C’est en 2015 qu’à Sainte Anne, à Amiens, la congrégation a permis l’ouverture d’un centre de 30 studios géré par Habitat et Humanisme, pour aider les personnes en fragilité sociale.
Bernard Massarini
Les frères du bord du chemin retrouvent l’espérance
C’est en 2015 qu’à Sainte Anne, à Amiens, la congrégation a permis l’ouverture d’un centre de 30 studios géré par Habitat et Humanisme, pour aider les personnes en fragilité sociale. Infatigables artisans d’une aide appropriée, ils ont maintenant un jardin solidaire et deux autres lieux avec des appartements en bails glissant pour permettre aux personnes de sortir de la pauvreté et s’assurer enfin d’être autonomes. La maison des confrères, de façon plus modeste, a toujours eu des chambres-studios louées à des étudiants, ou prêtées à la pastorale des migrants, pour des personnes en attente de leur titre de séjour.
Depuis fin 2019, Bernard travaille avec les sans-abris: à l’accueil: “l’Oasis St Ho.”, dans l’église saint Honoré. Il s’agit d’un service des sans-abris, né après le dernier synode de l’Eglise de la Somme, auquel l’évêque l’a envoyé, et il s’organise avec une messe hebdomadaire, un repas partagé et une permanence d’accueil entre 15 et 17h, le jour de la messe et du repas.
Dans les derniers mois de l’année passée, Bernard a dirigé un jeune amiénois de 25 ans, accueilli au centre d’hébergement de la ville depuis plusieurs mois, vers HAS, lui disant qu’ils lui seraient une aide efficace. Sans passer par le service d’aide sociale; il a demandé un rendez-vous avec l’équipe de direction. La mort d’un des pensionnaires ayant libéré un studio, il a immédiatement été accueilli.
Les travailleurs sociaux de l’équipe l’ont dirigé vers une formation en cuisine. Depuis 3 mois, heureux, il a un travail. Pas encore apte à la vie en appartement, il loge au centre, soutenu par une bénévole, sa tutrice, qui l’aide à prendre son envol.
Dans la maison des confrères, jusqu’en novembre 2024, suite à une demande de la pastorale des migrants, un des studios était occupé par un jeune de la République dominicaine, sans-papiers. Courant novembre, il lui a été conseillé de se diriger vers un département qui allait lui offrir plus de chance d’obtenir son titre de résidence.
Un jeune de 35 ans, ancien cuisinier, fréquentait l’Oasis à St Ho. Après s’être mis en couple avec une amie, ils ont eu un enfant. Sur la demande de sa compagne, il avait lancé une entreprise de création de sites informatiques qui marchait. Touché par un redressement fiscal, il va perdre son job, devoir vendre sa maison, entraînant le départ de sa compagne avec leur enfant. Se souvenant que jeune cuisinier, il avait aidé une dame à confectionner des repas hebdomadaires pour des sans-abris, il a sollicité un ami journaliste pour savoir vers où se diriger. Le sachant parisien, il l’a orienté vers Amiens, ville plus petite que Nantes ou Lille.
Arrivant dans la grande cité picarde, il s’est retrouvé au centre d’hébergement de la ville. N’étant pas armé pour un tel lieu, s’est fait voler ses blousons, sa carte bleue et deux fois ses papiers d’identité et même son téléphone portable.
Tout le temps de son hébergement au foyer, il a travaillé dans le transport de pneus, puis chez un traiteur, enfin à Mac Do comme chef de section. Nous avons eu l’idée de lui proposer l’espace qui était libre. Il lui faudra 4 mois pour trouver un travail dans un grand restaurant amiénois et depuis peu un appartement. Ce ne sont donc que de cinq mois dont il aura eu besoin pour repartir dans la vie.
Il nous est infiniment reconnaissant de l’avoir aidé à reprendre force. Au bout de deux mois chez nous, il est venu me partager la dureté de l’accueil dans le foyer. Durant son premier entretien avec le travailleur social, il lui a dit qu’il n’était ni alcoolique ni drogué, ne comprenant pas ce qu’il faisait là. La réponse qu’il a reçue “nous recevons tous les jours des personnes comme vous. Nous verrons bien ce que vous dites”, l’a terrassée, m’a-t-il confié en larmes: “étant à la rue, après avoir perdu travail, maison, compagne et enfant, et je m’entends dire par ceux qui auraient dû m’écouter, que l’on ne peut me faire confiance, cela te met à plat”.
Voilà pourquoi, chrétiens au service des plus pauvres, nous serons des artisans de la confiance, pour redonner force aux personnes qui traversent des périodes difficiles de leurs existences.
Il y a peu, un autre homme, la quarantaine avancée, vient régulièrement prendre le repas du mardi à st Ho, après avoir participé à la messe. Il dépend du centre d’hébergement, mais nous dit refuser d’y dormir et préférer la cache qu’il a trouvée. Toujours propre sur lui, car il va se laver à l’hôpital, il a des mi-temps de travail en supermarché: charcuterie, cuisine, rayons fruits et légumes. Depuis déjà trois ans, il s’est inscrit sur un site de recherche de logement, attendant la réponse positive. N’ayant que des emplois à mi-temps, il n’est jamais prioritaire.
Avec les confrères, nous avons choisi de l’accueillir comme locataire dans un des studios que nous réservions aux étudiants.
Dans le même temps, nous avons parlé à un paroissien, retraité du monde de l’immobilier, pour savoir s’il pourrait faire quelque chose pour accélérer sa démarche. Il me demande son numéro de dossier SIP car il est membre de ce service de logements et il se propose de faire avancer son dossier plus vite.
En chemin vers notre maison, il me montrera le pont sous lequel il dormait ces trois dernières années. Il m’expliquera qu’il s’était entendu avec un des garde du parc, pour avoir un double afin d’être tranquille la nuit. Mais il fera des nuits peu récupératrices avec la crainte d’être attaqué et dépouillé.
Il racontera combien il est dur de trouver ou remplir sa gourde (parfois seul le cimetière a une fontaine) et combien il est difficile de trouver les prises électriques pour recharger son téléphone, étant obligé d’aller dans les cafés, car celles de la gare sont squattées par les africains sans-papiers.
Le paroissien retraité de l’immobilier, appelant le SIP, découvrira qu’il n’était plus dans le registre, car il avait oublié de s’inscrire de nouveau dans le registre en février cette année. Il partagera sa peine, car il était passé deux jours avant au SIAO (le service d’aide et d’orientation) et personne ne lui avait signalé cela. Cela révèle l’absence de coordination des divers services de sans-abris. C’est grâce au paroissien qu’il vient de refaire son dossier.
Nous sommes contents, dans les pas de Saint Vincent, d’offrir un espace à nos frères du bord du chemin, pour se refaire, avant de pouvoir repartir dans la vie.

