Dans un nouveau livre entrevue écrit avec un prêtre espagnol le pape François affirme que l’homosexualité dans le contexte clérical le préoccupe beaucoup et que c’est une question « très sérieuse » ; il dit que si un prêtre est homosexuel n’est pas capable de conserver la foi à la promesse du célibat il ferait mieux d’abandonner le sacerdoce au lieu de vivre une « double vie »...
Bernard Massarini
Comprendre le Pape sur les prêtres homo. Cherchons à comprendre les paroles du Pape François sur les prêtres homosexuels
Dans un nouveau livre entrevue écrit avec un prêtre espagnol le pape François affirme que l’homosexualité dans le contexte clérical le préoccupe beaucoup et que c’est une question « très sérieuse » ; il dit que si un prêtre est homosexuel n’est pas capable de conserver la foi à la promesse du célibat il ferait mieux d’abandonner le sacerdoce au lieu de vivre une « double vie », il met en garde les séminaristes pour lesquels l’homosexualité est « profondément enracinée », et selon lui, la perception sociale différente de l’homosexualité (qui serait devenue « de mode ») et qui pénètre y compris la culture catholique.
Les commentaires du Pape ont provoqué la consternation chez ceux qui l’admiraient, craignant qu’il ait fait un pas en arrière face aux diverses approches pastorales face aux personnes LGBT catholiques, qui étaient sa marque de fabrique, et qui satisfait ceux qui habituellement le critiquent parce que son appel constant à la miséricorde risque de briser la doctrine catholique. D’autres sont perplexes face à cette nouvelle controverse : celui qui parle dans le livre est le même homme qui disait en 2013 : « Qui suis-je pour juger? »
De nombreux catholiques et commentateurs se sont interrogés sur les réseaux sociaux : si les prêtres homosexuels qui trahissent le célibat devraient quitter la soutane, que dire des hétérosexuels qui font la même chose ? Nous avons échangé par courriel électronique avec le père James Martin SJ, rédacteur d’América : « Ce n’est pas la première fois que le Pontife est mal compris et un titre coup de poing d’un journal a donné une fausse impression. Il est vrai cependant que les commentaires de François font naitre une certaine confusion. Tout d’abord il parle des prêtres homosexuels qui ont des ˋexpressions d’affectionˊ, finalement qui sont sexuellement actifs : chose qu’il condamne naturellement. Il dit que ne devraient pas être acceptés dans les séminaires ni dans les ordres religieux, mais il affirme que les prêtres homosexuels devraient être ˋentièrement responsablesˊ, ce qui laisse entendre qu’ils sont acceptés s’ils respectent le célibat…J’ai l’impression qu’il leur rappelle simplement leur promesse de célibat, qu’ils ont en commun avec tous les autres prêtres ».
L’opinion du Pape, selon lequel l’homosexuel serait devenu « de mode » dans la culture occidentale contemporain, fait peur et fait souffrir beaucoup : « Je ne peux parler au nom du Pape, mais je présume non qu’il voulut dire qu’elle est toujours plus visible dans la vie publique. Mais cependant, que l’homosexualité est ‘à la mode’, n’est pas seulement une erreur, mais une attaque car répand l’idée que les personnes homosexuelles ‘choisissent’ leur orientation, ce qui signifierai aller non seulement contre les psychiatres responsables, mais aussi contre l’expérience de vie des personnes LGBT » dit le père Martin.
Mais le Pape s’est-il réellement éloigné de ce que l’Eglise a déjà affirmé au sujet des séminaristes et prêtres homosexuels ? « Non à proprement parler, mais il est important de lire ses commentaires dans le contexte de ses autres observations sur le sujet : la phrase la plus connue : ‘Mais qui suis-je pour juger ?’, une réponse à une demande sur les prêtres gay ; et une plus récente, que François a dit à son ami Juan Carlos Cruz, un gay qui a été victime d’abus sexuels ‘Dieu t’a fait ainsi’.
Selon le psychologique Thomas Plante, qui enseigne la psychologie à l’Université Sainte Claire en Californie, la source de ces nouvelles prises de position du Pape remontant à l’Instruction vaticane de 2005 sur l’admission des personnes ‘aux tendances homosexuelles’ au sacerdoce, un document qui propose les mêmes distinctions que François a décrite dans la brève entrevue avec le clarétain Fernando Prado : s’il est admissible d’admettre au séminaire des hommes qui ont expérimenté une attirance homosexuelle ‘transitoire’, les candidats ayant cette ‘tendance enracinée’ devraient être dissuadé, tout en respectant leur sensibilité.
Le problème est que cette distinction ne résiste pas à la lumière des connaissances psychologiques contemporaines : « En même temps notre Eglise ploie sous le poids de tels documents. Elle pense que ce mec avec col romain et barrette rouge qui écrivent ces documents devraient se faire aider de professionnels dans le domaine » dit le docteur Plante, ajoutant que le langage de l’Instruction ne reflète pas « nos connaissances sur la sexualité humaine, sur l’homosexualité et sur son fonctionnement ».
Le docteur Plante a examiné des milliers d’aspirants au sacerdoce et a pratiquement renoncé, lui et le directeur du séminaire dans lequel il travaillait, pour faire la distinction sur laquelle insiste apparemment le Vatican : « le point critique de la question et que l’orientation sexuelle, du point de vue psychologique et du possible risque d’abus, est insignifiante : est plus important comment se comporte la personne dans ses pulsions et ses désirs, qu’elle soit hétéro ou homosexuelle : c’est là le point ». Lorsque le Pape parle spontanément sur un thème tant chargé émotionnellement, il y a le risque que « les prêtres homosexuels deviennent les boucs émissaires par le simple fait d’être homo, non en raison de ce qu’ils font mais de leur orientation […] pour ce qu’ils sont, non pour ce qu’ils font, et ceci est un problème énorme ».
Le docteur Plante se demande pourquoi le Pape et les évêques ne recourent pas plus souvent aux professionnels de la psychologie et de la sexualité humaine pour émettre leurs opinions sur ce thème : « Là il y a besoin de clarté parce que c’est un thème chaud », autour duquel « il y a trop d’émotivité, trop de colère, trop d’hostilité. Il y a besoin de reprendre profondément son souffle et de communiquer d’une façon claire, parce que lorsque ce n’est pas réellement clair les personnes projetteront leur propres histoires [sur ce qui est dit] » et nous courrons alors le risque que certains utilisent les imprécisions du Pape comme une ‘arme’ pour rendre coupable les prêtres homosexuels
Le Père Martin est d’accord avec le fait qu’utiliser un ‘langage imprécis’ ou faire des commentaires qui ‘semblent contradictoire’ peut tromper les fidèles ‘et même démoraliser, dans certains cas’. « [Il y a des commentaires que] nous avons l’habitude d’utiliser par les partis opposés créant de nouvelles divisions dans l’Eglise. Nous parlons tous murmurons, mais lorsque le Pape le fait il y a un plus grand risque de faire des dégâts »
Thomas Plante ne croit pas, comme le suggère certains titres de journaux, que François ou le Saint-Siège souhaite expulser les prêtres homosexuels : « Nous voyons ce qu’il arriverait si nous avions vraiment une Inquisition pour expulser tous les prêtres homosexuels » ; selon Plante cela signifierait une réduction ‘d’un tiers ou de la moitié’ du nombre des prêtres, la suppression et l’humiliation, « de personnes qui n’ont rien fait de mal aucune erreur et qui savent se gérer leur pulsions, ce que doivent aussi savoir faire les époux, comme les prêtres hétérosexuels. J’aime le Pape François, mais il ne travaille pas dans le champ de la santé mentale. Parce qu’il ne parle pas avec des professionnels ? Il y a beaucoup de catholiques engagés dans l’Eglise qui veulent aider à et apprendre davantage sur le sujet. Nous voulons vous aider, nous avons de bonnes intentions et nous voulons aider l’Eglise. Si le Vatican avait des fuites dans une toiture, ils appelleraient un col romain ou une barrette rose avec échelle et chevilles pour le réparer ? ».
* Kevin Clarke est correspondant en chef de l’hebdomadaire Americae auteur d’un libro sur saint Oscar Romero.
Article de Kevin Clarke* publié sur le site de l’hebdomadaire des jésuites américain (Etats-Unis) le 5 décembre 2018.