Être l’Église et célébrer l’Espérance.
1er partie
Réflexion donnée aux prêtres et diacres (et leurs épouses) lors de la récollection diocésaine de Carême. Diocèse d’Amiens. Maison des Petites Soeurs des Pauvres, 15 février 2018
Comment vivre la dimension ecclésiale de notre foi chrétienne dans le contexte du monde d’aujourd’hui, dans ce moment de crise.
J’aurais pu vous parler en commençant par ce que nous connaissons tous : L’atmosphère de doute, critiques, découragement, de peur aussi, d’autocensure, la descente vertigineuse des vocations, etc. il existe une forme de croyance sans appartenance à l’Église. L’Église est devenue pour beaucoup un problème, un scandale, un signe de contradiction, un obstacle à la foi.
Mais je préfère vous partager une des conclusions de la 1ère journée synode à Cœur Soleil*. La réflexion portait sur : « qui est Dieu, qui est Jésus pour moi ? » Je m’étais permis d’ajouter la question : « l’église j’en dis quoi ? » et bien lors de la mise en commun la 1ère chose dite par 2 équipes sur trois fut « Heureusement que l’église existe, sinon on irait où ? Sans l’église, où on serait aujourd’hui ? » Après sont apparues les critiques, mais seulement après.
En réalité, il me semble que la crise de l’Église naît du questionnement du sens même et du concept de Dieu.
Cette crise doit aussi se situer dans le contexte plus large des profonds changements sociaux culturels de notre époque. L’église est déconcertée face aux avancées techniques, face à la globalisation et aux nouvelles mentalités. Une nouvelle illumination théologique, une nouvelle catéchèse, une nouvelle initiation à une expérience d’Église sont nécessaires.
Dieu est plus grand que l’Église
On ne peut parler de l’église si on ne parle pas d’abord de Dieu. Les grands saints ont été des hommes et des femmes d’Église parce qu’ils étaient d’abord des hommes et des femmes de Dieu, avec une profonde expérience de Dieu.
Le « Solo Dios basta », « Dieu seul suffit », de Sainte Thérèse d’Avila est le fruit d’une profonde expérience fondatrice du mystère de Dieu. Elle déborde toutes les médiations, les relativise, et en même temps elle les intègre et leur donne sens.
L’Église sans aucun doute est un mystère, elle est humaine et divine. Elle est médiatrice vers Dieu, mais elle n’est pas Dieu. Lui qui, dans son amour infini déborde toute limite humaine. Le concile Vatican II l’a clairement rappelé dans le chapitre 7, paragraphe 48 de la Lumen Gentium : « et tant qu’il n’y aura pas des cieux nouveaux et une terre nouvelle » – (2P 3, 13), l’Église pèlerine dans ses sacrements et ses institutions, qui appartiennent à notre temps, porte en elle l’image de ce monde qui passe, et elle-même vit parmi ses enfants qui gémissent dans les douleurs de l’enfantement, dans l’attente de la manifestation des enfants de Dieu. C’est déjà ce que disait Paul aux Romains chapitre 8 versets 22-23 : « Nous le savons en effet : la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement. Elle n’est pas la seule : nous aussi qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance pour notre corps. »
Seul le Dieu trinitaire, Père, Fils, Esprit est l’objet et le but ultime de notre foi, pas directement l’Église. Mais nous croyons à la présence de l’Esprit Saint qui agit de façon toute spéciale dans l’Église. Et si l’Église est un mystère, c’est parce qu’elle fait partie du projet mystérieux de Dieu pour le monde.
Besoin d’une initiation aux mystères de Dieu (Mystagogie)
Sans une expérience profonde de foi face au mystère de Dieu, absolu, indicible, impossible à cerner, abime sans fond, amour inconditionnel que nous a communiqué le Christ, Sauveur et Source de Vie, sans cette expérience fondatrice, nous n’avons pas accès à l’Église. D’où l’urgence pour l’Église aujourd’hui d’initier à cette expérience personnelle et immédiate de Dieu. Sans cette expérience de foi, notre vision de l’Église se réduira toujours à une simple réalité mondaine, une organisation socioculturelle, un organisme humanitaire.
Priorité du Royaume de Dieu sur l’Église
Le cœur de la prédication de Jésus de Nazareth n’a pas été l’Église mais le Royaume. Nous lisons en Marc 1, 14-15 : « après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l’Évangile de Dieu et disait : le temps est accompli, et le Règne de Dieu s’est approché : convertissez-vous et croyez à l’Évangile ».
Le Royaume c’est le projet trinitaire de Dieu qui veut communiquer au monde sa propre vie en commençant par délivrer miséricordieusement toute vie humaine de la souffrance et du mal. Les paraboles et les miracles du Christ sont des signes du Royaume qui est déjà là. (Luc 11, 20) : Jésus dit : « mais si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, alors le Règne de Dieu vient de vous atteindre. »
L’Église est appelée à être un signe prophétique du Royaume. Et donc, elle ne peut être centrée sur elle-même, son point de mire doit être hors d’elle, tourné vers l’extérieur. Par conséquent, elle ne peut s’enfermer sur ses membres, sa doctrine, sa liturgie, ses sacrements, ses lois. Même si tout ceci est important bien sûr. Elle se doit d’être une Église servante du monde, préoccupée du droit de tous les hommes. Dans le fond, il s’agit juste de suivre le chemin du Christ, « qui n’est pas venu pour être servi, mais pour servir. »
Et quand Jésus lance son programme missionnaire à Nazareth, il affirme : « l’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération, et aux aveugles le retour à la vue. Renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d’accueil du Seigneur. » Luc 4, 18-19.
Ses disciples, il les envoie annoncer le Royaume, guérir les malades, libérer les possédés. Luc 9, 1-2 : « ayant réuni les douze, il leur donna puissance et autorité sur tous les démons et il leur donna de guérir les maladies. Il les envoya proclamer le Règne de Dieu et faire des guérisons. »
Le Royaume n’est pas une belle et lointaine utopie abstraite. C’est très concret : LIBERER DE LA SOUFFRANCE ET DE TOUT MAL. C’est pourquoi le Christ a orienté sa mission à donner la vie, à libérer de la souffrance et de la mort, à annoncer le pardon et la grâce, spécialement aux pauvres, aux marginaux et exclus de la société : les malades, les pêcheurs, les femmes, les enfants, toutes des personnes mal vues par les dirigeants de l’époque.
Et quand l’Église surgira après Pâques et la venue de l’Esprit, elle devra suivre la ligne de Jésus. C’est pourquoi elle ne se limite pas à annoncer la Parole (kérygme), ni à célébrer l’Eucharistie (liturgie) mais à servir les pauvres (diaconie) comme le rappelait Benoît XVI dans son encyclique Dieu est Amour au numéro 25 : « la nature profonde de l’Église s’exprime dans une triple tâche : annonce de la Parole de Dieu, célébration des sacrements, service de la charité. Ce sont 3 tâches qui s’appellent l’une l’autre et qui ne peuvent être séparées l’une de l’autre. La charité n’est pas pour l’Église une sorte d’activité d’assistante sociale qu’on pourrait laisser à d’autres, mais elle appartient à sa nature, elle est une expression de son essence elle-même, à laquelle elle ne peut renoncer. »
Cela ne veut pas dire que l’Église n’a aucun sens, ni qu’elle ne doit annoncer l’Évangile à tous les hommes, baptiser et célébrer l’Eucharistie. Cela signifie seulement que tout doit être orienté vers le Royaume de Dieu dont l’Église est un signe prophétique. L’Église du Christ doit être fidèle à l’Évangile et donc une église infidèle à l’Évangile ne serait pas l’Église du Christ.
La tentation du puritanisme
Au long de son histoire, les groupes puritains qui demandaient l’expulsion des pêcheurs n’ont pas manqué. Mais l’Évangile nous dit que seulement dans la vie éternelle on séparera le mal du bien, et qu’avant le grain et l’ivraie doivent croître ensemble. (Marc 13)
Dans l’Église il y a des pêcheurs à qui le pardon est toujours offert. Par conséquent, l’Église dans le monde non seulement accueille des pêcheurs, elle est elle-même pécheresse parce que l’église n’est pas un idéal abstrait mais une réalité concrète.
En Matthieu 16, 23 nous pouvons entendre Jésus dire à Pierre : « retire-toi derrière moi Satan ! Tu es pour moi occasion de chute car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Si Jésus a pu dire cela au premier pasteur de l’Église, que nous reste-t-il à nous ? Dieu a choisi pour réaliser sa mission des hommes et des femmes fragiles et pêcheurs, ceux que le monde méprise. « Considérez frères qui vous êtes, vous qui avez reçu l’appel de Dieu. Il n’y a parmi vous ni beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de gens de bonne famille. Mais ce qui est folie dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages ; ce qui est faible dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort, ce qui dans le monde est vil et méprisé, ce qui n’est pas, Dieu l’a choisi pour réduire à rien ce qui est. Afin qu’aucune créature ne puisse tirer quelque fierté devant Dieu. » 1Cor1, 26-29
Le paragraphe 8 de Lumen Gentium réaffirme que l’Église a besoin d’une constante purification, de pénitence et de conversion. Nous ne pouvons regarder l’église pécheresse comme extérieure à nous. Le péché de l’église est lié à sa dimension humaine. Elle porte le poids de nos propres péchés qui assombrissent son visage et rendent l’Évangile moins transparent.
L’Église est sous la force de l’Esprit
L’église primitive a pleinement conscience que son origine et sa vie sont liées à l’Esprit. De là, la conviction que l’Église est le temple de l’Esprit. 1 Cor 3, 16 : « Ne savez-vous pas que vous êtes temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » Et en Eph 5, 27 : « il a voulu se la présenter à lui-même splendide, sans tache ni ride, ni aucun défaut ; il a voulu son Église sainte et irréprochable. »
Si depuis toujours l’Église se sait liée à Jésus, elle a la conviction d’être née non à Bethléem, ni à Nazareth mais bien à Jérusalem à Pâques et Pentecôte. Car l’Église n’est pas seulement reliée au Christ mais aussi à l’Esprit. Il y a deux principes constitutifs de l’Église : le christologique et le pneumatique, de l’Esprit qui sont comme les deux mains de Dieu qui nous façonne à son image et ressemblance.
L’oubli de l’Esprit
Le patriarche Ignace IV d’Antioche en 1968 affirmait : « sans l’Esprit Saint, Dieu est loin, le Christ appartient au passé, l’Évangile est lettre morte, l’Église une simple organisation, l’autorité une domination, la mission une propagande, le culte une simple évocation et l’agir chrétien une morale d’esclaves. »
Mais avec l’Esprit, le cosmos vit et gémit dans l’attente du Royaume, l’homme lutte contre ses défauts, le Christ ressuscité est présent, l’Évangile est force de vie, l’Église signifie la communion trinitaire, l’autorité est un service libérateur, la mission c’est Pentecôte, la liturgie est mémoire et anticipation, l’agir humain devient divin.
Si l’oubli de l’Esprit réduit la vie du chrétien dans l’Église à la soumission, au ritualisme, au moralisme, comment s’étonner que cette manière de comprendre et de vivre la foi soit en crise ?
Sans aucun doute, l’Esprit agit
Toute l’histoire de l’Église est emplie de cette présence mystérieuse, souvent anonyme, parfois déconcertante. Tous les mouvements prophétiques, les martyrs, la vie monacale, les mouvements laïcs du Moyen Age en faveur des pauvres, la réforme protestante (Calvin, Luther) mais aussi catholique (Ignace, Thérèse, Jean de la Croix), les mouvements sociaux modernes qui revendiquent une société plus égalitaire, fraternelle et libre, les mouvements théologiques avant le Concile ( Bible, liturgie, œcuménisme, pastorale sociale), les signes des temps (féminisme, écologie, pacifisme, respect des cultures et des religions) etc.…
La sainteté de l’Église, ses martyrs, ses missionnaires, ses mystiques, ses artistes, ses penseurs, l’héroïsme de tant d’anonymes qui vivent leur foi dans le silence quotidien, la fidélité dans le mariage et la vie religieuse, dans le ministère, l’engagement des mères et leur préoccupation pour transmettre la foi, l’enthousiasme des jeunes dans des formes variées de volontariat, (DCC), la spiritualité des différentes églises chrétiennes sont des fruits de l’Esprit. Vatican II a reconnu cette présence de l’Esprit qui vivifie l’Église, la guide, l’enrichit de ses dons, la rajeunit et la conduit.
C’est l’Esprit qui nous conduit à la foi en Dieu et au Christ. C’est Lui qui nous permet de faire l’expérience du mystère en nous. C’est Lui qui conduit l’Église à construire le Royaume même en dehors de ses frontières. C’est Lui encore qui garantit la sainteté de l’Église en permettant que le péché ne triomphe pas en elle.
L’Église Apostolique
Eph 2, 20 : « vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes, et Jésus Christ lui-même comme pièce maîtresse. »
A l’origine de l’Église, le Vicaire du Christ, c’est l’Esprit Saint. C’est l’Esprit qui convertit l’Église en communion trinitaire et en dynamisme prophétique au service du Royaume. Vatican II a revendiqué la valeur de la foi du peuple, le « sensus fidelium » et a même signifié que cette foi est infaillible quand elle est en communion avec la tradition de toute l’Église. (LG 12) le peuple saint de Dieu participe aussi au don prophétique du Christ, diffusant son témoignage par une vie de foi et de charité. De plus, l’Esprit Saint lui-même, non seulement sanctifie et dirige le peuple de Dieu par les sacrements et les ministères et l’enrichit de ses vertus, sinon qu’il « distribue les dons à chacun comme il le souhaite » 1 Cor 12,7.
C’est me semble-t-il tout le sens de la démarche synodale que nous vivons cette année. Les fidèles portent en eux les charismes de l’Esprit pour le service de toute l’Église. Et les pauvres sont eux aussi appelés à être vicaires du Christ. Car
– L’Église est l’Église du Jésus historique et pauvre de Nazareth
Elle est étroitement liée au Seigneur Jésus, au Christ ressuscité. C’est l’Église du Christ fondée sur lui. Eph 2,10 : « car c’est Lui qui nous a faits ; nous avons été créés en Jésus Christ pour les œuvres bonnes que Dieu a préparé d’avance afin que nous nous y engagions. »
L’histoire du salut est traversée par la loi de l’incarnation. L’Esprit ne s’oppose pas au Christ. C’est Lui qui rend possible l’incarnation de Jésus et le guide toute sa vie. C’est l’Esprit qui fait naître l’Église, qui continue l’œuvre de Dieu dans l’histoire du monde. C’est-à-dire : Dieu n’a pas abandonné sa création à son sort, Il intervient dans l’histoire des hommes premièrement en préparant le peuple d’Israël, puis par l’incarnation de Jésus. (LG9)
Mais quand l’Église nait à Pâques-Pentecôte, elle court le risque de s’identifier tellement au Christ glorieux et ressuscité qu’elle en oublie l’incarnation et croit que le Royaume de Dieu est arrivé. C’est pourquoi il nous faut toujours
– Revenir à l’Évangile
Le risque c’est d’oublier le mystère de l’incarnation de Jésus.
Phil 2, 68 : « Lui qui est de condition divine n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu. Mais il s’est dépouillé prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et reconnu à son aspect comme un homme, il s’est abaissé devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix » et toute sa vie transmise par les écritures :
- Sa naissance pauvre à Bethléem
- Sa vie d’humble charpentier durant 30 ans
- Sa prédication contre le pouvoir et la richesse
- Son option en faveur des marginaux
- Sa préoccupation pour soulager la souffrance
- Sa compassion
- Son opposition aux puissants et à ceux qui utilisaient la religion pour opprimer
- Ses perpétuels conflits avec les autorités religieuses
- Sa mort comme blasphème et malfaiteur sur une croix entre deux bandits.
L’Église court le risque d’oublier qu’elle est l’Église de Jésus crucifié, que son message n’est pas celui de la sagesse de ce monde mais de la croix. « La parole de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train d’être sauvés, pour nous, elle est puissance de Dieu. (1 Cor 1,18.)
La résurrection même du Christ ne nous permet pas de l’éloigner de la croix. Le ressuscité est le crucifié, ses plaies restent sur son corps glorieux.
On comprend alors que tous les mouvements prophétiques dans l’église au long de son histoire aient demandé un retour à l’église des origines, fidèle à la parole de Dieu, pauvre, humble, évangélique, communautaire, accueillante, respectueuse, proche des pauvres, l’église du crucifié.
La résurrection de Jésus signifie que son Père lui donne raison et prend parti pour les victimes. Revenir aux origines évangéliques de l’Église, c’est possible. L’Esprit Saint ne cesse d’agir. C’est un mystère, partie du projet de la Trinité pour le monde, un sacrement de salut universel.
Quelles attitudes pour aller de l’avant ?
Reconnaissance et amour
De l’Église nous avons reçu la foi chrétienne, l’Évangile, les sacrements. Elle nous a appris à prier, à pardonner et demander pardon, à aimer tous les hommes spécialement les plus pauvres. A avoir une confiance d’enfant vers Dieu Père, à chercher d’abord le Royaume de Dieu, à croire en la résurrection finale.
Par elle nous connaissons Jésus, sa vie, son enseignement, sa croix et sa résurrection. Elle nous a appris à prier Marie, à vénérer les saints, à imiter leurs vertus. Elle donne sens à nos vies, notre travail, nos souffrances et même à notre mort.
L’amour, la solidarité, la justice, la recherche de la paix, la réconciliation et le pardon, valoriser la raison, la science et les cultures s’alimentent de l’enseignement évangélique transmis par l’Église.
Que serait-il de l’humanité, de nous sans l’Église ?
Justice, Attention et Bonheur
Le Christ est la manifestation d’un Dieu profondément en relation pour qui la tendresse, l’attention et la justice sont inséparables d’une profonde expérience religieuse. L’authentique affinité avec l’esprit du crucifié-ressuscité se vérifie par l’expérience d’être aimé inconditionnellement par Dieu, de vivre par sa grâce et d’être habité par sa divine sagesse. (Ste Thérèse de l’Enfant Jésus- Ste Bernadette)
Dans l’Évangile, justice et soins, équité et réciprocité, gratuité et abondance du cœur sont inséparables. Et elles surgissent du cœur même de Dieu.
La justice qui nous pousse à choisir et à pratiquer l’évangile est une justice supérieure, qui jaillit d’un amour démesuré, gratuit et inconditionnel qui nous appelle à la vie et nous soutient. Nous sommes en chemin vers cet amour, source de joie, de bonheur et de plénitude.
Être chrétien n’est pas un programme, c’est une manière de vivre, d’être dans le monde depuis la confiance dans une promesse. Arrimé à la foi, la confiance dans la promesse et la personne du Christ, le christianisme propose un style particulier de vie. Une façon joyeuse, responsable et généreuse d’habiter le monde. Qui nous invite à transformer ce qui est souvent un terrain hostile ou un désert inhospitalier en un monde plus humain et une terre habitable. Avec la possibilité de nous transformer en sources de grâces et de bénédictions pour d’autres, permettant la participation de tous au banquet. Un projet déjà en marche, qui n’est pas une utopie irréalisable mais une réalité qui se vit dans l’histoire du monde, entre les douleurs de l’enfantement et en attente de la plénitude. Une réalité qui est déjà présente en nous quand nous mettons en place cette nouvelle relation initiée par le Christ.
Le soin a beaucoup à voir avec la relation, la capacité à aimer, à comprendre et accueillir les sentiments de l’autre, à se charger de ses besoins, à reconnaître et renforcer sa dignité, son autonomie et sa vie en plénitude. C’est ce que nous disait l’année dernière Gilles Rebêche lors de sa splendide conférence.
Par nos actes d’amour ou de « désamour », nous pouvons nous créer ou nous détruire les uns les autres. Nous avons la fatidique option de laisser l’amour de Dieu agir librement dans le monde ou nous priver mutuellement de l’essentiel pour la personne et la communauté.
Nous sommes semblables à Dieu, non par notre pouvoir humain de nous dominer mutuellement, mais par l’œuvre d’amour qui consiste en approfondir et amplifier les relations humaines, la communication, la force de la tendresse et l’attention à l’autre, par les liens de la communauté. Le pouvoir de refuser le don de l’amour ou de l’accepter, niant ainsi le don de la vie est plus à craindre que le pouvoir de la technologie et en même temps, ce pouvoir est plus fragile et plus complexe. Dans un monde complexe et globalisé, l’œuvre d’un amour radical exige que nous nous efforcions à vivre une compassion intelligente et créative et à développer une spiritualité de la résistance.
Cultiver l’intériorité est essentiel pour développer la gratuité. Le monde du don et du cadeau de la consolation dans les moments de tristesse, de l’espoir quand l’horizon s’obscurcit, du sens face à l’absurde.
Hommes et femmes, nous avons besoin de faire l’expérience que la source de l’amour est l’abondance du cœur. Nous ne pouvons pas vivre une vie pleine sans amour et sans aimer. Le chemin de l’amour est aussi le chemin du désir, de la soif de plénitude, de la vie en abondance. Celui qui ne parcourt pas ce chemin pourra difficilement faire vivre autre chose que l’obéissance. Mais nous ne sommes pas appelés à être des serviteurs, mais des amis. Le chemin de l’amour est celui du don, de la démesure. Inséparable du respect, de la reconnaissance et de la réciprocité.
Notre Dieu qui veut nous partager son intimité et désire que nous le recevions chez nous n’est pas un Dieu solitaire et autiste. C’est un Dieu trinitaire et profondément en relation, construit dans la relation de réciprocité entre le Père, le Fils et l’Esprit.
Espérer contre toute Espérance
Aujourd’hui, être d’Église, se sentir église passe par la croix. Mais il faut espérer, espérer que le désert fleurisse et qu’après l’hiver renaisse le printemps.
J’aimerais poursuivre en évoquant les crises dans le ministère de Jésus
Fin de la première partie.
2e Partie : « LES CRISES DANS LE MINISTERE DE JESUS »
Bernadette CAFFIER – Missionnaire Diocésaine 🔸
Le Royaume n’est pas une belle et lointaine utopie abstraite. C’est très concret : LIBERER DE LA SOUFFRANCE ET DE TOUT MAL. C’est pourquoi le Christ a orienté sa mission à donner la vie, à libérer de la souffrance et de la mort, à annoncer le pardon et la grâce, spécialement aux pauvres, aux marginaux et exclus de la société : les malades, les pêcheurs, les femmes, les enfants, toutes des personnes mal vues par les dirigeants de l’époque.