ faible et aussi dans cette puissance de la faiblesse du crucifié. Alors que notre monde on veut régner par la puissance, la tyrannie, la violence, l’opulence, le mépris des  petits, Jésus veut régner en donnant sa vie, en offrant sa vie comme récompense et libération de toutes nos fautes.

Frères et sœurs en ce dernier dimanche de l’année liturgique rendons grâce à Dieu le Père comme nous y invitait Paul. Il nous a  rendus capables, disait-t-il, d’avoir part au royaume de Dieu ; il nous a fait entrer dans le royaume de son Fils bien-aimé ; et ce Fils bien-aimé nous a ouvert le royaume en mourant sur une croix, en acceptant précisément la dérision et en nous invitant à percer comme le bon larron le mystère et le paradoxe de la croix.

Que le Seigneur nous donne la grâce de faire confiance à ce Dieu qui se donne. Qu’il nous donne la grâce d’accepter sa royauté toute  humble, toute petite, toute faite d’amour et de miséricorde.  Amen.  

Roberto Gómez cm

Paris, Rue du Bac

Le 20 novembre 2022

[1] Commentaire de Luc, Homélie 153.

[2] François Bovon, L’Evangile selon Luc,  CNT IIId, Genève, Labor et Fides, 2009, p. 372.

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Homélie: Fête de la Sainte Trinité

La fête de la Sainte Trinité est la fête du lien et de l’unité. Lien et unité d’abord en Dieu lui-même. Cela est possible parce que Dieu est Père, Fils et sainte Esprit. Parce qu’il y a de l’unité et de la différence en Dieu lui-même.

Homélie: Fête de la Sainte Trinité

Roberto GOMEZ
Roberto GOMEZ

Chères sœurs et chers frères :

Aujourd’hui l’église toute entière fête Dieu qui vient à nous comme Père, Fils et Saint Esprit. C’est la solennité de la Sainte Trinité.

Ce mot « Trinité » n’apparaît pas dans la Bible, pas une seule fois ; par contre la réalité de la trinité de Dieu se dit et se lit dans l’histoire du salut. Dieu se révèle progressivement comme Père, comme Fils et comme Saint Esprit. C’est pour notre salut que Dieu se révèle tel qu’il est ; autrement Dieu ne se serait pas fait connaître comme tel. Redisons-le, c’est bel et bien pour notre salut et dans l’histoire que Dieu se fait connaître à travers son Fils et grâce au dynamisme et aux dons de l’Esprit.

Nous venons d’entendre Jésus dire à ses disciples : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. Quand viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité toute entière » (Jn 16,13). Il semblerai donc que les disciples n’ont pas compris le mystère de Dieu se révélant dans son Fils Jésus-Christ. En tout cas pas complétement, tout comme nous. Ils auront besoin de temps ; mais plus encore ils auront besoin de l’aide de l’Esprit pour s’acheminer, pour marcher vers la vérité toute entière. Tel est le sens du verbe ὁδηγηω (hodéguéô : cheminer, marcher) choisi par l’évangile de Jean. L’Esprit est celui qui guide, qui conduit et qui fait marcher les disciples de Jésus vers la découverte de l’amour de Dieu. Nous ne pouvons pas connaître Dieu en dehors cette histoire trinitaire parce que Dieu se révèle dans l’histoire pour notre salut. Et notre histoire à nous est une marche vers Dieu à la suite du Christ, guidés et accompagnés par l’Esprit.

La fête de la Sainte Trinité est la fête du lien et de l’unité. Lien et unité d’abord en Dieu lui-même. Cela est possible parce que Dieu est Père, Fils et Saint Esprit. Parce qu’il y a de l’unité et de la différence en Dieu lui-même. Jésus ne cesse de se présenter en Fils venant du Père. Tel un fils apprenti il dit à ses disciples : « le Fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu’il voit faire au Père : car ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement » (Jn 5, 19). Le Fils  vient du Père, dépend du Père, vénère et aime le Père. Il y a de l’amour et de l’unité en Dieu. Et cette unité et cet amour nous est révélé par l’Esprit qui est le lien de l’unité et de l’amour entre le Père et le Fils. L’Esprit est le baiser du Père et du Fils, diront certains.

Paternité, filiation et lien : voilà une autre manière de représenter la réalité trinitaire de Dieu. A ce propos, il y a un père de l’Eglise, Tertullien (150-220), qui a résumé de manière extraordinaire ce que nous sommes en train de réfléchir : « Le Dieu chrétien n’est pas un Dieu unique mais un Dieu uni ». La sainteté Dieu se dit dans l’amour, dans la diversité de rôles mais dans leur unique et égale unité.

Alors, la fête du lien et de l’unité est aussi la nôtre, disciples et amis de Jésus : « On connaîtra que vous êtes mes disciples si vous vous aimez les uns les autres » (Jn 13,35). Le modèle de toute vie chrétienne est la Trinité. Dans nos familles, dans nos communautés le lien et l’unité sont un défi et une mission. Cela, parce que nous sommes différents et parce que nous sommes frères et sœurs en humanité et en Jésus-Christ. On pourrait dire de manière provocante qu’il n’y a rien de plus dynamique et de plus concret que la Trinité. Comment cela est-il possible, diriez-vous ? Ce n’est pas facile à expliquer, certes. Mais commençons par dire que nous sommes créés à l’image de la Trinité. Nous sommes différents et nous sommes une unique et même humanité. Quoi que nous ayons des cultures et des langues différentes, des couleurs de peaux et des manières d’êtres différentes, l’humanité est une (Le racisme est la chose la plus contraire à la Trinité. Le racisme contredit l’unité de Dieu et l’unité entre les enfants de Dieu). Le défi de l’humanité est l’unité. Si au cœur de notre monde et de notre histoire il y avait le partage, le dialogue, de l’intérêt des uns les autres, du respect des différences… alors l’humanité accomplirait sa vocation trinitaire qui est une vocation divine et humaine, tout comme Jésus est à la fois homme et Dieu.

Continuons notre célébration de l’eucharistie qui est le sacrement de la Trinité par excellence. Nous qui sommes différents offrons  à Dieu le Père un unique don,  les fruits de l’amour de Dieu révélés et manifestées en Jésus-Christ. Cette eucharistie est offerte au Père par le Fils et dans l’Esprit.

Roberto Gomez cm

Chapelle de la Rue du Bac

12 juin 2022

  « La Trinité qui se manifeste dans l’économie du salut

est la Trinité immanente, et réciproquement »

Karl Rhaner (Théologien Catholique du XX° siècle)

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Homélie : 1er Dimanche de l’Avent – Année C

Le temps de l’Avent n’est pas un temps d’une attente oisive et passive. C’est un temps d’efforts, je dirai même un temps où nous redoublons nos efforts comme ceux qui sont aux champs de batail.

Homélie: 1er Dimanche de l’Avent – Année C

Chers frères et sœurs en Christ,

Avec le premier dimanche de l’Avent, une nouvelle année liturgique commence : l’année C.

Le temps de l’Avent est un Temps liturgique de 4 semaines (ou presque) qui précèdent Noël ;

Souvent quand on parle de l’Avent, on pense directement à une période où nous sommes dans l’attente de célébrer la grande fête de Noël ; pour les enfants c’est un temps où on attend impatiemment voir les chaussures posées tout près des cheminés, ou tout près des sapins de Noël. Parce que Papa Noël va passer par là. Pour certains parents, c’est un temps d’angoisse ; ils pensent au budget qui sera débloqué pour satisfaire les attentes de leurs enfants et ils sont inquiets parce qu’ils ne savent pas comment être à la hauteur de toutes ces attentes. Ce n’est pas seulement au niveau de la famille où il y a l’attente ; les centres commerciaux sont en attente : quel sera le chiffre d’affaires ?

Avent, c’est aussi un temps des préparatifs, les sapins de noël, les guirlandes, les crèches. Tout est fait pour que les fêtes de noël retrouvent leur splendeur. Je dis bien, les fêtes de noël parce que souvent, Noël est noyé dans ce brouillement d’ordre purement commercial. Le mystère de Noël, le mystère qui est à l’origine de la fête est oublié.

Pour nous Chrétien, nous qui sommes venu aujourd’hui en cette messe pour commencer le temps de l’Avent quel sens donnons nous à l’Avent ? Oui, c’est bien sûr un temps de l’attente et c’est un temps de préparation. Mais, quelle attente et quelle préparation ?  

Le temps de l’Avent nous rappelle que nous sommes un peuple en marche vers le dernier jour, le jour du retour du Fils de l’homme, de notre Sauveur Jésus Christ. Durant les derniers jours du Temps ordinaire, nous avons médité sur la fin des temps, où le Fils de l’homme viendra. Cette méditation va se poursuivra dans les premiers jours de l’Avent. C’est donc durant la première partie où nous sommes invités à tourner nos regards vers l’avenir ; à nous examiner pour voir où nous en sommes dans notre pèlerinage d’ici-bas sur la terre. Un temps où nous sommes invités à vivre dans une attente confiance, dans un abandon à Dieu qui tient toujours ses promesses pour ceux qui comptent sur son amour.   

L’Avent est aussi un temps qui nous plonge dans l’attente messianique du peuple de Dieu. La première lecture de ce jour fait écho de la promesse de Dieu faite à son peuple : « j’accomplirai la parole de bonheur, (…) je ferai germer pour David un Germe de justice et il exercera dans le pays le droit et la justice. » Vous connaissez la promesse de Dieu à David dans le 2ème livre de Samuel 7,12 : « Quand tes jours seront accomplis et que tu reposeras auprès de tes pères, je te susciterai dans ta descendance un successeur, qui naîtra de toi, et je rendrai stable sa royauté. » La réalisation de cette promesse va marquer le temps messianique. Cependant, tout le monde ne va pas reconnaître ce temps où Dieu accomplit sa promesse car, « le secret du Seigneur est pour ceux qui le craignent ; à ceux-là, il fait connaître son alliance. » (Ps24,14) Mais, attention, on ne doit pas penser que nous sommes dans un ordre exotérique où tout est caché aux « non-initiés ». Non, Saint Paul nous dit que nous avons appris des Apôtres comment il faut nous conduire pour plaire à Dieu, et grâce soit rendue à Dieu, c’est ainsi que nous nous conduisons déjà ; mais comme l’Apôtre nous le demande, nous devons faire de nouveaux progrès (cf. 1Th4,1).

Bien aimés du Christ, nous pouvons comprendre que le temps de l’Avent n’est pas un temps d’une attente oisive et passive. C’est un temps d’efforts, je dirai même un temps où nous redoublons nos efforts comme ceux qui sont aux champs de batail. Les événement cosmiques et conflictuels décrits dans l’Evangile symbolisent bien tous les moments de notre vie où nous sommes confrontés aux épreuves de différentes sortes qui veulent nous pousser au désespoir, comme cette période de la crise sanitaire qui ne finit pas. C’est à ce moment que nous devons nous redresser et relever la tête car notre rédemption est plus proche que jamais. Jésus nous donne les armes pour combattre et pour vaincre : d’abord nous tenir sur nos gardes pour discerner ce qui veut nous éloigner de la foi, et ensuite rester éveillé et prier en tout temps. Voilà, chers frères et sœurs, la vraie source de nos forces pour le combat, le combat où nous sommes victorieux parce que nous nous appuyons sur Celui qui a le dernier mot. Les épreuves et les découragements ne vont pas manquer dans notre vie chrétienne, mais, si nous comptons sur notre Seigneur Jésus, nous aurons toujours la joie et nous n’aurons plus peur de l’avenir.

Le temps de l’Avent enfin, c’est le temps de la persévérance et de la patience dans l’attente où Dieu tiendra ses promesses pour nous : Il est fidèle à ses promesses, il ne ment pas !

Au cours de cette Eucharistie prions pour notre société où le désespoir gagne de plus en plus les cœurs. Que nos frères et sœurs qui désespèrent redécouvrent le goût de vivre. Prions aussi pour les décideurs politiques, qu’ils contribuent à bâtir des sociétés qui espèrent un lendemain meilleur. Que ce temps de l’Avent nous aide à nous hâter à la rencontre de Celui qui vient habiter au milieu de nous ; Lui qui nous montre le vrai sens de la vie.

Père Gaspard, cm  

 

Homélie de Mgr Pascal Delannoy en la fête de Saint Vincent de Paul

Déchirer les rideaux ! C’est la vocation de Vincent et il ne fait en cela que suivre son maître le Christ. Car le Christ lui-même est venu non pour condamner ou juger mais pour déchirer les rideaux de la séparation des hommes entre eux et des hommes avec Dieu en appelant à la conversion.

Saint Vincent de Paul : l’homme qui déchire les rideaux !

Probablement que les nombreux missionnaires présents dans notre assemblée ont déjà pris l’avion ! Vous avez sûrement remarqué, comme je l’ai encore constaté lors de mon retour de Rome vendredi soir, que les premiers rangs sont réservés aux voyageurs munis d’un billet première classe et, qu’ensuite, viennent les rangs destinés aux voyageurs munis d’un billet seconde classe.

            Une fois que l’avion a décollé et que l’on s’apprête à vous servir un rafraîchissement un steward, ou une hôtesse, tire un rideau dans l’allée centrale afin que la classe économique ne puisse voir ce qui sera servi à la première classe et que ceux-ci ne puissent être gênés par le regard envieux des autres voyageurs.

            Saint Vincent de Paul aurait-il pris place dans la première classe ou dans la classe économique ? D’instinct et au regard de qu’a été son enfance, puis sa vie, nous répondrions dans la classe économique. Mais si nous prenons le temps de réfléchir à ce qu’a été son apostolat auprès des grands de ce monde, nous pourrions dire qu’il a également pris place dans la première classe. Les nobles qu’il a côtoyés, qu’il s’agisse de la reine Marguerite de France, de la famille de Gondi, de Louise de Gonzague et de biens d’autres encore, voyageaient plus souvent dans des carrosses dorés que dans des charrettes à foin !

            Mais ne nous y trompons pas ! Si St Vincent prend place dans la première classe ce n’est pas pour rechercher son bien être personnel ! Son objectif sera de changer le regard que posait les nobles de son époque sur les plus pauvres, en leur expliquant que leur venir en aide est non seulement un acte de charité mais aussi un acte de justice. St Vincent de Paul, notamment à partir de 1617, date importante sur laquelle je reviendrai, rejoint la première classe non pas pour condamner ou juger ceux qu’il y rencontre mais pour les convertir an ayant pour seule arme l’Évangile, sa foi et sa persévérance. Et c’est ainsi que St Vincent de Paul va déchirer le rideau qui séparait les riches et les pauvres, non en condamnant mais en convertissant !

            Mais avant de déchirer ce voile entre riches et pauvres St Vincent de Paul doit d’abord déchirer le voile qui est présent en lui. Il faut que lui même prenne le chemin de la conversion. Ce chemin sera rude, il durera près de quatre ans. Quatre ans pour que Vincent comprenne et accepte qu’il faut que Dieu s’installe dans sa vie, qu’il y règne et que lui, Vincent, ne se recherche pas mais qu’il cherche d’abord à faire les affaires de Dieu. Il faut chercher Dieu. Dieu premièrement, dira-t-il, il faut d’abord regarder Dieu…. cherchons le Royaume de Dieu le reste nous sera donné par surcroît. Si nous cherchons les affaires de Dieu il fera les nôtres. C’est au cœur de l’hiver 1617, lorsqu’il sera au chevet d’un pauvre malade de la campagne que Dieu lui fera signe. C’est là que Dieu va lui donner la certitude de sa vocation et la paix intérieure. C’est là à Gannes, dans l’Oise, que le rideau intérieur va se déchirer pour que Vincent accueille totalement la volonté de Dieu. Désormais Vincent va consacrer sa vie à déchirer les rideaux qui empêchent une véritable charité entre tous, cette charité où chacun donne et reçoit !

            Déchirer les rideaux ! C’est la vocation de Vincent et il ne fait en cela que suivre son maître le Christ. Car le Christ lui-même est venu non pour condamner ou juger mais pour déchirer les rideaux de la séparation des hommes entre eux et des hommes avec Dieu en appelant à la conversion. Et le moment où le rideau va se déchirer définitivement sera le moment de la croix. Selon l’évangéliste Matthieu  lorsque le Christ meurt sur la croix le rideau du temple se déchire en deux du haut en bas (27,51). Le rideau qui empêchait de voir le lieu très saint, lieu de la présence divine se déchire en deux car désormais Dieu ne se donne plus à voir dans le temple mais sur la croix. Il se donne à voir dans le plus rejeté et le plus méprisé des hommes ! Par la croix le Christ devient pleinement, totalement, le plus pauvre que celui-ci soit l’affamé, l’assoiffé, le malade, le prisonnier dont nous parle l’Evangile de ce jour ou encore le migrant, la personne isolée, le sans domicile…. que vous rencontrez aujourd’hui !

            Frères et sœurs la prochaine fois que vous prenez l’avion regardez le steward ou l’hôtesse fermer le rideau. Alors, interrogez-vous : qu’est ce que Dieu attend de moi ? Quels sont les rideaux que je suis appelé à déchirer en moi pour reconnaître le Christ dans le plus pauvre ? Quels rideaux déchirer autour de moi pour que la communion et la charité progressent dans le monde ? Avec de telles questions soyez assurés que votre voyage se déroulera rapidement et qu’à l’arrivée vous ne débarquerez pas seulement sur une autre terre mais que vous aurez déjà un pied dans le Royaume de Dieu ! Amen !

+ Pascal Delannoy

Evêque de Saint-Denis en France

Elles sortirent et s’enfuirent loin du tombeau… Homélie Veillée Pascale 2021. Chapelle Saint Vincent de Paul – Paris

L’Évangéliste Marc termine son évangile d’une manière surprenante à tel point que les liturgistes ont coupé et tout simplement éliminé, le dernier verset qui, à mon sens, est le plus significatif. Le voici : « Elles sortirent et s'enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes trem¬blantes et hors d'elles-mêmes (tromos kai extasis). Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur (fobeomai) ».

Elles sortirent et s’enfuirent loin du tombeau… Homélie Veillée Pascale 2021. Chapelle Saint Vincent de Paul – Paris

Elles sortirent et s’enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes trem­blantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.

 

Chères sœurs, chers frères :  L’Évangéliste Marc termine son évangile d’une manière surprenante à tel point que les liturgistes ont coupé et tout simplement éliminé, le dernier verset qui, à mon sens, est le plus significatif. Le voici :

« Elles sortirent et s’enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes trem­blantes et hors d’elles-mêmes (tromos kai extasis). Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur (fobeomai) ».

J’aime cette finale, dite courte de l’évangile de Marc. Il est vrai qu’elle est surprenante, mais elle est très proche de la réalité.

Pourquoi les femmes s’enfuient-elles du tombeau ? Pourquoi tremblent-elles et sont toutes bouleversées ? Pourquoi se taisent-elles et ne disent rien à personne ?

En fait, la mission confiée par le jeune homme vêtu de blanc, les dépasse et les bouleverse. On ne peut pas dire la résurrection sans être touché au corps. On ne peut pas dire la résurrection sans d’abord être complétement bouleversé et transformé soi-même. Les deux verbes utilisés par l’évangile de Marc doivent être compris : tromos et extasis :  trembler et être bouleversé.

 Trembler et être bouleversé (tromos et extasis) : ces deux verbes sont très significatifs et il faut savoir vers quoi ils pointent. Lorsqu’une personne se met à trembler parce qu’elle a peur ou parce qu’elle expérimente une vive émotion, elle ne peut pas arrêter de trembler quand elle le veut. Il y a donc comme une perte de control de soi. C’est donc normal, compréhensible si les femmes sont toutes tremblantes devant une cette heureuse annonce de la résurrection du Christ qui les dépasse et les touche au corps. Les femmes sont aussi bouleversées, toutes retournées, hors d’elle mêmes littéralement. C’est le sens du mot extasis.  

La résurrection du Christ est tellement nouvelle et inimaginable, qu’il faut perdre les évidences et le contrôle de soi pour pouvoir assimiler l’énormité de la réalité signifiée par le tombeau vide, par le tombeau ouvert (je préfère) et par la parole du jeune homme.

En un mot, nous ne pouvons pas dire la résurrection du Christ de manière crédible s’il n’y a pas une transformation de tout l’être, s’il n’y a pas un  trouble profond et s’il n’y a pas un temps d’assimilation en profondeur. Comment dire aux onze et à Pierre la résurrection du Christ sans être touché au corps, aux entrailles ? Sans être transformés ?

Je pense que nous assistons dans le récit de Marc à une véritable pentecôte ! La pentecôte marcienne (de Marc). Pourquoi cela ? Le travail de l’Esprit n’est pas toujours en douceur. L’Esprit de Dieu bouleverse, transforme, nous fait perdre nos évidences, nous projette hors de nous-mêmes… c’est la seule manière de devenir vraiment de personnes spirituelles… Autrement, nous faisons semblant de nous laisser conduire par l’Esprit alors qu’en réalité, c’est nous qui conduisons nos vies en résistant à l’Esprit qui vient secouer, bouleverser.

Pour l’instant, les femmes ne disent rien… Comment je les comprend ! Il leur faut du temps pour assimiler, pour digérer et finalement  pour dire malgré elles, l’heureuse annonce qui les dépasse. N’est pas aussi notre réalité à nous ? Joyeuses Pâques !