Libres propos de vacances sur la Mission ad Gentes

Libres propos de vacances sur la Mission ad Gentes

L’expression paraît déjà un brin désuet, la réalité ne l’est pas.  Les plus âgés se souviennent de l’appel célèbre du Pape Pie XII et de son encyclique Fidei donum de 1957 et du décret suivant, avec principalement l’invitation à partir en Afrique, puis avec l’encyclique « Princeps pastorum » (1960) de Jean XXIII qui avaient déjà favorisé et soutenu l’engagement missionnaire de toute l’Église catholique. « Ces textes ont préparé la conception de la mission, qui a trouvé son aboutissement dans le décret conciliaire « Ad gentes » et dans les encycliques « Evangelii nuntiandi » (Paul VI, 1975) et « Redemptoris missio » (Jean Paul II, 1990). Tous ces documents soulignent la tâche missionnaire universelle de l’Eglise et rappellent que chaque Église locale est aussi responsable pour d’autres Églises locales »[1]. Puebla qui a redit ses besoins propres a parlé du « don de sa pauvreté ». « Ad gentes » s’est comme inversé. C’est toujours partir au loin mais le mouvement va plus – en regardant nos planisphères – du sud au nord que du nord au sud. Les temps ont évolué. Toute sociologie s’est modifiée et vue de France, l’activité missionnaire s’est peu à peu bouleversée au cours du XXème siècle jusqu’à devenir à son tour, une Église de besoins au point de devenir d’enrichissement. Le décret dit « ad gentes » voyait déjà large en 1965 lui qui traite de cette activité missionnaire de l’Église : « L’Église, envoyée par le Christ pour manifester et communiquer la charité de Dieu à tous les hommes et à toutes les nations, comprend qu’elle a à faire une œuvre missionnaire encore énorme ». A une Compagnie fondée pour la Mission, la considération du champ missionnaire ne peut que se poser au gré des évènements et de leurs évolutions. On peut toujours se redire dans quel esprit et avec quelles conséquences ?

Les soubassements théologiques correspondent en tous points, quelques soient les époques, au Concile Vatican II comme au temps de st Vincent. La réalité trinitaire est source. D’elle coule la charité de Dieu qui nous appelle à partager sa vie et c’est pour cette mission première que le Père envoie le Fils afin qu’il devienne « tout en tous » (1 Co, 28). Le Fils est l’envoyé pour devenir le Médiateur et la Parole adressée à tous, spécialement aux pauvres selon Lc 4, 18 et ce, jusqu’aux extrémités de la terre (LG 3). Sa mission accomplie, il laisse son Esprit qui est l’inspirateur, l’unificateur, le souffle le pourvoyeur des dons nécessaires à ceux qui le reçoivent (LG 4). Car l’œuvre du Christ se poursuit à travers le travail d’annonce de chaque chrétien, de chaque communauté, de chaque Eglise. Nous sommes tous en situation d’ouvriers de l’Evangile et tout baptisé, qu’il le fasse individuellement ou collectivement, est dépositaire et propagateur du trésor de la foi. A fortiori pour tout vincentien (Lazariste, Filles de la charité, Equipières et Sociétaires, sans oublier les communautés ou groupements de consacrés et de laïcs qui se réclament de cet esprit vincentien).

Ainsi notre engagement nous oblige à un double niveau, en tant que baptisés et en tant que consacrés avec cette touche particulière que nous impose notre vocation : « Suivre le Christ, Evangélisateur des pauvres ». Nous sommes « envoyés », quel que soit notre situation présente, la mission demandée et son lieu d’expression, proche ou lointain.

Cette première évidence nous stimule et nous invite à l’attitude intérieure et réelle de disponibilité. Nous pouvons toujours manifester une préférence, un sentiment d’appel notamment pour un départ à « l’autre bout du monde » mais c’est « l’envoi » qui estampille notre mission et qui l’affermit comme expression du projet de Dieu sur tous et un chacun. Cela se vérifie dans les faits. On peut désirer partir et finalement rester par une succession d’appels : « Si je veux qu’il reste… » dit capricieusement Jésus à propos de Jean !

Se dégage toujours de l’Évangile l’espace sans limites de la propagation du Royaume. Il faut toujours « crier sur les toits » et cela s’entend aussi sur les toits du monde. Gardons-nous bien aujourd’hui de rétrécir nos envois et de penser que la pénurie du Nord dispense raisonnablement de partir au Sud. « Les prêtres venus d’ailleurs » nous obligent aussi à partager de notre pauvreté, si symbolique soit cet échange. L’Église ne se cloisonne pas, elle se propage partout à la manière de ricochets et par ondes successives. Elle est missionnaire par nature, nous le savons. Et comment éviter ce rabâchage ? Certainement en n’hésitant pas à creuser sur le mode méditatif le bienfondé de l’échange, mais en en innovant. Pour l’heure, en effet, nous vivons l’ad gentes comme un remède à nos manques institutionnels et nous recevons ou partons pour pallier des insuffisances structurelles ; mais est-il possible d’envisager d’autres modes de présence et d’interventions ?  C’est sur ce point que nous sommes interpellés tant au niveau vocationnel qu’ecclésial : « ouvrir des voies nouvelles » soufflent les Constitutions de la Congrégation de la Mission mais l’auteur de cet article sur commande, se trouve plus court que beaucoup de vincentiens inventifs.

Qu’en dites-vous, ami lecteur passager ? Et toi, webmaster en chef, propose et lance un dialogue entre internautes sur cette thématique de la mission ad gentes aujourd’hui ! Comment la rendre active et attractive, tout en ne vidant pas les églises particulières des diocèses ? A moins que ce ne soit un faux débat, nous proposant d’imiter la fidélité du choix et sans cesse réactivée des Missions Etrangères : « Ad vitam, ad extra, ad gentes » ?

Jean-Pierre RENOUARD, CM 🔸

L’Église ne se cloisonne pas, elle se propage partout à la manière de ricochets et par ondes successives. Elle est missionnaire par nature, nous le savons

NOTES :

[1] Document de la conférence des évêques suisses