Face à un défi qui ne connait pas de frontières, on ne peut pas ériger de barrières. Nous sommes tous dans le même bateau. Toute personne m’est un frère. Je vois en chacun le reflet du visage de Dieu et je découvre le Seigneur qui demande mon aide en tous ceux qui souffrent. Je le vois dans la personne malade, dans le pauvre, dans le chômeur, dans l’exclu, dans le migrant et dans le réfugié : tous, frères et sœurs !
La Province des “Lazaristes” de France, face à la Covid-19. Témoignages
Plutôt que multiplier l’offre ne vaut-il pas mieux développer et renforcer les liens de proximité ? Dans la suite de cette crise, il s’agit alors de privilégier la proximité et rejoindre les initiatives engagées localement où la relation est première.
La rentrée 2020-2021 fut un peu particulière pour la Mission Scolaire. Les 7 mois précédents ayant été marqué par la Covid 19 (et toujours aujourd’hui), j’ai choisi comme thème d’intervention de faire avec les jeunes une relecture de cette période de confinement. Le but étant de leur permettre d’exprimer leurs ressentis, leur vécu, leur questionnement, leurs découvertes, leurs peurs …
Lorsque le 17 mars commence le premier confinement, c’est tout d’abord le souvenir de mon expérience missionnaire en Bolivie qui m’a permis de penser à m’organiser. Nous ne recevions plus hebdomadairement les personnes sans-abris au repas, seule l’équipe a continuée à se retrouver. Les célébrations étant interdites à cause du cluster produit en milieu de culte évangélique, le confrère en paroisse se retrouvait sans activités.
Comme tout le monde j’ai vécu les deux temps de confinement en étant prudent en tant que personne fragile, et également vigilant pour les autres personnes vulnérables.
Je reprends ici le principal d’un article écrit lors du premier confinement et publié sur Cmission. Je précise simplement que j’étais seul à la communauté durant tout le premier confinement. Ce temps de confinement est une très belle grâce à vivre et à longueur de journée je rends grâce à Dieu.
Est-ce un événement ? Sûrement pas ; une banalité, tant il y a adéquation entre une personne âgée et confinée ! Le mariage se célèbre aisément et les deux situations s’ajustent à merveille.
Ce confinement me permet de faire attention à la nature, d’écouter mon corps et tous ceux qui m’entourent. Cette nouvelle ambiance a fait écho dans ma vie spirituelle, communautaire et pastorale.
Sur le plan pastoral, comme il n’y avait pas de Messes dans les églises, mais seulement à la TV, je demandais au Saint Esprit, de me faire rencontrer lors des courses et sur le marché, des paroissiens à qui je pourrais proposer la communion. La prière fut bien exaucée, car je pus alors convenir avec plusieurs d’un rendez-vous pour finalement leur proposer de « Faire leurs Pâques », comme l’on disait jadis.
Pendant cette période, j’ai proposé au niveau du Conseil départemental de la Société Saint-Vincent-de-Paul du Nord, un projet de spiritualité Vincentienne sans prétention de tout révolutionner, en espérant que le conseil d’administration serait intéressé, par ce projet, pour redonner un dynamisme nouveau pour la spiritualité, pour et à partir des membres de la société Saint-Vincent-de-Paul, pour et à partir des personnes accompagnées
Afin de mieux servir toutes sortes de besoins Vincent convoqua, autant qu’il put, riches et pauvres, humbles et puissants, et utilisa tous les moyens pour leur inspirer le sens du pauvre – image privilégiée du Christ – et les exhorta à aider les pauvres directement et indirectement. » Constitution CM. Rome 29 juin 1984
Le but de la Congrégation de la Mission est de suivre le Christ évangélisateur des pauvres. Cet objectif est atteint lorsque ses membres et communautés, fidèles à Saint Vincent:
Cherchent de toute leur force à revêtir l’esprit même du Christ (RC I, 3), pour atteindre la perfection correspondant à sa vocation (RC XII, 13).
Se dédient à évangéliser les pauvres, en particulier les plus abandonnés.
Aident à la formation du clergé et des laïcs et les conduisent à participer pleinement à l’évangélisation des pauvres.
La Congrégation de la Mission, depuis l’époque de son fondateur et par son inspiration, se reconnaît appelée par Dieu pour mener à bien le travail de l’évangélisation des pauvres.
«Rassemblant les préoccupations des évêques asiatiques, Jean-Paul II a déclaré que si l’église « doit remplir son destin providentiel, l’évangélisation, telle une prédication joyeuse, patiente et progressive de la mort et de la résurrection salvifique de Jésus-Christ, doit être votre priorité absolue. » Ce qui est vrai pour tout le monde. » (EG, 110)
De plus, chacun de ses membres ose dire avec Jésus: Nous avons été envoyés pour Evangéliser les pauvres (Lc 4,43)
La Congrégation de la Mission est officiellement appelée Congregatio Missionis (CM). Aussi appelé “lazaristes”, pour avoir eu son origine dans le Prieuré de Saint Lazare à Paris. Ils sont également reconnus comme “vincentians” dans les pays anglophones, en Espagne comme “Paules” et en Amérique Latine comme “Vincentinos”.
La devise de la Congrégation: “Evangelium proclament pauperibus misit moi”, “Il m’a envoyé pour évangéliser les pauvres.” Le 17 avril 1625 marque la date de son Institution, dans laquelle les seigneurs de Gondi – Famille des territoires dans lesquels monsieur Vincent a servi en tant qu’Aumônier – ont signé un contrat avec Saint Vincent de Paul par lequel ils lui ont donné une pension afin de permettre la durabilité économique à son projet de Congrégation.
Le but spécifique, tel qu’indiqué par son nom officiel, est de faire des missions parmi les pauvres, en particulier les paysans qui, au moins à l’époque de la fondation, étaient très abandonnés. Puis Saint Vincent s’est rendu compte que les bons effets des missions seraient bientôt perdus s’ils n’étaient pas entretenus par de bons prêtres, et c’est pourquoi il s’est voué à ce ministère, d’abord avec les Exercices Spirituels de l’Ordinands, ensuite avec les conférences des prêtres du mardi puis avec l’établissement et la direction des séminaires diocésains.
La Communauté dont avait rêvé Saint Vincent de Paul était une réalité pleine de vie quand il mourut en 1660. Entre 1625 et 1654, il y eut 26 fondations, 19 en France, 4 en Italie, 2 en Barbarie et 1 en Pologne.
La Révolution de 1789, et la France presque dévastée, fut l’occasion d’une plus grande diffusion par le monde des missions, tant au Moyen-Orient qu’à l’extrême, tant en Amérique qu’en Asie. L’implantation missionnaire en Chine fut particulièrement significative.
Au début du troisième millénaire la Congrégation s’est élargie partout dans le monde à 39 Provinces, 5 Vice-Provinces.
Données historiques
Dès la fondation de St Vincent de Paul et jusqu’au XVIIIe siècle, la Congrégation connut un développement ininterrompu. Les Lazaristes (missionnaires Vincentiens) passèrent, de 25 en 1632, à 770 à l’époque de la Révolution française, en 1792 (508 prêtres et 262 frères); 220 séminaristes, pendant ce temps, se formèrent pour la mission.
La Révolution Française dispersa les missionnaires, à l’aide du décret de répression des ordres religieux; 24 d’entre eux furent massacrés ou tués sur les quais. La Congrégation fut restaurée par Napoléon en 1804, lorsque 70 confrères retournèrent à la vie en commun.
Elle fut de nouveau abolie en 1809; et dut attendre jusqu’en 1816 pour une restauration définitive. Les vocations augmentèrent jusqu’à la fin du XIXe siècle, permettant d’ouvrir de nouvelles missions en France: les paroisses, les grands séminaires, la formation des mêmes Vincentiens. D’autre part, il y avait du personnel pour relancer les missions en Asie (en particulier en Chine), au Moyen-Orient et en Amérique du Sud.
Au XXe siècle, la séparation de l’église et de l’État en France a produit une certaine stagnation. La Congrégation sera reconnue seulement à titre de représentation française à l’étranger, bien qu’elle soit restée active dans le monde entier.
L’époque de l’après-guerre en France a vu les Vincentiens entreprendre des «missions sous tente», selon l’idée du P. Édouard Rocher. Peu après une mission française fut ouverte au Cameroun.
Actualités de la Congrégation de la Mission
Actuellement, il y a 3106 Vincentiens dans le monde répartis en 507 communautés locales dans 91 pays, sur les cinq continents.
La Congrégation de la Mission (CM) est une «société de vie apostolique», gouvernée par les Assemblées Générales tenues tous les six ans, et par un Supérieur Général, qui réside à Rome et est soutenu par un Vicaire Général et Quatre Assistants. Les Assemblées Provinciales, en revanche, ont lieu tous les trois ans. Les Constitutions et les Statuts en vigueur ont reçu l’approbation pontificale en 1984.
La Congrégation est composée de prêtres et des frères, qui tous se sont consacrés à l’évangélisation des pauvres par le biais de leurs vœux. Saint Vincent recommanda à ses disciples la pratique de cinq vertus : l’humilité, la simplicité, la douceur, l’humiliation et le zèle apostolique. Ce sont des dispositions intérieures indispensables pour annoncer l’Évangile.
L’œuvre majeure demeure telle que le voulait Saint Vincent : les missions populaires, en prenant soin de former les laïcs; sont réalisées à travers un temps fort (trois à cinq semaines) et un temps d’essor plus long (six à dix ans) dans un secteur. La communauté encourage également l’animation paroissiale et les pèlerinages dans l’optique d’accueillir et de former.
Seule la lumière de l’évangile est assez puissante pour éclairer à la fois les abusés et les abuseurs à retrouver une humanité « épanouie » et une « dignité retrouvée » au nom du Christ.
Le pèlerinage est avant tout une démarche spirituelle de foi et d’action de grâce à Dieu qui, d’après saint Augustin, « lorsqu’il couronne les saints, couronne ses propres dons. »
Il faut que la Compagnie se donne à Dieu pour expliquer des comparaisons familières les vérités de l'Évangile, lorsqu'on travaille dans les missions. Étudions-nous pour façonner notre esprit à cette méthode, imitant en cela Notre-Seigneur, lequel, comme dit le saint évangéliste, Tout cela, Jésus le dit aux foules en paraboles, et il ne leur disait rien sans parabole . (Mt 13, 34). N'employons que sobrement dans les prédications les passages des auteurs profanes ; encore faut-il que ce ne soit que pour servir de marchepied à la Sainte Écriture.
Homélie Dominicale
La prudence et la simplicité tendent à même fin, qui est de bien parler et de rien faire dans la vue de Dieu ; et comme l’une ne peut être sans l’autre, Notre-Seigneur les a recommandées toutes deux ensemble. Je sais bien qu’on trouvera de la différence entre ces deux vertus par distinction de raisonnement ; mais, en vérité, elles ont une très grande liaison et pour leur substance et pour leur objet. Pour ce qui est de la prudence de la chair et du monde, elle a pour son but et pour sa fin la recherche des honneurs, des plaisirs et des richesses ; aussi est-elle entièrement opposée à la prudence et simplicité chrétiennes, qui nous éloignent de ces biens trompeurs pour nous faire embrasser les biens solides et perdurables, et qui sont comme deux bonnes sœurs inséparables, et tellement nécessaires pour notre avancement spirituel, que celui qui saurait s’en servir comme il faut amasserait sans doute de grands trésors de grâces et de mérites… (Saint Vincent de Paul, Coste XII, p. 51-52)
Cela est beau à entendre, mais difficile, très difficile, à comprendre. Figurez-vous, le roi de l’univers est un crucifié. Jésus crucifié est le roi de l’univers ! Quelle ironie et quel contraste avec la manière humaine de concevoir la royauté et la puissance.
Notre mission principale est de faire connaitre st Vincent de Paul et sa spiritualité ainsi que nourrir une réflexion auprès de toute personne passant au Berceau pour mener au mieux leur vie, les nourrir de l’évangile et mieux prendre conscience de ce que vivent les laissés pour compte de notre société.
En ce mois d’août, nous fêtons l’Assomption de Marie, une occasion de revenir sur “le vœu de Louis XIII” prononcé en faveur de la France…. Non, ce n’est pas de l’archéologie historique et encore moins spirituelle…. c’est juste un petit rappel de notre histoire… et de son bon sens…
La fête de la Sainte Trinité est la fête du lien et de l’unité. Lien et unité d’abord en Dieu lui-même. Cela est possible parce que Dieu est Père, Fils et sainte Esprit. Parce qu’il y a de l’unité et de la différence en Dieu lui-même.
Le temps de l’Avent n’est pas un temps d’une attente oisive et passive. C’est un temps d’efforts, je dirai même un temps où nous redoublons nos efforts comme ceux qui sont aux champs de batail.
La visée du règne du Christ ne prétend pas exercer un pouvoir simplement stratégique, géopolitique, manipulant la faiblesse des pauvres gens ; mais la royauté du Christ veut ouvrir les croyants et les hommes de bonne volonté à ce qui est éternel, à ce qui ne passe pas, à un trésor qui ne peut pas être ni corrompu ni détruit.
Ce passage de l’évangile a trouvé un écho favorable chez les chrétiens, dès les premiers temps de l’Église. Souvenons-nous aussi, que le Pape François nous a invités à méditer ce passage le 27 mars 2020, depuis la place St Pierre complètement vide, sous une pluie battante, au moment le plus angoissant de la pandémie.
Le temps est à l’audace, le temps est à l’espérance, le temps est à la joie ! C’est le temps de l’Église, le temps de la Mission, le temps de l’Esprit ! Pentecôte hier, Pentecôte aujourd’hui !
L’« audace missionnaire », tant désirée par le synode, récemment célébré dans notre diocèse d’Évreux, reste toujours à faire valoir dans le vaste champ de la pastorale de l’Église.
« Baptisés et Envoyés, l’Eglise du Christ en Mission dans le monde »
à partir de l’expérience de la communauté insérée dans le diocèse d’Evreux.
Le Père Christian Mauvais, notre Visiteur, sollicitait l’ensemble des confrères de la Province afin d’exprimer « le sens de la Mission reçue que nous vivons aujourd’hui » à l’occasion du centenaire de l’encyclique Maximum Illud de Benoît XV qui concernait alors la mission ad gentes. N’est-ce pas toujours cette unique Mission du Christ que nous vivons en Eglise, en Normandie, insérés dans une terre et ouverts sur le monde de différentes manières ? En communauté, nous avions lancé ce projet de rendre compte de ce que nous vivons il y a plusieurs mois. L’occasion s’offre donc à nous de vous proposer ce texte qui est le fruit de la réflexion des cinq confrères qui composent la communauté de Saint-André de l’Eure.
Présence des Lazaristes dans le diocèse d’Evreux – Raymond HERISSET CM
« Y a-t-il rien de plus chrétien que de s’en aller de village en village pour aider le pauvre peuple à se sauver, comme vous voyez que l’on fait avec beaucoup de fatigues et d’incommodités ! Voilà tels et tels de nos confrères qui travaillent présentement en un village du diocèse d’Evreux, où même il faut qu’ils couchent sur la paille. Pourquoi ? Pour faire aller les âmes en paradis par l’instruction et par la souffrance. Cela n’approche-t-il pas de ce que Notre-Seigneur est venu faire ? Il n’avait pas seulement une pierre où il pût reposer sa tête, et il allait et venait d’un lieu à un autre pour gagner les âmes à Dieu, et enfin il est mort pour elles [1]. »
La présence de confrères Lazaristes se poursuivra quelques siècles plus tard, spécialement comme professeur au séminaire d’Evreux. Quelques prêtres diocésains se souviennent encore du Père Hubert Lignée qui ferma le séminaire.
C’est Mgr Jacques Gaillot qui s’adressa au Père Lautissier, visiteur de la Province de Paris, pour qu’il y ait une communauté dans la vallée de la Risle. C’est en septembre 1986 que nous arrivons à Montfort sur Risle, le Père Lucien Delmotte, Frère Gérard Bouchendhomme, et moi-même, Raymond Hérisset. Depuis cette date, nous sommes resté à Monfort 7ans, (la paroisse regroupait alors 12 villages pour une population de 7 000 habitants environ). Puis une nouvelle équipe s’installe à Beuzeville pour 9 ans, ( la nouvelle paroisse regroupaient 25 villages pour une population de 18 000 habitants.) Ensuite, pour 9 ans encore nous arrivons dans la vallée de l’Andelle nous sommes installés à Pîtres et Pont Saint Pierre, regroupant 12 villages pour une population de 12 000 habitants. Au bout de trois ans, nous avons eu en plus la charge de la paroisse de Fleury sur Andelle et Lyons la forêt, regroupant 20 villages et une population de 13 000 habitants. Enfin en 2011 nous sommes envoyé à Saint André de l’Eure, (appelé la Sibérie du diocèse!). Cette paroisse de saint André-Mesnilliers regroupe 34 villages pour une population de 32 000 habitants. Envoyés pour appliquer le projet provincial dans la perspective des secteurs missionnaires tout en étant fidèle à la pastorale diocésaine.
La demande diocésaine était très claire, trois points importants à retenir :
Rendre présente l’Eglise en créant des liens et en renforçant ou renouvelant ceux déjà existants ;
Redonner du dynamisme à ce secteur essoufflé, par de nouvelles manières d’annoncer la Bonne Nouvelle, de proposer la Foi au plus grand nombre. Rendre les chrétiens plus missionnaires par la formation et la responsabilité des Laïcs
Témoigner de la joie de croire, par la présence d’une communauté religieuse masculine dans le secteur.
Dans chacune des paroisses, Montfort sur Risle, Beuzeville, la vallée de l’Andelle et Lyons la forêt, et aussi dernièrement à Saint André de l’Eure, nous avons organisé des temps de mission avec les confrères de Bondues. La collaboration fut précieuse et de nombreux laïcs s’en souviennent encore. Ces temps forts d’une ou trois semaines avaient été préparés par l’équipe de Bondues et avec une équipe de Laïcs sur place. Aujourd’hui encore nous voyons particulièrement dans les trois derniers secteurs, que le travail des Lazaristes n’a pas été vain. De nombreux Laïcs continuent leur engagement et sont des forces encore vives pour le diocèse.
Je dois dire aussi que notre communauté a à chaque fois collaboré avec la province pour la formation des confrères, en recevant des séminaristes. Notre projet pastoral et communautaire a été relu chaque année pour l’adapter à notre projet provincial et à la pastorale diocésaine. Partout, il a fallu mettre en chantier l’Eglise que l’on appelait l’Eglise de demain. Notre priorité était donc de répondre à la demande du diocèse, mais surtout de mettre en place ces Laïcs qui prenaient peu à peu des responsabilités, et de redynamiser la pastorale. Notre effort porte surtout sur les enfants de la catéchèse et les jeunes.
Que de réunions de formation, que de rencontres en équipes, que de célébrations dynamiques, que de regroupements pour faire Eglise… Tout cela pourrait nous éloigner du terrain. Mais l’objectif étant que tout homme doit pouvoir entendre la parole de l’évangile et que de par notre charisme, notre attention étant vers les plus petits, les plus pauvres, nous remarquons que ce sont souvent eux qui sont les plus ouverts à l’accueil et à la fraternité, ce sont eux qui sont les premiers à s’engager au service de l’Evangile et au service de leurs frères.
C’est une grande joie aussi de pouvoir travailler avec des prêtres diocésains qui reconnaissent notre mission. Dans chaque paroisse, nous avons eu la responsabilité du secteur, ce qui nous a permis de travailler ensemble à tous les niveaux et surtout de permettre une entente fraternelle entre les acteurs de la pastorale, et de vivre une vraie fraternité sacerdotale.
Pour moi aujourd’hui, n’ayant plus de responsabilité, c’est avec joie que je sers le Seigneur dans l’aide apporté aux confrères dans le doyenné.
Missionnaire et curé ? – Cristinel-Lucian ANDREİ
Autrefois ces deux noms n’allaient pas facilement de pair, certainement à cause des images figées que nous retenons peut-être spontanément, encore aujourd’hui, de l’un et de l’autre. Le missionnaire libre de tout et disponible pour tous et le curé timoré dans son presbytère avec la multitude des tâches matérielles et spirituelles à accomplir.
La paroisse « Saint André-Mesnilliers », dont j’ai reçu la charge curiale, a la mission de soutenir la vie des 31 790 personnes demeurant dans 34 communes qui la composent. Certes, le champ de la mission est vaste et demande beaucoup de disponibilité tant pour la mobilité que pour l’attention à porter à chacun. Aussi, ma mission fondamentale est celle de toute l’Église, à savoir annoncer l’Évangile, redire aux baptisés la joie qu’il nous procure en le vivant dans la fidélité – ce qui implique le don de nous-mêmes – et témoigner à tous de cette nouvelle d’une bonté inouï. Je suis conscient que la mission que j’ai reçu d’« aller » annoncer cette Bonne Nouvelle et d’engendrer des disciples du Christ pour le bien d’un plus grand nombre de personnes, est à vivre au sein de l’Église avec mes confrères et les chrétiens de bonne volonté.
Répondre aux nombreux appels, se rendre proche aux diverses réalités de la vie du monde qui nous environne, demande une disposition cordiale de nous tous.
L’« audace missionnaire », tant désirée par le synode, récemment célébré dans notre diocèse d’Évreux, reste toujours à faire valoir dans le vaste champ de la pastorale de l’Église. L’effort considérable déjà accompli par mes confrères dans cette paroisse avant mon arrivé demeure, mais avec les forces diminuantes tant de notre part que de la part des chrétiens donnés à la mission, je suis persuadé que notre manière de vivre ensemble en communauté pour la mission est un témoignage indéniable pour que d’autres chrétiens découvrent, répondent et s’attachent à la réalité vaste des attentes spirituelles des personnes proches ou lointaines de la vie d’Église. Tout ceci témoigne de notre disposition et de la disponibilité de tous les acteurs de la pastorale ainsi que de leurs aptitudes à se laisser évangéliser pour assumer ensemble la mission de l’Église, être signe d’espérance et de joie dans la vie du monde aujourd’hui.
Nous sommes tous envoyés en tant que membres du corps du Christ. Sans cesse soutenus et renouvelés par les dons de l’Esprit Saint, le corps que nous formons en Église n’est pas seulement une entité spirituelle, mais aussi une réalité concrète des chrétiens qui y demeure, tous appelés à faire grandir la communion entre nous et avec Dieu.
Ma vie est constamment enrichie, tant spirituellement que physiquement, dans les rencontres soutenues avec les conférenciers de la Société Saint Vincent de Paul ici dans la paroisse et dans le diocèse. De même les visites rendues chez les personnes âgées et affaiblies, dont la solitude est souvent plus pesante que leur santé vacillante, demeurent pour moi des moments de joie partagée. Avec les chrétiens, investis dans l’accompagnement des enfants, je me retrouve régulièrement pour chercher et trouver dans les parcours d’initiation à la foi les meilleures manières pour arriver ensemble avec les plus petits à vivre « la joie de l’Évangile ». Une fois par mois je rencontre des chrétiens de la paroisse chez eux, où, au cours d’un repas partagé, nous abordons des situations sociales et spirituelles qui nous animent et nous interrogent. Le vaste tissu de la vie associative demeure aussi un lieu propice aux diverses et multiples rencontres où les semailles de l’Évangile, avec patience et persévérance, donnent des fruits bons et agréables. Le travail de la terre nourricière dans « les jardins andresiens », l’effort physique pour la retourner, la semer et la planter ; l’attente que les semences germent et que les plantes fleurissent ; l’attention permanente à les arroser et désherber pour qu’elles puissent donner des fruits, ainsi que l’appréciation et l’encouragement mutuelle entre les jardiniers m’aident à maintenir ma disposition pour la mission et me dépenser quotidiennement pour la vie du monde.
Aujourd’hui, les communautés paroissiales, tout comme notre communauté lazariste, vivent dans le monde et avec le monde des virages culturels, sociologiques et démographiques. Ces changements font voir qu’il y a dans la société de profondes attentes au cœur des situations délicates et mitigées, marquées par une érosion des valeurs communes tant humaines que spirituelles. D’un certain point de vue, ces changements peuvent sembler parfois tragiques, mais je crois profondément qu’ils demeurent pour nous et pour tous les chrétiens l’occasion de recentrer notre attention sur la mission authentique initiée et accomplie par Jésus lui-même. Il y a aussi la mission poursuivie par des innombrables disciples de son Évangile qui nous ont laissé le témoignage de la joie à se donner pour un plus grand bien de notre vie et de la vie du monde.
L’attention sur une vie authentique en Église de notre communauté lazariste et des communautés paroissiales doit être stimulée par une pastorale d’engendrement, à appeler constamment et à former avant tout des disciples missionnaires. Il y a déjà des fruits bons à partager de cet investissement dans le grand champ de la pastorale, mais le don généreux de nous-mêmes doit être réitéré quotidiennement. Soutenus mutuellement par la prière et le partage généreux et fraternel, les fruits de la mission qui nous a été confiée ne seront que meilleurs.
La « Fraternité missionnaire » – Elie DELPLACE
On entend fréquemment que nous assistons aujourd’hui à la fin de la « civilisation paroissiale ». Cette dernière avait manifesté le souci d’une évangélisation en profondeur : dans le cadre des paroisses, toute la vie chrétienne était prise en compte de la naissance jusqu’au décès en passant par l’éducation, la santé et les loisirs. Les Missions Populaires dont la congrégation était devenue experte visaient à approfondir et à redynamiser la vie de foi de la paroisse qui sollicitait ce type d’intervention ou à proposer une première annonce à des personnes qui « s’étaient éloignées » de l’Eglise. Alors que les campagnes sont restées durant de longues décennies un bastion pour la vie de l’Eglise, on se rend compte qu’il est plus facile de faire des propositions de la foi dans les centres urbains. Aujourd’hui, il ne reste plus que quelques traces de ce patrimoine et les plus anciens évoquent avec nostalgie la présence de leur curé qui avait passé (presque) toute sa vie dans la paroisse. Toute l’Eglise est devenue missionnaire et les paroisses, dans un rural en pleine mutation, sont en première ligne afin de mettre en œuvre cette pastorale où il s’agit de rejoindre les personnes pour prendre la mesure du don de la vie que nous fait le Christ, Mort et Ressuscité.
Lors de la réflexion sur ce que finalement le diocèse a appelé les fraternités missionnaires, en 2016, le Vicaire Général d’Evreux relevait : « Si des changements sont à opérer dans nos structures, nos pratiques, nos schémas de pensée, ils n’ont à obéir qu’à un seul objectif : mieux répondre aux exigences de la mission. Dans La joie de l’Evangile, le Pape François nous dit : « Chaque Eglise particulière…est elle aussi appelée à la conversion missionnaire… à entrer dans un processus résolu de discernement, de purification et de réforme » (EG n° 30). Un pôle missionnaire se veut être au service de la nouveauté, de la créativité, de la nouvelle évangélisation plus que de la reproduction du schéma paroissial. »
Il est évident que la Mission n’est plus l’affaire des seuls clercs, mais que tout baptisé est invité à y trouver sa place ! Dans ce contexte difficile et exigeant, comment prendre des initiatives nouvelles pour faire de la foi la charpente intérieure dont nous avons tant besoin aujourd’hui ? Le Pape François en insistant sur le fait que tout est lié, tient ensemble les écologies environnementale, sociale et intérieure. La mission que nous essayons de vivre est faite d’attention à la vie des personnes, d’annonce et de temps festifs, de proximité et d’invitation à cheminer pour reconnaitre la présence du Ressuscité sur nos chemins d’humanité où Il ne cesse de nous inviter à risquer de nouveaux pas sur le chemin de l’autre et du Tout-Autre ! Au cœur de cette démarche, on trouve cette conviction : « une priorité absolue doit être accordée à la lecture, la méditation, la scrutation des Ecritures : « La Parole a en soi un potentiel que nous ne pouvons pas prévoir » (EG n° 22). »
Nous essayons de vivre la Fraternité Missionnaire sur ce qui était autrefois un secteur et que le diocèse a désigné comme un doyenné, faute de mieux ! Il regroupe trois paroisses : les Paroisses de Saint André-Mesnilliers et Avre et Iton dont nous assurons directement la charge curiale, comptent respectivement 31 790 habitants avec 4 communautés locales et 34 villages, 19 385 habitants pour 3 communautés locales et 30 villages. La troisième Sainte-Marie du Pays de Verneuil dont le curé est un prêtre diocésain, 17 307 habitants pour 3 communautés locales et 18 villages[2]. Actuellement il y a tout un travail de regroupement de villages au niveau administratif ; ce qui n’est pas simple pour les élus locaux qui manifestent un véritable désir du développement local et de l’animation des différentes réalités. On trouve le village traditionnel avec son Maire souvent très présent à la vie de ses administrés, la commune nouvelle qui regroupe plusieurs villages (Mesnils-sur-Iton rassemble plusieurs villages dont Damville et enfin, depuis 2015, une loi oblige les communes à se regrouper afin que celles-ci n’aient pas un nombre d’habitants inférieur à 15000. Le doyenné comprend presque la totalité de l’Interco Normandie Sud Eure – 41 commune et 40 274 habitants – et tout le sud de la Communauté d’agglomération Évreux Portes de Normandie soit 62 communes et plus de 100 000 habitants). Une population de « rurbains » est plus ou moins importante dans les villages selon les choix de constructions des municipalités. Dans certains secteurs géographiques, on assiste aussi à une forte présence de résidences secondaires où reviennent des familles originaires de la région ou des parisiens qui en ont les moyens! Ce paysage contrasté ne doit pas nous faire oublier les grandes pauvretés le plus souvent cachées : la banque alimentaire distribue des colis dans nos deux paroisses et on doit souligner le dynamisme de la Conférence Saint Vincent de Paul à Saint André et des vincentiens qui s’y dévouent (C’est le Père Cristinel qui accompagne les Conférences du diocèse). A la fin de l’année 2018, le Secours Catholique a lancé une initiative nouvelle avec le Fraternibus : un minibus s’installe pour l’instant sur les marchés de Damville et de Breteuil (Paroisse Avre et Iton) afin de rencontrer, d’écouter et de dialoguer avec les personnes qui le désirent et de voir comment les accompagner. Les bénévoles partagent leur joie et insistent sur le « besoin » de dialogue pour des personnes isolées qui vivent avec d petits moyens !
Dans l’annuaire 2018, donc au 31 décembre 2017, le diocèse comptait 68 prêtres (46 incardinés, 15 séculiers non-incardinés et 7 religieux ou membres de société apostoliques) dont 24 ont plus de 75 ans. On compte un bon nombre de prêtres « venant d’ailleurs », comme on aime aujourd’hui les désigner et il y a régulièrement une, voire exceptionnellement deux ordinations par an. Le diocèse est caractérisé par un grand nombre de diacres permanents : ils sont 25 (dont 15 de moins de 75 ans). Notre communauté, elle-même interculturelle, trouve tout à fait sa place dans ce presbyterium !
La Paroisse reste la référence territoriale, institutionnelle essentielle (avec l’EAP qui, avec le curé, reçoit mission de l’évêque), mais il s’agit de vivre une proximité au niveau des communautés locales. Pour veiller à la vie chrétienne, il existe donc une Equipe d’Animation Locale au plus près de la réalité locale. Toutefois, la situation est très différente d’une communauté à une autre. Le choix du diocèse est de vivre cette proximité et de favoriser la mise en place de repères « afin que la paroisse soit réellement une communion de communautés[3] ». Cela est net au niveau des messes dominicales : l’eucharistie est célébrée chaque dimanche dans un même centre paroissial repérable dans l’espace et le temps. Comment prendre en compte les efforts des municipalités pour entretenir leurs églises et ne pas les réduire seulement à des éléments du patrimoine, pour demeurer des lieux vivants de rencontre et d’expérience de foi ? La mission se vit très concrètement dans cette tension et dans les propositions que la communauté dans son ensemble peut faire. Concrètement au niveau de la catéchèse, par exemple, nous proposons, dans les deux paroisses, des temps de célébrations festives mensuelles où nous rassemblons les enfants et les familles. Les enfants se réunissent en équipe dans les communautés locales et nous devons certainement encore approfondir cette proximité… C’est une belle dynamique qui se vit, grâce à l’investissement de chacun et nous en percevons quelques modestes fruits lorsque des parents acceptent de s’investir un peu plus ; des jeunes rejoignent la communauté et d’autres poursuivent leur cheminement après la profession de foi ! Comment pouvons-nous créer du lien à notre niveau dans les villages et sur le territoire où nous sommes insérés et dans l’Eglise elle-même, en invitant à nous ouvrir plus largement à la vie de l’ensemble ?
Depuis septembre 2017, nous vivons donc la mise en place d’une fraternité missionnaire… Concrètement cela signifie que nous nous retrouvons régulièrement – prêtres et diacres du doyenné – pour partager La Parole de Dieu et pour prier ensemble. Nous prenons ensemble des initiatives nouvelles et nous partageons la réflexion des trois EAP. La Fraternité missionnaire n’est pas une nouvelle structure qui viendrait chapeauter les autres, mais elle nous rend attentif aux initiatives missionnaires qui existent dans chaque paroisse ou celles qui demanderaient à être soutenues pour l’ensemble du doyenné : l’arrivée en octobre 2018 de notre confrère camerounais Silas est ainsi déterminante pour la pastorale des jeunes et l’aumônerie qui s’organise avec les laïcs engagés dans chaque paroisse. En tant que Lazaristes nous demeurons attentifs à former des personnes qui prennent tout leur place de baptisés et nous vivons la solidarité du presbyterium au service de la mission. Notre propre interculturalité nous rend attentif à cette dimension déterminante de notre monde contemporain et de la vie de l’Eglise.
Je ne doute pas que ces quelques lignes aiguisent votre désir de dialogue et d’échange. Ce que, en communauté, avec nos richesses et nos limites, nous vivons au service de l’Eglise d’Evreux est une belle aventure qui nous inscrit dans la continuité d’un sillon missionnaire et nous permet de prendre en compte la nouveauté de notre temps. Cela nous ouvre toujours davantage et c’est certainement avec joie que nous pouvons rendre grâce pour le chemin parcouru et les défis que nous avons encore à vivre !
LE « GRAND ÉCART »
Appartenir à deux communautés de vie : Séminaire Interdiocésain d’Orléans et Saint André de l’Eure en Normandie – Benoît Kitchey
Membre de la communauté Lazariste de saint André de l’Eure, je suis en mission au séminaire Interdiocésain d’Orléans pour la formation et l’accompagnement spirituel des séminaristes. En effet, la formation des prêtres ou de futurs prêtres est une des caractéristiques missionnaires essentielles du Charisme [4] de la Congrégation de la Mission, une préoccupation de saint Vincent :
« S’employer pour faire de bons prêtres et y concourir comme cause seconde efficiente instrumentale, c’est faire l’office de Jésus-Christ, qui, pendant sa vie mortelle, semble avoir pris à tâche de faire douze bons prêtres, qui sont ses Apôtres, ayant voulu, pour cet effet, demeurer plusieurs années avec eux pour les instruire et pour les former à ce divin ministère [5]. »
Cette mission au séminaire est une décision de la Province Lazariste de France. Elle est aussi l’expression tangible de la collaboration effective avec les Eudistes (Congrégation de Jésus et Marie), afin de signifier l’appartenance commune à la Grande Famille de l’École Française de Spiritualité.
Objectivement parlant, je mesure le défi que cette double appartenance représente pour la communauté Lazariste de saint André de l’Eure-Damville et pour moi-même. Elle introduit de fait dans la vie communautaire et pastorale, une diversité réelle accentuée qui n’est pas toujours aisée à comprendre et accepter. En effet, je passe plus de temps au séminaire d’Orléans qu’en Normandie. Cela pourrait être source d’incompréhension légitime et amener à me considérer comme ne vivant pas pleinement la mission confiée à la communauté dans le diocèse d’Évreux.
Toutefois, la communauté lazariste de saint André de l’Eure est marquée par la vie avec les confrères, la joie de retrouver les membres de la famille spirituelle à laquelle on appartient comme membre de la Congrégation de la Mission, des temps conviviaux autour des repas partagés, les nouvelles échangées, des réunions communautaires pour parler de la vie pastorale dans le doyenné, des sorties communautaires. Tout cela constitue un bien inestimable.
Pour moi, la présence en communauté est un temps de respiration en compagnie des confrères et dans une région rurale où il est encore possible de respirer « l’air non pollué ». En outre, ce temps en communauté lazariste est aussi marqué par un service pastoral intense : préparation du baptême des petits-enfants avec les animatrices de communautés locales et les célébrations de messes.
Mais, peut-on appartenir à deux différentes communautés de vie ayant chacune sa spécificité et son identité propre sans ressentir une certaine tension existentielle ou des tiraillements ? De fait, il y a « une tension permanente » que je vis positivement.
Peut-on être considéré comme membre d’une communauté dans laquelle on est présent par intermittence ? N’est-ce pas du tourisme saisonnier qui s’accommode de l’étiquette « Je suis membre de la communauté de saint André de l’Eure » ? Ces différentes questions doivent nous amener à reconsidérer deux réalités : le fait d’appartenir à une communauté spécifique située dans un diocèse et le fait d’être en mission ailleurs ?
Certes, une communauté est implantée dans un territoire, mais certains membres de la communauté peuvent avoir des missions qui débordent de ce territoire. Il y a dans cette situation une itinérance missionnaire réelle vécue au sein de la communauté Lazariste de Normandie. D’où la nécessité pour les membres de la communauté de prendre en compte cette spécificité, cette itinérance, afin de ne pas succomber à la tentation consistant à considérer un membre de la communauté ayant une mission ailleurs comme n’appartenant pas de fait à la communauté. Une communauté qui intègre cette réalité manifeste à la fois son ouverture aux différentes missions de la Province Lazariste de France et son ouverture à la mission de l’Eglise universelle. Cette diversité dans la mission n’est-elle pas aussi une chance qui exige de nous une ouverture à l’Esprit et d’accueillir la manière dont Il met les différents dons au service de la construction du même corps ecclésial ?
« Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien… Mais celui qui agit en tout cela, c’est l’unique et même Esprit : il distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier » (1 Cor 12, 5-12).
En somme, je vis ce « grand écart » avec la richesse des deux communautés de vie dans une permanente recherche de l’unité de ma vie d’homme, de prêtre et de membre de la Congrégation de la Mission.
« La communauté des formateurs est constituée de prêtres choisis et, compétents [6] chargés de collaborer à la délicate mission de la formation sacerdotale. Il est nécessaire que des formateurs soient exclusivement consacrés à cette tâche, afin qu’ils puissent s’y adonner complètement ; il faut donc qu’ils habitent au séminaire. […] Le groupe des formateurs ne correspond pas seulement à une nécessité institutionnelle, il constitue avant tout une authentique communauté éducative qui offre un témoignage cohérent et éloquent des valeurs propres au ministère sacerdotal [7]. »
Suivre le Christ n’est-il pas un travail de recherche permanent de l’unité de vie à travers différentes missions vécues à la lumière de l’Evangile et de l’engagement à servir l’Eglise ?
Nous aimerions encore vous partager tellement d’autres choses de ce champ de la Mission. Cet exercice a été une belle opportunité pour notre communauté qui chemine à la suite du Christ Evangélisateur… Nous sommes conscients de nos limites mais, chaque jour, nous sommes conviés à prendre la mesure de la Grâce dont nous sommes les témoins.
Un regard venant d’Afrique sur la mission en Normandie – Silas BADA SILAS, cm
Je suis BADA SILAS Silas, prêtre de la Congrégation de la Mission, de la Vice province du Cameroun. Je suis en France dans le cadre de collaboration inter-provinces pour une durée de 4 ans. Il s’agit pour moi de vivre l’expérience de la dimension interculturelle de notre Congrégation, tout en essayant également de tenir à la fois la Mission et les études. Ainsi, en Normandie depuis bientôt un an seulement, que dire du déploiement de la foi et de la Mission en terre française? Juste deux constats.
Le premier est celui du principe de la continuité, l’évidence de la catholicité de Eglise ; c’est-à-dire sa dimension universelle. Je suis au contact d’une Eglise bien sûr entièrement fondée sur le patrimoine identique, essentiel, constitutionnel de la même foi en Jésus-Christ, proclamée par les Ecritures. Les points de continuité se trouvent aussi tant au niveau du canon liturgique, qu’au niveau des repères généraux de la pastorale de l’Eglise. Une pastorale a fortiori centrée sur le mystère du verbe incarné ; boostée par le principe ecclésiologique de communion, cherchant à répondre aux besoins spirituels du terrain.
Le deuxième constat s’articule indubitablement autour des éléments de ruptures, mieux, de différence. L’expression, c’est-à-dire, la façon de manifester l’unique foi est presque toujours variable d’un milieu à un autre et par conséquent originale, conforme au génie, à la culture de ceux qui professent cette unique foi. Car contrairement à la manière vivace, dansante et vibratoire des africains de célébrer la foi, la totalité liturgique semble ici bien discrète, méditative et calme. Ce fut d’ailleurs la toute première remarque et différence la plus brutale, mais rassurante.
Ensuite, il faut souligner que je suis à la rencontre d’une Eglise qui a ses préoccupations avec des centres d’intérêts sans doute plus ou moins différents qu’avec ce qui se vit du côté d’Afrique. Entre autres réalités pastorales de ma terre missionnaire d’accueil, je peux citer : la faible participation des fidèles aux célébrations et événements d’Eglise, comparativement à la réalité ecclésiale africaine. La faible participation des jeunes à la vie de l’Eglise. La diminution du nombre de prêtres qui entraine illico-presto, une reconfiguration des structures communautaires locales. Par contre en Afrique, on est plutôt dans la logique du morcellement des unités ecclésiales etc. L’amertume de l’actualité autour de la question de la pédophilie et du cléricalisme reste un souci majeur qui révolutionne l’agir pastoral. Cette mal-essence ecclésiale qui attriste et secoue la barque du Christ Jésus, concerne la Communauté Universelle des baptisés en général, même si, les accents de cette crise demeurent différents. Les tendances spirituelles et religieuses sont variées : on trouve parmi les fidèles chrétiens une partie assez résistante à des nouvelles manières de faire ; d’autres par contre très allergiques aux façons stéréotypées de fonctionner et d’autres encore très modérés, ouverts, dynamiques, cherchant à aller toujours plus loin.
Face à ces défis pastoraux, un ensemble d’éléments me permettent de vivre avec joie, vivacité et lumineuse espérance la mission. La première des points d’appui, c’est la vie communautaire vécue dans la richesse de la différence de ses membres. A cette expérience de chacun, s’ajoute le respect des exigences des piliers vincentiens de la vie communautaire que sont : les moments de prière quotidienne avec les confrères, les repas, les réunions, et les espaces de détente. De ce fait, la communauté demeure pour moi une référence sûre, un véritable lieu d’inspiration et de consolidation des convictions missionnaires et pastorales.
Puis, il y a ce qu’on appelle dans le Diocèse d’Evreux la fraternité missionnaire qui est un réel espace d’écoute, d’échange, de prière, de réflexion, d’apprentissage et de marche ensemble vers un idéal commun, vers l’unité et la communion ecclésiale. Dans le doyenné Sud du Diocèse, composé de trois paroisses (St André-de-l’Eure, Avre-et-Iton et Verneuil), cette fraternité s’exprime à travers plusieurs initiatives, notamment, les rencontres hebdomadaires des prêtres autour de la parole de Dieu méditée, priée et partagée ; l’élaboration des programmes de certaines activités sur l’ensemble des trois paroisses pendant les temps forts de l’Eglise. Ce qui permet une large manœuvre pour les fidèles de la fraternité missionnaire de choisir librement, quand et où participer à tel ou tel autre événement d’Eglise. Un autre exemple est celui de l’organisation sectorielle commune des retraites et célébrations de certains sacrements ; l’animation des débats autour d’un thème. Ce fut le cas de la retraite des Confirmands jeunes du doyenné Sud, tenue du 11 au 13 février et l’organisation d’une journée débat sur la laïcité le 16 mars dernier.
Enfin, je termine par l’évocation de la pastorale des jeunes en milieu rural où j’y suis impliqué particulièrement. La particularité de cette pastorale réside surtout dans le fait qu’elle s’imprègne de la catéchèse biblique symbolique où on sort de la méthode ancienne et ordinaire qui consiste à transmettre de vérités figées, de significations stéréotypées du message évangile. La nouveauté consiste donc à donner la parole aux jeunes pour que la réflexion se construise ensemble, avec la participation de chacun d’eux. Cette même méthode est aussi adoptée lors les messes des dites des familles où les jeunes se retrouvent avec leurs parents qui les accompagnent, leurs catéchistes et animateurs. La logique de la célébration de l’Eucharistie par exemple, est toujours adaptée en fonction du parcours de foi des jeunes, du thème et de l’événement célébré. Tout ceci, nécessite bien évidemment une préparation anticipée avec les catéchistes et autres animateurs qui encadrent de près les jeunes. Une des belles choses que j’ai découvert dans cette pastorale des jeunes, c’est la mise sur pied d’une étape de foi des jeunes qu’on appelle : la profession de foi. C’est un véritable cheminement de vie chrétienne qui permet aux jeunes de passer d’une foi reçue de leurs parents à une foi plus personnelle. C’est donc une occasion pour eux de renouveler et de réaffirmer publiquement les promesses faites en leur nom par leurs parents, parrains et marraines le jour de leur baptême.
Et je trouve finalement que cette pastorale des jeunes et notre résolution communautaire de davantage assurer une présence régulière dans les villages les plus reculés de notre champ pastoral habituel, demeurent des véritables lieux d’évangélisation et de mission. Les temps forts de rencontre, de célébration dans ces cadres constituent ainsi les périphéries de notre pastorale. Ceci nous oblige à oser l’expérience d’une « Eglise en sortie » (E.G 24), que nous propose le Pape François dans Evangelii Gaudium, afin de dire ‘’non au pessimisme stérile’’ (EG 83), non à une vision qui enveloppe « dans une acédie paralysante » (EG 84). Bref, faire l’effort de « ne pas nous laisser voler la joie de l’évangélisation » (EG 84).
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[1] Coste, Tome XI, Extrait d’entretien sur la vocation missionnaire, p.1
[2] Annuaire du diocèse d’Evreux, 2018. Une population en légère croissance.
[3] Un document du 24 décembre 2004 – https://evreux.catholique.fr/je-me-documente/le-diocese/lofficiel/le-ministere-presbyteral/orientations-sur-quelques-aspects-du-ministere-presbyteral