Fête de Saint Vincent de Paul. 27 septembre 2016


Fête de Saint Vincent de Paul. 27 septembre 2016

L’Église universelle célèbre le saint patron de la Charité

La famille vincentienne dans le monde célèbre le saint Fondateur. C’est avec une grande joie et reconnaissance pour chacun d’entre vous, mes chers confrères, vous qui servez « nos seigneurs et maîtres », dans le monde entier, que je vous adresse cette lettre, la première comme Supérieur Général.

Je voudrais exprimer ma profonde gratitude et mon admiration pour vous tous, vivant et servant comme témoins de l’amour de Jésus, même dans les coins les plus éloignés du globe ! Nous sommes tous des serviteurs et il est beau de savoir que nous n’y sommes jamais seuls. Ce sont Jésus, notre Mère Marie, Saint Vincent de Paul, Sainte Louise de Marillac et tous les Bienheureux et Saints de la Famille vincentienne qui nous accompagnent dans ce parcours.

Permettez-moi de profiter de cette occasion pour remercier profondément le Père Gregory Gay, CM, qui a été notre Supérieur Général durant ces 12 dernières années, aussi bien que les PP. Stanislav Zontak et Eli Chaves dos Santos, CM., et tous les confrères, les Filles de la Charité, les laïcs qui, sans dévouement et enthousiasme, se sont donnés, durant ces six dernières années, au service de l’administration générale à Rome, pour rendre possible la proclamation effective et effective de la Bonne Nouvelle aux pauvres

Je voudrais aussi saisir cette occasion pour étendre mon profond merci à tous ceux qui, parmi vous, m’ont écrit lors de mon élection comme Supérieur Général pour m’exprimer de tout leur cœur leurs souhaits et spécialement pour me promettre leur prière. Comme il ne me sera pas possible de répondre et de vous remercier chacun individuellement, soyez assurés que cette lettre de remerciement vous est personnellement adressée. Je vous promets aussi de me souvenir de chacun de vous dans ma prière quotidienne.

Nous venons de célébrer notre 42ème Assemblée Générale qui nous a laissé des objectifs concrets pour les six prochaines années que nous aborderons ensemble. C’est un temps de « grâce spéciale » que la Providence nous offre au moment où nous allons célébrer le 400ème anniversaire (1617-2017) de notre Spiritualité Vincentienne et de notre Charisme. Beaucoup d’entre vous ont déjà commencé à s’engager pour partager et s’encourager à suivre notre spiritualité et notre charisme vincentiens, au plan local, national ou international, comme communauté, comme province, comme vice-province ou mission internationale, avec les autres branches de la Famille vincentienne qui sont dans votre région ou dans votre pays. Je nous encourage à continuer à réfléchir, planifier et agir ensemble pour partager avec les autres ce « temps spécial de grâce ».

Le thème de toute la Famille vincentienne sur lequel il nous faut travailler pour 2017 est : «…J’étais étranger et vous m’avez accueilli… » (Mt. 25,35). Comme notre regard est tourné vers nos frères et sœurs les plus abandonnés et les laissés pour compte, le chemin à suivre doit toujours commencer avec nous, si nous voulons que notre réflexion, notre perspective et notre action aillent dans la bonne direction. La fête de Saint Vincent de Paul nous donne une nouvelle occasion de réfléchir sur les raisons qui ont motivé la réflexion, les perspectives et l’action de Vincent.

Une parole prophétique du théologien de la fin du 20ème siècle Karl Rahner dit : « Les chrétiens du 21ème siècle seront mystiques ou ne le seront plus ». Pourquoi pouvons-nous appeler Saint Vincent de Paul le « Mystique de la Charité » ?

Je voudrais inviter chaque confrère et l’encourager à réfléchir, planifier et agir sur les deux points suivants :

A. Répondre personnellement à : pourquoi et comment peut-on décrire Vincent comme un Mystique de la Charité.

J’ai demandé à trois de nos confrères qui ont déjà réfléchi et écrit sur ce sujet de partager brièvement avec nous leur réflexion personnelle. Puissent ces réflexions nous aider à renouveler et approfondir notre propre réflexion.

1) Père Hugh O’Donnell, C.M.

Nous savons tous que Vincent était un homme d’action. Nous sommes surpris d’entendre dire de lui qu’il était mystique. En fait c’est son expérience mystique de la Trinité et de l’Incarnation qui est la source de ses actions pour les pauvres. Henri Brémond, célèbre historien français, fut le premier à attirer là-dessus notre attention. Il dit : « C’est la mystique de Vincent qui nous a donné un grand homme d’action ». André Dodin, CM. et José Maria Ibañez, CM. ont plus tard appelé Vincent le « mystique de l’action » et Giuseppe Toscani, CM, affirme que Vincent unit mystique et action et l’appelle le « mystique de la Charité ». Vincent a vécu dans un siècle de mystiques, mais il se distingua comme le Mystique de la Charité.

Etre mystique c’est être homme d’expérience, d’expérience du Mystère. Cela veut dire pour Vincent, une profonde expérience de l’amour de Dieu. Nous savons que les Mystères de le Trinité et de l’Incarnation étaient au centre de sa vie. Son expérience de la Trinité comprend l’amour du monde et celle du Verbe Incarné ; elle s’étend à chaque personne humaine, elle conforme, conditionne et embrase son amour pour le monde et pour tous ses habitants, surtout pour nos frères et sœurs dans le besoin. Il regarde le monde avec les yeux de l’Abba et de Jésus, il atteint chacun par un amour inconditionnel dans la chaleur et l’énergie de l’Esprit Saint.

C’est la mystique de Vincent qui est la source de son action apostolique. Le Mystère de l’amour de Dieu et celui du pauvre sont les deux pôles de son amour dynamique. Cependant, la façon d’agir de Vincent avait une troisième dimension, celle de la manière dont il regardait le temps. Le temps fut le moyen par lequel la Providence de Dieu s’est révélée à lui. Il agissait selon le temps de Dieu et non selon le sien. « Fais le bien qui se présente », conseillait-il. « N’enjambez pas sur la Providence ».

Un autre aspect du temps chez Vincent c’est la présence de Dieu ici et maintenant. – « Dieu est là » (influence de Ruysbroek). Dieu est là à temps. Dieu est là dans les personnes, les événements, les circonstances, les pauvres. Dieu nous parle maintenant en eux et par eux. Vincent était, dans le véritable sens du terme, l’homme-de-l’histoire-quis’écrit. Il suivait pas à pas la conduite de la Providence. Il n’avait ni agenda personnel, ni idéologie. Il mit des dizaines d’années pour arriver à ce stade de liberté intérieure. Voilà pourquoi le chemin de Vincent vers la sainteté et la liberté (1600-1625) est la clé pour la compréhension du dynamisme quotidien de l’Apôtre de la Charité.

2) Père Robert Maloney, CM

Quand nous parlons des mystiques, nous pensons ordinairement à des personnes qui font des expériences religieuses extraordinaires. Leur quête de Dieu passe de la recherche active à la présence passive. Ils prient, comme saint Paul le dit à l’Eglise de Rome : « en des gémissements ineffables » (Rm. 8, 26). Les mystiques ont des moments d’extase où ils sont complètement perdus en Dieu « avec le corps ou sans le corps, je ne sais pas », comme saint Paul lorsqu’il raconte son expérience dans 2 Cor. 12,3. Ils ont parfois des visions et reçoivent des révélations personnelles. Ils essaient, avec beaucoup de difficulté, d’exprimer aux autres leurs moments de lumière intense ou de douloureuses obscurités. Saint Vincent a connu des écrits des mystiques comme ceux de Thérèse d’Avila et de Jean de la Croix. Avec beaucoup de précautions il admirait en gros les curieux phénomènes spirituels de Madame Acarie, une célèbre mystique de son temps qui vécut à Paris lors des premières années de Vincent dans cette ville.

Le genre de la mystique de Vincent est extrêmement différent. Il a trouvé Dieu dans les personnes et les événements autour de lui. Ces « visions » sont profondément christologiques. Il a vu le Christ dans le visage du pauvre. En utilisant une locution de la tradition jésuite devenue populaire dans les documents vincentiens, c’était « un contemplatif dans l’action ». Le Christ l’a mené au pauvre et le pauvre l’a mené au

Christ. Il parlait avec ravissement du Christ et du pauvre. Il disait à ses prêtres et frères : « Et si on demande à Notre Seigneur : Qu’êtes-vous venu faire en terre ? » – « Assister les pauvres » – « Autre chose ? » – « Assister les pauvres », etc… Ainsi ne sommes-nous pas bien heureux d’être en la Mission pour la même fin qui a engagé Dieu à se faire homme ? Et si l’on interrogeait un missionnaire, ne lui serait-ce pas un grand honneur de pouvoir dire avec Notre Seigneur : Misit me evangelizare pauperibus ? » (SV XI, 108). Son langage était ardent quand il parlait du Christ. En 1655, il s’est écrié : « Demandons à

Dieu qu’il donne à la Compagnie cet esprit, ce cœur, ce cœur qui nous fasse aller partout, ce cœur du Fils de Dieu, cœur de Notre Seigneur, cœur de Notre Seigneur, cœur de Notre Seigneur, qui nous dispose à aller comme il irait… Il nous envoie comme les apôtres pour porter partout le feu, partout ce feu divin, ce feu d’amour » (SV XI, 291).

Pour Vincent les dimensions horizontales et verticales de la spiritualité étaient toutes deux indispensables. Il a vu qu’on ne peut séparer l’amour du Christ de celui du pauvre. Il ne cessait de pousser ses disciples non seulement à agir, mais à prier, non seulement à prier, mais aussi à agir. Il a entendu une objection de ses disciples : « Mais il y a tant de choses à faire, tant d’offices à la maison, tant d’emplois à la ville, aux champs ! Travail partout ; faut-il donc laisser tout là pour ne penser qu’à Dieu ? » Il répondit vivement : « Non, il faut sanctifier ces occupations en y cherchant Dieu, et les faire pour l’y trouver plutôt que pour les voir faites. Notre Seigneur veut que devant tout nous cherchions sa gloire, son royaume, sa justice, et, pour cela, que nous fassions notre capital de la vie intérieure, de la foi, de la confiance, de l’amour, des exercices de religion, de l’oraison, de la confusion, des humiliations, des travaux et des peines, en la vue de Dieu, notre souverain Seigneur !…. Si une fois nous sommes ainsi établis en la recherche de la gloire de Dieu, nous sommes assurés que le reste suivra » (SV, XII, 132).

Henri Brémond, dans une œuvre révolutionnaire de 11 volumes, écrite il y a presqu’un siècle, décrit l’époque de Saint Vincent, comme l’époque de la « Conquête Mystique ». Il dit en conclusion d’un éloquent chapitre sur Vincent : « Le plus grand de nos hommes d’œuvres, c’est le mysticisme qui nous l’a donné » (Histoire littéraire du sentiment religieux en France, III) « La Conquête Mystique » (Paris, 1921, p. 257).

3) Père Thomas McKenna, CM

Afin de mieux saisir ce titre, le mot « mystique » est à prendre dans son sens le plus large. Les signes ordinaires font qu’une personne a une expérience plus ou moins « directe » avec Dieu (visions, voix, penchants, bruits), plutôt sans intermédiaire. La littératuretique décrit des expériences comme les extases, l’« enlèvement au 3ème ciel », la sortie de soi, « la plongée dans le Mystère » (e.g. l’Abîme, l’Océan, la Terre) qui est Dieu. Le vocabulaire mystique est spécial, e.g. demeures intérieures qui deviennent progressivement plus profondes, contemplation active et passive, avec des stades de purification, d’illumination, d’unification, au-delà de soi-même, nuits obscures, obscurités éblouissantes. Par contre le langage de Vincent exprimant l’expérience religieuse était assez simple et direct, et il n’a pas non plus témoigné de ce genre d’événements dans sa propre

Cependant le mot mystique peut être utilisé dans un sens plus large. C’est-à-dire qu’il s’agit d’une personne qui a vécu et senti dans sa vie un contact avec le sacré et qui répond à cette rencontre par des services rendus au prochain. Dans ce sens plus large, Vincent peut ête considéré comme un mystique.

Un sens plus complet pourrait être quelque chose comme ceci. Un mystique est quelqu’un qui a écouté et a été saisi par l’amour de Dieu pour la création qui, ensuite, s’engage à la fois à reconnaître cet amour dans le monde pour l’y apporter. Pour Vincent l’amour de Dieu (« tendresse », serait mieux) se révèle surtout dans les pauvres et les marginalisés. Il est arrivé à reconnaître en eux les porteurs privilégiés de l’amour de Dieu et ses meilleurs réceptacles. Et cela, il l’a mis en pratique en apportant activement la Bonne Nouvelle de cet amour aux pauvres

Comme des paroles adéquates donnent une beauté plus profonde à la mélodie, ainsi les mots d’Isaïe, rapporté par le chapitre 4 de Luc, donnent une résonnance spéciale à l’expérience de Dieu faite par Vincent. Là, Jésus proclame non seulement son envoi par son Père, mais sa propre expérience de l’Abba comme amour pour le monde, surtout pour les petits. « J’ai été envoyé pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres ». En paraphrasant : « Le feu de l’amour (tendresse) de mon Père brûle en moi et m’envoie porter cet amour au monde, surtout à ceux qui sont les plus pauvres ». En poursuivant l’analogie, Vincent a reconnu dans ces Paroles des paroles pour une mélodie qui se jouait de plus en plus profondément en lui. C’est comme si, en entendant ce texte dans une circonstance donnée de sa vie, Jésus disait quelque chose comme : Ah ! C’est cela ! Ces mots expriment exactement mon expérience de l’amour de Dieu et la manière dont je veux passer ma vie à y répondre et à le répandre ».

Sous un autre aspect vous pourriez décrire Vincent comme un mystique à double vision. C’est-à-dire qu’il voyait (sentait) Dieu avec deux lunettes à la fois. La première était sa prière et l’autre était le pauvre avec son monde. Chaque vision influence l’autre, l’une approfondissant et aiguisant celle de l’autre. Vincent « a vu » (et ressenti) en même temps l’amour de Dieu dans ces deux perspectives et il a fortement agi pour répondre à cette vision.

Afin de garder notre réflexion, nos perspectives et notre action dans la bonne direction comme membres de la Congrégation de la Mission, comme missionnaires qui suivent Jésus Christ Evangélisateur de Pauvres dans les pas de Saint Vincent, afin de réfléchir sur Vincent comme un Mystique de la Charité, nous avons nos Constitutions et nos Règles Communes qui sont un compendium et une synthèse de toute notre spiritualité et la base de notre vie comme membres de la Congrégation de la Mission.

B. Chaque confrère doit avoir, en même temps que le bréviaire et la Sainte Bible, à la chapelle, sur la route, en vacances, les Constitutions et les Règles Communes. Si pour une raison quelconque il n’a pas un exemplaire des Constitutions et des Règles Communes, il doit demander à son Visiteur ou à son Supérieur de lui en procurer un.

Je demande et je souhaite de tout mon cœur que chacun de nous, du plus jeune au plus âgé des confrères, réponde et suive l’appel de Saint Vincent dans nos premières

Constitutions, les Règles Communes, comme il l’écrit lui-même dans le dernier paragraphe : « Chacun doit avoir sa copie…tous les liront ou l’entendront lire du moins tous les trois mois » (CR, XII, 14).

Dans ce sens, je suggère que nos actuelles Constitutions et les Règles Communes soient toutes les deux prises en considération, efforçons-nous de les lire et de les prier alternativement : les Règles Communes, les trois premiers mois et les Constitutions, les trois mois suivants et ainsi de suite pour que ce soit un engagement de toute notre vie. Comme nous prions et lisons le bréviaire et la Bible d’une façon journalière, adoptons le même rythme pour nos Règles Communes et nos Constitutions.

Les écrits et les Conférences de Vincent ainsi que les écrits des autres Bienheureux et Saints de la Famille Vincentienne seront pour nous d’une grande aide dans notre réflexion sur Vincent comme Mystique de la Charité.

Puissions-nous, à l’approche de la fête de Saint Vincent de Paul que nous allons célébrer avec toute la Famille Vincentienne et avec les groupes, les organisations et les personnes qui nous sont proches être profondément encouragés par ce « moment spécial de grâce » que la Providence nous offre.

Je souhaite à chacun d’entre nous une belle célébration, tandis que nous continuons à prier les uns pour les autres.

Tomaz Mavric
Supérieur Général de la Congrégation de la Mission ♦

La fête de Saint Vincent de Paul nous donne une nouvelle occasion de réfléchir sur les raisons qui ont motivé la réflexion, les perspectives et l’action de Vincent.

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