Homélie du 23 mai 2018. Rencontre des Visitatrices, Filles de la Charité. Fête de sainte Jeanne Antide Thouret

Homélie du 23 mai 2018. Rencontre des Visitatrices, Filles de la Charité

Fête de sainte Jeanne Antide Thouret

Chères sœurs Visitatrices, chères sœurs : « Quand Dieu appelle et qu’on l’entend, Dieu donne tout ! » Cette phrase de sainte Jeanne Antide peut bien résumer sa vie ! Ayant entendu l’appel de Dieu, elle a compris quel était son dessin sur elle, elle lui a fait confiance et malgré toutes les épreuves rencontrées, elle n’a pas cessé de répondre à sa vocation à l’école de Vincent de Paul.

Sa vie est toute marquée par la souffrance et l’épreuve, par la difficulté et même le rejet. A 16 ans elle perd sa mère qui a vécu une longue maladie. Elle jouera le rôle de mère même si sa tante maternelle lui fait la guerre. En 1787, à 22 ans, elle quitte son père et ses frères pour entrer chez les Filles de la Charité. Une année plus tard éclate la révolution française. 4 ans plus tard, la révolution disperse toute congrégation religieuse. Jeanne quittera les Filles de la Charité, s’en suivent : dispersion, persécutions, voyages, épreuves et fondation d’une nouvelle congrégation… Cependant, elle n’abandonnera jamais l’esprit Vincentien, elle ne quittera jamais des yeux le Christ aimé et contemplé par saint Vincent de Paul. En peu de temps elle s’imprègne du Charisme Vincentien comprenant clairement que Dieu aime les pauvres, qu’il aime ceux que les aiment parce qu’il s’identifie aux affamés, aux malades, aux prisonniers… et « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25).

A l’école de Vincent de Paul, et à l’exemple de Jeanne Antide, nous devons comprendre l’incarnation de Jésus-Christ jusqu’au bout à la manière de Matthieu 25. En effet, très souvent, très souvent… l’incarnation du Christ est comprise à moitié. Nous comprenons et acceptons bien que l’incarnation du Fils de Dieu s’est réalisée dans l’humanité de Jésus et que cette incarnation s’est prolongée dans l’eucharistie.

Vincent de Paul, ira plus loin, bien plus loin ! Pour lui l’incarnation du Christ est encore plus audacieuse et intrépide. A ses yeux, Dieu n’est pas seulement présent en Jésus et dans l’eucharistie, mais à la lumière de de Matthieu 25, Dieu est réellement présent dans la personne du pauvre. « Ces petits qui sont mes frères », c’est-à-dire, sa propre chaire, représentent le Fils de Dieu souffrant et réclamant notre amour et compassion. Tournez la médaille dit saint Vincent plus d’une fois, n’est-ce pas ? Vous voyez, Vincent de Paul pousse la logique de l’incarnation jusqu’au bout. Il ne s’arrête pas au milieu de l’itinéraire de l’incarnation… au contraire, il en tire toutes les conséquences. Il dira alors : les pauvre nous représentent Jésus-Christ : « il nous faudra nous persuader fortement que les pauvres sont les membres du Fils de Dieu et qu’en eux nous servons la personne de Jésus-Christ » (Coste IX, 362-363). C’est bien pour cela qu’il conçoit que quitter l’oraison et même l’eucharistie pour servir un pauvre, « c’est quitter Dieu pour Dieu ».

Mes sœurs, Vincent de Paul n’est pas seulement un actif, il est un mystique ; un mystique de l’amour de Dieu incarné en Jésus-Christ, dans l’eucharistie et dans les pauvres. Chaque fois que nous lisons la page de Matthieu 25, j’entends Vincent de Paul nous dire : nous vous trompez pas, ne vous méprenez pas : le Christ est présent dans le sacrement de l’autel, certes, mais il est également, identiquement présent dans l’affamé, l’exilé, le malade ou le prisonnier…

Lorsque les théologiens expliquent le fait que dans l’eucharistie le pain devient le Corps du Christ et le vin devient le Sang du Christ, ils utilisent le mot de transsubstantiation (un mot bizarre !!!). Eh bien, le Jésus de l’évangile de Matthieu parle d’une autre transsubstantiation… Dirions-nous d’une autre présence réelle, présence réelle que Vincent a également contemplée, aimée et vénérée : les pauvres sont Jésus-Christ incarné. Comment cela est-il possible ? Par le miracle de l’’amour infini de Dieu. Oui, par l’amour fou de notre Dieu « Jésus tout entier passe dans la substance des pauvres. Jésus (est) tout entier sous l’espèce des pauvres. Jésus (est) devenu toute espèce de pauvre. Toute espèce de pauvre est transsubstantiée en Jésus, puisque aussi bien « C’est à moi que vous l’avez fait » est une autre manière de dire : « Ceci est mon corps… A cette transsubstantiation-là, il n’y a pas grand monde qui pense…[1] ». Vincent y a pensé. Il l’a comprise. Toutes ses forces et énergies, il les a mises au service des membres souffrants de notre Seigneur. Mais il faut être mystique pour pouvoir comprendre et traduire cela en actes.

Avec raison, le P. TOSCANI, en parlant du côté mystique de saint Vincent de Paul, affirme : « Parmi les spirituels de son temps, il est le plus grand contemplatif de la charité, favorisé par une extraordinaire expérience mystique de l’Amour divin, unique en son genre. Il n’est pas seulement le grand saint du grand siècle, mais dans un siècle de grands mystiques, il se distingue comme le plus grand mystique de l’Amour de Dieu dans le Christ. Après lui il y aura le ‘crépuscule des mystiques’, à cause justement, d’une éclipse de la charité agissante, comme expression obligée de l’Esprit Saint [2] ».

Comme dirait le Pape François : Ne nous laissons pas voler ni l’Amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ, ni l’expérience mystique de cet Amour divin qui nous met au service de ces petits qui sont ses frères, qui sont nos frères : « Une religion sans mystique est une philosophie [3] ».

Roberto GOMEZ, CM 🔸

Vincent de Paul n’est pas seulement un actif, il est un mystique ; un mystique de l’amour de Dieu incarné en Jésus-Christ, dans l’eucharistie et dans les pauvres. Chaque fois que nous lisons la page de Matthieu 25, j’entends Vincent de Paul nous dire : nous vous trompez pas, ne vous méprenez pas : le Christ est présent dans le sacrement de l’autel, certes, mais il est également, identiquement présent dans l’affamé, l’exilé, le malade ou le prisonnier…

Notes :

[1] Cf. François CASSINGENA-TRÉVEDY, Etincelles II 2003-2005, Ad Solem, Genève, 2007, p. 421.

[2] Père Guiseppe TOSCANI, La mystique des pauvres. Le Charisme de la charité. Editions saint Paul, Versailles, 1998, p. 39.

[3] Pape François, entrevue dans La Republica,  du 1er octobre 2013.