La Mission Scolaire à Châtillon-sur-Seine, du 24 au 27 septembre 2018

La Mission Scolaire à Châtillon-sur-Seine, du 24 au 27 septembre 2018

C’est avec grand plaisir que je retournais cette année au collège Lycée-professionnel St Vincent St Bernard de Châtillon-sur-Seine, totalisant un peu moins de 500 jeunes. Joie de retrouver une grande famille car c’est bien cela que vivent ensembles corps enseignant, personnel OGEC et élèves. Il y règne un esprit de simplicité, de convivialité et de fraternité, digne de l’esprit de Saint Vincent.

Beaucoup de profs et notamment les nouveaux, viennent du monde de l’entreprise, et il est beau et fort intéressant de les entendre partager leurs expériences professionnelles. Plusieurs m’ont partagé leur expérience de vie, se sont livrés. Et la foi n’est pas un tabou pour beaucoup, me partageant librement leur quête, leur vie de foi, leur rapport à l’Église. Il y a de la fraicheur qui fait du bien, qui m’a fait du bien.

En ce qui concerne les élèves, on sent bien que nous sommes en Province. C’est calme !! L’établissement leur offre un bel espace de vie. Il y a de la place, de la verdure, on y respire et il y règne une ambiance sereine, paisible, malgré quelques heurts quotidiens inhérents à la vie d’un établissement scolaire. Ils disposent de beaux moyens de formation, sans tomber dans le High-tech outrancier, mais tout ne marche pas toujours comme on veut, quand on veut (vidéo projecteur + son !!!) … c’est comme à la maison.

Avec les lycéens, pour illustrer le thème de la Solidarité, chaque classe a pu vivre le jeu du pas en avant. Quelle belle expérience !  En quoi consiste-t-il ? A chaque élève est donné un personnage représentatif de notre société, du plus pauvre au plus riche. Au départ ils sont tous sur une même ligne. Puis l’animateur énumère des situations de vie. Si le jeune estime que son personnage peut vivre cette situation, il fait un pas en avant, sinon il reste sur place. Au fur et à mesure nous voyons les écarts qui se creusent entre ceux qui ne peuvent avancer, ceux qui avancent tant bien que mal et ceux qui se retrouvent devant. A la fin, nous avons une image concrète de notre société. Quel que soit le niveau, de la 2sd à la Terminale, l’exercice a été vécu avec joie, sérieux, et surtout sans rechigner. Tous ont naturellement accepté de rentrer dans la démarche. Et ce qui m’a le plus surpris, agréablement surpris, c’est les relectures que nous avons pu en faire par la suite. Même les profs ont été bluffés par la qualité, la profondeur et la réflexion des jeunes sur ce qu’ils avaient vécu durant le jeu. Des jeunes disant : « je ne pensai pas que l’on pouvait vivre de telles situations »… en se mettant dans la peau de leur personnage. La relecture blessée de ceux qui restaient derrière, la relecture « je suis le roi du monde », « on ne se préoccupe plus de ce qui est derrière, on avance » quand on est devant, et la relecture inquiète de ceux majoritaires qui étaient au milieu, inquiet pour leur avenir, inquiet de risquer de tomber derrière. C’est le lot de beaucoup de personnes dans notre société qui ont de plus en plus tendance à se renfermer dans leurs murs et dans leur seul cercle familial et amical restreint, par peur du monde environnant.

Référence à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité » … Nous naissons libres et égaux, nous naissons … mais après, rien n’est garanti !!!

Beaux partages et témoignages quand 2 jeunes se retrouvaient avec les mêmes personnages, chacun n’avançant pas au même rythme. Les caractères des jeunes se révèlent alors, surtout dans le cas du personnage handicapé en fauteuil roulant. Les jeunes de caractère combatif vont faire avancer dans les premiers la personne handicapée et ils auront raison ; les jeunes de tempérament plus réservé auront tendance à rester en retrait pensant ne pas pouvoir faire, et ils auront raison eux aussi car c’est la réalité pour beaucoup. Référence alors à quelques grands personnages handicapés et aux jeux paralympiques.

Réflexions profondes des jeunes dont les personnages étaient restés derrière. Sentiments de désespoir et de colère quand aucun pas n’était possible, « abandonné, seul, inexistant ». Mais quand un pas était possible, « espoir, tout n’est pas perdu ».

Et puis il y a les belles analyses de ceux qui se retrouvaient au milieu, la majorité. Milieu en bas et milieu en haut. Les craintes exprimées par certains, craintes de tomber en regardant derrière (artisans, agriculteurs), soulagement d’autres en se disant « il y a pire que nous, on peut tenir ». Beaucoup de ces situations sont le vécu même de ces jeunes.

Je leur disais alors que si nous prenions 20 personnes de Châtillon un jour de marché, leur faisant jouer leur propre personnage, leur vie, nous aurions les mêmes écarts, les mêmes creusés, les mêmes craintes et les mêmes aveuglements.

Je pus sentir chez eux une grande empathie, mais allant en s’estompant grandissant en âge. Non pas que ce sentiment disparaisse, mais prenant conscience du mal environnant, en grandissant, ils se protègent d’une souffrance extérieure qu’ils ne peuvent gérer.

Face à la noirceur du monde tel qu’on leur présente quotidiennement, ils ont du mal à y déceler du positif, et font donc souvent mine de ne pas s’y intéresser. Mais ils sont inquiets. Il serait urgent de les aider à avoir un autre regard. Leur montrer toutes les belles initiatives qui se prennent autour de chez eux comme à l’autre bout de la terre. Leur montrer qu’il est possible de faire quelque chose même si ce n’est qu’une modeste chose. Ils ont besoin de voir du possible, d’entendre du positif.

Et Dieu là-dedans ? Cette empathie inhérente à l’être humain, les chrétiens l’appelle Compassion, et elle est don de Dieu, Lui qui n’est qu’Amour. Après avoir vécu le jeu « du pas en avant », avoir réfléchi sur notre société et notre monde, … parler de Dieu, de la foi Chrétienne, n’a posé aucun problème avec ces jeunes, pourtant bien éloignés de cette réalité. Etant dans la semaine de la fête de Saint Vincent de Paul, je repris avec eux l’Evangile de St Matthieu au chapitre 25, le passage du jugement dernier, cher à la Famille Vincentienne. Il est toujours étonnant d’entendre que Dieu ne juge pas sur la qualité de notre prière (toujours bien pauvre) ou de notre pratique religieuse (cahincaha ou de façade), mais bien sur l’amour que nous aurons su donner … ou pas. Dieu le Père a mis en nos cœurs son Amour, c’est l’Esprit qui brûle en nous, et chaque jour, par sa Parole, Jésus, Il nous montre comment donner vie à cet Amour. A l’exemple de Saint Vincent, le Seigneur souhaite que cet Amour nous fasse sentir, toucher, la souffrance des plus petits et que nous nous engagions à tendre la main, leur tendre la main. Si nous ne le faisons pas, si nous fermons nos cœurs, nos yeux et nos mains … alors c’est peut-être cela le péché contre l’Esprit, ce péché mortel qui tue l’Amour qui nous est donné par le Père. Etonnamment, les jeunes comprennent très bien cela. Et ils le comprennent d’autant mieux qu’ils savent ce qu’est « se mettre au service » par l’intermédiaire du lycée ou ailleurs. Je les fais alors revenir sur la joie que l’on éprouve en servant l’autre, en redonnant de la vie, du goût de vivre, notamment chez les personnes âgées qu’ils visitent régulièrement et à qui la filière coiffure offre des soins une fois par mois. Cette joie ressentie, c’est la joie de l’Esprit, et sans exagérer, nous pouvons dire que c’est Dieu qui en nous se réjouit.

Bien sûr, cela il faut le nourrir, pour le vivre il nous faut de la force. Et c’est là que la prière prend toute sa place, c’est là que la vie sacramentelle a tout son sens. Elles sont lieux d’énergie dans lesquelles nous puisons force, dynamisme, enthousiasme et joie pour la Mission.

Alors continuez les jeunes, vous n’êtes pas loin de la Vérité.

Eric RAVOUX, CM 🔸

Réflexions profondes des jeunes dont les personnages étaient restés derrière. Sentiments de désespoir et de colère quand aucun pas n’était possible, « abandonné, seul, inexistant ». Mais quand un pas était possible, « espoir, tout n’est pas perdu ».