François Régis-Clet… Un missionnaire en départ… qui a montré le chemin au jeune Jean-Gabriel Perboyre

Surprenante et inattendue a été pour nous tous cette année 2020. Quand avons-nous imaginé être confinés dans nos maisons comme si nous étions des moines de stricte observance monastique ! Nous avons dû lâcher l’accélérateur, ce que saint Vincent appelait « un zèle excessif » qui, dans certains cas, ne nous laisse le temps ni de prendre le repas ni du partage fraternel.

François Régis-Clet… Un missionnaire en départ… qui a montré le chemin au jeune Jean-Gabriel Perboyre

P. Marlio Nasayó Liévano, c.m.
P. Marlio Nasayó Liévano, c.m.

Province de Colombie

Surprenante et inattendue a été pour nous tous cette année 2020. Quand avons-nous imaginé être confinés dans nos maisons comme si nous étions des moines de stricte observance monastique ! Nous avons dû lâcher l’accélérateur, ce que saint Vincent appelait « un zèle excessif » qui, dans certains cas, ne nous laisse le temps ni de prendre le repas ni du partage fraternel. Cette accélération qui à maintes reprises nous a amenés à sauter la prière ou à la faire en toute hâte et à négliger le temps de l’oraison. Ce zèle excessif est du au fait, qu’en dehors de nos maisons, des pauvres, des malades et des paroissiens nous attendent pour des visites, l’onction des malades, les célébrations de l’eucharistie, quelques fois dans un village éloigné. Maintenant le Seigneur nous dit de mettre de côté, au moins pour un temps, ces 400 ans où nous avons été « apôtres des campagnes », des plaines, des villes et des montagnes … Pour devenir « chartreux à la maison » … Pour prier davantage, pour approfondir sa Parole et pour affermir davantage notre vocation et notre mission. Et tant mieux, car nous pouvons Lui demander : combien de temps allons-nous être ainsi, en suspens ?

Cette année, dans les éphémérides vincentiennes, nous avons trouvé au moins trois commémorations de centenaire qui ont été déplacées pour un autre moment, ou du moins nous n’avons pu les célébrer avec le faste qui a entouré le centenaire de la mort des Fondateurs ou bien, le 400ème anniversaire du début du charisme vincentien. Ces commémorations sont : le premier centenaire de la béatification de Mlle Legras (9 mai 1920), les martyrs d’Arras (13 juin 1920), et avant eux, le bicentenaire du martyre du père Clet (18 février 1820).

Précisément, nous sommes proches de la célébration liturgique de notre frère saint François-Régis Clet. Célébration que nous réalisons depuis sa canonisation le 9 juillet, avec les 120 autres martyrs qui, comme lui, ont versé leur sang pour le Christ, l’Église et les pauvres de la Chine. J’offre quelques lignes pour notre prière, notre méditation et notre réflexion dans cette célébration atypique correspondant à cette année.

Notre frère est entré dans la Congrégation de la Mission… Oui, il est entré pour la mission, formant d’abord des missionnaires vincentiens et des agents diocésains dans son pays. Mais, il a eu aussi l’audace et le courage d’accueillir la nouveauté dans un pays lointain, la Chine, avec un autre peuple, une autre culture, une autre langue et une autre religion … Il a retiré ses mains d’un bureau français pour aller les « salir » sur les plaines brûlantes de la réalité chinoise et ainsi devenir, comme l’a dit le pape François, un héraut de l’Évangile, un « hôpital de campagne » où la volonté de Dieu l’a placé.

Le Seigneur n’est-Il pas en train de nous préparer pour aller vers des nouveaux aréopages lorsque cette pandémie disparaîtra ? Si la Congrégation a été audacieuse à d’autres époques alors qu’elle était plus petite, comment pourrait-il en être autrement maintenant qu’elle est plus importante en nombre ? Le 1% de confrères que le Père Général a promis au Pape pour les missions, ne serait-il pas la graine de moutarde que le Seigneur fera pousser dans ces champs où les pauvres nous attendent de toute urgence ?

Lorsque la pandémie prendra fin et que nous cesserons d’être « chartreux chez nous » et que nous redeviendrons des « apôtres sur le terrain », nous repartirons sur les chemins du monde avec le zèle d’avant, avec une vigueur missionnaire renouvelée, avec un cœur plein du Seigneur et avec notre « sac-à-dos missionnaire » qui, comme celui de Clet, portera : l’Écriture Sainte, le bréviaire, les Règles Communes, les Constitutions, la croix des vœux, le  chapelet,… Mais nous, contrairement à lui, porterons de nouveaux instruments pour transmettre l’Évangile, qui ne seront plus la bouteille d’encre, le stylo et un cahier de 100 feuilles, mais les médailles miraculeuses, le téléphone mobile et l’ordinateur afin de mieux diffuser le message du Christ évangélisateur des pauvres à partir de n’importe quelle colline jusqu’à atteindre les extrémités du monde. Paraphrasant notre fondateur, le défi est sûrement de devenir « inventifs jusqu’à l’infini », dans les parcelles connues et dans celles qui s’apprêtent à être labourées et ensemencées.

Si nous pensons l’évangélisation vers l’extérieur, aussi bien les missionnaires de l’aube comme ceux à l’heure de midi qui, avec santé et zèle, peuvent aller vers des nouvelles moissons, nous ne pouvons pas oublier les missionnaires plus âgés fatigués par le poids du jour et la chaleur (Mt. 20,13) qui maintenant, avec diverses limitations, sont dans nos maisons de retraite. Envers eux, nous devons avoir des attitudes de proximité, d’affection et de gratitude, car ils ont été les piliers sur lesquels la Communauté a été construite, et que grâce à eux, nous sommes ce qui nous sommes aujourd’hui.

François-Régis Clet fut un missionnaire rempli de zèle apostolique et en bonne santé. Cependant, malgré son expérience et sa vigueur, la persécution et la mort l’ont touché « les armes à la main » (SVP). Cela reste l’idéal, mais tous les missionnaires n’ont pas la santé et l’énergie que Clet avait. Son exemple devrait nous conduire à travailler dans la mesure où les forces nous accompagnent. Les uns et les autres, missionnaires du matin avec des illusions pleines d’espoir, ceux du midi au milieu des fatigues et ceux du soir avec leur désir et leur prière et leur sacrifice continus. Car il n’y a pas de place pour la paresse. Nous sommes tous missionnaires, depuis les premiers pas au séminaire jusqu’au crépuscule de l’existence.

Au fil de tout, en tant que missionnaires nous sommes fils de la Divine Providence, nous sommes entre ses mains. N’oublions pas qu’après chaque tempête vient le calme. Et que, comme écrivait saint Vincent à M. Bernard Codoing le 16 mars 1644, « la grâce a ses moments ». Cette pandémie est la grâce et la bonté de Dieu.

Nous avons besoin des yeux de la foi, d’un cœur converti, d’une écoute joyeuse de la Parole de Dieu, des demandes de charité entre nous et avec les pauvres et d’une joyeuse espérance puisque nous sommes entre les mains de la Providence qui nous portera toujours avec amour et tendresse dans ses bras. Elle nous montrera de nouveaux horizons devant lesquels nous ne pouvons pas être inférieurs comme nos aînés ne l’étaient pas non plus, comme l’a fait notre confrère missionnaire François-Régis Clet.

Et je conclus avec ce beau poème du Père José Luis Blanco Vega, s.j. (+2005), peut-être inspiré par Jérémie 1,11-12. Il est un baume en ces temps sombres, avec la certitude sereine qu’une lumière brillera au bout du tunnel :

 

« Que vois-tu dans la nuit ?

Parle-nous, sentinelle !

Dieu comme un amandier

Avec la fleur éveillée ;

Dieu qui ne dort jamais

Cherche quelqu’un qui ne dort pas,

Et parmi les dix vierges

Seulement cinq étaient éveillées.

 

Coqs vigilants

La nuit, ils alertent.

Qui a renié trois fois

Par trois autres fois confessera,

Et il avoue par les pleurs

Ce que la peur nie.

 

Mort, on le descendait

A la nouvelle tombe.

Jamais si profond

La terre a gardé le soleil.

La montagne a crié,

Pierre contre pierre.

 

J’ai vu le ciel nouveau

Et la terre nouvelle.

Christ parmi les vivants,

Et la mort morte.

Dieu dans les créatures,

Et elles étaient toutes bonnes ! »

Cinq lamentations en temps de crise

Dans l’Écriture, le livre des Lamentations de Jérémie, attribué au prophète et écrit vers 587 av. J.-C., exprime la souffrance du peuple qui a été causée par la destruction du Temple. Ce livre ne révèle pas seulement les sentiments religieux de cette destruction, mais révèle aussi les conséquences de cette même destruction, à savoir la solitude, la faim, les souffrances des femmes, des enfants et des personnes âgées…

Cinq lamentations en temps de crise

P. Orlando ESCOBAR, CM
P. Orlando ESCOBAR, CM

Cuba

Dans l’Écriture, le livre des Lamentations de Jérémie, attribué au prophète et écrit vers 587 av. J.-C., exprime la souffrance du peuple qui a été causée par la destruction du Temple. Ce livre ne révèle pas seulement les sentiments religieux de cette destruction, mais révèle aussi les conséquences de cette même destruction, à savoir la solitude, la faim, les souffrances des femmes, des enfants et des personnes âgées… Et il est fait référence à la chute de la capitale, Jérusalem : « La voilà donc assise, solitaire, la ville si populeuse, semblable à une veuve, la reine des nations, souveraine des peuples, devenue esclave ! » (Lamentations de Jérémie 1, 1).

En regardant des photos des effets de la pandémie mondiale sur nos grandes villes (rues vides, pas de circulation automobile ni les habituels “embouteillages”, pas de bruit des gens ou des marchés, pas de musique ou de spectacles de rue, pas de mouvement effréné et précipité), j’ai pensé à plusieurs reprises à ces lamentations de l’Ancien Testament, écrites il y a plus de vingt-cinq siècles… J’ai réfléchi à la pertinence de leur message, d’autant plus que ces mots sont destinés à nous parler et à susciter une réponse..

Le prophète voyait la désolation et la lamentation ainsi que la souffrance et la douleur du peuple, il voyait que tout cela provenait du péché collectif du peuple : « ses fautes sans nombre » (1, 5) ; « [Jérusalem] elle est descendue au plus bas » (1, 9) ; « regardez et voyez s’il est une douleur pareille à la douleur que j’endure, celle dont le Seigneur m’afflige » (1, 12) ; « Le Seigneur, lui, est juste car je suis rebelle à sa parole » (1, 18) ; « mon cœur en moi se retourne car j’ai persisté dans ma rébellion » (1, 20). Il est naturel pour un homme religieux comme Jérémie de s’engager dans une lecture théologique et spirituelle de l’expérience des gens qui sont exilés, puis d’exprimer cette expérience sous forme de lamentations pour la douleur et la souffrance endurées.

Il ne serait pas approprié de dire que tout ce qui se passe dans le monde aujourd’hui est le résultat du péché, mais la crise que nous traversons devrait nous faire réfléchir sur ce qui se passe sur notre planète, sur l’humanité, sur nos systèmes économiques et de santé. Le pape François a très bien exprimé ce sentiment lors de sa bénédiction extraordinaire Orbi et Urbi du vendredi 27 mars 2020 :


« La tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ces sécurités, fausses et superflues, avec lesquelles nous avons construit nos agendas, nos projets, nos habitudes et priorités. Elle nous démontre comment nous avons laissé endormi et abandonné ce qui alimente, soutient et donne force à notre vie ainsi qu’à notre communauté. La tempête révèle toutes les intentions d’“emballer” et d’oublier ce qui a nourri l’âme de nos peuples, toutes ces tentatives d’anesthésier avec des habitudes apparemment “salvatrices”, incapables de faire appel à nos racines et d’évoquer la mémoire de nos anciens, en nous privant ainsi de l’immunité nécessaire pour affronter l’adversité.

(http://www.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2020/documents/papa-francesco_20200327_omelia-epidemia.html)

Le prophète fait référence à cinq lamentations. Lisons ces lamentations lentement afin que les mots puissent parler au cœur et y trouver une réponse… Chaque mot qui nous est adressé attend une réponse – et le silence est l’une de ces réponses. Dans les cinq réflexions qui suivent, je voudrais dire quelque chose sur les réalités qui y sont exprimées : 1) la désolation, 2) la faim, 3) l’espérance, 4) l’effondrement de la ville, 5) la souffrance des personnes âgées. J’espère que notre lecture et notre réflexion sur ces lamentations nous amèneront, comme le prophète, à prier – la lamentation, les larmes et les souffrances sont des formes authentiques de prière – et donc, à approfondir notre espérance et notre confiance. Peut-être que l’espérance et la confiance sont nos meilleures réponses à ces mots, à ces lamentations et pour affronter cette période difficile pour l’humanité. En effet, l’espérance et la confiance sont nécessaires pour nous maintenir actifs chez nous, actifs dans la prière, luttant et attendant…

Première Lamentation (chapitre 1) : la désolation

La première lamentation du prophète est la désolation :


« La voilà donc assise, solitaire, la ville si populeuse, semblable à une veuve, la reine des nations, souveraine des peuples, devenue esclave ! Elle pleure, elle pleure dans la nuit, les larmes couvrent ses joues : personne pour la consoler parmi ceux qui l’aimaient ; ils l’ont trompée, tous ses amis, devenus ses ennemis », (1, 1-2).
« Elle est déportée, Juda, misérable, durement asservie ; assise au milieu des nations, elle ne trouve pas de repos », (1, 3).
« Les routes de Sion sont en deuil, car personne ne vient à ses fêtes : toutes ses portes sont à l’abandon », (1, 4).
« Ses adversaires la dominent », (1, 5).
« De la fille de Sion toute splendeur s’est retirée », (1, 6).
« Tous ceux qui la glorifiaient la méprisent voyant sa nudité ; elle aussi gémit et se détourne », (1, 8).
« Le Seigneur me livre à l’abandon, malade à longueur de jour », (1, 13).
« Le Seigneur me livre à des mains qui m’empêchent de me relever », (1, 14).
« Il est loin de moi, le consolateur qui me rendrait la vie, (1, 16).

La pandémie a laissé nos cités, nos villes abandonnées… Même des animaux que nous n’avions pas vus depuis longtemps sont sortis de la forêt. En quelques jours, les plans de l’humanité ont été modifiés. Les frontières ont été fermées, les pays et les continents se retrouvèrent enfermés. J’admets que la première fois que j’ai entendu parler du nord de l’Italie s’isoler du sud afin d’empêcher la propagation de la pandémie, j’ai pensé que ce n’était pas seulement inutile, mais aussi que cela était exagéré et impossible. J’ai rapidement appris qu’il n’y avait pas d’autre moyen d’empêcher la propagation de ce virus. Puis les États-Unis ont fermé leurs frontières à la plupart des vols transatlantiques et de nombreux pays ont fermé non seulement leurs frontières extérieures mais aussi leurs frontières intérieures, interdisant les voyages d’une ville à l’autre. Bon nombre de ces restrictions sont toujours en place et on ne sait pas quand elles seront levées.

En cette période de mondialisation, le monde n’est pas habitué aux limitations et aux restrictions drastiques qui ont été imposées aux voyages, aux affaires et au tourisme. Pourtant, en quelques heures, sans aucune préparation, nous avons été forcés de nous concentrer sur une réalité unique : comment contrôler la propagation d’un virus. Il y a quelques mois, je me préparais à prêcher une retraite, d’autres préparaient les célébrations de la Semaine Sainte et d’autres encore étudiaient les possibilités d’emploi après l’obtention de leur diplôme. Toute la famille, le maire, le gouverneur de Cuba et l’institution se sont engagés dans la planification pour les mois à venir… Et ensuite, tous ces plans ont été mis en attente.

Nous apprenons à nouveau des choses comme passer du temps ensemble et valoriser les petites choses (des choses qui étaient auparavant inaperçues). Nous en sommes venus à comprendre que les plans peuvent changer d’un jour à l’autre (les gens sont dans l’impossibilité de se réunir pour enterrer leurs proches et ne peuvent pas participer aux sacrements). Cela nous a obligés à être créatifs en proclamant la Parole. Comme cela s’est produit dans d’autres luttes passées, l’humanité réussira ce test. Manuel Castells (éminent sociologue et Ministre des Universités d’Espagne), dans un récent article de La Vanguardia du 21 mars, intitulé « Tiempo de virus » [Au temps du virus], écrit ceci en conclusion :

« Nous sortirons de cette période de pandémie, oui mais nous ne sortirons pas comme nous y sommes entrés. Il se peut que nous devions traverser une longue période de changement dans le modèle de consommation. Mais je pourrais aussi être régénéré en retrouvant le simple plaisir de vivre, ancré dans nos familles, nos amitiés et nos amours. Au-delà de l’irritation normale qui résulte d’une longue période d’enfermement, nous réalisons que ce sont ces sentiments et notre soutien mutuel qui nous auront soutenus. Peut-être réapprendrons-nous la valeur de la vie, et cela nous permettra d’éviter les autres catastrophes qui nous attendent si nous continuons dans notre course destructrice et prétentieuse vers l’avenir dont on ne sait quoi ni pourquoi. »

Deuxième lamentation (chapitre 2) : la faim

« Mes yeux sont usés par les larmes, mes entrailles frémissent ; je vomis par terre ma bile face au malheur de la fille de mon peuple, alors que défaillent petits enfants et nourrissons sur les places de la cité. À leur mère ils demandent : « Où sont le froment et le vin ? » alors qu’ils défaillent comme des blessés sur les places de la ville et qu’ils rendent l’âme sur le sein de leur mère. », (2, 11-12).

« Lève-toi ! Pousse un cri dans la nuit au début de chaque veille ; déverse ton cœur comme l’eau devant la face du Seigneur ; élève les mains vers lui pour la vie de tes petits enfants qui défaillent de faim à tous les coins de rue. », (2, 19).

La désolation de la ville cède la place à quelque chose de plus horrible et insupportable : la faim. Des enfants pleurent pour avoir de la nourriture et pour rester vivants. Maintenant, la préoccupation de beaucoup n’est pas la propagation du virus mais plutôt la survie. Les quarantaines qui ont été mises en place pour préserver la santé publique ont laissé beaucoup de gens au chômage et n’ont pas permis à beaucoup d’autres personnes de quitter leur foyer pour obtenir des biens de première nécessité. Le drame de la pandémie a révélé le sens et l’importance du travail informel de millions d’hommes et de femmes qui dépendent de ce labeur pour fournir à leur famille leur pain quotidien.

Les gouvernements du monde entier, où la pandémie a fait sentir sa présence, ont du mal à revenir le plus tôt possible à une situation “normale”. Ils veulent revenir à la productivité d’avant et restaurer un sentiment de bien-être social, de confiance et de stabilité politique qui permettent la production de biens destinés à la consommation intérieure, à l’exportation et au respect des accords commerciaux. Nous avons bien vu comment l’accumulation de pétrole qui n’a pas été consommé a fait chuter son prix à des niveaux historiques jamais atteints et a paralysé les économies qui en dépendent.

Alors que plusieurs pays ont annulé l’exportation de ventilateurs, de respirateurs et de matériels pour les tests de laboratoire, d’autres ont fait preuve de créativité dans le développement de solutions à un prix beaucoup plus bas leur permettant de satisfaire leurs besoins internes. Cela a permis à ces pays d’éviter l’effondrement de leurs systèmes de santé tout en poussant les essais de nouveaux équipements et l’accélération des processus qui, dans des circonstances normales, prendraient des années. La pandémie a non seulement donné naissance à la créativité mais aussi à la solidarité : les entreprises ont modifié leurs objectifs afin de trouver des solutions pratiques aux problèmes auxquels le monde est confronté.

Notre principale préoccupation est la vie en protégeant la santé des hommes et des femmes. La faim, cependant, peut commencer à semer le chaos parce qu’il est presque impossible pour une économie, même les économies les plus développées, de maintenir de longues périodes improductives. Nous sommes confrontés à un dilemme parce qu’à un moment donné il pourrait devenir nécessaire de retourner au travail pour vivre… Et ce faisant nous courons le risque de rechuter. Sinon, comme l’a dit le professeur et psychiatre León Cohen dans une interview, nous nous plaçons au bord du chaos social :

« Quelle est votre plus grande peur ? La pauvreté post-pandémique ? Il y aura beaucoup de gens qui n’auront pas d’argent pour se nourrir. Par conséquent, tous ceux qui survivent à cette pandémie doivent répondre de façon visible et concrète aux cris de la population. Sinon, nous sommes à un pas de ce qui se passe dans le sud de l’Italie, le chaos social… Sauf que cette fois le chaos sera pire parce qu’il sera motivé par la faim. »

Troisième lamentation (chapitre 3) : l’espérance

À proprement parler, l’espérance n’est pas une lamentation. Néanmoins, dans le chapitre central des Lamentations de Jérémie, nous trouvons une discussion sur la prière, la confiance et l’espérance. Les prophètes ne voient pas tout comme une lamentation et, par conséquent, ils considèrent toute réalité comme une raison de dénoncer. Les prophètes d’Israël ont joué un rôle de premier plan dans la vie des gens, en particulier pendant les périodes de procès. Ils ont instillé l’espérance dans le peuple, l’espérance qui a maintenu leur désir de rentrer chez eux vivants (aucun mal ne peut durer cent ans).

Le prophète déclare :

« Rappelle-toi ma misère et mon errance, l’absinthe et le poison. Elle se rappelle, mon âme, elle se rappelle ; en moi, elle défaille. », (3, 19-20).
Néanmoins, Jérémie se souvient d’une autre réalité qui lui donne l’espérance :

« Grâce à l’amour du Seigneur, nous ne sommes pas anéantis ; ses tendresses ne s’épuisent pas ; elles se renouvellent chaque matin, – oui, ta fidélité surabonde. Je me dis : “Le Seigneur est mon partage, c’est pourquoi j’espère en lui.” » (3, 22-24).

Bien que la peine a été profonde, l’espérance se lève de l’abîme comme un bouclier et une forteresse… Quelque chose de similaire à la résurrection à partir de la poussière.

Tout au long de cette pandémie, nous avons aussi entendu les voix de l’espérance… En commençant par les paroles que le Pape nous a communiquées au milieu de la tristesse. La chancelière allemande Angela Merkel, qui a joué un rôle de chef de file dans cette situation sans précédent, a déclaré le 18 mars, lors de son exceptionnelle allocution télévisée :

« Je crois fermement que nous réussirons dans cette tâche si tous les citoyens la considèrent vraiment comme leur tâche. Laissez-moi vous dire : c’est sérieux. Prenez-le au sérieux aussi… Même si nous n’avons jamais rien vécu de tel, nous devons démontrer que nous agissons avec affectivité et de façon raisonnable et ainsi, nous sauverons des vies. Cela dépend de chaque individu… Il n’y a aucune exception… Cela dépend de nous tous ! »

En ces temps difficiles, nous avons besoin de cette espérance – un espérance responsable. Cette espérance est placée dans l’humanité et par conséquent nous pourrions tous être meilleurs à la suite de ce que nous avons vécu. D’autres disent que nous oublierons bientôt la pandémie et retournerons à nos vieilles habitudes. Néanmoins, notre espérance d’une humanité meilleure est enracinée non seulement dans la capacité des hommes et des femmes mais aussi dans la confiance que nous plaçons en Dieu qui, dans sa providence, guide le monde :

« Car le Seigneur ne rejette pas pour toujours ; s’il afflige, il fera miséricorde selon l’abondance de sa grâce ; ce n’est pas de bon cœur qu’il humilie, qu’il afflige les enfants des hommes », (3, 31-33).

Ce n’est pas la première fois que le monde connaît une pandémie. Dieu ne nous a pas infligé ce virus, mais nous espérons que Dieu nous donnera la force de traverser cette période difficile.

Nous pouvons aussi profiter de cette situation pour nous convertir. Ce n’est pas une simple coïncidence si cette pandémie a explosé devant nous pendant le temps du Carême et nous a privés de célébrer la Semaine Sainte en tant que communauté. Cela ne doit cependant pas être considéré comme un obstacle à la prière ni comme un obstacle à la conversion et à un nouveau départ. En effet, au milieu de ses lamentations sur la désolation, la famine et d’autres maux, le prophète a le temps et la foi pour proclamer :

« Examinons nos chemins, scrutons-les et revenons au Seigneur ; élevons notre cœur et nos mains vers Dieu qui est au ciel », (3, 40-41).
C’est une période de crise mais c’est aussi une période d’espérance, de réflexion et de prière. Nous sortirons de cette situation comme des meilleures personnes si, avec notre lamentation, nous entrons dans les profondeurs de notre cœur, nous ouvrons aux autres et faisons monter nos prières à Dieu, en espérant fermement dans sa miséricorde et dans son grand amour… « Ses tendresses ne s’épuisent pas ; elles se renouvellent chaque matin », (3, 22-23).

Quatrième lamentation (chapitre 4) : l’effondrement de la ville

Les prophètes d’Israël ne sont pas des politiciens mais se livrent à des activités politiques parce qu’ils vivent dans une théocratie où les fonctions sacerdotales et prophétiques sont liées aux fonctions du roi. Les rois s’appuyaient sur les prophètes non seulement pour l’onction, mais ils consultaient aussi les prophètes en ce qui concerne les oracles et demandaient leur intercession auprès de Dieu. Les prophètes, à de multiples occasions, ont été victimes des mauvais actes des dirigeants (ils ont été persécutés, emprisonnés et même tués).

Les Lamentations de Jérémie ne font pas exception. L’exil babylonien (587 avant JC) a eu de grandes répercussions politiques parce que le Temple a été détruit et que l’identité religieuse et morale du peuple s’en est trouvée brouillée. Néanmoins, il y avait un petit groupe de personnes, le « petit reste », qui demeurait fidèle aux promesses divines, aux pratiques religieuses et aux principes moraux qui étaient résumés dans le Décalogue. L’identité nationale et politique du peuple est liée à son identité religieuse. Les répercussions de l’exil étaient nécessairement politiques et c’est pourquoi le rôle des prophètes est d’une grande importance et d’une grande portée.

« La faute de la fille de mon peuple a dépassé le péché de Sodome qui fut anéantie en un instant sans qu’on ait porté la main contre elle. », (4, 6).
« Ils ne croyaient pas, les rois de la terre, ni aucun habitant du monde, que l’adversaire, l’ennemi, franchirait les portes de Jérusalem. », (4, 12).
« On nous a chassés et pourchassés : nous ne pouvons plus aller sur nos places. Notre fin approche, nos jours sont comptés ; notre fin est arrivée. », (4, 18).
Le prophète Jérémie jugeait la situation de désolation comme une conséquence du péché et la punition, qui arriva par surprise, était la punition de Dieu et donc cela exigeait une plus grande vigilance et une mobilité restreinte.
C’est une période de crise et les prophètes disent clairement les choses. Francisco de Roux, jésuite, philosophe et économiste, écrit :

« Nous nous croyions invincibles. Nous allions quadrupler la production mondiale au cours des trois prochaines décennies. En 2021, nous aurions eu la croissance la plus élevée jusqu’à présent au cours de ce siècle. Nous avons tué 2000 espèces par an, affichant notre brutalité. Nous avions établi comme morale que le bien est tout ce qui augmente le capital et le mal est ce qui le diminue, et les gouvernements et les armées s’occupent de l’argent mais pas du bonheur.

Il est devenu normal pour nous d’avoir les dix pour cent les plus riches du monde, y compris en Colombie, qui maintiennent 90 % de la croissance des revenus chaque année. Nous avions exclu les peuples autochtones et les Noirs en les considérants comme inférieurs. Les jeunes hommes avaient quitté les champs parce qu’ils avaient honte d’être paysans. Nous avons financé la recherche pour déplacer l’échéance de la mort au-delà de 150 ans.

Il y avait des questions embarrassantes. Pour les oblitérer, nous nous sommes convaincus que nous pouvions nous passer de la réalité. Avec Baudrillard et d’autres philosophes, nous nous sommes aliénés dans un monde “non réalisé” et avons choisi des dirigeants puissants qui ont mis la vérité de côté. Et nous avons consommé de la malbouffe, des fantasmes et des émotions que nous avons trouvés sur Netflix, YouTube, Facebook, des informations sur les célébrités et même de la pornographie en ligne, dans lesquelles nous nous sommes coincés la tête comme des autruches.

Il y avait les peuples autochtones, les jeunes et les groupes de femmes et d’hommes qui nous disaient que nous avions perdu le chemin de la réalité et du mystère. Que les conditions étaient en place pour une fraternité planétaire. Nous les avons qualifiés d’arriérés et d’ennemis du progrès. Se proclamer athée, ce qui peut être une décision intellectuelle honnête, est devenu pour beaucoup une démonstration d’autosuffisance. Homo Deus, L’homme comme Dieu, était le titre du livre de Noah Harari que nous avons dévoré.

Mais tout à coup, la réalité est arrivée. Le coronavirus nous a éloignés de l’illusion d’être des dieux. Nous sommes déroutés et humiliés en regardant le nombre réel de personnes infectées et décédées. Et nous ne savons pas quoi faire. Face à cette réalité, Harari fait maintenant référence à un esprit de solidarité qu’il n’avait jamais vu auparavant. »

(Francisco de Roux, SJ, We Believed Ourselves Invincible ; https://www.amazonteam.org/we-believed-ourselves-invincible-francisco-de-roux/ – original en espagnol : “Nos creíamos invencibles” ; https://www.semana.com/contenidos-editoriales/colombia-como-nunca-unida/articulo/la-reflexion-del-padre-francisco-de-roux-ante-el-coronavirus/659949)

À la lumière de cette chute, pas nécessairement la chute d’une capitale ancienne comme Sodome, ni la chute d’une capitale moderne comme Wuhan, Madrid ou New-York, ni la chute d’un système comme le capitalisme, mais en termes généraux, qu’apprendrons-nous sur l’avenir immédiat de l’humanité alors que cette horrible nuit touche à sa fin ?

Cinquième et dernière lamentation (chapitre 5) : la souffrance des personnes âgées

La souffrance des nourrissons et des enfants, des femmes et des veuves, des jeunes et des vieilles personnes, des prêtres et des prophètes, et même des riches, a trouvé un écho dans la lamentation du prophète :

« Ils gisent par terre dans les rues, l’adolescent et le vieillard ; mes vierges et mes jeunes gens sont tombés par l’épée. », (2, 21).
« Les anciens de la fille de Sion, assis par terre, se taisent, ils ont couvert leur tête de poussière et revêtu des toiles à sac ; elles inclinent la tête vers la terre, les vierges de Jérusalem. », (2, 10).
« Les mangeurs de mets délicats dépérissent dans les rues ; ceux qui vivaient dans le luxe se retrouvent sur le fumier. », (4, 5).
« Les anciens ne tiennent plus conseil à la porte, et les jeunes ont cessé leurs chansons. », (5, 14).

Beaucoup ont dit que le virus n’a pas respecté les classes sociales… Riches et pauvres ont été affectés, des personnes de tous âges ont été infectées, mais les personnes âgées semblent être les plus vulnérables. Les maisons de retraite ont vu un grand nombre de leurs résidents être infectés et mourir. Nous ne savons pas encore quelle sera la forme de cette pandémie dans les pays du tiers monde. Dans de nombreuses régions du monde, les personnes âgées de plus de 70 ans doivent observer un confinement plus strict parce qu’elles sont plus vulnérables. Ce fut une véritable tragédie pour les personnes âgées.

Le théologien Consuelo Vélez, lorsqu’il parle de la souffrance de l’humanité, déclare :

« En ce moment, Dieu nous accompagne tous pour que nous puissions accepter cette réalité et aller de l’avant. Dieu meurt avec chaque victime de cette pandémie et guérit tous ceux qui ont pu se rétablir. Dieu a peur avec tous ceux qui craignent d’être infectés et souffrent des conséquences qui en résultent, en particulier des conséquences économiques qui touchent les hommes et les femmes pauvres. Mais Dieu n’a-t-il pas le pouvoir de nous délivrer de manière définitive de ce mal ? Une fois de plus, cependant, nous voyons que ce règne de Dieu proclamé par Jésus n’est pas le règne de Dieu de la puissance qui change les choses par magie. Au contraire, ce Dieu s’est incarné au milieu de l’humanité et dépend donc de chaque fils et fille pour créer une nouvelle histoire. Pour aller de l’avant avec cette pandémie, nous avons besoin des efforts humains au niveau scientifique pour produire un vaccin et nous avons aussi besoin de gens généreux pour accepter cette situation et la surmonter. Dieu a créé le monde et a confié le monde à l’humanité, en faisant confiance dans la façon dont elle saura gérer et maintenir le monde selon le dessein de Dieu. » (Extrait de l’article original “Este situación nos confronta con la limitación humana, con nuestra vulnerabilidad” [Cette situation nous confronte à nos limites humaines et à notre vulnérabilité]).

Les lamentations des prophètes que nous avons évoquées dans ces pages et que nous avons tenté d’appliquer à la situation actuelle ouvrent la porte à la joie. Au moment où toutes ces lamentations étaient une réalité omniprésente, le prophète Jérémie, après avoir réfléchi à cette réalité, a écrit une lettre aux exilés et leur a communiqué un message d’espoir pour un avenir meilleur, un avenir qui commencerait après une période d’incertitude et de souffrance :

« Bâtissez des maisons et habitez-les, plantez des jardins et mangez de leurs fruits. Prenez des femmes et engendrez des fils et des filles, prenez des femmes pour vos fils ; donnez vos filles en mariage, et qu’elles enfantent des fils et des filles ; multipliez-vous là-bas, et ne diminuez pas ! Recherchez la paix en faveur de la ville où je vous ai déportés, et intercédez pour elle auprès du Seigneur, car de sa paix dépend votre paix », (Jér 29, 5-7).

« Oui, ainsi parle le Seigneur : Dès que les soixante-dix ans seront révolus pour Babylone, je vous visiterai, j’accomplirai pour vous ma parole de bonheur, en vous ramenant en ce lieu. Car moi, je connais les pensées que je forme à votre sujet – oracle du Seigneur –, pensées de paix et non de malheur, pour vous donner un avenir et une espérance. Vous m’invoquerez, vous approcherez, vous me prierez, et je vous écouterai. Vous me chercherez et vous me trouverez ; oui, recherchez-moi de tout votre cœur », (Jér 29, 10-13).

N’est-il pas incroyable que ces lamentations qui ont été écrites il y a plus de deux mille ans puissent continuer à nous parler aujourd’hui ! Cette réalité révèle que les mots peuvent en effet nous enseigner, nous exhorter et nous encourager dans toutes les situations. Nous devons simplement maintenir notre foi. Dieu guide l’histoire et, dans sa providence, Il ne nous abandonne jamais. Le Seigneur, qui a libéré son peuple de la captivité, sait ce que nous vivons aujourd’hui et Il nous emmènera par la main et nous conduira vers des havres sûrs.

Par Orlando ESCOBAR, CM
Cuba
Traduit de l’anglais
Par P. Jérôme DELSINNE, CM

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Cinq ans après l’encyclique “Laudato si'”

"Je renouvelle mon appel urgent à répondre la crise écologique. Le cri de la terre et le cri des pauvres ne peut plus attendre”. C’est ainsi que le Pape François invite tout le monde à célébrer le 5e anniversaire de la lettre encyclique « Laudato si’ : sur la protection de la maison commune ». Par le biais d’un message-vidéo, le Pape encourage l’Église à célébrer la semaine Laudato Si’ du 16 au 24 mai 2020. Gardons la création, don de notre Bon Dieu Créateur

Cinq ans après l’encyclique “Laudato si'”

« Je renouvelle mon appel urgent à répondre la crise écologique. Le cri de la terre et le cri des pauvres ne peut plus attendre”. C’est ainsi que le Pape François invite tout le monde à célébrer le 5e anniversaire de la lettre encyclique « Laudato si’ : sur la protection de la maison commune ». Par le biais d’un message-vidéo, le Pape encourage l’Église à célébrer la semaine Laudato Si’ du 16 au 24 mai 2020. Gardons la création, don de notre Bon Dieu Créateur”

Si nous avons pensé à une semaine de nombreuses « activités pro-environnementales », la pandémie COVID-19 et les restrictions qu’elle implique, nous obligent à une réorientation dans ce qui est bon pour célébrer cette date importante. La vérité est que nous n’allons pas passer la semaine à ramasser des ordures dans les rues, à planter des arbustes dans des endroits verts ou à tenir des forums sur les questions environnementales, bien qu’elles soient toutes des activités importantes.

Alors, comment pouvons-nous marquer cette date importante où le Pape a donné à l’Église et au monde une profonde réflexion sur la crise environnementale et notre responsabilité de la réparer ? La clé de la réponse est peut-être dans langage du Pape dans la même encyclique, en particulier en deux termes largement utilisés : la conversion écologique et l’écologie intégrale.

Nous pouvons profiter de la particularité de ce temps où nous sommes à la maison pour faire un examen de conscience et nous demander si la conversion écologique que le Pape nous a invité à vivre s’est profondément enracinée dans notre vie. La véritable conversion change notre perspective et fait évidemment naître de nouvelles façons d’agir. Toute conversion commence par l’humble reconnaissance que « nous avons péché ». Dans ce cas, nous acceptons que notre relation avec la création n’est pas ce que le Créateur attend de nous ; que l’humanité a oublié sa place dans le plan créatif de Dieu, elle a commis une erreur en mettant l’accent sur la « la domination sur » la création plutôt que de maintenir l’harmonie établie par le Créateur depuis l’origine.

Mais comme il ne suffit pas demeurer sous la Croix du Vendredi Saint, nous sommes invités à vivre la résurrection et la nouvelle vie que Dieu veut pour l’humanité et toute création. Il n’est pas trop tard pour revenir sur la bonne voie et rétablir la bonne relation avec la Terre Mère, tout comme « Le Créateur ne nous abandonne pas, jamais il ne fait marche arrière dans son projet d’amour, il ne se repent pas de nous avoir créés » (LS 13). Et comme nous sommes tous impliqués dans la dégradation de la création, nous jouons tous un rôle important dans sa restauration.

En célébrant la Semaine LAUDATO SI’ en ce temps pascal nous avons l’occasion d’approfondir sur la conversion écologique, « qui implique de laisser jaillir toutes les conséquences de leur rencontre avec Jésus-Christ sur les relations avec le monde qui les entoure » (LS 217).

La véritable conversion dans nos vies ne reste jamais dans la pensée et le sentiment, mais se manifeste joyeusement dans des actions concrètes. Une écologie intégrale, telle qu’elle est présentée par le Pape, n’est pas une écologie compartimentée dans nos vies ou notre société ; ce n’est pas tant quelque chose que nous « faisons » à des moments ponctuels, mais quelque chose que nous « vivons » au quotidien. Une écologie intégrale affecte tous les aspects de notre vie : dès l’origine de la nourriture au mode de transport que nous choisissons ; dès vêtements que nous mettons tous les jours aux positions que nous prenons contre le consumérisme.

L’écologie intégrale n’est pas seulement individuelle, sachant que la crise qu’affronte l’humanité exige une réponse de l’humanité elle-même. « On répond aux problèmes sociaux par des réseaux communautaires, non par la simple somme de biens individuels » (LS 219). Les efforts individuels accumulés n’atteindront jamais les objectifs nécessaires si nous continuons avec un système d’extraction, de production, de consommation et de « rejet linéaire » dans un monde fini. Les initiatives locales ne suffisent pas si nous suivons des politiques d’état préoccupées par les prochaines élections que par les générations futures. L’écologie intégrale exige de la créativité ; elle demande d’imaginer et de mettre en place des nouvelles relations économiques et sociales qui respectent la vie humaine et toute vie.

Et enfin, l’écologie intégrale affirme que nous faisons partie d’un tout, d’une seule création. Nous référer à l’humanité comme une plaie ou un virus de la nature, n’est nous sert en rien, comme si nous existions hors d’elle-même. Le Pape affirme que, « Pour le croyant, le monde ne se contemple pas de l’extérieur mais de l’intérieur, en reconnaissant les liens par lesquels le Père nous a unis à tous les êtres » (LS 220).

Même si nous n’allons pas réaliser les activités prévues par l’Église au niveau mondial pour marquer le 5e anniversaire. Nous pouvons vivre la Semaine Laudato Si’, en approfondissant notre conversion écologique afin qu’elle soit plus en conformité avec le cœur  du Créateur et ainsi nous pouvons nous engager à vivre l’écologie intégrale sous tous ses aspects. Louange à toi !

Panorama Católico, 10  mai  2020

Rev. José Fitzgerald, CM

Traduction : P. Bernard Massarini CM

1er Rencontre des Responsables de la Pastorale des Vocations. “Vers une nouvelle culture des Vocations”. Paris, 19 Novembre – 1er Décembre 2018. DOCUMENT FINAL

1er Rencontre des Responsables de la Pastorale des Vocations. “Vers une nouvelle culture des Vocations”.

Paris, 19 Novembre – 1er Décembre 2018

DOCUMENT FINAL

Les participants à la première Rencontre Internationale des Promoteurs des Vocations, réunis entre le 19 novembre et le 1er Décembre 2018 dans les locaux du CIF à la Maison-Mère de Paris, ont partagé la joie missionnaire de leur vocation Vincentienne dans cet espace de formation et de réflexion.

Invités par le Supérieur Général et son Conseil, plus de soixante missionnaires se sont rassemblés en provenance de presque toutes les Provinces, les Vice-Provinces, Régions et Missions Internationales. Nous croyons que cela est un reflet de l’intérêt et de l’importance que ce ministère de la Pastorale des Vocations aujourd’hui dans la Congrégation de la Mission.

Dans le cadre de cette rencontre nous manifestons notre option pour une « culture renouvelée des vocations » (lettre du Sup. Gén. du 25 janvier 2018)vécue et expérimentée à partir de l’Évangile qui est au cœur, et qui nous invite à revitaliser notre passion missionnaire à la suite du Christ Évangélisateur des Pauvres en toutes les étapes de notre vie.

De cette manière, nous pourrons générer une mentalité, une sensibilité et une pédagogiequi nous aidera à construire un style de vie qui favorise la « vocationnalisation » en chacune de nos communautés et ministère, et nous permette de grandir dans une « spiritualité vincentienne de l’appel ».

Nous partageons dans la suite de notre réflexion trois convictions concrètes:

 

A. CONVICTIONS

1. L’actualité de notre vocation missionnaire :

La vocation des missionnaires de la Congrégation de la Mission, tantôt des frères comme des prêtres, est d’une très grande actualité et elle a une force mystique de l’action que si nous la vivons pleinement, alors nous pourrons faire que nos œuvres et de nos ministères deviennent de véritables pépinières des vocations.

Ce n’est pas la « crise » d’une baisse des effectifs (des candidats) qui doit motiver notre travail avec les jeunes, mais notre désir d’impulser la création d’une culture vocationnelle et la passion missionnaire pour annoncer le Christ Évangélisateur des Pauvres, qui continue d’appeler des jeunes aujourd’hui à faire partie de son projet.Les vocations dans nos Provinces sont toujours un don de Dieu et nous devons rendre grâce pour cela.

 

2. La formation permanente :

Pour nous la formation permanente est indispensable et une priorité. A partir de cela chacun vit sa vocation d’une manière telle qu’il deviendra ainsi un « appelant »pour les jeunes. Parce que nous le savons c’est en partant de notre témoignage de vie et de notre joie missionnaire que nous serons un signe prophétique pour les jeunes des nouvelles générations, parce quel’Église ne croît pas par prosélytisme mais par attraction (EG 14).

 

3. L’accompagnement des jeunes:

Nous sommes conscients qu’il est urgent de nous engager comme Congrégation de la Mission dans le ministère de l’accompagnement des jeunes comme une expression de notre charisme missionnaire. Nous nous engageons à leur offrir l’occasion de discerner leur projet de vie à la lumière de la foi et au même temps, leur donner la possibilité d’entendre la voix de Dieu qui les appelle à se consacrer à la mission d’évangéliser les pauvres.

 

B. PÉDAGOGIE VOCATIONNELLE VINCENTIENNE ET LIGNES D’ACTION

Dans la construction de la Culture Vocationnelle Vincentienne, il est important l’engagement de tous les missionnaires de la Congrégation de la Mission.

Pour cette raison, nous suggérons ces lignes opératives-pédagogiques :

 

Le Supérieur Général et son Conseil :

  1. La création d’une Commission Internationale de la Pastorale des Vocations.
  2. Designer un Assistant Général pour accompagner la nouvelle commission.
  3. Faciliter l’échange de missionnaires entre les provinces.
  4. Créer des espaces « d’interprovincialité » entre ceux qui sont en formation.
  5. Proposer le sujet de la Culture Vocationnelleà la prochaine Assemblée Générale.
  6. Promouvoir la « révision » des œuvres dans les provinces à partir du paradigme qui nous offre la Culture Vocationnelle Vincentienne.
  7. Stimuler la création d’espaces de formation en Culture Vocationnelleà partir des Conférences des Visiteurs.

Visiteurs et Conseils des Provinces :

  1. S’engager à implanter la Culture Vocationnelle Vincentienne.
  2. Établir une Équipe d’Animation de la Pastorale des Vocations.
  3. Définir un Projet Provincialde Pastorale des Vocationsà partir de la Culture Vocationnelleet de la réalité locale.
  4. Offrir les conditions pour que le Responsable de la Pastorale des Vocations puisse se consacrercomplètement à ce service.
  5. Favoriser la qualité de vie communautaire et le témoignage missionnaire en chaque œuvre de la Province.
  6. Responsabiliser un confrère en chaque communauté locale pour le service de l’Animation Vocationnelle.
  7. Lier la Pastorale des Vocations avec la Famille Vincentienne.
  8. Garantir la formation pour les formateurs
  9. Structurer un modèle de formation qui intègre le discernement des vocations, la formation initiale et la formation permanente.
  10. Intégrer des jeunes et des laïcs dans les Équipes de Pastorale des Vocations.

Chaque missionnaire :

  1. Prier en communauté et personnellementpour les vocations.
  2. Étudier en profondeur les Documentsde l’Égliseet de la Congrégation quiabordent le thème de la vocation.
  3. Participer avec son propre témoignage et à travers des médias pour rendre visible la vocation de la Congrégation de la Mission.
  4. Profiter de chaque occasion pour semer la semence de la vocation, d’une manière telle qu’on arrive à « vocationnaliser » toute la vie et la Mission de la Congrégation.
  5. S’engager avec sa propre formation permanente, d’une manière telle,qu’elle garde toujours vivante l’esprit de Jésus-Christ Évangélisateur des pauvres et son attachement à sa propre vocation.

C. CONCLUSION

Aux pieds de Saint Vincent de Paul, le mystique de la charité, comme promoteurs et responsables de la Pastorale des Vocations en chacune de nos provinces, vice-provinces, régions et missions internationales ; nous confirmons notre engagement avec le sentiment de la Congrégation de la Mission, exprimé en ce document ; et avec les convictions que nous venons de signaler, d’où surgit la pédagogie vocationnelle vincentienne que nous assumons comme mission particulière du ministère qui nous a été confiée.

Nous avons la certitude que la Culture Vocationnelle représente dans un langage actuel le rêve de la Mission et de la Charité vécu par notre fondateur, parce que nous savons que les ouvriers vont se multiplier, attirés par l’odeur de toute cette Charité (III, 234)

Responsables Provinciaux de la Pastorale des Vocations 🔸

Dans le cadre de cette rencontre nous manifestons notre option pour une « culture renouvelée des vocations » (lettre du Sup. Gén. du 25 janvier 2018)vécue et expérimentée à partir de l’Évangile qui est au cœur, et qui nous invite à revitaliser notre passion missionnaire à la suite du Christ Évangélisateur des Pauvres en toutes les étapes de notre vie.

Vers une culture ‘vocationnelle’ : Réflexion sur la pastorale des vocations à l’ère du monde numérique et sur l’état actuel de la Congrégation de la Mission

Vers une culture ‘vocationnelle’ : Réflexion sur la pastorale des vocations à l’ère du monde numérique et sur l’état actuel de la Congrégation de la Mission

Aidés par la grâce de Dieu et la prière de Saint Vincent de Paul, ce matin, les responsables de la pastorale vocationnelle qui se réunissent ici à Paris, ont pu procéder à la réflexion sur les nouveaux défis que la congrégation devrait faire au niveau de la pastorale vocationnelle dans le monde digitale. C’était une intervention de la Sœur Thérèse Raad, sœur de la Charité de Sainte Jeanne-Antide Touret, intitulée « réalité et contexte de la promotion vocationnelle » qui se résume ainsi :

Quand nous parlons de «culture numérique», nous ne parlons pas de Culture au sens de Hannah Arendt selon lequel «la crise de la culture s’explique tout d’abord par la massification ». Nous sommes dans un tout autre paradigme. Hannah Arendt montre que la société de consommation de masse rompt avec la tradition culturelle parce qu’elle traite tout objet comme un produit consommable. On voit là encore que l’on ne peut parler de culture numérique hors du contexte social qui l’a produit, que les nouvelles communications ne peuvent en rien s’isoler dans l’analyse d’un ensemble qui n’a rien de virtuel. Alors que la culture fait référence à une continuité dépassant le seul cadre de la vie humaine, la modernité favorise la transformation de la culture en biens de consommation forcément éphémères. Nous sommes là au cœur du problème du monde contemporain, car l’Église est supposée participer elle aussi d’une pérennité et d’une forme d’intemporalité que le siècle vient ébranler sans cesse. «La crise de la culture résulte ensuite de la priorité donnée au divertissement». Et l’internet est visiblement passé du côté du divertissement, tout simplement parce que dans les sociétés occidentales c’est ce qui est mis en avant, «les produits» du divertissement. Dès lors, être cultivé ne signifie pas s’intéresser à l’art ou posséder certaines connaissances, mais être capable de juger et de décider de la valeur de l’art d’une manière politique, en étant « quelqu’un qui sait choisir ses compagnons parmi les hommes, les choses, les pensées, dans le présent comme dans le passé». La disparition de cette conception est, selon Hannah Arendt, la raison profonde à l’origine de la crise de la culture moderne.

Le plus grand danger serait de se laisser prendre à une forme de fascination et de sidération devant l’émergence rapide et omniprésente des nouvelles technologies, de se laisser prendre à l’éphémère des réseaux sociaux, à leur extrême labilité, à cette non permanence, à cette dilution, car cela ne sera pas fondateur d’une culture, mais bien d’une apparence sur un vide abyssal. D’où la nécessité de comprendre les enjeux du net et d’une présence de l’Église dans des espaces qui fonctionnent selon leurs propres règles, en particulier les réseaux sociaux, tout en s’efforçant de garder à l’Église une visibilité toujours représentative de ses valeurs, du message évangélique, dans le respect des hommes et des femmes qui la composent. Porter la parole du Christ, sans naïveté, en comprenant que cela passe par une connaissance des outils et des fonctionnements du net et que toute une génération en effet passe désormais par ces flux où nous devons être présents sans oublier que notre rôle est d’être aussi fidèle au corps du Christ, sans jamais oublier que ces espaces qui peuvent pénétrer et laisser leurs empreintes dans la sphère mentale de chacun ne peuvent nous soustraite encore fort heureusement, aux contraintes, aux devoirs et aussi aux joies de notre incarnation.

L’après-midi, les participants ont suivi « la conférence vidéo » du Père Rolando Giutiérrez, CM, sur « les statistiques et la réalité de la promotion vocationnelle dans la Congrégation de la Mission ». Ses analyses nous ont permis de constaté une baisse considérable de nombres des confrères au niveau mondial au sein de la Congrégation de la Mission. La variété du caractère des sources nous obligera à nous en tenir aux chiffres exacts, par exemple, lorsque la dernière version du catalogue a été imprimée, il y a presque deux ans, le CM comptait 507 maisons, mais dans les dernières statistiques publiées par Vicentiana il y en avait 504, alors qu’à la date de cet enregistrement, le 11 novembre 2018, nous avions enregistré 497 maisons dans le catalogue numérique. Nous sommes intéressés à jouer avec les chiffres dans le but de la pastorale vocationnelle et non pour une étude statistique. La pastorale des vocations dit-il ne part pas de l’urgence numérique et le recrutement n’est pas la tâche principale. Cependant, c’est un aspect à prendre en compte pour enrichir la réflexion. Certes, la réalité de l’augmentation ou de la diminution du nombre des membres incorporés ne nous laisse pas indifférent mais le problème des vocations est beaucoup plus complexe que de chercher la solution de prosélytisme pour attirer les jeunes à remplir nos maisons de formation.

À la base du défi de la culture vocationnelle, il y a la vie des gens, dans notre cas, les missionnaires, et c’est pourquoi nous devons comprendre le sens de notre vœu de stabilité. La conviction de saint Vincent nous enseigne qu’il ne s’agit pas de vivre une vie appartenant légalement à la Congrégation, mais de vivre dans la fidélité à l’esprit de la petite compagnie qui fait que le missionnaire reste dans la mission de l’évangélisation des pauvres. Voici un défi auquel le ministère des vocations doit également répondre. Supposons qu’il serait très malheureux de traiter le problème de la stabilité en tant que problème des nombres manquants, car en réalité, il nous faudrait approfondir l’impact de ceux qui sont encore physiquement présents mais dont le mode de vie est totalement absent. Pour ce groupe, il me semble que la thèse du père Amadeo Cencini pourrait très bien aller : le vrai problème de la vie religieuse ou sacerdotale n’est pas la situation critique et objectivement problématique des prêtres, des frères et des sœurs, mais cette masse de personnes “consacrées” qui vivent subjectivement dans le calme, le calme et l’imperturbabilité, ou dans des situations critiques car rien n’est en crise, alors qu’il devrait l’être. 

Ces deux interventions ont montré l’interdépendance du problème de crise de vocation, amplifié par la difficulté vécue dans ce monde numérique, et les défis que la Congrégation de la Mission doit faire face pour donner la priorité à une vraie culture vocationnelle. Ces deux conférences ne proposaient aucune solution toute faite. Pourtant, elles nous ont fait réveiller pour réfléchir aux nouveaux défis vocationnels d’aujourd’hui.

P. JEAN Dario,  CM – Province de Madagascar 🔸

Quand nous parlons de «culture numérique», nous ne parlons pas de Culture au sens de Hannah Arendt selon lequel «la crise de la culture s’explique tout d’abord par la massification ». Nous sommes dans un tout autre paradigme. Hannah Arendt montre que la société de consommation de masse rompt avec la tradition culturelle parce qu’elle traite tout objet comme un produit consommable.

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