L’un de tes confrères, Marius Denigot, écrit dans ses remerciements à la fin de son ouvrage « Villebon-sur-Yvette, notre histoire » : « Nous le savions déjà, le Père Bernard Pichon fut le maître d’œuvre de la découverte du Villebon géographique, par ses observations, ses commentaires de spécialiste en la matière ... et un ouvrier de la première heure pour l’ouvrage. »

Homélie des funérailles du P. Bernard Pichon CM. 31 mars 2021 en la Chapelle Saint Vincent de Paul à Paris

Cher Bernard. L’un de tes confrères, Marius Denigot, écrit dans ses remerciements à la fin de son ouvrage « Villebon-sur-Yvette, notre histoire » : « Nous le savions déjà, le Père Bernard Pichon fut le maître d’œuvre de la découverte du Villebon géographique, par ses observations, ses commentaires de spécialiste en la matière … et un ouvrier de la première heure pour l’ouvrage. »

Si quelqu’un perdait le nord à Scy-Chazelles, à Dax, à Cuvry, à Villebon, à Metz-Belletanche, et ici à Paris, ton écoute, ta bonhommie, ton expérience, ton souci de l’autre, il pouvait compter sur ta confiance et ta générosité naturelle.

Cet après-midi, pour accompagner ton dernier voyage, à la suite de Jésus, tu nous dis : « regardez les oiseaux du ciel : ils ne font ni semailles, ni moisson ! » et aussi : « Observez comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent pas. » Et Jésus ajoute un peu plus loin : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice. »

Depuis le 27 octobre 1946, date de ton entrée au Séminaire Interne, tu as souvent médité cette parole de Jésus, quand tu relisais les maximes évangéliques des Règles Communes de la Petite Compagnie, où st Vincent de Paul cite Jésus : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice. »

Les Règles communes t’ont collé à la peau toute ta vie, et particulièrement les 5 vertus puisées dans les conseils évangéliques : la simplicité, l’humilité, la douceur, la mortification et le zèle. A travers chacune d’elles, nous retrouvons l’un des visages du fils de Joseph et de Marie, non pas de Nazareth, mais Pichon, originaire de Scy-Chazelles, ce village logeant la Moselle, au pied du Mont Saint Quentin, fortifié pour veiller et défendre Metz.

Bernard, le terroir de Scy-Chazelles, sur les côteaux du Mont Saint Quentin, dans les petits clos de vignes qui bordent la route de Lessy, tu as appris à l’aimer avec tes deux frères et tes deux sœurs. C’est là qu’est née ta vocation comme celle de ta sœur Marie-Louise, Fille de la Charité.

Cependant, tu n’attendais pas que le Père céleste t’appelle et te nourrisse, tu n’espérais pas que les choses tombent du ciel.

En 1944, tu as eu 19 ans quelques jours après le débarquement en Normandie, à peine 3 mois après, tu t’engages volontairement pour une durée incertaine, car il fallait en finir avec une idéologie mortifère et tu seras démobilisé au début de l’année 1946. A la rentrée, tu rejoindras Dax pour entrer au séminaire interne et te préparer à devenir prêtre de la Mission pour célébrer la messe, pour continuer à dire les paroles de Jésus sur le pain et le vin. En cette veille de Jeudi Saint, où tous les prêtres aiment revivre ensemble la Cène, comme Jésus l’a vécu avec ses disciples, chacun de tes confrères ici présents aurait aimé te savoir à leurs côtés, ou plutôt à la place que tu t’étais réservé dans ce chœur pour prononcer dignement, la main étendue vers le pain de la patène et vers le vin du calice : « prenez et mangez, ceci est mon corps ; prenez et buvez, ceci est mon sang ».

Le blé pour le pain et le raisin pour le vin, la terre de Scy-Chazelles les produisait depuis des centaines années. La vigne se trouvait dans les hauteurs, les céréales étaient cultivées au bas du village. Entre les deux une zone fruitière avec les fraisiers, les framboisiers et les mirabelliers.

Quel bonheur pour toi, Bernard, de dire : tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain et ce vin, fruits de la terre et du travail des hommes. Fruits de la terre…

La terre, tu nous dirais que nous ne devons pas que l’aimer et l’admirer sur une carte ou en faisant tourner une mappemonde ou dans un film-découverte d’Arthus-Bertrand, car le Pape François dans son encyclique Laudato Si demande que nous protégions la terre, notre maison-jardin, car le monde naturel est l’évangile de la création.

Sans aucun doute, le Père Pichon, coiffé de son inséparable béret, vivait pour protéger la terre, sa terre.

Oui, tu as été heureux de vivre dans le parc de Cuvry, où tu as créé un arborétum, replanté des marronniers et des sapins dans le parc, soigner les pommiers du jardin, multipliant les fraisiers ; cette joie tu cherchais à la partager aux élèves de Cuvry tout en n’hésitant pas à aider ton frère François resté célibataire dans la ferme familiale. Et tu n’hésitais pas aussi à échanger avec les élèves lors de promenades dans l’allée des marronniers ou à les réjouir à la Saint Nicolas ou par un feu d’artifice.

Ton amour et ton respect de la terre que ce soit en cours de Géographie ou lors des échanges informels avec les élèves sont l’origine de tes Palmes Académiques par ton sens de la pédagogie auprès des adolescents, devenus tristes par des évènements familiaux de toute sorte.

Bernard, te souviens-tu comment ces palmes ont été retrouvées dans ta chambre à Belletanche ? Tombée derrière un meuble que nous allions déménager, je te la donne et tu me dis : « Je ne la méritais pas, je ne sais rien. »

Et si nous continuons ton parcours, nous arrivons à Villebon-sur-Yvette, où tu as collaboré pendant 4 ans au travail de tes confrères, comme je le rappelais il y a quelques instants.

Puis ce sera le retour en Lorraine, à Belletanche, où tu as assuré le service de l’aumônerie des Filles de la Charité, tout en veillant à l’avenir de Cuvry dans l’OGEC.

Ici, depuis que tu es arrivé dans cette maison, tu diras ouvertement que tu as fait un bon choix en acceptant d’être un peu coupé de ta terre natale. Tu apprécieras de parler avec des confrères, après un certain isolement à Belletanche. Nous avons pu nous taquiner avec toi, comme le font de bons amis. Tu nous as fait partager tes bons souvenirs. Tu as cherché à nous faire plaisir avec quelques bouteilles du vignoble Ste Françoise ou des Hautes Braies, tout en nous rappelant que les mirabelles de Lorraine avaient meilleur goût.

Tu rappelais que tu avais distribué la communion à M. Robert Schumann, l’un des pères de l’Europe, dans l’église de Scy-Chazelles.

Comme l’apôtre Paul, tu nous as transmis de la vie à travers des évènements, et comme Jésus, tu nous dis : « Ne vous souciez pas, pour votre vie, de ce que vous mangerez, ni, pour votre corps, de quoi vous le vêtirez. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ? »

Enfin rendons grâce à Dieu, avec toi, Bernard, pour ton regard serein sur les évènements de la vie que tu nous as partagés.