» Chemins d’une année jubilaire selon le double charisme ‘Mission-Charité’ «
Réflexion proposée lors de la rencontre annuelle de la Province de France (Villepreux, le 24 janvier 2018). A cette occasion les Lazaristes célébraient la clôture de l’Année Jubilaire Vincentienne
Il m’a été demandé d’introduire cet après-midi de travail, en reprenant ce qui nous a été donné de vivre pendant l’année passée, et nous avons retenu l’intitulé : « Chemins d’une année jubilaire selon le double charisme Mission-Charité ».
Nous avons choisi « Chemins » au pluriel pour évoquer différentes origines et destinations de nos marches, venant de différentes maisons, et ayant participé à différentes manifestations.
Pour commencer, rappelons-nous …
1. D’où venons-nous ?
Il y a un an, 364 jours pour être exact, nous sommes allés à Folleville. Selon la bonne tradition, nous avons eu froid au corps … et chaud au cœur. Car nous nous retrouvions au lieu du premier sermon de la Mission, et car le cœur de notre saint fondateur nous accompagnait. Ce matin-là, nous étions partis avec lui de chez nos sœurs Filles de la Charité, rue du Bac. Elles nous ont porté dans leur prière par leur chant, et nous avons pris route, dans un jour pas encore bien levé. Cela faisait un moment que le cœur n’était plus sorti …
Drôle d’idée que ce pèlerinage du cœur… Nous nous rappelons qu’elle est venue de notre Supérieur Général le Père Tomazc Mavrich. Il a voulu que soit organisé un pèlerinage autour du monde avec la relique du cœur de st Vincent, et que celui-ci commence par son pays d’origine en cette année jubilaire. Il me semble que cette démarche dévotionnelle n’est pas très habituelle en tout cas aujourd’hui chez nous, Lazaristes en France. Et pourtant, nous avons pu nous laisser aller… Je n’ai pas cherché consciencieusement lesquelles de nos communautés ont pu organiser un accueil, je vous fais simplement part de quelques échos que j’ai perçus ; c’est donc plutôt un retour subjectif que je vous présente …
Au Berceau de st Vincent de Paul, par exemple… Nous n’avions rien prévu à l’avance pour la célébration des 400 ans, attendant de voir ce que les autres membres de la Famille proposeraient. Nous saisissons la date du spectacle mis en place par l’école du Berceau, Envole-toi, avec le soutien des Filles de la Charité, pour organiser notre commémoration avec l’Equipe st Vincent de Dax. A partir de la fête de Pentecôte au lieu natal, nous voici allant, les autres dix jours, avec le cœur de st Vincent dans son diocèse d’origine, à la visite de quatre paroisses et des quatre communautés contemplatives. C’est l’occasion de rassembler des gens, qui souhaitent vénérer leur saint local et patron du diocèse, et d’échanger, sur la charité en acte et en attente, aujourd’hui, chez nous. Nous n’avons pas vu de grands chamboulements extérieurs, mais nous avons vu du monde venir, à notre grande surprise ; nous avons entendu la joie et la paix reçues dans cette rencontre exceptionnelle avec Monsieur Vincent ; et nous avons entendu des expériences de charité vécues ici et maintenant.
Le cœur de st Vincent a aussi été accueilli à Marseille, Périgueux, Villepinte, Vichy … et en bien d’autres lieux que je ne peux pas tous nommer … Cela nous a donné diverses opportunités riches et joyeuses de nous retrouver en Famille, pour nous connaitre et organiser ensemble cette célébration des 400ans. Un bel écho a bien sûr été rendu sur internet, notamment par le site famvin. De nous-mêmes, nous n’aurions pas su lancer cet élan pèlerin missionnaire, qui a dépassé notre Congrégation (rien qu’en tapant hier matin sur Google « pèlerinage cœur de st Vincent », en première page sont directement signalés : Albi, Nice, ND de la Salette à Paris, le Gers, la Sarthe …). Exprimons notre gratitude au Père Général et à l’équipe animatrice, notamment les sœurs Maria-Theresa et Stanislawa.
Nous sommes allés à Folleville le 25 janvier 2017 pour faire mémoire, pour célébrer 400 ans d’intuition et d’appel missionnaires de st Vincent de Paul.
La communauté d’Amiens a eu sa part belle. Elle a été entrainée dans les célébrations locales du diocèse. Le pèlerinage du cœur a commencé à la cathédrale, dans le cadre d’un rassemblement diocésain, où l’évêque a invité les pauvres à s’approcher pour la vénération de la relique. Puis il s’est poursuivi entre notre église Ste Anne et des monastères locaux. L’année de la communauté aura été marquée aussi par l’ordination sacerdotale de Patrick, et par une célébration de « la mission à Madagascar », en présence de notre confrère Pedro Opeka. Si jamais cela ne suffisait pas, la communauté a été appelée du diocèse voisin, par le zêlé curé de Gannes, Patrick, qui a voulu organiser une année de découverte et de formation sur st Vincent. Il a fait appel à différents intervenants, dont quatre confrères, d’Amiens et d’ailleurs. La communauté d’Amiens élargissait l’invitation pour participer aux rencontres mensuelles. Le curé en est même venu à demander une mission, qui s’est déroulée sur dix jours. Au final, la communauté se trouve resituée dans le diocèse, elle est connue de nouveau pour sa vocation missionnaire. Des appels de missions commencent à se faire entendre.
La Maison-Mère, d’elle-même, a connu une place particulière dans ces célébrations jubilaires. Nos confrères ont eu la joie d’accueillir les membres de l’AIC et des ESV, venues du monde entier, à l’occasion de l’ouverture de leur célébration des 400 ans à Paris en mars. Après la messe à Notre-Dame et un pèlerinage en bateau-mouche avec les personnes qu’elles soutiennent au long de l’année, les Dames ont organisé dans l’après-midi un goûter et l’inauguration de la tapisserie réalisée par les personnes accompagnées et par les équipières.
Le 8 décembre, s’est tenue la clôture de l’année jubilaire pour la Famille Vincentienne en France. Au terme de la célébration eucharistique, un nouveau portrait de St Vincent était inauguré, exposé dorénavant dans la rue. Cette célébration a donné l’occasion de voir les membres de la Commission Nationale de coordination de la FamVin en France, qui a œuvré pour les célébrations de ce jubilé, entre autres en élaborant un calendrier commun. Il semblerait que nous commencions à prendre l’habitude d’un réflexe familial, à nous contacter et consulter pour vivre ensemble le charisme vincentien Mission-Charité. Cette coordination a effectivement démarré.
La maison de Paris aura aussi eu ce bonheur d’avoir l’éclairage et la sonorisation renouvelés dans sa chapelle, qui, outre la facilitation de la lecture, changent une ambiance d’accueil.
Pour évoquer 1617-2017, je ne peux pas faire abstraction de Châtillon, même si je n’ai personnellement participé à aucune de ses nombreuses manifestations. J’ai ouï dire simplement l’engagement de longue haleine de notre confrère Bernard Koch, la participation de plusieurs d’entre nous, pour écrire un article ou l’autre, pour animer des veillées par le chant, intervenir au colloque … Ce colloque, organisé par la Société Nouvelle Gorini, qui assure la promotion de l’histoire religieuse des pays de l’Ain, avait pour thème « La Charité de St Vincent de Paul : un défi ? » Développements historiques et réflexions contemporaines … En corps provincial, nous avons eu la joie de vivre une journée de pèlerinage, lors de notre retraite annuelle, en ce lieu habité par notre fondateur.
Peut-être dans un autre registre, j’ai trouvé intéressant d’entendre la communauté de Thessalonique raconter qu’elle a provoqué une réunion avec tous ses partenaires dans le cadre de cette année jubilaire : les jeunes, les Dames de la Charité ; toutes les entités « qui nous entourent », des ingénieurs, des psychologues, des avocats, des informaticiens, des cuisiniers, des enseignants, des assureurs, des docteurs, des jeunes pleins de créativité, des traducteurs, notre évêque … Les confrères ont voulu intéresser leurs différents contacts à leur mission, s’étendant sur plus de 300km, car ils vivent une véritable présence parmi les pauvres : prisons, visites des personnes âgées, des cours donnés aux enfants des gitans, accueil des pèlerins, soutien aux migrants, accueil des pauvres de passage, en lien avec les sœurs de Mère Teresa, récupération des fruits et légumes tous les Vendredi au grand marché de la ville pour organiser une soupe populaire. La question échangée portait sur comment continuer et développer ces différents services, avec des nouveaux soutiens.
De même, la mission en Algérie a été provoquée à se réunir avec les autres branches de la Famille Vincentienne présentes dans ce pays. Un effort commun a été risqué pour réaliser un support video de présentation de la Famille. Occasion d’échanger et de se connaître un peu mieux, d’approfondir ensemble le charisme de st Vincent dans sa diversité… Tant de choses, en un an !… et je ne fais que prononcer le mot « Symposium » pour dire que je ne l’ai pas oublié …
Nous sommes allés à Folleville, et un an plus tard, nous nous retrouvons ici, à Villepreux.
Si nous l’avions oublié, notre site web national a remis en avant la réflexion lancée par l’un de nous, Jean-Pierre Renouard … la tête lui démange régulièrement pour faire sortir des interrogations et interpellations … En équipe de rédaction des Fiches Vincentiennes, nous avons cherché à participer à cette interrogation dans le Cahier n°103 : 1617-2017 « Mission-Charité » ; autrement dit « le charisme combiné Mission-Charité » 2 en 1, comme un produit à double effet, comme une union hypostatique …
2. Où en sommes-nous ? Où allons-nous avec ce charisme vincentien Mission-Charité ?
Je ne connais pas le détail des projets de nos communautés et leurs réalisations. Cependant, je perçois comme en écho à cette nature double du charisme vincentien :
– dans notre maison-mère, un projet d’accueil de jour pour les femmes dans la rue à Paris est né. Il est en cours d’élaboration, entre les ESV, les conférences SSVP et nous Lazaristes. Progressivement, les choses s’organisent pour une mise en route probable courant 2019 …
– Au niveau de la province, nous avons décidé dans nos assemblées de septembre 2015 de mettre en place un accueil d’étudiants dans plusieurs de nos maisons. Là aussi, les choses avancent sans précipitation. Quatre confrères sont chargés de suivre le projet, mais le charisme de st Vincent nous rappelle que nous sommes tous concernés. Que voulons-nous avec et pour les jeunes, au nom de l’Evangile du Christ ? Que sommes-nous prêts à donner, de nous, de nos moyens, de notre héritage spirituel ?
– Peut-être avez-vous entendu parler, ou lu, de ce qui est en train de se réaliser à Marseille Tour-Sainte : à la fois un logement pour des sdf âgés, et un espace d’expression artistique pour les plus défavorisés. Le confrère qui suit particulièrement ce dossier a partagé son interrogation. Pourquoi ne pas choisir d’installer une communauté lazariste en cohabitation, pour partager la Bonne Nouvelle de Dieu ? Je mets peut-être les pieds dans le plat, mais dans celui-là, ça ne me gêne pas : nous avons encore des choix à faire, et choisir implique une part de renoncement. Que voulons-nous et pouvons-nous poursuivre dans cette dynamique du charisme Mission-Charité ?
– Je pense aussi à nos missions en paroisses de Normandie, Champagne, Valfleury, Villepinte … Nos confrères vivent un contact régulier et fidèle avec les chrétiens engagés au service de l’Eglise, avec les populations locales … Ils vivent un échange vital. Avec eux, nous pouvons nous interroger : quelle mission-charité développer au service du monde, avec ses attentes, ses souffrances ? quelle collaboration imaginer à la st Vincent pour réaliser à nouveau, par paroles et par actes conjointement, que le règne de Dieu est proche ?
Avec st Vincent, nous apprenons à prier le Maître de la moisson, qu’il envoie des ouvriers à sa moisson. Aujourd’hui, nous avons trois séminaristes en premier cycle. Ma petite expérience dans le service des vocations de la province me fait déjà savoir qu’il ne faut pas s’emballer à partir de premiers contacts, mais laisser l’Esprit Saint œuvrer en chacun. Redoublons d’effort tous ensemble pour proposer le charisme vincentien comme idéal de vie pour aujourd’hui.
Avec st Vincent, nous apprenons à nous donner à l’Evangélisation dans la simplicité, humilité, douceur, mortification et zèle, recette tonique du parfait missionnaire configuré au Christ. Tout dévoué à Dieu le Père, il se consacre au service évangélique de l’humanité. Il nous appelle et nous entraine à sa suite. Aujourd’hui, à nous de répondre encore ; demain, à nous de continuer, avec d’autres, dans cet élan reçu de Mission-Charité avec et pour les pauvres.
P. Frédéric PELLEFIGUE, CM 🔸
Avec st Vincent, nous apprenons à nous donner à l’Evangélisation dans la simplicité, humilité, douceur, mortification et zèle, recette tonique du parfait missionnaire configuré au Christ