Clôturer l’année de la miséricorde
14 novembre 2016
Nous étions 80 participants ce lundi 14 novembre 2016 pour clôturer l’année de la miséricorde en vincentiens, sur les pas de saint Vincent, soucieux de manifester la Providence de Dieu au cœur de notre société.
Nous avons voulu répondre au souhait de notre Visiteur, qui lors de son installation, avait formulé le rêve de vivre le dialogue entre les traditions religieuses, comme il lui avait été offert de le faire en Eglise durant son temps de service de l’Eglise d’Algérie. La commission de formation permanente s’est emparée de l’idée pour mettre en œuvre une journée de formation adressée à toute la famille vincentienne lors d’une date proche de la clôture de l’année de la miséricorde souhaitée par le Pape François. Le pape invitait l’Eglise, les exégètes, les théologiens, les priants et tout le peuple de Dieu à se pencher ensemble sur Dieu et sous son regard, pour redécouvrir la miséricorde : source de vie et trésor des trois traditions religieuses monothéistes nées au Proche-Orient.
L’équipe a fait jouer le réseau relationnel des uns et des autres pour permettre le matin d’écouter un prêtre, un rabbin et un imam, et l’après-midi, après avoir visionné un court-métrage sur la toute récente association de jeunes « COEXISTER » (qui se propose d’aider les jeunes à déconstruire les clichés sur les autres afin d’apprendre à se reconnaitre divers et engagés dans une fraternité existentielle), nous avons entendu une adjointe en pastorale scolaire d’un lycée vincentien nîmois et une sœur vivant en petite communauté une présence en milieu migrant turc.
Etaient présents outre des lazaristes, des conférenciers de divers coins de France, un laïc en service en aumônerie psychiatrique, des sœurs de la charité parisienne, des laïcs vincentiens de Villepinte, des membres d’une paroisse de Haute-Marne, des fidèles de la rue du Bac, des créatrices de musiques d’inspiration juives, une jeune élève d’école de cinéma,
C’est le Père Christophe ROUCOU ancien responsable du Service des relations avec les musulmans, actuellement à l’Institut Catholique de Marseille qui a assuré la coordination de cet extraordinaire moment de fraternité. Nous répondions au défi de notre société au moment où elle semble céder à la peur de l’autre, particulièrement du musulman, alors qu’elle sort de faire mémoire des attentats multiples commis au nom de terroristes qui firent plus de 130 morts l’an dernier. Comment oublier que ces jeunes européens étaient tous issus de cultures islamiques du bassin méditerranéen ?
Notre attention s’est d’abord focalisée sur les sources de la miséricorde dans les trois religions monothéistes.
Le père Christophe CHOCHOLSKI: prêtre du diocèse de Belley-Ars ouvre la séance. Il commence par nous dire que son attention s’est portée sur la miséricorde après un temps de coopération en Palestine où il a découvert la proximité des traditions juives et musulmanes. Il nous invite à dépoussiérer le terme miséricorde de ses résonnances grecques et lui faire retrouver sa saveur sémitique ; la miséricorde ayant à voir avec la racine RSD et RHM, les deux exprimant la matrice féminine, les entrailles. Partant de ce constat il nous invite à faire couler ces sources de miséricorde dans les déserts de notre monde. Il rappelle que le livre de l’Exode (XXXIV, 6-7) donne les 13 mesures de la miséricorde qui nous est offerte. Il insiste sur le fait que dans la Bible grecque, lorsque le terme agapè est employé, nous traduisons les termes hébreux qui eux-mêmes parlent du masculin et du féminin et de l’altérité concrète. Nous héritiers de la culture grecque, demeurons dans les idées au lieu de résider dans le sensuel lorsque nous parlons d’agapè.
Nous avons regretté l’absence du rabbin Philippe HADDAD qui n’a pu être présent, lui qui est investi de longue date dans le dialogue interreligieux !
Nous avons continué la matinée avec Mohammed BARJAFIL, imam d’Evry, professeur de linguistique à l’université. Il a introduit sa communication en nous rappelant les quatre écoles musulmanes du sunnisme et les deux du chiisme, précisant que ce n’est que récemment, qu’après avoir été stoppés dans l’histoire, sous les influences des conflits politiques a été récemment promue la lecture salafiste comme seule légitime.
Ces écoles révélaient l‘aptitude qu’a l’islam à adapter les textes reçus aux contextes dans lesquels ils se développait. C’est fort de cette histoire, de l’évocation du texte la prière quotidienne de tout musulman et de sa salutation habituelle, qu’il demande de retrouver la sagesse pour aider à la naissance d’un islam de France. Cette prière est rappel du Dieu miséricordieux ainsi que la salutation qui souhaite la paix et la miséricorde sur la personne rencontrée.
Il rappelle tous les textes qui parlent de la façon dont Dieu ne peut que reprendre l’homme sans se lasser, y compris pécheur, s’il revient à Lui. Il nous raconte une belle parabole de pécheurs qui pleurent et crient vers Dieu depuis l’enfer ; par miséricorde il les en extrait et leur demande pourquoi ils ont crié si fort. Ils répondent que c’était pour attirer son attention et qu’il les sorte de ce lieu maléfique. Dieu leur dit d’y retourner dans l’attente du jugement l’un s’exécute alors que l’autre reste. A celui qui reste Dieu demande pourquoi il n’a pas obéi, il lui dit parce que je savais que tu n’as pas de bonheur à me voir souffrir… à la fin des temps, Dieu demande à celui qui est retourné, la raison pour laquelle il est retourné en enfer et celui-ci lui répond que c’est parce qu’il savait qu’il ne l’y abandonnerait pas.
Sa présentation brillante nous montre qu’une lecture circonstanciée des écritures n’est pas une invention moderniste, mais le statut même de la lecture des écrits de l’islam. Il redit avec force sereine que le Coran ne parle pas mais que ce sont les croyants qui le font parler. Il rappelle que ce n’est que progressivement que les mystiques si populaires dans l’islam du XIIème seront discrédités.
Après la pause du repas, c’est Mme Farah REZAI, membre fondatrice de COEXISTER et du Conseil d’administration qui va nous raconter comment son expérience des JMJ madrilène avec les ignaciens va lui permettre d’approfondir la conviction reçue dans son éducation familiale : construire des relations humaines fraternelles avec les proches de son environnement.
Alors que les JMJ sont célébrées durant le ramadan des membres de la délégation vont chaque jour jeûner avec elle pour qu’elle ne soit pas seule. Cela va la toucher bien au-delà de ses ses craintes de le vivre seule, Elle sera bouleversée lorsqu’une jeune allemande viendra la prendre dans ses bras en larmes alors qu’elle entamait une prière pour lui dire sa joie de la voir prier avec elle. Elle n’avait jamais été aussi proche d’elle des musulmans. Elle dira aussi sa surprise de découvrir qu’un jeune chrétien d’un pays ne vit pas s foi de la même façon que celui d’un autre pays.
Ce sera ensuite Françoise THOMAS adjointe en pastorale de l’établissement vincentien de Nîmes, qui va nous conter combien les tensions sont fortes entre les diverses cultures et la joie qu’elle a eu à faire travailler des jeunes musulmanes et chrétiennes sur la miséricorde. Elles sont parvenues à découvrir qu’elles avaient des valeurs communes. Et lorsqu’il s’agissait de retenir le plus important : tant les musulmanes que les chrétiennes s’étaient arrêtées aux mêmes éléments. Ceci les a conduites à projeter de se retrouver pour fonder peut-être une équipe « Coexister ».
Enfin, une petite communauté de sœurs nous a partagé comment elles ont tentés le vivre ensemble avec des migrants turcs. Elles se sont inspirées de la spiritualité de la lettre de la Mission de France, elles se sont mises à la disposition de chacun comme de simples témoins proches ; elles ont ainsi créés des liens de confiance qui ont permis à beaucoup de parvenir à une réelle intégration. Elle nous a dit combien la spiritualité développée par les moines de Thibbirine est guide dans leur mission.
Autant de paroles d’espérance qui renvoie chacun chez lui, fort de ces messages à partager autour de soi. Il faut redire que construire la fraternité n’est pas un rêve, mais la vocation de tout vivant et tout spécialement des vincentiens. Nous sommes convaincus à la suite de St Vincent, que chaque être vivant et un être bien-aimé de Dieu. Il attend que chacun retrouve le sourire et rende grâce pour le don de la vie sur cette terre aux multiples couleurs.
Bernard Massarini c.m.🔸
Autant de paroles d’espérance qui renvoie chacun chez lui, fort de ces messages à partager autour de soi.