Chers frères et sœurs, nous connaissons bien la parabole du semeur. Elle ouvre en Saint Matthieu tout un discours qui aura pour forme cette manière particulière de raconter pour transmettre un message. Jésus utilise ainsi des moments de la vie quotidienne connues par tous – ici le geste du semeur, si prégnant dans une société agricole – exemples qui parfois sont devenus si éloignés de la vie quotidienne de nos sociétés contemporaines citadines et automatisées.
Abbé Ludovic DANTO
» Mais vous, heureux vos yeux puisqu’ils voient, et vos oreilles puisqu’elles entendent « . Homélie 12 juillet 2020. Chapelle Saint Vincent de Paul – Paris
Chers frères et sœurs, nous connaissons bien la parabole du semeur. Elle ouvre en Saint Matthieu tout un discours qui aura pour forme cette manière particulière de raconter pour transmettre un message. Jésus utilise ainsi des moments de la vie quotidienne connues par tous – ici le geste du semeur, si prégnant dans une société agricole – exemples qui parfois sont devenus si éloignés de la vie quotidienne de nos sociétés contemporaines citadines et automatisées. La parabole du semeur cependant nous parlent encore, ne serait-ce que parce que chacun d’entre nous a pu cultiver parfois un petit jardin ou bien encore quelques plantes sur un balcon et assister ainsi à la croissance de l’une de ses plantations, à l’épanouissement de ce petit jardin dont nous sommes si fiers.
La parabole de ce jour donne lieu à l’énoncé d’une béatitude : « Mais vous, heureux vos yeux puisqu’ils voient, et vos oreilles puisqu’elles entendent ». Cette nouvelle béatitude fait ainsi échos aux propos conclusifs de l’énoncé de la parabole au début du discours de Jésus : « Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! » … et si la béatitude a été prononcée à l’intention des disciples, tout le passage évangélique démontre que le Christ ne réserve pas cette parabole aux seuls disciples – nous qui sommes présents fidèlement en cette chapelle – mais à tous ceux qui veulent bien s’arrêter quelques instants pour écouter le Christ – nous qui sommes peut-être exceptionnellement entrés dans cette église ce matin ou tous ceux encore que cette parole rejoindra aujourd’hui d’une manière ou d’une autre. Apparaît ici l’une des premières missions de l’Église, l’une des premières missions du disciple missionnaire : annoncer la parole pour qu’elle soit entendue. Le devenir de cette parole ne nous appartient pas. Nous ne savons pas par avance en quelle terre, celle-ci sera semée – et à la lecture de cet Évangile il apparaît que les échecs seront nombreux entre les sols pierreux et ceux plein de ronces – mais ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas annoncer à temps et à contretemps le message divin. Ici il faut nous arrêter quelques instants : si nous écoutons l’Évangile, si nous entendons une parabole, ce n’est pas un message en tant que tel que nous entendons, une sagesse seulement qui nous est transmise, mais c’est un homme que nous accueillons, c’est le Verbe fait chair qui se donne à voir et à entendre. Nous commettons parfois une erreur au cours de nos célébrations liturgiques. Lorsqu’à la suite de la proclamation de l’Évangile, le prêtre chante : « Acclamons la parole de Dieu » et montre l’Évangéliaire, ce n’est pas d’abord le livre et l’Écriture que nous acclamons mais bien d’abord une personne qui est vivante et qui se donne à voir et à entendre car lorsque deux ou trois sont réunis en son nom, elle est au milieu d’eux. Le Christ est la Parole, le texte évangélique n’est que le moyen de cette parole… Toute écoute nous porte à découvrir le Christ et la béatitude « heureux ceux qui entendent » porte sur l’entente du Verbe fait chair. La même béatitude ne dit-elle pas : « heureux ceux qui voient ». Par l’écoute nous n’avons pas seulement entendu une sagesse, accueilli un message mais bien entendu et vu le Fils et accueillit sa vie en nous.
Ainsi entendre l’Écriture, c’est bien évidemment entendre le Verbe fait chair, et l’Écriture est un lieu incontournable de cette rencontre. Les images bucoliques des paraboles sont une clef de lecture et de compréhension et d’accueil pour chacun d’entre nous. Le texte biblique nous y plonge tout entier et résolument. Nos premiers aïeux rencontraient le Seigneur au Jardin primordial. Nous nous sommes appelés tout autant à le rencontrer dans un jardin. Comme le rappelait Benoît XVI dans une très belle homélie inspiré des Pères de l’Église, nous sommes appelés à le rencontrer au Jardin des Écritures. Le pape nous invitait alors à descendre dans ce jardin et à nous y promener. Ce jardin, chers frères et sœurs, n’est pas une nature sauvage mais un lieu de repos et d’harmonie car ce jardin nous donne le Christ lui-même. Or, ce jardin des Écritures, c’est le jardin du huitième jour, le jardin des Béatitudes nous entraîne bien au-delà du premier jardin perdu. Comme l’épouse du Cantique des cantiques, alors que nous cherchons notre bien-aimé, et alors que nous franchissons livre après livre les portes et enclos de ce jardin, nous y rencontrons finalement le Jardinier du 8ème jour, le Jardinier du jour de Pâques qui nous ouvrent le sens de ce qui nous ait dit et annoncé par les Prophètes, le sens de ce qui nous ait dit par les paraboles. Au cœur des Écritures, au cœur du matin de Pâques, le divin jardinier nous redit : « Marie » ; et à notre tour nous répondons : « Rabbouni ». Nous comprenons mieux ainsi la profondeur de la béatitude de ce jour : « Mais vous, heureux vos yeux puisqu’ils voient, et vos oreilles puisqu’elles entendent », en effet heureux sommes-nous car en comprenant la parabole, nous avons entendu et vu le Christ nous appeler personnellement, tous et chacun, nous sommes au cœur du jardin.
Dans cette joie qui nous habite à l’écoute du Sauveur, nous découvrons que ces paraboles que nous accueillons, ce jardin des Ecritures que nous traversons font de nous une créature nouvelle, font de nous ce jardin nouveau. Nous avons entendu le psalmiste nous dire : « Tu visites la terre et tu l’abreuves, tu la combles de richesses ; les ruisseaux de Dieu regorgent d’eau, tu prépares les moissons » et d’ajouter : « Les herbages se parent de troupeaux et les plaines se couvrent de blé. Tout exulte et chante ! » Ces herbages, Frères et sœurs, ces plaines, ce tout qui chante, Chers amis, c’est nous-mêmes qui nous parons, c’est nous-mêmes qui chantons pour une vie nouvelle car une vie qui accueille le Seigneur ; car notre vie lorsqu’elle accueille le Seigneur, se fait parabole pour ceux qui nous écoutent, se fait jardin pour ceux qui nous rencontrent. Ce que nous apprécions lorsque nous rencontrons un homme ou une femme de Dieu, c’est le repos qu’il nous procure, c’est le Christ qu’il nous donne, c’est l’amour de Dieu dont il nous partage les mystères.
Oui, mes amis, réjouissons-nous car « heureux [nos] yeux puisqu’ils voient, et [nos] oreilles puisqu’elles entendent ». Comme le disait Isaïe : « La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer » et d’arides – et nous devons le reconnaître – que nous sommes parfois, la rencontre du Seigneur Vivant par l’écoute de sa parole peut faire de nous des jardins à l’ombre desquels nos proches aimeront à venir se reposer. Mais au fait frères et sœurs, nos proches aiment-ils à venir se reposer auprès de nous ? C’est peut-être en ce dimanche la question que nous avons à nous poser et la prière que nous avons à faire : que notre vie de foi soit une parabole rafraîchissante parce que partagée pour ceux que nous fréquentons et non pas pour nos proches un discours desséchant parce que simplement asséné. Ce petit jardin que nous cultivons sur nos balcons est peut-être une parabole de nos vies. Amen.