Merci Sœur Kathleen pour ta bonté par laquelle j’ose terminer. Il me semble que s’il fallait te résumer en un seul mot c’est celui-ci que je choisirai. Aide-nous maintenant à être également des âmes de Dieu, bonnes et de paix dans la vie de tous les jours, pour bâtir ici et maintenant le Royaume de Dieu dans la joie du « toute donnée ». Sr Françoise Petit

Rappel à Dieu de Soeur Kathleen APPLER, Supérieure générale des Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul. Textes et célébrations.

Chers amis. Aujourd’hui 24 mars 2020, nous avons célébré le départ à la Maison du Père de Soeur Kathleen Appler, supérieure générale des Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul. Nous vous partageons les textes qu’ont éclairé les deux célébrations : l’une à la Chapelle de la Médaille Miraculeuse (rue du Bac) et l’autre à la Chapelle Saint Vincent de Paul. Pour des raison de confinement nous n’avons pas pu participer (les missionnaires) à la célébrations des obsèques et les soeurs ont pas eu l’occasion d’avoir une Eucharistie. Donc, nous nous sommes réunis en un seul coeur : celui du Christ, Evangélisateur des pauvres et nous avons prié « ensemble » pour sr Kathleen et avec elle pour toutes les personnes souffrantes en ce moment, et pour tous ceux qui donnent leur vie pour le bien-être des tous… MERCI

 

PAROLES DE SOEUR FRANÇOISE PETIT, fdlc, lues en la chapelle de la Médaille Miraculeuse :

 » Mercredi dernier à 7h du matin, Sœur Kathleen nous a quittées pour rejoindre le Seigneur. Elle était en paix et ne souffrait plus. La veille, elle avait pu encore dire « je ne comprends pas » mais quelques instants après, à trois reprises et avec sa fermeté habituelle qu’elle avait gardée même dans l’extrême faiblesse, elle a murmuré « j’accepte ». Sa maladie a été l’occasion d’un cheminement, une lutte qu’elle arrivait à ne pas faire porter à son entourage, un dépouillement qu’elle a accompli jusqu’à son dernier souffle.

Car Sœur Kathleen était à la fois une femme profondément humaine et une femme de foi. Bien sûr nous la pleurons comme toutes les Filles de la Charité du monde en tant que Supérieure générale mais aussi comme une Sœur parmi nous. Chacune ici, et dans sa Province d’origine aux Etats Unis, a son histoire avec elle et, à la vue de si nombreux courriers et témoignages reçus, il est clair que ses qualités ont été reconnues partout où elle est passée et quel que soit son service. Elle a été aimée et elle aimait chacune.

Elle est issue d’une famille nombreuse de l’état de New York. Certainement, elle y a puisé ses dons, tant spirituels qu’humains. Elle était très attachée à ses frères et sœurs, neveux et nièces. Une famille nombreuse, chrétienne et généreuse. Pourtant, dès le début de sa maladie elle a exprimé le désir de vivre jusqu’à la fin dans son pays de mission, c’est-à-dire la Compagnie tout entière, en restant ici à la Maison-Mère. Sa famille l’a compris et nous la remercions bien sincèrement. Nous mesurons le détachement qui leur est demandé.

Enracinée dans le Christ, elle avait une dévotion particulière à sainte Louise. Elle a beaucoup médité les textes de notre Fondatrice et aimait s’en inspirer. Prenons cette phrase qui s’accorde tellement avec ce qu’elle a vécu ces derniers moments : « Je me suis donnée à Dieu pour acquiescer à la conduite de sa Providence et vivre la fin du Carême en délaissement intérieur, et même en affliction, pour honorer l’état de Jésus Christ que la sainte Eglise nous représente ».

Elle est décrite par toutes et tous, comme une personne souriante, joyeuse, simple et humble. A plusieurs reprises pendant ces mois de la maladie, elle s’interrogeait : « Je veux bien accepter la volonté de Dieu, mais je veux vivre ». Elle aimait la vie.  Dans le quotidien de notre communauté nous avons pu souvent le constater. Elle était toujours prête à nous aider alors même qu’elle portait la charge de la Compagnie. Son plaisir, et notre intérêt, était d’imprimer nos cartes d’embarquement ! Elle cherchait la meilleure place dans l’avion pour nous. Elle savait aussi provoquer des petits moments de détente tout simples qui nous unissaient et nous renforçaient dans notre mission.

Elle a été longtemps enseignante et en avait les qualités : de la rigueur, de la précision et de la patience pour expliquer et redire sans cesse les mêmes choses.

Comme Supérieure générale, il est clair que lors de ses voyages, elle a marqué chaque Province par sa capacité d’écoute et son intérêt aux missions auprès des plus pauvres. Elle était habitée par nos frères et sœurs en situation de détresse et il était facile de lui partager les initiatives, la créativité dont nous étions nous mêmes les témoins dans chaque Province. C’était je crois sa priorité dans l’esprit et dans les faits. Elle était une Fille de la Charité avant tout, qui a su exprimer l’essentiel de notre vocation dans ses différents courriers, qu’elle voulait simples mais développés.

Ephata : franchir la porte, aller vers, rencontrer. Je crois que c’est ce chemin que Sœur Kathleen a parcouru d’une manière très concrète et en vérité tous ces derniers mois. Elle s’est ouverte au mystère qu’est l’annonce d’une maladie, a parcouru les différentes étapes de soin en gardant toujours l’Espérance, sûre de la présence de Dieu et enfin en pleine conscience, elle l’a rencontré en plénitude. Ecoutons encore une fois sa dernière invitation du 2 février : « Est-ce que je suis prête à vivre radicalement les vœux afin de m’ouvrir à l’Esprit transformateur, de me rapprocher du Christ et de me remettre réellement entre les mains de Dieu pour faire sa sainte volonté ? » Alors que nous allons renouveler nos vœux demain, c’est avec elle que nous allons redire « oui » au Seigneur. 

Merci Sœur Kathleen pour ta bonté par laquelle j’ose terminer. Il me semble que s’il fallait te résumer en un seul mot c’est celui-ci que je choisirai. Aide-nous maintenant à être également des âmes de Dieu, bonnes et de paix dans la vie de tous les jours, pour bâtir ici et maintenant le Royaume de Dieu dans la joie du « toute donnée ».

 

HOMÉLIE DU PÈRE BERNAD SCHOEPFER, CM (En la chapelle Saint-Vincent de Paul)

Aujourd’hui, Jésus nous dit : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Jn 12, 24

Quelques jours avant sa mort, Jésus annonce à ses disciples son départ en utilisant l’image du grain de blé tombé en terre. Le processus de la germination du grain de blé, de la croissance des jeunes plants est très habituel pour le monde agricole. Nous, les citadins, réfléchissons un peu sur le développement du grain enterré dans le terreau ou dans la terre : le grain traverse une période noire totale, sans lumière, il n’est plus lui-même, mais pendant cette période, il reçoit une autre nourriture : eau, engrais, minéraux du sol… qui l’aide à se transformer pour entrer dans la phase de la croissance, ensuite celle de la floraison. Un grain de blé peut nourrir des milliers de personnes en en donnant beaucoup d’autres. « Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle ». (Jn 12, 24)

Chère Sœur Kathleen, au début de la session du mois de mars, qui s’intitulait : « Un temps pour nourrir et soutenir le désir de fidélité », vous  avez demandé à Sœur Françoise de nous partager ces paroles de sainte Louise : « Je vous dis donc tout simplement qu’il faut attendre dans la paix que la grâce produise en nous la véritable humilité qui, nous donnant connaissance de notre impuissance, nous la fasse avouer ». (Ecrits, p.91 – L.80) Le 18 mars à 7 h 00 du matin, vous êtes entrée dans la paix de Dieu, à l’âge de 68 ans, comme sainte Louise.

« Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul. » Que veut dire alors mourir pour nous ? Cela signifierait-il de refuser de nous refermer sur nous-mêmes, de nous recroqueviller, et de faire tout pour nous ouvrir aux autres et à la parole de Dieu ? Mourir de cette manière, ce serait libérer toutes les forces d’amour qui sont en nous et que nous contenons à force de peurs, d’égoïsme, de méfiance ?

L’appel au « confinement dans nos maisons » peut nous aider, si nous le voulons, à contempler à nouveau la beauté de nos frères et sœurs ; à comprendre que la vie sans solidarité ni coresponsabilité n’est pas la vraie vie ; à grandir dans la foi en notre Dieu : « Pourquoi te désoler, ô mon âme, et gémir sur moi ?  Espère en Dieu ! De nouveau je rendrai grâce : il est mon sauveur et mon Dieu ! » (Ps 41, 12)

Dans une lettre à Sœur Kathleen au Ciel, le Père Tomaž faisait l’éloge de votre manière d’être et de vivre votre vocation de Fille de la Charité. Il disait : « Vous avez été et vous êtes pour moi l’exemple d’une personne qui a vécu au maximum les vertus de simplicité, humilité et charité. J’ai toujours apprécié votre soutien, votre collaboration profonde, votre proximité. J’aime la manière dont vous terminiez toujours vos lettres : « L’union dans la prière ! »

Le grain de blé, le gland du chêne, la graine quelle qu’elle soit, meurent-ils vraiment lorsqu’ils sont enfouis en terre, au sens de finir et de disparaître ? Je les vois plutôt s’ouvrir, éclater, libérer toutes les forces de vie qui sont en eux et renouveler chaque fois cette sorte de miracle : faire naître d’un grain un épi, lourd et blond, faire surgir d’un petit gland un immense chêne.

Elle est simple et belle, mais surtout riche et évocatrice de sens cette image du grain de blé déposé en terre que Jésus utilise pour parler de sa mort. Une telle façon d’envisager sa mort, ou plutôt de remettre sa vie, ne peut qu’exprimer un amour total, intense, ultime. Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Avec le psalmiste nous osons chanter : « Tu m’as montré, Seigneur, la route de la vie ; en ta présence, la joie est sans mesure ». Ps 15,11

Chère Sœur Kathleen dans votre dernière lettre du 14 mars vous avez invité vos sœurs à relire et méditer la Constitution 15a : « Qui cherche à suivre Jésus Christ, rencontre celle qui l’a reçu du Père : Marie, première chrétienne, consacrée par excellence, présente à la vie de la Compagnie depuis le commencement ». Et en fin de la lettre vous nous avez encouragés à ne pas douter : « Si réellement nous essayons de mettre nos pas dans ceux de Marie et de vivre comme elle toutes nos expériences d’Ephata alors, ne doutons pas qu’elles porteront du fruit pour nous-mêmes et pour les pauvres ».

Laissons encore résonner en nos cœurs ces paroles de Jésus : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ».

Jésus se dépose dans notre terre, il s’offre même en nourriture, en pain partagé, afin que, communiant à son amour et à sa vie, nous soyons à notre tour vie donnée et partagée. Il ne sera plus un grain de blé seul, nous serons grains de blé avec lui, pour devenir un pain partagé pour la vie de nos frères et nos sœurs les plus fragiles.

Chère Sœur Kathleen, aujourd’hui, vous vivez votre Pâques. Vous nous accompagnez d’une manière différente mais toujours aussi présente. Nous retenons de vous cet héritage : votre détermination et votre courage dans le service malgré la maladie. Courage fondé sur l’Espérance et la Providence.

Pour conclure cette méditation, je reprends vos paroles de l’allocution finale à l’Assemblée générale le 12 juin 2015 (Echos n° 3) : Choisir d’oser vivre simplement et radicalement, d’oser vivre unies dans la communion, d’oser vivre la compassion de Jésus sera la lumière qui va éclairer notre chemin et qui fera disparaître l’obscurité et réduira les zones d’ombre qui risquent de nous empêcher d’avancer. Je crois que notre vie authentique de servantes des pauvres va permettre à quelque chose de neuf et d’audacieux de s’épanouir ! Osons vivre pleinement la richesse de l’universalité de notre charisme en trouvant le Christ dans les pauvres et les pauvres dans le Christ !

 

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