Le charisme de Vincent de Paul
Article paru dans « La Croix ». Edition dominicale (2-3 septembre 2017)
En 1617, Vincent de Paul décide de se consacrer aux plus pauvres. Aujourd’hui, la famille vincentienne compte 165 institutions à travers le monde.
Qui était Monsieur Vincent ?
Vincent de Paul ou Depaul, également appelé « Monsieur Vincent », est né le 24 avril 1581 près de Dax. Ordonné prêtre en 1600, il aurait été capturé sur la voie du retour d’un voyage pour Marseille en 1605, puis vendu comme esclave à plusieurs maîtres successifs. Après deux années d’esclavage en Afrique du Nord, il se serait évadé de Tunis avec son dernier maître et ses trois femmes, les emmenant à Rome pour qu’ils se fassent pardonner par le pape (1). Sur recommandation du Saint-Siège, en 1610, il devient aumônier de Marguerite de France, la Reine Margot. Appelé en janvier 1617, dans un village de l’Oise (Gannes), auprès d’un vieillard mourant qui lui fait une confession publique et générale, il lance, le lendemain (Folleville), un appel à la confession au cours d’un sermon. La réponse massive des villageois lui fait brusquement prendre conscience de l’importance de sa mission.
Le 12 décembre 1617, il fonde à Châtillon-les-Dombes (2), avec les dames aisées de la ville, les « Dames de la Charité », pour venir en aide aux pauvres. Grâce au soutien financier de Mme de Gondi, en 1625, il fonde la congrégation de la Mission, vouée à l’évangélisation des pauvres des campagnes. Congrégation qui prendra le nom de lazaristes parce qu’elle est située dans le quartier Saint-Lazare de Paris. Le 29 novembre 1633, il fonde la congrégation des Filles de la Charité, vouée au service des malades et au service corporel et spirituel des pauvres, qu’il place sous la responsabilité de Louise de Marillac.
Le 14 mai 1643, Louis XIII, qui veut être assisté par lui dans ses derniers moments pour se confesser, meurt dans ses bras. Avant de mourir lui-même le 27 septembre 1660, il s’oppose à Mazarin durant la Fronde et fonde, en 1657, un hospice pour les personnes âgées, qui deviendra l’hôpital de La Salpêtrière. Canonisé par le pape Clément XII en 1737, il a été déclaré patron des instituts de charité.
Qu’appelle-t-on la « famille vincentienne » ?
Congrégation de la Mission, Filles de la Charité, Association internationale de la Charité, Société de Saint-Vincent-de-Paul, Jeunesses mariales, Missionnaires laïcs vincentiens (Misevi), Association de la Médaille miraculeuse, Missions populaires, religieux de Saint-Vincent-de-Paul… La famille vincentienne est composée d’au moins 165 institutions à travers le monde. Ces institutions sont toutes unies les unes aux autres par une caractéristique commune et fondamentale : « Suivre Jésus-Christ serviteur et évangélisateur des pauvres, à la manière de saint Vincent de Paul, explique Sœur Michèle Marvaud, Fille de la Charité depuis 1963 et secrétaire générale des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, cela signifie que nous cherchons tous à vivre d’une spiritualité de l’incarnation, qui consiste à faire l’expérience de Dieu dans la rencontre du pauvre et à servir et à aimer Dieu en servant les pauvres. »
Qui sont ses grandes figures ?
Outre Louise de Marillac (1591-1660), précieuse collaboratrice de Vincent de Paul pendant trente-cinq ans, la famille vincentienne compte d’autres grandes figures en France. À l’instar du bienheureux François Régis Clet (1748-1820), membre de la congrégation de la Mission envoyé en Chine comme missionnaire pendant vingt-huit ans. Persécuté, il est contraint à l’errance et à la clandestinité. Dénoncé par un chrétien, il sera finalement arrêté avant de mourir suspendu à une croix.
D’origine lyonnaise, Frédéric Ozanam (1813-1853), lui, choisit la carrière d’enseignant comme professeur de littérature étrangère à la Sorbonne. Dès l’âge de 20 ans, avec quelques amis, il avait donné naissance à la Société de Saint-Vincent-de-Paul pour rompre la solitude et l’isolement dont étaient victimes les déshérités.
Sa contemporaine Catherine Labouré (1806-1876) a fait part à son confesseur des apparitions de la Vierge Marie qu’elle dit avoir eues en juillet et novembre 1830 durant son noviciat chez les Filles de la Charité, en la chapelle de son couvent de la rue du Bac, à Paris. C’est à la suite de ces apparitions que sera imprimée la célèbre « Médaille miraculeuse » aujourd’hui portée par de nombreux catholiques.
Également contemporaine de Frédéric Ozanam, Rosalie Rendu (1786-1856), elle aussi Fille de la Charité, est connue pour avoir traversé guerres, révolutions et épidémies en servant les pauvres, à Paris, via l’ouverture d’une école, d’un orphelinat, d’une maison de repos ou encore d’une infirmerie et d’une soupe populaire. Au cimetière Montparnasse, à Paris, sa tombe est toujours fleurie.
Quelle est son actualité ?
« 2017 est pour nous une année importante parce qu’elle marque le quatrième centenaire de la prise de conscience par saint Vincent de Paul qu’il était fait pour servir Dieu dans, pour et avec les pauvres », explique Sœur Michèle Marvaud en faisant référence à la fondation, en 1617, des « Charités », associations de femmes au service des pauvres, qui sera reconnue par l’archevêque de Lyon en décembre de la même année. En 2017, cet événement est donc abondamment fêté par la famille vincentienne pour rappeler le message de Monsieur Vincent.
Ce message est constitué de trois vertus fondatrices : l’humilité pour que chaque personne apprenne à occuper toute la place qui lui revient, la simplicité afin qu’elle recherche la justice, et la charité pour qu’elle serve l’autre dans le respect et la dévotion.
Ce triptyque est pleinement d’actualité, souligne Michèle Marvaud : « Dans un monde où la finance prend trop souvent le pas sur d’autres valeurs, où la personne tend trop souvent à devenir un objet et non un sujet, où la parole libre est compliquée voire risquée, où l’on ne permet pas toujours aux gens de développer leurs capacités et responsabilités, saint Vincent de Paul a beaucoup à nous dire. »
De fait, cet homme du XVIIe siècle a eu des intuitions qui semblent étonnamment en résonance avec le monde contemporain. Des siècles avant le concile Vatican II, il a su faire confiance à des laïcs pour se mettre au service d’autres laïcs, en particulier des pauvres. Des siècles avant que les hommes ne se préoccupent de la place des femmes dans la société française, il a commencé son action spirituelle et sociale avec l’aide de nombreuses femmes…
Jacques TYROL, journaliste à LA CROIX 🔸
Dans un monde où la finance prend trop souvent le pas sur d’autres valeurs, où la personne tend trop souvent à devenir un objet et non un sujet, où la parole libre est compliquée voire risquée, où l’on ne permet pas toujours aux gens de développer leurs capacités et responsabilités, saint Vincent de Paul a beaucoup à nous dire.
Soeur Michèle Marvaud, fdlc
Notes :
(1) Les historiens débattent de l’authenticité de cet événement. Pour en savoir plus, lire Marie-Joëlle Guillaume, Vincent de Paul : un saint au Grand Siècle, Paris, Perrin, 2015, 450 p.
(2) Aujourd’hui Châtillon-sur-Chalaronne, dans l’Ain.
Article paru sur l’édition dominicale du journal « la Croix » du 2-3 septembre 2017. Edition Internet et papier. Pour voir et lire l’article : http://www.la-croix.com/Journal/Le-charisme-Vincent-Paul-2017-09-02-1100873673