En quoi Jésus Christ me sauve-t-il ?

La tendance naturelle en moi serait le recroquevillement, le moindre. Etre à la suite du Christ c’est m’ouvrir vers la vie, vers les autres. Il m’apprend à aimer. Il me fait entrer dans le mystère insondable de Dieu

En quoi Jésus Christ me sauve-t-il ?

Deux communautés lazaristes se sont rencontrées pour faire un bilan d’année et prendre un temps de discussion sur un thème plus large. Cette fois ci le thème était « le salut ». On s’aperçoit de fait, qu’il est de plus en plus difficile d’exprimer d’une manière personnelle ce en quoi Jésus-Christ vient nous sauver. A partir de textes romains et autres, nous avons déblayer quelques grands axes de ce mystère puis vers la fin de notre rencontre, nous avons été invités à répondre d’une manière très personnelle à la question :

En quoi Jésus Christ me sauve-t-il ?

En voici quelques échos :

« La tendance naturelle en moi serait le recroquevillement, le moindre. Etre à la suite du Christ c’est m’ouvrir vers la vie, vers les autres. Il m’apprend à aimer. Il me fait entrer dans le mystère insondable de Dieu. Il me fait découvrir ce pour quoi je suis sur Terre : advenir au divin. Dans la prière il m’initie à une joie intense, indéfinissable. Par les sacrements (symboles) il me fait comprendre que je ne suis pas que chair, limité, mais invité à vivre le présent éternel ! Ceci se vit dans des services concrets à des personnes et à des partages en profondeurs où j’ose exposer à l’autre, mes questionnements, mes fragilités, mes convictions et mes joies. Je vis déjà le Salut à chaque fois que je concrétise cet amour divin auprès de personnes en situation de besoin. »

« En écho à la Parole qu’on écoute depuis hier sur le sujet (Ex 14, Gn 19 et Jn 11), je crois que Jésus-Christ me sauve de la mort, non pas la naturelle mais la mort surnaturelle. Jésus me fait découvrir une autre vie que la vie naturelle qu’on connait tous et dont on cherche à se satisfaire. Jésus me révèle que ma vie ne se limite pas à cet immédiat et m’appelle à un éveil. Jésus m’enseigne cet éveil. Il m’entraine à m’y familiariser : 1) par la prière, ce lien unique à Dieu,  cet être réel qui a une forme de vie différente de la nôtre, à laquelle je suis invité à entrer en contact pour m’en laisser revêtir entièrement ; 2) par des contacts réels, avec Lui et mes semblables, en relation de charité. C’est du « déjà-là », je peux en vivre quelque chose, mais avec Jésus, j’en découvre davantage, par sa propre vie, qui peut devenir la mienne. Cette vie de charité, nous donne, à tous les humains, la vocation commune de serviteur de la vie. »

Dans les péripéties de ma petite vie, je vois un instinct répétitif à me tourner vers la croix, vers le Christ en croix, surtout dans les pires moments. Je me réfère alors au chant du père Duval « Dans ma détresse je crie vers toi, Seigneur serait-ce pour cette nuit ? ». L’ultime mot je le trouve dans Jésus-Christ. J’attends la Croix salvifique. Quand tout lâche, il n’y a plus que cela : le Christ en croix !

Il me sauve de la solitude et donc du non-sens. Parce que le fait d’être créé suppose que ce sont d’autres qui m’ont fait venir, donc à chaque fois que j’oublie cela je me perds. En créant une famille il me rappelle qu’il y a un créateur ! Si j’ai une famille ça a du sens, même si c’est compliqué dans la vie familiale ! Jésus, quand j’écoute ses paroles, ses gestes, ses attitudes, je comprends comment il suscite cette famille. Comment il renoue. Le sens n’est pas dans des réalisations concrètes mais dans la manière. Comment faire comprendre à chacun qu’il fait partie de la famille ? Comment le mettre en route ?

Jésus-Christ me sauve, d’après notre foi, chacun est appelé par Dieu c’est à nous de répondre à cet appel. Vivre en amour, cet amour ne se limite pas à quelqu’un que nous aimons, que j’aime mais amour envers tout le monde. Et cela rejoint l’Eglise. Nous agissons au nom de l’Eglise mais pas dans l’église : ça ouvre vers l’extérieur. L’amour et la vérité s’embrassent. La gentillesse dont les gens d’ici nous reçoivent, on sait qu’ils sont chrétiens mais toute autre personne peut le faire ils ont de l’amour, Dieu nous regarde par l’amour.

 « Au Vietnam c’’est différent ; le salut de Dieu, nous allons à la rencontre des non-chrétiens, nous parlons peu de Dieu mais nous parlons amitié. Amitié pour tous. Nous travaillons ensemble dans la différence. Je suis dans la joie, car il m’aime. Avec la rencontre d’une personne qui est dans l’épreuve je peux y trouver de la joie dans le partage. Accepter dans l’évènement, que la prière permette d’aller à la rencontre de Dieu. Au-delà des épreuves je crois en Dieu. Le Christ porte les souffrants, mon péché, je suis souffrant mais mon Dieu est souffrant aussi pour moi. Dans la difficulté, il me rejoint, il me soutient. Il m’accompagne dans le discernement de ma vie. «

C’est dans la mesure où nous osons balbutier quelque peu notre vécu, la manière dont nous comprenons pour nous le Salut en Jésus-Christ que nous pouvons devenir quelque peu témoins de cet insondable don que Dieu nous fait.  Par-là, inviter chacun à faire un bout de chemin pour entrer dans ce mystère de Vie.

Au plaisir d’avoir vos balbutiements sur ce site de la Province.

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Homélie du Pape François pour la Conclusion du Synode. 27 octobre 2019.

Les erreurs du passé n’ont pas suffi pour qu’on arrête de détruire les autres et d’infliger des blessures à nos frères et à notre sœur terre : nous l’avons vu dans le visage défiguré de l’Amazonie. La religion du moi continue, hypocrite avec ses rites et ses “prières” – bien des gens sont catholiques, se déclarent catholiques mais ont oublié d’être chrétiens et humains -, elle oublie le vrai culte à Dieu qui passe toujours par l’amour du prochain. Même des chrétiens qui prient et vont à la messe le dimanche sont adeptes de cette religion du moi.

Homélie du Pape François pour la Conclusion du Synode. 27 octobre 2019.

La Parole de Dieu nous aide aujourd’hui à prier à travers trois personnages : dans la parabole de Jésus, le pharisien et le publicain prient ; dans la première Lecture, on parle de la prière du pauvre.

1. La prière du pharisien commence ainsi : « Mon Dieu, je te rends grâce ». C’est un très bon début parce que la meilleure prière est la prière de gratitude, celle de louange. Mais nous voyons immédiatement le motif pour lequel il rend grâce : « parce que je ne suis pas comme les autres hommes » (Lc 18, 11). Et il explique aussi le motif : il jeûne deux fois par semaine, alors que c’était obligatoire une fois par an ; il verse le dixième de tout ce qu’il a, or la dîme était prescrite seulement pour les produits les plus importants (cf. Dt 14, 22 ss). En somme, il se vante parce qu’il accomplit au mieux des préceptes particuliers. Mais il oublie le plus grand : aimer Dieu et le prochain (cf. Mt 22, 36-40). Trop sûr de lui-même, de sa capacité d’observer les commandements, de ses mérites et de ses vertus, il est centré sur lui-même. Le drame de cet homme, c’est qu’il est dépourvu d’amour. Mais même les meilleures choses, sans amour, ne servent à rien, comme dit saint Paul (cf. 1 Co 13). Et sans amour, quel est le résultat ? C’est qu’à la fin, au lieu de prier, il se loue lui-même. En fait, il ne demande rien au Seigneur parce qu’il ne se sent pas dans le besoin ou redevable, mais il se sent créditeur. Il est dans le temple de Dieu, mais il pratique la religion du moi. Et tant de groupes ‘‘illustres’’, de ‘‘chrétiens catholiques’’, sont sur ce chemin !

Et en plus de Dieu, il oublie le prochain, mieux il le méprise : pour lui, le prochain est vil, il n’a pas de valeur. Lui se considère meilleur que les autres qu’il appelle, littéralement, “les restants, les restes” (“loipoi”, Lc 18, 11). C’est-à-dire qu’ils sont “des restes”, des déchets dont il faut s’éloigner. Que de fois ne voyons-nous pas cette dynamique en acte dans la vie et dans l’histoire ! Que de fois celui qui est devant, comme le pharisien par rapport au publicain, n’élève-t-il pas des murs pour accroitre les distances, en rendant les autres encore plus des déchets. Ou bien en les considérant rétrogrades et vils, il méprise leurs traditions, il efface leurs histoires, il occupe leurs territoires, usurpe leurs biens. Que de prétendues supériorités qui se transforment en oppressions et en exploitations, même aujourd’hui – nous l’avons vu durant le Synode lorsque nous avons parlé de l’exploitation de la création, des gens, des populations de l’Amazonie, de la traite des personnes, du commerce des personnes ! Les erreurs du passé n’ont pas suffi pour qu’on arrête de détruire les autres et d’infliger des blessures à nos frères et à notre sœur terre : nous l’avons vu dans le visage défiguré de l’Amazonie. La religion du moi continue, hypocrite avec ses rites et ses “prières” – bien des gens sont catholiques, se déclarent catholiques mais ont oublié d’être chrétiens et humains -, elle oublie le vrai culte à Dieu qui passe toujours par l’amour du prochain. Même des chrétiens qui prient et vont à la messe le dimanche sont adeptes de cette religion du moi. Nous pouvons nous examiner intérieurement pour voir si, même pour nous, quelqu’un est inférieur, jetable, même seulement en paroles. Prions pour demander la grâce de ne pas nous considérer supérieurs, de ne pas nous croire en règle, de ne pas devenir cyniques et moqueurs. Demandons à Jésus de nous guérir de la propension à dire du mal et à nous plaindre des autres, de la propension à mépriser quelqu’un : ce sont des choses qui déplaisent à Dieu. Et providentiellement, aujourd’hui, prennent part avec nous à cette Messe non seulement les indigènes de l’Amazonie, mais aussi les plus pauvres des sociétés développées, nos frères et sœurs malades de la Communauté de l’Arche. Ils sont avec nous, au premier rang.

2. Passons à l’autre prière. La prière du publicain nous aide au contraire à comprendre ce qui plaît à Dieu. Il ne commence pas par ses mérites, mais par ses lacunes ; non pas par sa richesse, mais par sa pauvreté : ce n’est pas une pauvreté économique – les publicains étaient riches et gagnaient même injustement, au dépens de leurs compatriotes – mais il sent une pauvreté de vie, parce qu’on ne vit jamais bien dans le péché. Cet homme qui exploite les autres se reconnaît pauvre devant Dieu et le Seigneur écoute sa prière, faite simplement de sept paroles mais traduisant des attitudes vraies. En fait, pendant que le pharisien était devant et debout (cf. v. 11), le publicain se tient à distance et “n’ose même pas lever les yeux vers le ciel”, parce qu’il croit que le Ciel existe et est grand, tandis que lui se sent petit. Et “il se frappe la poitrine” (cf. v. 13), parce que dans la poitrine il y a le cœur. Sa prière naît précisément du cœur, est transparente : il met devant Dieu son cœur, pas les apparences. Prier, c’est se laisser regarder de l’intérieur par Dieu – c’est Dieu qui me regarde quand je prie –, sans feintes, sans excuses, sans justifications. Souvent nous font rire les repentirs remplis de justifications. Plus qu’un repentir, cela ressemble à une auto-canonisation. En effet, c’est du diable que viennent opacité et fausseté – ce sont les justifications -, de Dieu lumière et vérité, la transparence de mon cœur. C’était beau et je vous suis très reconnaissant, chers Pères et Frères synodaux, d’avoir dialogué, durant ces semaines, de tout cœur, avec sincérité et franchise, en mettant devant Dieu et nos frères les fatigues et les espérances.

Aujourd’hui, en regardant le publicain, nous redécouvrons d’où repartir : de la conviction d’avoir tous besoin du salut. C’est le premier pas de la religion de Dieu qui est miséricorde envers celui qui se reconnaît misérable. Au contraire, la racine de toute faute spirituelle, comme enseignaient les anciens moines, c’est de se croire juste. Se considérer juste, c’est laisser Dieu, l’unique juste, hors de la maison. Cette attitude de départ est si importante que Jésus nous l’illustre par une comparaison paradoxale, en mettant ensemble dans la parabole la personne la plus pieuse et la plus dévote de l’époque, le pharisien, et le pécheur public par excellence, le publicain. Et le jugement est inversé : celui qui est bon mais présomptueux échoue ; celui qui est mauvais mais humble est exalté par Dieu. Si nous nous examinons intérieurement avec sincérité, nous voyons en nous tous les deux, le publicain et le pharisien. Nous sommes un peu publicains, parce que nous sommes pécheurs, et un peu pharisiens, parce que nous sommes présomptueux, capables de nous justifier nous-mêmes, champions dans des justifications artificielles ! Avec les autres, ça fonctionne souvent, mais pas avec Dieu. Avec Dieu, ce procédé ne fonctionne pas. Prions pour demander la grâce de sentir que nous avons besoin de miséricorde, que nous sommes intérieurement pauvres. C’est aussi pourquoi, ça nous fait du bien de fréquenter les pauvres, pour nous rappeler d’être pauvres, pour nous rappeler que c’est seulement dans un climat de pauvreté intérieure que le salut de Dieu agit.

3. Nous arrivons ainsi à la prière du pauvre, de la première Lecture. Cette prière, dit Ben Sira le Sage, « traverse les nuées » (35, 21). Tandis que la prière de celui qui se considère juste reste à terre, écrasée par les forces de gravité de l’égoïsme, celle du pauvre monte directement vers Dieu. Le sens de la foi du peuple de Dieu a vu dans les pauvres “les portiers du Ciel” : ce sensus fidei qui manque dans la déclaration [du pharisien]. Ce sont eux qui nous ouvriront toutes grandes ou non les portes de la vie éternelle, eux qui se ne sont pas vus comme des patrons en cette vie, qui ne se sont pas mis eux-mêmes avant les autres, qui ont eu seulement en Dieu leur richesse. Ils sont des icônes vivantes de la prophétie chrétienne.

Durant ce Synode, nous avons eu la grâce d’écouter les voix des pauvres et de réfléchir sur la précarité de leurs vies, menacées par des modèles de développement prédateurs. Et pourtant, précisément dans cette situation, beaucoup nous ont témoigné qu’il est possible de regarder la réalité différemment, en l’accueillant à mains ouvertes comme un don, en considérant la création non pas comme un moyen à exploiter, mais comme une maison à protéger, en ayant confiance en Dieu. Il est Père et, Ben Sira le Sage le dit encore, « il écoute la prière de l’opprimé » (v. 16). Et bien des fois, même dans l’Eglise, les voix des pauvres ne sont pas écoutées, voire sont bafouées ou sont réduites au silence parce qu’elles sont gênantes. Prions pour demander la grâce de savoir écouter le cri des pauvres : c’est le cri d’espérance de l’Eglise. Le cri des pauvres, c’est le cri de l’espérance de l’Église. En faisant nôtre leur cri, notre prière aussi, nous en sommes certains, traversera les nuages.

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