Impression de la Retraite Ecole Française. La Roche-du-Theil. 19-25 août 2018

Impression de la Retraite Ecole Française.

La Roche-du-Theil. 19-25 août 2018

Nous étions 11 confrères de la Congrégation de la Mission adjoints à 12 sulpiciens, 8 eudistes, 12 MEP et 3 oratoriens, soit 33 participants. Notre prédicateur était le père Michel Quesnel, oratorien, ex-universitaire de talent et de haut vol, maintenant émérite, toujours sur le chantier de l’Ecriture sainte, travaillant à mi-temps, sur une paroisse de Lyon. Il sait allier une compétence reconnue et une capacité à toucher le grand public. On lui doit, entre autres, « La sagesse chrétienne un art de vivre » (DDB, 2005), « Jésus, l’homme et le Fils de Dieu » (Flammarion, 2004) « Paul et les commencements du christianisme » (DDB 2001) et « Prier 15 jours avec st Paul » (Nouvelle Cité n. 120) et le plus récent : « La Première lettre aux Corinthiens » (Cerf, 2018). Il nous a, bien entendu, fédérés autour de st Paul avec le thème suivant :

Être apôtre à la manière du Christ… à la suite de Saint Paul

Son plan donne à penser. Nous ne donnons que les arêtes sans la chair nourrissante  de la pluie de citations cueillies dans la TOB, version parfois corrigée par l’auteur par souci de précision (telle la différence aoriste -passé simple- vs parfait -passé composé-). Pour 12 séances de « grattage », nous nous sommes penchés sur :

 

1. S’UNIR AU CHRIST APÔTRE

Une conviction chrétienne fondamentale : Le premier apôtre est le Christ

L’apôtre humain est l’envoyé de l’envoyé

 L’union mystique de l’apôtre au Christ

 

 

2. DEVENIR ESCLAVE, COMME LE CHRIST EST ESCLAVE

Paul, devenu esclave comme le Christ est devenu esclave

 La complète mise à disposition

L’abandon des droits

 

 

3. ETRE UN HOMME DE COMMUNION AUPRES DES EGLISES

Le travail concerté entre Barnabé et Paul

La Communion avec l’Eglise de Jérusalem

 

 

4. S’EFFACER POUR ETRE MIEUX APOTRE

Evangéliser deux par deux, ou plus

Distinguer ce qui est du Christ et ce qui est de soi

Eviter de se faire recommander et de se recommander soi-même

 

 

5. ETRE LIBRE ET LIBERATEUR POUR TEMOIGNER DE L’AMOUR

Le message de l’Evangile paulinien : un message de liberté

La liberté de l’apôtre

 

 

6. FRATERNISER AVEC LES AUTRES MINISTRES

Une information sur les différents types de ministères au temps de Paul

L’esprit de collaboration entre les ministres

Une fraternité parfois difficile. L’exemple de Paul et Apollos

 

 

7. PARTICIPER A LA FOLIE EVANGELIQUE

Scandale et folie du message proclamé

Folie du comportement de l’apôtre

 

 

8. SE REJOUIR D’UN MONDE SAUVE

Place de la joie dans les lettres de Paul, aux différentes époques de son apostolat

Place de l’action de grâce dans les épîtres de Paul

Affirmations pauliniennes sur le destin eschatologique du monde

 

 

9. SAVOIR DELEGUER

Les principaux collaborateurs de Paul : Timothée, Tite et Silvain

Trois occasions de déléguer à un collaborateur : a) Laisser quelqu’un sur place et repartir en mission. b) Prendre des nouvelles et porter du réconfort. c) Envoyer quelqu’un à sa place en cas de crise ou de difficulté

Autres collaborations

 

 

10. PREMIER APPUI DE L’APOSTOLAT : FREQUENTER LA PAROLE

Références constantes de Paul à la Parole

Liberté de Paul par rapport à la Parole

Attachement de Paul au peuple porteur de la Parole : Israël

 

 

11. DEUXIEME APPUI DE L’APOSTOLAT : DISCERNER A LA LUMIERE DE L’AGAPE

Une règle d’or

Un exemple de discernement significatif : suite et fin des idolothytes

Des situations analogues aujourd’hui

 

 

12. ACCEPTER UNE MISSION CRUCIFIANTE

Pour Paul : un trait tiré sur son passé de Juif observant de la Loi

Fatigues et souffrances

L’échec de la prédication apostolique

Un dernier point : souffrance et destin du monde

 

J’ai aimé

 

  • Me pencher sur l’union au Christ Apôtre, lui qui fut le premier envoyé et qui donne à l’Apôtre humain d’être l’envoyé de l’Envoyé. L’application est lumineuse ; le premier mouvement de l’Apôtre est de chercher à s’unir mystiquement au Christ par une vie intérieure et d’oraison imparables. Vie christique intérieure intense !
  • J’ai aimé me pencher sur le Christ esclave, qui se fait « rien » pour rendre compte du Tout. Il se met et nous invite à la mise à disposition. Etre apôtre, c’est sans cesse se demander si nous sommes disponibles, en état d’ouverture, d’offertoire, d’accueil de l’autre et de l’évènement qui nous l’apporte. Quels sont les signes de disponibilité donnés ? Et quels contre signes je fais tomber qui m’enferment dans une tour d’ivoire inaccessible ?
  • J’ai aimé me souvenir qu’être apôtre, c’est être homme de communion entre les Eglises et du même coup entre les chrétiens et les personnes elles-mêmes … le faire inlassablement au point de s’effacer, de rester réservé et discret… Libre de toutes implications malsaines, et uniquement préoccupé de plaire à Dieu dont l’attachement est fondamental. Ma conscience prime sur des lois passagères et c’est elle qui me rend vraiment libre à condition bien entendu, qu’elle soit droite et pense sain.
  • J’ai aimé méditer sur la joie de l’évangélisation, à cette place constante que Paul donne à l’exultation alors qu’il rencontre maints avatars, des souffrances multiples, des coups durs de toutes sortes. Inlassablement il m’invite à vivre la joie et à la communiquer : « Soyez toujours dans la joie ». Il nous veut résolument optimistes parce que c’est participer à la folie évangélisatrice. La joie se répand à partir de notre propre témoignage. Que de prêtres sévères et pincés qui oublient le rire ! Que de prêtres qui annoncent la joie avec une mine d’enterrement ! Que de prêtres accablés qui accablent les autres ! Surtout en ces temps difficiles pour l’Eglise qui connait l’obscurité d’une nuit de son esprit à nulle autre pareille. S’il s’agit de ne rien nier et de ne rien biffer d’une liste déjà trop longue, il ne s’agit pas d’en rajouter et d’ajouter la tristesse à l’accablement. Nous restons fiers d’être chrétiens parce que c’est la puissance de Dieu qui agit en nous et nous porte.
  • Qu’il est bon de retenir aussi de Paul la place qu’il donne à l’action de grâce dans ses épîtres. J’ai remarqué qu’il commence par exulter, alors que la situation dans l’Église de Corinthe n’est pas brillante. Il est convaincu que le présent est garant de l’avenir. Ce que Dieu a réalisé dans ses destinataires, il pourra le réaliser encore. C’est la source d’une espérance, car… « Dieu est fidèle ». Que ne fait pas découvrir le Père Michel Quesnel au passage ; Satan est-il éternel ? Il se pose la question jusqu’à répondre que non… « Nous sommes habitués à lire, influencés par les portails des cathédrales, la fin du monde à partir de Mt 25, 31-46 : enfer et paradis. Encore que les deux lieux ne soient pas symétriques : le Royaume est préparé « pour vous » (v. 34) ; le feu éternel est préparé « pour le diable et ses anges » (v. 41). Mais si le diable cesse d’exister ? Saint Paul a une autre vision du destin eschatologique des humains. La mort en tant qu’ennemie de Dieu est détruite (1Co 15, 26). Satan n’est pas éternel (1Co 15, 24 : « après avoir détruit toute domination, toute autorité, toute puissance »). Certes, la perspective d’un jugement ne disparaît pas tout à fait des propos de l’apôtre, notamment dans le corps de 1 Corinthiens. » Et comme beaucoup, je me laisse entraîner par la fameuse tirade :

«  Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous, comment, avec son Fils, ne nous donnerait-il pas tout ? Qui accusera les élus de Dieu ? Dieu justifie ! Qui condamnera ? Jésus Christ est mort, bien plus il est ressuscité, lui qui est à la droite de Dieu et qui intercède pour nous ! Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le danger, le glaive ? Selon qu’il est écrit : A cause de toi nous sommes mis à mort tout le long du jour, nous avons été considérés comme des bêtes de boucherie (Ps LXX 43, 23). Mais en tout cela nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés.  Oui, j’en ai l’assurance : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Autorités, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, notre Seigneur. »

Rm 8, 31-39 : Ce « rien » final dit beaucoup sinon « tout » ! Alors oui, j’aime aussi qu’on me rappelle la perspective d’un monde sauvé et qu’à son tour un tel avenir me réjouisse.

  • J’ai aimé cette méditation sur le premier appui de tout apostolat : FREQUENTER LA PAROLE. Paul s’y réfère constamment, appuyant souvent son argumentation et surtout sa foi sur elle. Il déroule les Ecritures qu’il connaît bien – quitte à prendre ses propres distances avec elle – et il les cite à bon escient, très au courant en même temps de l’actualité de ses Eglises, connaissant l’état du monde dans lequel il se déplace, pétri de la culture de son temps et jonglant avec les langues et les mentalités. Pour nous, un vrai modèle d’ajustement aux temps modernes et post-modernes. C’est bien le moment de redoubler d’attention et de fréquentation de la Parole, de me situer dans une attitude spirituelle d’effacement humble par rapport à elle sans tri aucun mais dans sa globalité. Et le Père d’ajouter : « Vouloir faire connaître la Bible et en donner le goût. Fournir des clefs de lecture d’aujourd’hui pour que les chrétiens puissent se l’approprier. Ouvrir des cercles bibliques. Soigner la préparation de nos homélies. » Et je pense aux pages de François dans « la joie de l’Evangile « qui coulent du § 135 au § 144. (Cf. un service de la CEF, le Service d’Optimisation des Homélies (SOH), et sa publication récente : Prêtres diocésains, n° spécial 2017). Plus que jamais m’habite une obsession : zoom sur la Parole ! Elle est ma nourriture, me souvenant qu’il n’y a pas d’Eucharistie sans elle.
  • Enfin j’ai aimé entendre parler du « DISCERNEMENT…A LA LUMIERE DE L’AGAPE. » Perspective paulinienne : il y a très peu de lois religieuses contraignantes. En morale chrétienne, la conscience prime et l’agapè doit être recherché. Les choix faits devront tenir compte de la conscience du sujet et de la conscience des autres. J’ai ma conscience mais l’autre a la sienne. Pourquoi percerai-je son coffre-fort ? Je tiens à ce que je crois mais je respecte l’autre et si je juge bon de le faire avancer, je le prends là où il en est sans forcing et avec un infini respect de ce qu’il est.

« Mon Dieu donne-moi la sérénité d’accepter toutes les choses que je ne peux changer, donne-moi le courage de changer les choses que je peux changer, Et la sagesse d’en connaître la différence » (de Marc-Aurèle)

 

Libres propos

 

  • J’aurais souhaité, quant à la forme, que le Père nous distribue son travail à la fin de chaque séance au lieu de le donner in extenso en finale, à la demande du plus grand nombre.
  • J’aurais apprécié qu’il évite – mais comment ? – une telle abondance de citations mais le genre même postule cette profusion fastidieuse. Le célèbre « Prier 15 jours avec… » est un moyen heureux de synthétiser des enseignements fragmentés. Je recommande son ouvrage «…avec st Paul » qui va dans ce sens (N°120 de la collection).
  • Beaucoup de confrères ont trouvé des excuses pour ne pas s’inscrire à cette retraite, négligeant quelquefois l’enseignement commun aux « cousins ». Dommage ! C’est dans de telles occasions – concrètement au cours des repas du soir où était levé le silence –  que se forge un esprit commun et que se croisent nos histoires. Il y a beaucoup à apprendre des instituts apparentés. J’aime ainsi entendre parler de la recherche sur la mission ad intra, de la formation des prêtres, de l’envoi ad gentes. Plus que des théories établies sur commande, de tels témoignages fortifient nos convictions et les ajustent au présent ecclésial.
  • Le cousinage évoqué démontre que nous n’avons aucune difficulté à nous organiser en retraite : d’instinct nous trouvons le style et le rythme qu’il faut, « l’Ecole française » n’étant pas un vain mot. Et si le diable se cache dans les détails, je n’ai trouvé aucune rupture inconciliable entre nous.
  • Enfin j’ai admiré l’organisation du centre, une soirée étant réservée à cela. Le Père Benoit Sevenier, eudiste, nous a fait une présentation magistrale et emballante de son Centre spirituel dont il est le Directeur pastoral,  un directeur administratif, diacre marié, s’occupant du matériel. Les rôles sont parfaitement distribués et l’entente apparaît cordiale. Le programme est vaste et présente une foultitude de propositions depuis les retraites classiques jusqu’à la pastorale des familles, en passant par une Ecole de méditation, la pastorale de la santé, les préparations au mariage, l’Ecole de la santé et des intervenants de valeur comme Maryvonne Verrons, François Bedu, Daniel Doré, Mgr Dubost pour ne citer que quelques noms… Trois figures vont représenter notre fédération naturelle : Monsieur Olier en octobre 18, Bérulle en décembre, Jean Eudes en avril 19, Maître Eckhart en  mai. Qui veut relever le gant pour Vincent Depaul ? Les maîtres du lieu vous y attendent !

Inutile enfin de dire la beauté du cadre, la modernité des lieux et la cordialité hospitalière et, cerise sur le gâteau, la forêt où au détour des chemins et des sentiers, vous surprennent écureuils et biches espiègles.

Et nous recevons un autre défi au choix de nos capacités : pourquoi nous, ne pas fonctionner ainsi avec Villebon et le Berceau ?

Jean-Pierre RENOUARD, CM 🔸

Qu’il est bon de retenir aussi de Paul la place qu’il donne à l’action de grâce dans ses épîtres. J’ai remarqué qu’il commence par exulter, alors que la situation dans l’Église de Corinthe n’est pas brillante. Il est convaincu que le présent est garant de l’avenir. Ce que Dieu a réalisé dans ses destinataires, il pourra le réaliser encore. C’est la source d’une espérance, car… « Dieu est fidèle ».

Explications :

L’École française de spiritualité est un concept forgé par l’abbé Henri Bremond dans les années 1920 pour définir le courant français issu de la Réforme catholique du xviie siècle.

Dans l’École française de spiritualité, on a coutume de placer en premier lieu la Société de l’oratoire de Jésus fondée par Pierre de Bérulle, ainsi que le théologien Charles de Condren (1588-1641), mais également saint Vincent de PaulJean-Jacques Oliersaint Jean Eudessaint Louis-Marie Grignion de Montfort et parfois Bossuet. On place quelquefois au sens large aux côtés de l’École française de spiritualité certains théologiens jansénistes, comme Jean Duvergier de Hauranne.

L’École française de spiritualité a pour caractéristique de mettre l’accent sur le mystère de l’Incarnation et de préciser les rapports du Logos (Verbe incarné) dans la charité agissante, ce qui a pour conséquence de placer au centre de ses préoccupations la sanctification du prêtre, en étant missionnaire des âmes.