RETRAITES SPIRITUELLES AU BERCEAU DE SAINT VINCENT

Saint Vincent de Paul est un homme accompli, il est maitre de vie. Ses multiples implications en charité, en mission, en formation, ont trouvé source dans sa vie intérieure en cherchant à accomplir la volonté de Dieu.

RETRAITES SPIRITUELLES AU BERCEAU DE SAINT VINCENT

Saint Vincent de Paul est un homme accompli, il est maitre de vie. Ses multiples implications en charité, en mission, en formation, ont trouvé source dans sa vie intérieure en cherchant à accomplir la volonté de Dieu.

Il nous invite à passer de l’amour affectif à l’amour effectif en nous faisant découvrir la présence du Christ dans le service du Pauvre.

Se donner, pour se trouver. Ses fondations ont comme premier objectif que chaque membre avance vers sa sainteté. 

 

 

 

 

 

2022 Deux retraites au choix pour nous nourrir  

des points forts de sa spiritualité (les deux sont dissociables) :

Mission et charité : les deux piliers de st Vincent

Du dimanche 27 mars 18h00 au vendredi 1er avril début d’après-midi.

Les 6 vertus pour avancer sur le chemin de sainteté

Du dimanche 8 mai 18h00 au vendredi 13 mai début d’après-midi.

Enseignement ; silence ; méditation ; célébration ; partage

 Infos pratiques

Prix pension complète : 280 €

Les frais d’animation sont à la discrétion de chacun

Maison natale de

saint Vincent de Paul

Lieu : 600 impasse de l’œuvre ; le Berceau 40990 St Vincent de Paul

Inscription :

@ : accueil@oeuvreduberceau.fr

Tel : 07 86 82 88 11 (la permanence téléphonique : du lundi au samedi de 8h à 13h.)

Net : https://www.oeuvre-berceau-st-vincent.fr/

Si vous êtes un groupe constitué (paroisse, amis, groupe de prière etc.) il est possible d’organiser ces retraites à d’autres dates que celles proposées. Prenez simplement contact.

Message du Pape François à l’occasion de la 1ere Journée Mondiale des Grands-Parents et des personnes âgées (25 juillet 2021)

“Je suis avec toi tous les jours” (cf. Mt 28, 20) ! Telle est la promesse que le Seigneur a faite à ses disciples avant de monter au ciel et c’est la même promesse qu’il te répète aussi aujourd’hui, cher grand-père et chère grand-mère.À toi. “Je suis avec toi tous les jours” sont aussi les paroles qu’en tant qu’Evêque de Rome, et en tant que personne âgée comme toi, je voudrais t’adresser à l’occasion de cette première Journée Mondiale des Grands-parents et des Personnes âgées. Toute l’Eglise est proche de toi –disons-le mieux, elle nous est proche – : elle a souci de toi, elle t’aime et ne veut pas te laisser seul !

Message du Pape François à l’occasion de la 1ere Journée Mondiale des Grands-Parents et des personnes âgées (25 juillet 2021)

Chers grands-pères, Chères grands-mères !

“Je suis avec toi tous les jours” (cf. Mt 28, 20) ! Telle est la promesse que le Seigneur a faite à ses disciples avant de monter au ciel et c’est la même promesse qu’il te répète aussi aujourd’hui, cher grand-père et chère grand-mère.À toi. “Je suis avec toi tous les jours” sont aussi les paroles qu’en tant qu’Evêque de Rome, et en tant que personne âgée comme toi, je voudrais t’adresser à l’occasion de cette première Journée Mondiale des Grands-parents et des Personnes âgées. Toute l’Eglise est proche de toi –disons-le mieux, elle nous est proche – : elle a souci de toi, elle t’aime et ne veut pas te laisser seul !

Je sais bien que ce message te parvient à un moment difficile : la pandémie a été une tempête inattendue et furieuse, une dure épreuve qui s’est abattue sur la vie de tout le monde, mais qui a réservé un traitement spécial, un traitement encore plus rude à nous, les personnes âgées. Beaucoup d’entre nous sont tombés malades ; nombreux ont perdu la vie ou ont vu mourir leur conjoint ou leurs proches ; d’autres encore ont été contraints à la solitude pendant une très longue période, isolés.

Le Seigneur connaît chacune de nos souffrances actuelles. Il est aux côtés de ceux qui font l’expérience douloureuse d’être mis à l’écart ; notre solitude – aggravée par la pandémie – ne lui est pas indifférente. Une tradition raconte que saint Joachim, le grand-père de Jésus, avait lui aussi été exclu de sa communauté parce qu’il n’avait pas d’enfants ; sa vie – tout comme celle de sa femme Anne – était considérée comme inutile. Mais le Seigneur lui envoya un ange pour le consoler. Alors qu’il se tenait tout triste aux portes de la ville, un envoyé du Seigneur lui apparut pour lui dire : « Joachim, Joachim ! Le Seigneur a exaucé ta prière insistante » [1]. Giotto, dans l’une de ses célèbres fresques [2], semble situer l’épisode pendant la nuit, une de ces nombreuses nuits sans sommeil, pleines de souvenirs, de soucis et de désirs, auxquelles beaucoup d’entre nous sommes habitués.

Mais aussi lorsque tout semble obscur, comme pendant ces mois de pandémie, le Seigneur continue à envoyer des anges pour consoler notre solitude et nous répéter : “Je suis avec toi tous les jours”. Il te le dit, il me le dit, il le dit à nous tous ! Tel est le sens de cette Journée que j’ai voulu que l’on célèbre pour la première fois cette année, après une longue période d’isolement et une reprise encore lente de la vie sociale : que chaque grand-père, chaque grand-mère, chaque personne âgée – en particulier les plus isolés d’entre nous – reçoive la visite d’un ange !

Parfois, ils auront les traits de nos petits-enfants, d’autres fois, ceux des membres de notre famille, des amis de toujours ou que nous avons rencontrés pendant ces moments difficiles. Pendant cette période, nous avons appris l’importance des câlins et des visites pour chacun d’entre nous, et comme je suis attristé par le fait que dans certains lieux, ces gestes ne soient pas encore possibles !

Mais le Seigneur nous envoie aussi ses messagers à travers la Parole de Dieu, qu’il ne fait jamais manquer à notre vie. Lisons chaque jour une page de l’Évangile, prions les Psaumes, lisons les Prophètes ! Nous serons surpris par la fidélité du Seigneur. Les Écritures nous aideront également à comprendre ce que le Seigneur attend de notre vie aujourd’hui. En effet, il envoie les ouvriers à sa vigne à toutes les heures de la journée (cf. Mt 20, 1-16), à chaque saison de la vie. Je peux moi-même témoigner d’avoir reçu l’appel à devenir Évêque de Rome au moment où j’avais atteint, pour ainsi dire, l’âge de la retraite et je ne pensais plus pouvoir faire grand-chose de nouveau. Le Seigneur est toujours proche de nous, toujours, avec de nouvelles invitations, avec de nouvelles paroles, avec sa consolation. Il est toujours proche de nous. Vous savez que le Seigneur est éternel et ne prend jamais sa retraite, jamais.

Dans l’Évangile de Matthieu, Jésus dit aux Apôtres : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé » (28, 19-20). Ces paroles s’adressent aussi à nous aujourd’hui et nous aident à mieux comprendre que notre vocation est celle de conserver les racines, de transmettre la foi aux jeunes et de prendre soin des plus petits. Écoutez bien : quelle est notre vocation aujourd’hui, à notre âge ? Conserver les racines, transmettre la foi aux jeunes et prendre soin des plus petits. N’oubliez pas cela.

Peu importe ton âge, si tu travailles encore ou pas, si tu es resté seul ou si tu as encore une famille, si tu es devenu grand-mère ou grand-père très tôt ou plus tard, si tu es encore indépendant ou si tu as besoin d’assistance, car il n’y a pas un âge de retraite pour la mission d’annoncer l’Évangile, de transmettre les traditions aux petits-enfants. Il faut se mettre en chemin et, surtout, sortir de soi pour entreprendre quelque chose de nouveau.

Il y a donc une vocation renouvelée pour toi aussi à un moment crucial de l’histoire. Tu te demanderas : comment est-ce possible ? Mon énergie s’épuise petit à petit et je ne crois pas pouvoir faire grand-chose. Comment puis-je commencer à me comporter différemment lorsque l’habitude est devenue la règle de mon existence ? Comment puis-je me consacrer à ceux qui sont plus pauvres alors que j’ai déjà tant de soucis pour ma famille ? Comment puis-je élargir mes horizons quand je ne parviens même plus à quitter ma résidence ? Ma solitude n’est-elle pas un trop lourd fardeau ? Combien d’entre vous se posent cette question : ma solitude n’est-elle pas un trop lourd fardeau ? Nicodème a posé une question similaire à Jésus lui-même lorsqu’il lui a demandé : « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? » (Jn 3, 4). Cela est possible, répond le Seigneur, en ouvrant son cœur à l’action de l’Esprit Saint qui souffle où il veut. L’Esprit Saint, en vertu de la liberté qu’il a, va partout et fait ce qu’il veut.

Comme je l’ai répété à maintes reprises, nous ne sortirons plus les mêmes de cette crise que le monde entier traverse : nous sortirons meilleurs ou pires. Et « Plaise au ciel que […] ce ne soit pas un autre épisode grave de l’histoire dont nous n’aurons pas su tirer leçon ! – nous avons la tête dure ! –. Plaise au ciel que nous n’oublions pas les personnes âgées décédées par manque de respirateurs ! […] Plaise au ciel que tant de souffrance ne soit pas inutile, que nous fassions un pas vers un nouveau mode de vie et découvrions définitivement que nous avons besoin les uns des autres et que nous avons des dettes les uns envers les autres, afin que l’humanité renaisse » (Enc. Fratelli tutti, n. 35). Personne ne se sauve tout seul. Nous sommes tous débiteurs, les uns des autres. Tous frères.

Dans cette perspective, je voudrais te dire qu’on a besoin de toi pour construire, dans la fraternité et dans l’amitié sociale, le monde de demain : celui dans lequel nous vivrons – nous avec nos enfants et nos petits-enfants – lorsque la tempête se sera apaisée. Nous devons tous être « parties prenantes de la réhabilitation et de l’aide aux sociétés blessées » (ibid., n. 77). Parmi les différents piliers qui devront soutenir cette nouvelle construction, il y en a trois que tu peux, mieux que quiconque, aider à placer. Trois piliers : les rêves, la mémoire et la prière. La proximité du Seigneur donnera la force d’entreprendre un nouveau chemin, même aux plus fragiles d’entre nous, par les routes du rêve, de la mémoire et de la prière.

Le prophète Joël fit autrefois cette promesse : « Vos anciens seront instruits par des songes, et vos jeunes gens par des visions » (3, 1). L’avenir du monde réside dans cette alliance entre les jeunes et les personnes âgées. Qui, mieux que les jeunes, peut prendre les rêves des personnes âgées et les mener à bien ? Mais pour cela il faut continuer à rêver : dans nos rêves de justice, de paix, de solidarité réside la possibilité que nos jeunes aient de nouvelles visions, et qu’ensemble nous puissions construire l’avenir. C’est important que tu témoignes toi aussi qu’il est possible de sortir renouvelé d’une expérience d’épreuve. Et je suis sûr que ce n’est pas l’unique épreuve, parce que dans ta vie, tu en as eu beaucoup d’autres et tu as réussi à t’en sortir. Apprend également de cette expérience à t’en sortir maintenant.

Les rêves sont pour cette raison intimement liés à la mémoire. Je pense à combien est précieux le souvenir douloureux de la guerre et à ce que les nouvelles générations peuvent en apprendre sur la valeur de la paix. Et il t’appartient de transmettre cela, toi qui as vécu la douleur de la guerre. Faire mémoire est une véritable mission pour toute personne âgée : la mémoire, et transmettre cette mémoire aux autres. Édith Bruck, qui a survécu au drame de la Shoah, affirme que « le fait d’éclairer ne serait-ce qu’une seule conscience vaut l’effort et la douleur de garder vivant le souvenir de ce qui s’est passé – et elle continue-. Pour moi, faire mémoire est synonyme de vivre » [3]. Je pense aussi à mes grands-parents et à ceux d’entre vous qui ont dû émigrer et savent combien il est difficile de quitter sa maison, comme beaucoup de personnes le font encore aujourd’hui en quête d’un avenir. Certains d’entre eux, nous les avons peut-être à côté de nous et ils prennent soin de nous. Cette mémoire peut aider à construire un monde plus humain et plus accueillant. Mais, sans la mémoire, on ne peut pas construire ; sans les fondations, tu ne construiras jamais une maison. Jamais! Et les fondations de la vie sont la mémoire.

Enfin, la prière. Comme l’a dit une fois mon prédécesseur, le Pape Benoît, le saint vieillard qui continue à prier et à travailler pour l’Église, : « La prière des personnes âgées peut protéger le monde, en l’aidant probablement de manière encore plus incisive que l’activisme de tant de personnes » [4]. Il a dit ça presqu’à la fin de son pontificat en 2012. Que c’est beau ! Ta prière est une ressource très précieuse : c’est un poumon dont ni l’Église ni le monde ne peuvent se priver (cf. Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n. 262). Surtout en ce temps si difficile pour l’humanité, alors que nous sommes en train de traverser, tous sur un même bateau, la mer houleuse de la pandémie, ton intercession pour le monde et pour l’Église n’est pas vaine, mais elle indique à tous la confiance sereine d’un port sûr.

Chère grand-mère, cher grand-père, au moment de conclure mon message, je voudrais t’indiquer aussi l’exemple du bienheureux – et bientôt saint – Charles de Foucauld. Il a vécu comme ermite en Algérie et dans ce contexte périphérique, il a témoigné de « son aspiration de sentir tout être humain comme un frère » (Enc. Fratelli tutti, n. 287). Son histoire montre comment il est possible, même dans la solitude du désert, d’intercéder pour les pauvres du monde entier et de devenir véritablement un frère ou une sœur universel.

Je demande au Seigneur que, suivant son exemple, chacun de nous puisse élargir son cœur, le rendre sensible aux souffrances des derniers, et capable d’intercéder pour eux. Que chacun de nous apprenne à répéter à tous, et aux plus jeunes en particulier, ces paroles de consolation qui nous ont été adressées aujourd’hui : “Je suis avec toi tous les jours” ! Allons de l’avant et courage ! Que le Seigneur vous bénisse.

Rome, Saint Jean de Latran, 31 mai 2021, Fête de la Visitation de la Vierge Marie.

François

 

 

[1] L’épisode est raconté dans le Protoévangile de Jacques

[2] Il s’agit de l’image qui a été choisie comme logo de la Journée Mondiale des Grands-Parents et des Personnes âgées.

[3] La mémoire est vie, l’écriture est respiration. L’Osservatore Romano, 26 janvier 2021.

[4] Visite à la maison de retraite “Viva gli anziani”, 2 novembre 2012.

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS À L’OCCASION DE LA XXIXe JOURNÉE MONDIALE DU MALADE 2021. Vous n’avez qu’un seul maître et vous êtes tous frères (Mt 23, 8). La relation de confiance à la base du soin des malades

Devant les besoins de notre frère et de notre sœur, Jésus offre un modèle de comportement tout à fait opposé à l’hypocrisie. Il propose de s’arrêter, d’écouter, d’établir une relation directe et personnelle avec l’autre, de ressentir empathie et émotion pour lui ou pour elle, de se laisser toucher par sa souffrance jusqu’à s’en charger par le service (cf. Lc 10, 30-35).

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS À L’OCCASION DE LA XXIXe JOURNÉE MONDIALE DU MALADE 2021. Vous n’avez qu’un seul maître et vous êtes tous frères (Mt 23, 8). La relation de confiance à la base du soin des malades

Chers frères et sœurs !

La célébration de la 29ème Journée Mondiale du Malade, qui aura lieu le 11 février 2021, mémoire de Notre-Dame de Lourdes, est un moment propice pour réserver une attention spéciale aux personnes malades et à celles qui les assistent, aussi bien dans les lieux dédiés aux soins qu’au sein des familles et des communautés. Ma pensée va en particulier vers tous ceux qui, dans le monde entier, souffrent des effets de la pandémie du coronavirus. Je tiens à exprimer à tous, spécialement aux plus pauvres et aux exclus, que je suis spirituellement proche d’eux et les assurer de la sollicitude et de l’affection de l’Église.

1. Le thème de cette Journée s’inspire du passage évangélique dans lequel Jésus critique l’hypocrisie de ceux qui disent mais ne font pas (cf. Mt 23, 1-12). Quand on réduit la foi à de stériles exercices verbaux, sans s’impliquer dans l’histoire et les besoins de l’autre, alors la cohérence disparaît entre le credo professé et le vécu réel. Le risque est grand. C’est pourquoi Jésus emploie des expressions fortes pour mettre en garde contre le danger de glisser vers l’idolâtrie envers soi-même et il affirme : « Vous n’avez qu’un seul maître et vous êtes tous frères » (v. 8).

La critique que Jésus adresse à ceux qui « disent et ne font pas » (v. 3) est toujours salutaire pour tous car personne n’est immunisé contre le mal de l’hypocrisie, un mal très grave qui a pour effet d’empêcher de fleurir comme enfants de l’unique Père, appelés à vivre une fraternité universelle.

Devant les besoins de notre frère et de notre sœur, Jésus offre un modèle de comportement tout à fait opposé à l’hypocrisie. Il propose de s’arrêter, d’écouter, d’établir une relation directe et personnelle avec l’autre, de ressentir empathie et émotion pour lui ou pour elle, de se laisser toucher par sa souffrance jusqu’à s’en charger par le service (cf. Lc 10, 30-35).

2. L’expérience de la maladie nous fait sentir notre vulnérabilité et, en même temps, le besoin inné de l’autre. Notre condition de créature devient encore plus claire et nous faisons l’expérience, d’une manière évidente, de notre dépendance de Dieu. Quand nous sommes malades, en effet, l’incertitude, la crainte, et parfois même le désarroi, envahissent notre esprit et notre cœur ; nous nous trouvons dans une situation d’impuissance car notre santé ne dépend pas de nos capacités ou de notre “ tourment ” (cf. Mt 6, 27).

La maladie impose une demande de sens qui, dans la foi, s’adresse à Dieu, une demande qui cherche une nouvelle signification et une nouvelle direction à notre existence et qui, parfois, peut ne pas trouver tout de suite une réponse. La famille et les amis eux-mêmes ne sont pas toujours en mesure de nous aider dans cette quête laborieuse.

À cet égard, la figure biblique de Job est emblématique. Sa femme et ses amis ne réussissent pas à l’accompagner dans son malheur ; pire encore, ils amplifient en lui la solitude et l’égarement en l’accusant. Job s’enfonce dans un état d’abandon et d’incompréhension. Mais, précisément à travers cette fragilité extrême, en repoussant toute hypocrisie et en choisissant la voie de la sincérité envers Dieu et envers les autres, il fait parvenir son cri insistant jusqu’à Dieu qui finit par lui répondre en lui ouvrant un horizon nouveau. Il lui confirme que sa souffrance n’est pas une punition ou un châtiment ; elle n’est même pas un éloignement de Dieu ou un signe de son indifférence. Ainsi, cette vibrante et émouvante déclaration au Seigneur jaillit du cœur blessé et guéri de Job : « C’est par ouï-dire que je te connaissais, mais maintenant mes yeux t’ont vu » (42, 5).

3. La maladie a toujours un visage, et pas qu’un seul : il a le visage de chaque malade, même de ceux qui se sentent ignorés, exclus, victimes d’injustices sociales qui nient leurs droits essentiels (cf. Lett. enc. Fratelli tutti, n. 22). La pandémie actuelle a mis en lumière beaucoup d’insuffisances des systèmes de santé et de carences dans l’assistance aux personnes malades. L’accès aux soins n’est pas toujours garanti aux personnes âgées, aux plus faibles et aux plus vulnérables, et pas toujours de façon équitable. Cela dépend des choix politiques, de la façon d’administrer les ressources et de l’engagement de ceux qui occupent des fonctions de responsabilités. Investir des ressources dans les soins et dans l’assistance des personnes malades est une priorité liée au principe selon lequel la santé est un bien commun primordial. En même temps, la pandémie a également mis en relief le dévouement et la générosité d’agents sanitaires, de volontaires, de travailleurs et de travailleuses, de prêtres, de religieux et de religieuses qui, avec professionnalisme, abnégation, sens de la responsabilités et amour du prochain, ont aidé, soigné, réconforté et servi beaucoup de malades et leurs familles. Une foule silencieuse d’hommes et de femmes qui ont choisi de regarder ces visages, en prenant en charge les blessures des patients qu’ils sentaient proches en vertu de leur appartenance commune à la famille humaine.

De fait, la proximité est un baume précieux qui apporte soutient et consolation à ceux qui souffrent dans la maladie. En tant que chrétiens, nous vivons la proximité comme expression de l’amour de Jésus-Christ, le bon Samaritain qui, avec compassion, s’est fait le prochain de chaque être humain, blessé par le péché. Unis à lui par l’action de l’Esprit Saint, nous sommes appelés à être miséricordieux comme le Père et à aimer en particulier nos frères malades, faibles et souffrants (cf. Jn 13, 34-35). Et nous vivons cette proximité, non seulement personnellement, mais aussi sous forme communautaire : en effet, l’amour fraternel dans le Christ engendre une communauté capable de guérison qui n’abandonne personne, qui inclut et accueille, surtout les plus fragiles.

À ce propos, je désire rappeler l’importance de la solidarité fraternelle qui s’exprime concrètement dans le service et peut prendre des formes très diverses, toutes orientées à soutenir le prochain. « Servir signifie avoir soin des membres fragiles de nos familles, de notre société, de notre peuple » (Homélie à La Havane, 20 septembre 2015). Dans cet effort, chacun est capable de « laisser de côté ses aspirations, ses envies, ses désirs de toute puissance en voyant concrètement les plus fragiles. […] Le service vise toujours le visage du frère, il touche sa chair, il sent sa proximité et même dans certains cas la “ souffre ” et cherche la promotion du frère. C’est pourquoi le service n’est jamais idéologique, du moment qu’il ne sert pas des idées, mais des personnes » (ibid.).

4. Pour qu’une thérapie soit bonne, l’aspect relationnel est décisif car il permet d’avoir une approche holistique de la personne malade. Valoriser cet aspect aide aussi les médecins, les infirmiers, les professionnels et les volontaires à prendre en charge ceux qui souffrent pour les accompagner dans un parcours de guérison, grâce à une relation interpersonnelle de confiance (cf. Nouvelle Charte des Opérateurs de Santé (2016), n. 4). Il s’agit donc d’établir un pacte entre ceux qui ont besoin de soin et ceux qui les soignent ; un pacte fondé sur la confiance et le respect réciproques, sur la sincérité, sur la disponibilité, afin de surmonter toute barrière défensive, de mettre au centre la dignité du malade, de protéger la professionnalité des agents de santé et d’entretenir un bon rapport avec les familles des patients.

Cette relation avec la personne malade trouve précisément une source inépuisable de motivation et de force dans la charité du Christ, comme le démontre le témoignage millénaire d’hommes et de femmes qui se sont sanctifiés en servant les malades. En effet, du mystère de la mort et de la résurrection du Christ jaillit cet amour qui est en mesure de donner un sens plénier tant à la condition du patient qu’à celle de ceux qui prennent soin de lui. L’Évangile l’atteste de nombreuses fois, en montrant que les guérisons accomplies par Jésus ne sont jamais des gestes magiques, mais toujours le fruit d’une rencontre, d’une relation interpersonnelle où, au don de Dieu offert par Jésus, correspond la foi de celui qui l’accueille, comme le résume bien la parole que Jésus répète souvent : « Ta foi t’a sauvé ».

5. Chers frères et sœurs, le commandement de l’amour que Jésus a laissé à ses disciples se réalise aussi concrètement dans la relation avec les malades. Une société est d’autant plus humaine qu’elle prend soin de ses membres fragiles et souffrants et qu’elle sait le faire avec une efficacité animée d’un amour fraternel. Tendons vers cet objectif et faisons en sorte que personne ne reste seul, que personne ne se sente exclu ni abandonné.

Je confie toutes les personnes malades, les agents de santé et ceux qui se prodiguent aux côtés de ceux qui souffrent, à Marie, Mère de miséricorde et Santé des malades. De la Grotte de Lourdes et de ses innombrables sanctuaires érigés dans le monde entier, qu’elle soutienne notre foi et notre espérance et qu’elle nous aide à prendre soin les uns des autres avec un amour fraternel. Sur tous et chacun, je donne de tout cœur ma Bénédiction.

Rome, Saint-Jean-de-Latran, 20 décembre 2020, quatrième dimanche de l’Avent.

Saint François-Régis CLET. La joie de la Mission

La Joie de la Mission n’ayant pas de frontières, le missionnaire, sans nier l’importance de la paroisse et du diocèse dont il sait que ces structures existent tout autour de la terre, a pour terrain apostolique le monde, à la suite de l’envoi direct fait par Jésus lui-même : « Allez donc, de toutes les nations, faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 19-20).

Saint François-Régis CLET. La joie de la Mission

Avant toute chose, mettons-nous en présence de Dieu en priant avec les mots de saint Vincent de Paul : « Ô mon Dieu, nous nous donnons à vous pour l’accomplissement du dessein que vous avez sur nous ; nous nous reconnaissons indignes de cette grâce mais nous vous la demandons par l’amour de votre Fils ; nous vous la demandons par la Sainte Vierge. Donnez-nous la, mon Dieu, pour votre gloire. Et bénissez-nous, au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » (IX, 127)

     Quoi de plus opportun que de répondre à l’initiative du Père Général de la Congrégation de la Mission de créer un festival vocationnel missionnaire sur l’année, que de reprendre à notre compte le thème de ce mois de septembre pour rendre hommage à l’un de nos frères martyrs, le père François-Régis Clet, qui, suivant l’exemple de beaucoup, a vécu cette phrase de saint Vincent : « Notre vocation est d’aller, non pas dans une paroisse, non dans un diocèse mais dans le monde entier » (XII, 215).

     La Joie de la Mission n’ayant pas de frontières, le missionnaire, sans nier l’importance de la paroisse et du diocèse dont il sait que ces structures existent tout autour de la terre, a pour terrain apostolique le monde, à la suite de l’envoi direct fait par Jésus lui-même : « Allez donc, de toutes les nations, faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 19-20).

     François-Régis Clet a été un de ces missionnaires zélés qui ne vivaient que pour la Croix du Christ à apporter au monde puisqu’elle en est le chemin de salut. Ici même, dans cette Maison-Mère où reposent ses restes de martyr, mettons-nous sous sa sainte protection car son âme est bien au Ciel, avec tous ses compagnons martyrs de Chine, dans l’immense cortège de tous les martyrs de l’Eglise, ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui, puisque, comme le rappelait en son temps saint Jean-Paul II, ce temps du martyre est toujours là. Avec la sainte Patronne des Missions, sainte Thérèse de Lisieux, avec notre saint Patron, saint Vincent, avec celui qui a mis ses pas dans les pas de François-Régis Clet, saint Jean-Gabriel Perboyre que nous avons célébré ce mois-ci, que saint François-Régis Clet nous apprenne, par son éloquent témoignage, à garder, avec la Joie de la Mission, la vertu d’espérance qui l’a conduit à ne jamais renoncer au Christ. Maintenant, invitons-le à raconter lui-même son histoire d’homme qui est devenue, par la grâce de Dieu, une histoire sainte.

     Je suis né en 1748, à Grenoble, une ville qui compte alors 30 000 habitants. Mon père, Césaire, est employé dans un atelier de négociant en toiles et il s’est marié avec la fille du patron, Claudine.  Nous sommes 15 frères et sœurs, dont François qui devient Chartreux et Anne-Constance qui entre au Carmel. Je suis le dixième. Mes parents m’ont donné le prénom de François-Régis en l’honneur de saint François-Régis, un missionnaire jésuite.

     Durant mon enfance et mon adolescence, j’ai entendu plusieurs missionnaires raconter leur vie que je considérai comme extraordinaire et magnifique. A ce titre, les missionnaires de la Congrégation de la Mission, que l’on appelle toujours les lazaristes, ne m’étaient pas inconnus. Ainsi donc, j’entre au noviciat de la Congrégation à 21 ans, à Lyon. Le 27 mars 1773, à 25 ans, je reçois l’ordination presbytérale des mains de l’évêque auxiliaire de Lyon. Je vais célébrer une de mes premières messes au sanctuaire marial de Notre-Dame de Valfleury, tenu par les lazaristes depuis 1687 et situé proche de Saint-Etienne.

     Ma première mission m’est alors confiée. Moi que l’on surnomme gentiment « la bibliothèque vivante », je me vois nommé professeur de théologie morale au Grand Séminaire d’Annecy, qui fut le premier séminaire fondé par les lazaristes hors de Paris en 1642. Peu de temps après, j’en deviens le supérieur. C’est dans ces années que je perds mon père, en 1783 et ma mère quatre ans après.

     Après 15 années de service dans le diocèse de saint François de Sales qui fut un grand ami de notre fondateur Monsieur Vincent, le Supérieur Général de la Congrégation, monsieur Cayla de la Garde, me choisit pour assurer la charge de supérieur du séminaire interne de la Congrégation, qui correspond au noviciat chez les religieux,. Je me retrouve donc à Paris en fin d’année 1788.

     Chacun sait ce qui s’est passé en France en 1789. Après plusieurs années de mauvaises récoltes et d’augmentation du prix de la farine, après une précarisation des bourgeois et du Tiers-Etat, la révolte gronde et s’étend à tout le pays, et les réformes espérées ne viennent pas. L’Eglise, perçue comme privilégiée au service de la noblesse, malgré le fait que bon nombre de prêtres n’ont pas eux-mêmes de quoi vivre, ne sort pas indemne de cette période. Même si les livres d’histoire ne le mentionne jamais, je me souviens que le 13 juillet 1789, les portes de la maison de Saint-Lazare, où nous étions, ont été enfoncées et que tout a été dévasté par des pillards attisés par des esprits belliqueux. Certains de mes confrères ont dû fuir, parfois avec leurs habits déchirés. La bibliothèque a été saccagée et même le potager et les moutons qui servaient de nourriture aux plus pauvres ont subi le préjudice. La chapelle a pu être préservée grâce à un valeureux confrère qui n’a pas hésité à s’interposer face à la foule haineuse qui voulait jeter les restes de notre fondateur dans la Seine. Dès le lendemain, chacun se mit au travail pour remettre en ordre ce qui pouvait l’être et je repris moi-même les cours donnés aux séminaristes.

     Heureusement, l’Esprit du Seigneur est plus fort que la haine. Il envoie du réconfort à la Congrégation par les nouvelles de confrères déployés comme missionnaires en lointaine Chine. Le Supérieur général nous partage alors ces lettres. Je rappelle ici que la Congrégation de la Mission est présente en Chine à partir de 1784, sur la volonté de la Sacrée Congrégation de la Propagande, en remplacement des jésuites, dont la Compagnie a été supprimée en 1773 par le pape Clément XIV. Dès cette année-là 3 confrères y sont présents, puis 2 autres en 1788 puis un autre départ en 1791 et deux autres confrères, Louis Lamiot et Augustin Pesné, ordonnés prêtres à leur arrivée à Macao, que j’ai l’honneur de bien connaître puisque je vais partir avec eux, bien qu’initialement, ce n’était pas envisagé. Macao, quant à elle, est une possession portugaise au sud-est de la Chine.

     Comme la Providence se joue des choses humaines, je fus choisi pour les accompagner. Le troisième confrère prévu pour ce départ est retenu en province et ne peut donc être présent au départ du bateau prévu le 2 avril 1791 depuis le port de Lorient. En fait, j’ai bien insisté pour remplacer ce confrère absent. Comme le temps presse et que je n’ai pas l’occasion de dire physiquement au-revoir ou même adieu à ma famille, j’écris ceci à ma sœur aînée Marie-Thérèse : « Enfin mes vœux sont exaucés. La Providence me destine à aller travailler au salut des infidèles. Vous sentez que je sens trop le mérite de cette faveur divine pour ne pas y correspondre par un parfait acquiescement. En un mot, je pars incessamment pour la Chine avec deux de mes confrères, qui sont aussi contents que moi de notre heureuse destination ». Ma famille s’inquiète et essaie de me faire changer d’avis. Je leur livre ces mots « Je m’étais préparé aux assauts que votre tendresse et votre sensibilité me livreraient. Je ne me repens pas d’avoir agi ainsi, mais je crois suivre en cela les vues de la Providence sur moi ». Je me souviens alors des paroles de saint Vincent : « Au reste, c’est une espèce de martyre que d’exposer sa vie, traverser les mers pour le seul amour de Dieu, le salut du prochain » (XI, 423). Je sais bien, en moi-même, que ce voyage sera effectivement le grand voyage de ma vie de missionnaire de l’Evangile et qu’il n’y aura pas de retour.

     Le long voyage en bateau dura jusqu’au 15 octobre. Ensuite, durant trois mois, mes confrères et moi, nous apprenons le chinois. A l’issue, M. Lamiot est appelé à renforcer l’équipe missionnaire de Pékin, M. Pesné doit rejoindre la province du Hou-Kouang à l’est du pays et moi je suis nommé dans la province du Kiang-Si, à l’est du Hou-Kouang. Bien entendu, nous devons être discrets car un édit de l’empereur réitère l’interdiction faite aux étrangers de pénétrer sur le territoire chinois sans autorisation et d’y prêcher sa religion.

     Peut-être qu’il serait utile, à ce moment de mon récit d’ouvrir une parenthèse conséquente sur cette interdiction car, ce ne fut pas toujours le cas.

     La Chine a certainement connu une primitive période d’Evangélisation mais elle ne semblait pas avoir enraciné la Croix du Christ sur ce territoire. Bien plus tard, les premiers missionnaires en Chine furent les Jésuites qui accomplirent ainsi la volonté de saint François-Xavier d’y implanter la croix du Christ, comme ils venaient de le faire au Japon. Ils arrivèrent en 1581 et leur succès fut rapide et considérable. L’artisan de cela fut le père Matteo Ricci qui, à trente ans, arriva en Chine en 1582. En 20 ans de ministère, il gagna le respect de l’empereur et acquit une certaine influence à la cour impériale. Maitrisant la langue, il écrivit des traités sur des sujets aussi variés que l’amitié et la science. Il adopta le costume et les coutumes locales et entretint de bonnes relations avec les intellectuels. Les chinois se passionnèrent pour l’astronomie, les sciences physiques et la technique occidentale que le Jésuite leur présentait. Parlant de Dieu, il recourait au langage local qui évoquait l’Être suprême ou le ciel, estimant également que le confucianisme était davantage une philosophie qu’une religion et qu’à ce titre, il était compatible avec la foi chrétienne. Il espérait christianiser petit à petit les rites confucéens et désirait créer un clergé chinois malgré le refus du Général des Jésuites. Il obtint même du pape Paul V en 1605, l’autorisation de célébrer la messe en chinois.

     Lorsque le père Ricci mourut en 1610, il laissait une œuvre de 2500 convertis, dont plusieurs mandarins et hauts personnages proches de l’empereur. Ses successeurs continuèrent sur sa lancée, jusqu’à l’invasion de l’empire par les Mandchous qui fit s’effondrer la dynastie Ming. Une fois le calme revenu dans le pays, malgré quelques persécutions chrétiennes,  les Jésuites revinrent à la cour, adoptant une approche de savant, à un point tel que l’un d’entre eux devint président du bureau des mathématiques de l’empire, poste illustre s’il en est. A cette époque, il y avait 117 missionnaires catholiques en Chine dont 59 Jésuites. Sans devenir chrétien, l’empereur Kang-Hsi accorda la liberté de culte aux chrétiens en 1692.

     Comment en est-on arrivé à l’interdiction d’entrer en Chine ? Hélas, peut-être que la jalousie d’autres congrégations missionnaires à l’encontre de la réussite jésuite a attisée le feu. Franciscains, dominicains, Missions étrangères de Paris, soulevèrent, après la mort de Matteo Ricci, ce qu’on a appelé « la querelle des rites ». Les Jésuites furent accusés de syncrétisme et de compromis avec le confucianisme. Rome s’en mêla. Au départ le pape Paul V, en 1615, donna raison aux Jésuites : on pouvait célébrer en chinois, traduire les Livres saints, et même, en 1656, Rome précisa que les honneurs rendus à Confucius et aux ancêtres décédés restant dans l’ordre des rites civils, il est possible d’y assister.

     Là-dessus, les Jansénistes s’en mêlèrent à leur tour en dénonçant ce qu’ils considéraient comme un laxisme conduisant au syncrétisme. A ce titre, ils mirent en avant certaines dérives malheureusement constatées et en firent une généralité. On se souvient des écrits de Blaise Pascal dans Les Provinciales en 1656: « (les jésuites) se trouvant en des pays où un Dieu crucifié passe pour folie, ils suppriment le scandale de la croix et ne prêche que Jésus-Christ glorieux, et non pas Jésus-Christ souffrant. Ils permettent aux chrétiens l’idolâtrie même, par cette subtile invention, de leur faire cacher sous leurs habits une image de Jésus-Christ, à laquelle ils leur enseignent de rapporter mentalement les adorations publiques qu’ils rendent à l’idole ». Les Jésuites demandèrent alors l’arbitrage de l’empereur pour confirmer le caractère civil de certains rites, ce qu’il fit, mais Rome réfuta cet avis, s’estimant plus compétent en matière de théologie. Ainsi en 1704, Rome interdit la liturgie en chinois et l’accommodement supposé avec le confucianisme. L’empereur ne tarda pas à réagir. Il écrit en 1706: « Voilà donc la manière dont les occidentaux bornés parlent de la haute doctrine chinoise, bien qu’aucun d’eux n’ait été instruit en Chine. Les Européens ne peuvent assez pénétrer le sens de nos livres ; il est donc à craindre que le pape ne fasse quelque règlement qui, fondé sur de fausses informations, attirera infailliblement la ruine du christianisme dans mon empire. Dorénavant, aucun Occidental n’aura la permission de propager sa religion en Chine ».  

     En 1717, ne subsistèrent en Chine que 47 prêtres. En 1724, le nouvel empereur, Yong-Tcheng durcit encore le ton, malgré la supplique des jésuites : « Les prêtres attirent à leur loi le peuple ignorant… L’Empire n’en retire pas le moindre avantage. Il faut laisser à la cour les prêtres utiles pour le calendrier et d’autres services, mais les autres, qu’on les conduise à Macao. Que les temples qu’ils ont bâtis soient tous changés en maisons publiques ; qu’on interdise rigoureusement cette religion ».

     Des persécutions furent alors menées sur tout l’empire durant 125 ans, l’Eglise devint clandestine. On estime qu’à la fin du XVIIIème siècle, soit à la période où je fus envoyé en Chine, que restaient à peu près 80 prêtres chinois et 31 missionnaires européens.

     Voilà dans quel contexte le Seigneur m’envoie en Chine. Comme il faut de la discrétion, j’opte, comme mes confrères, pour la tenue locale. Habillé en tenue chinoise, je porte, derrière la tête, une natte postiche de cheveux. La nuit, je me couche sur une planche sur laquelle est étendue une légère couche de paille, couverte d’un tapis avec une couverture plus ou moins chaude dans laquelle on s’enveloppe. Par contre, j’ai beaucoup de mal à apprendre et à maîtriser cette langue chinoise. J’écris à mon frère chartreux que « cette langue est indécrottable, les caractères qui la composent ne sont pas destinés à exprimer des sons mais les pensées. Je suis arrivé trop âgé en Chine pour en avoir une connaissance passable ». Si bien, d’ailleurs que sur la route qui me conduit à la mission, mon guide chinois doit me présenter comme une personne en deuil qui ne parle pas.

     Arrivés enfin à la Mission, une maison vaste mais délabrée, même si je reste seul pour le gigantesque travail pastoral qui m’attend, je me réjouis dans la lettre que j’écris à ma sœur Marie-Thérèse : « une nouvelle carrière s’ouvre pour moi. Il s’agit de renouveler l’esprit de religion dans d’anciens chrétiens qui sont abandonnés à eux-mêmes depuis plusieurs années et de convertir les infidèles. Voilà j’espère, mon occupation jusqu’à ma mort ». Je fais donc ce que je peux, mettant toute ma confiance en la divine Providence, qu’il ne s’agit pas, comme le rappelle Monsieur Vincent, d’enjamber mais de laisser faire. Conscient de ma faiblesse, j’écris à mon frère que « toutefois, il vaut mieux que la terre soit labourée par un âne que si elle demeurait sans culture ». Je reste aussi conscient de l’esprit versatile des nouveaux convertis : « j’aurais pu en baptiser un plus grand nombre qui me pressaient de leur accorder cette grâce, mais ils ne m’ont pas paru assez instruits et nous avons remarqué que les catéchumènes facilement baptisés apostasiaient aussi facilement ».

     Au bout d’un an de cette riche mission, mon supérieur, le père Raux, m’appelle pour renforcer la communauté missionnaire dans la province de Hou-Kouang, où se trouve mon compagnon de voyage en bateau, M. Pesné et un autre confrère, M. Aubin. Très vite, je suis confronté à la dégradation de la situation. Le Père Aubin, en voyage pour rencontrer l’évêque de Chensi est arrêté, mis en prison où il meurt empoisonné. Quant à Augustin Pesné, à 29 ans, il décède de maladie.

     Je me retrouve, une fois de plus, seul pour la mission, dans cette province immense, aux terres fertiles au point qu’elle est qualifié de grenier de l’empire. Cependant, si la terre est riche, le cœur des hommes n’est pas facile à cultiver. J’écris ainsi en 1802 : « j’ai autour de moi à une petite distance plus de 2000 chrétiens. Ici, les conversions des païens sont rares, témoins du scandale de quelques mauvais chrétiens, ils refusent de s’instruire d’une religion si mal pratiquée ». Au bout de 3 ans, j’accueille le père Joseph Ly qui est vite envoyé dans la province du Kiang-Si. En 1799, c’est le père Jean Tchang qui me rejoint mais lui aussi est envoyé en 1807 au Kiang-Si. Puis, le père Juventin Tchang qui décède 3 ans après. En 1804, le père Paul Song vient me rejoindre jusqu’à mon martyre. En 1808 enfin, viennent les pères Ignace Ho et François Cheng, ce dernier sera mon compagnon de prison. Un an plus tard, nous accueillons pour un temps très bref, le père Antoine Tcheng qui est rapidement envoyé au Kiang-Si. En 1809, le frère Paul Wang nous rejoint ainsi qu’en 1817, le père Ngaï. On m’a aussi promis la présence d’un confrère français, le père Dumazel, qui, ayant connus quelques ennuis de voyage, arrive chez nous au bout de 10 ans d’attente. Hélas, ce confrère va succomber rapidement à une fièvre typhoïde à 49 ans en 1818. Quant à moi, j’ai contracté une pleurésie qui m’a fait craindre le pire, au point de penser  à demander les derniers sacrements, qui m’a laissé « une enflure de jambes et l’impossibilité de dépasser une quinzaine de kilomètres à pied par jour ».

     Constituer une communauté au profit de la mission n’est pas chose aisée, nous devons sans cesse implorer la Divine Providence de soutenir son œuvre de miséricorde.  De plus, le contexte n’est pas favorable. L’insécurité est permanente à cause des brigands et de certains groupes rebelles au pouvoir qui sèment la terreur, notamment lors de l’avènement du nouvel empereur Kia-King, en tuant tous ceux qui ne veulent pas les rejoindre. Il y a aussi cette permanente méfiance vis-à-vis du christianisme perçu comme une doctrine qui s’oppose à la culture et à la philosophie chinoise.

     Je sais aussi que depuis quelque temps déjà, la situation politique, sociale et même religieuse, n’est pas facile en France, et même en Europe. Je réponds ainsi à mon frère Chartreux parti en exil à Rome, qui me donne ces tristes nouvelles : « A la vue de l’état désastreux où se trouve l’Europe, je ne puis que bénir la Providence de m’avoir soustrait à tant de maux… Il vaut mieux être en Chine qu’en France : nos infidèles sont loin d’avoir l’atrocité de vos impies ». Et, comparant nos deux situations, je lui écris encore : « Tous les pays sont bons, pourvu qu’on puisse servir Dieu. Notre Patrie est le Ciel, où l’on peut arriver de tous les pays du monde ».

     Sur place, en Chine, la vie que je mène est spartiate et pauvre. La résidence de la mission, que j’appelle « le château de paille » possède un sol en terre battue et un toit de chaume, comme l’église. La vie de prière est notre seule richesse, mais elle ne permet pas d’aider les autres communautés, tout aussi pauvres. J’écris au Supérieur de Pékin qui me demande des nouvelles : « la famine nous a fort appauvris, et je n’ai point d’argent à vous envoyer. Cette année, à cause de la sècheresse, point de riz, il faut presque tout acheter, tout est cher, voyez si vous êtes assez riches pour aider notre pauvreté ». Sur place, moi qui suis le supérieur de cette communauté, je rappelle que les principes de Dieu sont notre référence : « Revêtons-nous de tendresse et de miséricorde, de bonté, d’humilité et de patience, car nous devons, nous qui sommes plus forts, soutenir la faiblesse des infirmes et ne pas nous complaire en nous-mêmes ». Je souligne encore à tous que « nos brebis ne forment qu’un seul troupeau, comme il n’y a qu’un seul Pasteur, Notre Seigneur Jésus-Christ » et donc « il faut exhorter nos chrétiens à apprendre le catéchisme des sacrements, mais ne pas les obliger ou forcer à l’apprendre. On doit seulement exiger qu’ils sachent ce qui est strictement requis pour la réception des sacrements ». Je sais que des confrères refusent parfois cette exigence. Ils se plaignent du fait que leur travail est trop lourd, pourtant « il me semble n’avoir jamais eu l’intention de ruiner la santé de mes confrères par un travail au-dessus de leurs forces » et je leur rappelle ce que saint Vincent en son temps disait déjà : il faut « ménager votre santé, en Chine surtout où les prêtres sont rares ; il vaut mieux vivre que mourir pour la gloire de Dieu ». L’important est d’être « l’exemple des fidèles par nos paroles, nos démarches, notre charité, notre foi, notre pureté ».

     Pourtant, mourir pour la gloire de Dieu est ce qui attend les missionnaires qui sont en situation irrégulière en Chine. Le père Richenet, procureur des Missions à Macao, de 1801 à 1815, rappelle, dans une lettre adressée eu gouvernement français en 1817 que « les missionnaires ne sont admis que pour le service de l’Empereur, par conséquent seulement à Pékin en qualité d’artistes, de peintre, horlogers, astronomes pour faire le calendrier lunaire ». Moi, je ne suis rien de tout cela, je suis seulement missionnaire du Christ, envoyé ici pour vivre de la Croix du Christ et mourir pour elle car je sais qu’elle est le chemin de mon salut. Je suis, avec mes confrères, envoyés auprès des quelques 200 000 chrétiens de l’Empire. Ils sont mon seul souci, malgré le fait que je dois faire œuvre de prudence dans mes déplacements.

     Je rappelle que des persécutions envers les chrétiens sont toujours là. Dès 1799, elles viennent aussi bien du pouvoir central que des rebelles. En 1805, les Mandarins, qui sont les notables du pays, poussent l’Empereur à exiler, voire à torturer les chrétiens jusqu’à leur abjuration. En 1811, le pouvoir arrête un missionnaire chinois porteur de papiers concernant le pouvoir spirituel que lui confère l’évêque, avec la précision de certains lieux de mission. Les mandarins accusent alors les chrétiens de vouloir substituer les gouverneurs de ces villes. S’en suit une persécution et un ordre donné aux étrangers de quitter le pays. On raconte aussi à l’Empereur que le jour de fête de l’Assomption, les chrétiens vont se révolter contre lui. Sa réaction est cinglante : un édit impérial ordonne alors aux chrétiens de renoncer à leur religion sous peine de persécution. La situation se dégrade et je sais que je suis clandestin. Notre misérable « château de paille » est détruit, ainsi que l’école et l’église.

     En 1818, un phénomène climatique plonge Pékin sous une pluie violente et des ténèbres jusque là jamais vues. A l’image de Néron qui trouve son bouc émissaire dans les chrétiens lors de l’incendie de Rome, les oracles impériaux accusent les chrétiens d’être à l’origine de ces « menaces du ciel ». Il convient alors de renforcer la persécution contre eux. Bon nombre de prêtres et missionnaires chinois sont alors arrêtés, emprisonnés et exilés. Notre confrère, le père Chen est de ceux-là. J’écris au supérieur, M. Lamiot, que je connais bien : « notre croix est la capture de M. Chen. Il a été vendu par un nouveau Judas, 20 000 deniers. Il a été envoyé à Ou-Tchang-Fou avec 18 chrétiens pris à peu près dans le même temps ». En ce qui me concerne, alors que je suis déjà âgé de 71 ans, avec mon confrère M. Ho, je me cache dans des antres et des cavernes de la province que je me résous à quitter après 4 mois de cavale pour me réfugier au Honan chez une famille chrétienne durant 6 mois. Ignace Ho avait rejoint la mission à 27 ans et par la suite, arrêté, il sera exilé en Tartarie où il mourra sous les coups de rebelles musulmans en 1825.

     L’esprit de Judas est malheureusement toujours présent dans le combat contre l’Evangile. Un apostat auquel j’avais reproché sa mauvaise conduite m’a retrouvé et pour quelques 1000 taëls, soit 7000 francs or, me fait arrêter. Je lui dis : « Mon ami, dans quel dessein es-tu venu ici ? Ah que j’ai pitié de toi ! ». Il me répond alors : « Pourquoi me plaindre et me pardonner, je n’en ai pas besoin ». C’est alors qu’il dit aux soldats venus avec lui : « C’est lui ! Prenez-le ! ». Nous sommes le 16 juin 1819. On me couvre de chaînes, aux poignets, au cou et aux chevilles. On arrête avec moi les habitants de la maison et on pille aussi les maisons des chrétiens voisins, dans ce village de Kin-Kia-Kang à environ 4 km de la ville de Nan-Yang-Fou, où notre triste cortège a été conduit sous les cris et huées des badauds.

     Ma passion pour Jésus-Christ commence alors. Le mandarin exige de moi que je lui donne les noms des missionnaires et des chrétiens que je connais. Pour ce faire, m’ayant agenouillé sur des chaînes de fer, il commence par m’administrer 30 coups de semelle de cuir sur le visage de toutes ses forces, si bien que le sang gicle déjà. Pour toute réponse, je trouve la force de lui dire : « Mon frère, maintenant tu me juges, mais dans peu de temps, mon Seigneur te jugera lui-même », ce qui me vaut encore 30 coups sur le visage et de rester des heures plié sur les chaînes de fer, avec les mains attachées derrière le dos.

     On m’envoie alors à 200 km de là, à la prison de Khaï-Fong-Fou, et là encore, je suis torturé car je ne réponds rien aux demandes du mandarin. Je reste enfermé dans cette prison durant 1 mois et je trouve, au milieu de mes tortures, le moyen d’écrire au père Richenet et de lui faire passer le courrier : « Dès que la nuit arrive, il faut se coucher et mettre une de ses jambes dans une entrave jusqu’au lendemain. Cette entrave est formée de 2 planches que le geôlier réunit ensemble et ferme par un cadenas. De plus, une chaîne de fer nous lie tous sur notre chevet et nous empêche de lever la tête, on peut seulement, avec bien des efforts, se tourner sur le côté ou sur le dos ».

     Comme je fus missionnaire dans la province du Hou-Kouang, le mandarin décide alors de me transférer à Ou-Tchan-Fou, la ville principale de cette province. Durant 20 jours, je vais donc voyager dans une cage de bois, avec les fers aux pieds, les mains menottées, et une chaîne au cou, avec d’autres malheureux prisonniers. « Mon séjour dans les prisons du Honan et ma longue route avaient fort altéré ma santé. J’étais alors dans un pauvre état, une grande maigreur, une longue barbe qui fourmillait de poux ». Ce que je sais malgré tout cela, c’est que le Christ est avec moi.

     Dans ma nouvelle prison, j’ai la douleur d’y rencontrer le père Chen, même si la joie de nous retrouver efface cette tristesse de se voir ici. Il y a avec nous quelques chrétiens. Rien ne nous barre la route pour que nous priions ensemble. La confession est donnée et même, nous avons la joie immense de recevoir la communion d’un missionnaire qui arrive à se faufiler pour venir jusqu’à nous. J’exulte de joie : « Admirez ici la Divine Providence, qui contre la première intention du mandarin, a réuni deux prêtres dans une même prison avec dix bons chrétiens que j’ai confessés plusieurs fois, et qui ont reçu avec nous la communion des mains d’un de nos confrères. C’est peut-être inouï dans les prisons de Chine ».

     Cet état de relative grâce ne dure guère. J’apprends l’arrestation du père Lamiot. Bien qu’il l’attribue au même traître qui nous a vendus, le père Chen et moi, cette arrestation est sans doute due aux lettres que j’ai laissées à la mission et qui lui étaient destinées. Je lui écris de me pardonner pour cette imprudence et que je prendrai tout sur moi car l’important est de sauver la mission de Pékin. Lorsque je le revois enfin, nous sommes tous trois, le père Chen, Louis Lamiot et moi-même agenouillés sur des chaînes pour l’interrogatoire. Je sais, que plus tard, le père Lamiot écrira quelques mots sur mon attitude, je les cite ici : « Je répondis au mandarin que je connaissais M. Clet, quoique sa figure fut si décomposée que je ne reconnaissais aucun de ses traits. J’ai été frappé de la sagesse de ses réponses. Lorsqu’on me fit mettre à genoux à son côté, il se mit à pleurer. Comme on voulait frapper M. Chen, il s’écria : ‘Pourquoi le frapper ? je suis seul coupable’. Le mandarin lui réplique : ‘Vieille machine ! Tu as corrompu trop de nos gens. L’Empereur veut ta vie !’ Il répondit : ‘Bien volontiers’. J’admirai sa sensibilité extrême pour M. Chen et pour moi, son intrépidité pour le martyre, et sa présence d’esprit ; ce qui me fit une impression qui ne s’effacera jamais de mon âme ».

     Le 1er janvier 1820, je comparais au tribunal, avec tous les chrétiens. Le père Lamiot est déclaré innocent mais doit quitter la Chine pour Macao. Le père Chen est exilé en Tartarie où il mourra. Quant à moi, j’attends l’avis de l’empereur qui tarde, sans me faire d’illusion sur mon sort. « Je me prépare à mourir et j’attends, grâce à Dieu cet arrêt avec patience et tranquillité ». Qu’à cela ne tienne, cela me laisse le temps de célébrer la Conversion de Saint Paul et donc la fondation de la Congrégation. Je peux même communier en prison.

     Enfin, le 17 février, l’avis impérial arrive : « Liéou François, c’est mon nom en chinois, entré secrètement en Chine, a trompé beaucoup de monde en prêchant sa doctrine. Il sera étranglé sans délai, comme c’est la coutume ». Avant de suivre les soldats vers le supplice, je demande l’absolution au père Chen, et devant les larmes de mes frères prisonniers, je prononce ces mots « soyez toujours de fervents serviteurs de Dieu et n’abandonnez jamais la foi », et je les bénis une dernière fois, sachant au fond de moi, à la suite de saint Paul, « qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous » (Rom 8). Dans la nuit qui suit, je suis conduit sur le lieu de mon calvaire. Le 18 au matin, on s’arrête face à un poteau de 2 mètres planté dans le sol. Une traverse est figée sur le sommet. J’ai l’autorisation de prier Notre Seigneur une dernière fois puis, mon cœur étant prêt à lui rendre grâce par le don de ma vie, « c’est pour lui que je souffre, jusqu’à être enchaîné comme un malfaiteur. Mais on n’enchaîne pas la Parole de Dieu » (Tim 2). Je dis aux soldats : « liez-moi ». Ceux-ci m’attachent les mains et le dos derrière la traverse, et les pieds, liés l’un à l’autre, au montant du poteau. On me passe alors une corde autour du cou, nouée à un bâton que l’on tourne. La corde, trop usée, se rompt et cela oblige à la changer. On recommence la manœuvre et l’on tourne la corde à trois reprises jusqu’à ce que je rende à Dieu mon dernier soupir, après 72 ans de vie terrestre et 28 ans passés en Chine. Mon corps est enseveli une première fois dans le cimetière des condamnés à mort, puis récupéré par les chrétiens qui le mettent au cimetière de la Montagne rouge où reposent d’autres valeureux missionnaires. Aujourd’hui, mes restes reposent dans la Chapelle de la Maison-Mère, ici, à Paris, à proximité de celui qui, 20 ans plus tard, a suivi mes pas dans le martyre, dans les mêmes conditions et au même endroit, saint Jean-Gabriel Perboyre. L’Eglise ma élevé sur l’autel de la béatification en 1900 et sur celui de la canonisation en 2000 avec mes 120 frères chrétiens martyrisés en Chine, en la fête de sainte Thérèse de Lisieux, la patronne des missions, ce que Dieu ne fit pas sans dessein ce jour-là. 

     Dans la Joie de la Mission, prions : Tu as envoyé, Seigneur, ton serviteur François-Régis Clet évangéliser les nations et après sa longue vie de travail apostolique, tu l’as couronné par le martyre. Daigne, par la force de ton Esprit, nous affermir dans la foi pour l’annonce de l’Evangile. Par Jésus le Christ notre Seigneur.

Donné à la Maison-Mère de la Congrégation de la Mission, en la fête de saint Vincent de Paul.

 

Références :

-D’après Les 72 lettres de François-Régis CLET, de « soldat du Christ, le BX FR Clet » de G de Mongesty. Parsi 1906 et de « François-Régis Clet » par André Sylvestre. Moissac. 1998.

-Jacques A.Blocher et Jacques Blandenier : « L’Evangélisation du monde » vol.1, Ed. de l’institut biblique de Nogent.

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS POUR LA 57e JOURNÉE MONDIALE DE PRIÈRE POUR LES VOCATIONS (3 mai 2020)

La première parole de la vocation, alors, est gratitude. Naviguer vers le juste cap n’est pas une tâche qui relève de nos seuls efforts, et ne dépend pas seulement des parcours que nous choisissons de faire.

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS POUR LA 57e JOURNÉE MONDIALE DE PRIÈRE POUR LES VOCATIONS (3 mai 2020)

Les paroles de la vocation

 

Chers frères et sœurs!

Le 4 août de l’année dernière, lors du 160ème anniversaire de la mort du saint Curé d’Ars, j’ai voulu offrir une lettre aux prêtres qui, chaque jour consacrent leur vie à l’appel que le Seigneur leur a adressé, au service du peuple de Dieu.

A cette occasion, j’avais choisi quatre paroles-clés – souffrance – gratitude – courage et louange – pour remercier les prêtres et soutenir leur ministère. J’estime qu’aujourd’hui, en cette 57ème Journée Mondiale de Prière pour les Vocations, ces paroles peuvent être reprises et adressées à tout le Peuple de Dieu, sur le fond d’un passage évangélique qui nous raconte la singulière expérience survenue à Jésus et Pierre, durant une nuit de tempête sur le lac de Tibériade (cf. Mt 14, 22-33).

Après la multiplication des pains, qui avait enthousiasmé la foule, Jésus ordonna à ses disciples de monter dans la barque et de le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules. L’image de cette traversée sur le lac évoque, en quelque manière, le voyage de notre existence. La barque de notre vie, en effet, avance lentement, toujours agitée parce qu’à la recherche d’un lieu d’accostage favorable, prête à affronter les risques et les opportunités de la mer, mais aussi désireuse de recevoir du timonier un virage qui conduise finalement vers la bonne direction. Mais parfois, il peut arriver qu’elle s’égare, qu’elle se laisse aveugler par les illusions, au lieu de suivre le phare lumineux qui la conduit à bon port, ou d’être défiée par les vents contraires des difficultés, des doutes et des peurs.

Il en est de même aussi dans le cœur des disciples, lesquels, appelés à suivre le Maître de Nazareth, doivent se décider à passer sur l’autre rive, en choisissant avec courage d’abandonner leurs sécurités et de se mettre à la suite du Seigneur. Cette aventure n’est pas tranquille : la nuit arrive, le vent contraire souffle, la barque est ballotée par les vagues, et la peur de ne pas y arriver et de pas être à la hauteur de l’appel risque de les dominer.

L’Evangile nous dit, cependant, que dans l’aventure de ce voyage difficile, nous ne sommes pas seuls. Le Seigneur, presqu’en forçant l’aurore au cœur de la nuit, marche sur les eaux agitées et rejoint les disciples, il invite Pierre à venir à sa rencontre sur les vagues, il le sauve quand il le voit s’enfoncer, et enfin, il monte dans la barque et fait cesser le vent.

La première parole de la vocation, alors, est gratitude. Naviguer vers le juste cap n’est pas une tâche qui relève de nos seuls efforts, et ne dépend pas seulement des parcours que nous choisissons de faire. La réalisation de nous-mêmes et de nos projets de vie n’est pas le résultat mathématique de ce que nous décidons dans un « moi » isolé ; au contraire, elle est avant tout la réponse à un appel qui vient d’En-Haut. C’est le Seigneur qui nous indique le rivage vers lequel aller et qui, bien avant, nous donne le courage de monter sur la barque ; alors qu’il nous appelle, c’est lui qui se fait aussi notre timonier pour nous accompagner, nous montrer la direction, nous empêcher de nous échouer dans les écueils de l’indécision et nous rendre même capables de marcher sur les eaux agitées.

Toute vocation naît de ce regard aimant par lequel le Seigneur est venu à notre rencontre, peut-être alors même que notre barque était en proie à la tempête. « Plus qu’un choix de notre part, la vocation est la réponse à un appel gratuit du Seigneur » (Lettre aux prêtres, 4 août 2019) ; c’est pourquoi, nous réussirons à la découvrir et à l’embrasser, quand notre cœur s’ouvrira à la gratitude et saura saisir le passage de Dieu dans notre vie.

Quand les disciples voient Jésus s’approcher en marchant sur les eaux, ils pensent d’abord qu’il s’agit d’un fantôme et ils ont peur. Mais aussitôt Jésus les rassure par une parole qui doit toujours accompagner notre vie et notre chemin vocationnel : « Courage, c’est moi, n’ayez pas peur ! » (v.27). Justement c’est la seconde parole que je voudrais vous confier : courage.

Ce qui souvent nous empêche de marcher, de grandir, de choisir la voie que le Seigneur trace pour nous, ce sont les fantômes qui s’agitent dans notre cœur. Quand nous sommes appelés à laisser notre rivage de sûreté et à embrasser un état de vie – comme le mariage, le sacerdoce ordonné, la vie consacrée –, la première réaction est souvent représentée par le « fantôme de l’incrédulité » : ce n’est pas possible que cette vocation soit pour moi ; s’agit-il vraiment du juste chemin ? le Seigneur me demande-t-il vraiment cela ?

Et, peu à peu, croissent en nous toutes ces considérations, ces justifications et ces calculs qui nous font perdre l’élan, qui nous troublent et nous paralysent sur le rivage de départ : nous pensons avoir fait fausse route, ne pas être à la hauteur, avoir simplement vu un fantôme à chasser.

Le Seigneur sait qu’un choix fondamental de vie – comme celui de se marier ou de se consacrer de façon spéciale à son service – nécessite du courage. Il connaît les interrogations, les doutes et les difficultés qui agitent la barque de notre cœur, et c’est pourquoi il nous rassure : « N’aie pas peur, je suis avec toi ! ». La foi en sa présence, qui vient à notre rencontre et nous accompagne, même quand la mer est en tempête, nous libère de cette acédie que j’ai déjà eu l’occasion de définir comme une « douce tristesse » (Lettre aux prêtres, 4 août 2019), c’est-à-dire ce découragement intérieur qui nous bloque et ne nous permet pas de goûter la beauté de la vocation.

Dans la Lettre aux prêtres, j’ai parlé aussi de la souffrance, mais ici je voudrais traduire autrement ce mot et me référer à la fatigue. Toute vocation comporte un engagement. Le Seigneur nous appelle parce qu’il veut nous rendre comme Pierre, capables de « marcher sur les eaux », c’est-à-dire de prendre en main notre vie pour la mettre au service de l’Evangile, dans les modes concrets et quotidiens qu’il nous indique, et spécialement dans les diverses formes de vocation laïque, presbytérale et de vie consacrée. Mais nous ressemblons à l’Apôtre : nous avons le désir et l’élan, cependant, au même moment, nous sommes marqués par des faiblesses et des craintes.

Si nous nous laissons emporter par la pensée des responsabilités qui nous attendent – dans la vie matrimoniale ou dans le ministère sacerdotal – ou par les épreuves qui se présenteront, alors nous détournerons vite notre regard de Jésus et, comme Pierre, nous risquerons de couler. Au contraire, même dans nos fragilités et nos pauvretés, la foi nous permet de marcher à la rencontre du Seigneur Ressuscité et de vaincre même les tempêtes. En effet, il nous tend la main quand, par fatigue ou par peur, nous risquons de couler, et il nous donne l’élan nécessaire pour vivre notre vocation avec joie et enthousiasme.

Enfin, quand Jésus monte sur la barque, le vent cesse et les vagues s’apaisent. C’est une belle image de ce que le Seigneur opère dans notre vie et dans les tumultes de l’histoire, spécialement quand nous sommes dans la tempête : Il commande aux vents contraires de se calmer, et les forces du mal, de la peur, de la résignation n’ont plus pouvoir sur nous.

Dans la vocation spécifique que nous sommes appelés à vivre, ces vents peuvent nous épuiser. Je pense à ceux qui assument d’importantes charges dans la société civile, aux époux que, non pas par hasard, j’aime définir comme « les courageux », et spécialement à ceux qui embrassent la vie consacrée et le sacerdoce. Je connais votre fatigue, les solitudes qui parfois alourdissent le cœur, le risque de l’habitude qui petit à petit éteint le feu ardent de l’appel, le fardeau de l’incertitude et de la précarité de notre temps, la peur de l’avenir. Courage, n’ayez pas peur ! Jésus est à côté de nous et, si nous le reconnaissons comme l’unique Seigneur de notre vie, il nous tend la main et nous saisit pour nous sauver.

Et alors, même au milieu des vagues, notre vie s’ouvre à la louange. C’est elle la dernière parole de la vocation, et elle veut être aussi l’invitation à cultiver le comportement intérieur de la sainte Vierge Marie : reconnaissante pour le regard de Dieu qui s’est posé sur elle, confiant dans la foi ses peurs et ses troubles, embrassant avec courage l’appel, elle a fait de sa vie un éternel chant de louange au Seigneur.

Chers frères et sœurs, spécialement en cette Journée, mais aussi dans l’action pastorale ordinaire de nos communautés, je désire que l’Eglise parcoure ce chemin au service des vocations, en ouvrant des brèches dans le cœur de chaque fidèle, pour que chacun puisse découvrir avec gratitude l’appel que Dieu lui adresse, trouver le courage de dire « oui », vaincre la fatigue dans la foi au Christ et, enfin, offrir sa vie comme un cantique de louange pour Dieu, pour les frères et pour le monde entier. Que la Vierge Marie nous accompagne et intercède pour nous.

Rome, Saint Jean de Latran,
8 mars 2020, deuxième dimanche de Carême.