Saint Vincent revient sur son lieu d’ordination

Saint Vincent revient sur son lieu d’ordination

Nous ne savons pas s’il est venu avant, ni s’il est venu après mais une chose est sûre, saint Vincent de Paul est venu ici à Château l’Evêque il y a 417 ans puisqu’il y a été ordonné avec d’autres prêtres du diocèse. Nous fêtons cette année les 150 ans de la découverte de la lettre épiscopale qui l’atteste d’une manière irréfutable, jusque-là nous ne savions pas où st Vincent avait été ordonné !!! Il faut dire qu’à l’époque être en église n’était pas des choses des plus évidentes, Ici en Périgord les protestants empêchaient l’évêque de résider dans la ville épiscopale et dans les Landes, il a fallu plus de deux ans à l’évêque pour prendre ses fonctions sur Dax, d’où son autorisation donnée à monsieur Vincent d’aller se faire ordonner ailleurs !!!

Si je vous en parle c’est simplement que nous avons eu la joie, pour fêter ce bel anniversaire, d’accueillir le cœur même de st Vincent dès le 22 septembre, à la communauté des sœurs pour avoir une messe solennelle le lendemain avec l’évêque du lieu. A cette occasion le curé de la paroisse en a profité pour faire la messe de rentrée de sa paroisse. Ce qui a donné un aspect festif l’après-midi via l’organisation d’une kermesse avec moult jeux gratuits pour la plus grande joie des parents et des enfants. De bonne heure le matin il avait réuni les enfants et jeunes afin d’organiser une marche de la ville d’à côté pour vivre cet évènement comme un pèlerinage. Dès leur arrivée, tous les participants se sont retrouvés derrière le cœur de st Vincent pour monter jusqu’au château afin de nous préparer à vivre cette messe en plein air.

C’est plus de deux cents personnes qui s’étaient déplacées pour l’occasion, ce qui en ces terres périgourdines est une belle réussite. Il est toujours étonnant de voir l’intensité de la rencontre entre les personnes et le cœur de st Vincent. Même si certains diraient qu’il n’y a qu’un coffre qu’on appelle un reliquaire, il n’empêche que ceux qui l’approchent avec dévotion vivent un temps intense à ce moment-là, sans pour autant être des béni-oui-oui ! Ils se sentent rejoint dans leur vie de foi. Savoir le cœur de saint Vincent ici présent, est comme une réactualisation de tout ce qu’il a fait au nom de sa foi en Jésus-Christ qu’il a rencontré dans les pauvres. Ces personnes se laissent interpeller par son exemple et un élan de vie vient de nouveau les irriguer pour relancer leur vie de foi sur les chemins de l’aventure, chemin de la rencontre, chemin du service et chemin de prière.

Ce fut aussi l’occasion pour l’évêque d’accueillir la nouvelle communauté de la Congrégation de la Mission qui s’implante dans le diocèse. Même s’il y a eu des interruptions dans notre présence en ces lieux, l’origine remonte à notre fondateur puisqu’il était très ami avec Mr de Solminihac évêque en ce diocèse. C’est donc avec joie que nous continuons ce long chemin déjà parcouru par nos prédécesseurs.

Si nous avons été accueillis en dehors de notre lieu d’habitation (Coulounieix-Chamiers) c’est pour bien signifier que nous n’étions pas responsables de paroisses. Notre mission est diocésaine. Nous sommes à la disposition des équipes pastorales ou responsables de tout groupe d’Eglise désirant vivre un temps fort, un temps de formation ou de relecture menant à aller à la rencontre de ceux dont l’Eglise est loin en visant plus particulièrement les malmenés de la vie. Cette disposition est tout à la fois pour concrétiser notre projet provincial et répondre à la demande de l’évêque, Philippe Mousset d’avoir une dimension missionnaire au sein du diocèse. Il est très sensible au monde rural qui est si facilement délaissé. St Vincent nous a créés pour être au pauvre peuple des campagnes, nous revenons à la source !!!

Son homélie fut percutante et profonde (voir ci-dessous la grande trame de sa prise de parole, bien qu’il en ait dit plus que ce qu’il avait écrit), donnant bien la démarche dans laquelle il nous propose d’entrer pour renouveler la dimension missionnaire de tous baptisés.

A nous, maintenant, de relever le défi de ce nouveau projet.

Vincent Goguey, CM 🔸

Appel de Mathieu et St Vincent de Paul

Homélie 23 septembre 2017 – Château l’évêque

Chers amis, chers frères et sœurs. Nous venons d’entendre l’évangile, c’est l’appel de Matthieu. Partons du Christ, de son évangile pour éclairer ce que nous célébrons, en faisant mémoire des 400 ans de la fameuse année charnière où tout bascule dans la vie du prêtre St Vincent de Paul.

Pour imaginer la scène décrite dans Matthieu 9, 9…, il suffit de se rappeler le magnifique tableau du Caravage, conservé à St Louis des Français à Rome, dont la photo est largement diffusée partout dans le monde. Ça se passe dans une pièce où il fait sombre, presque nuit. Au milieu, une table où sont assis 5 hommes occupés à compter l’argent qu’ils ont gagné. Ce sont des collecteurs d’impôts. Matthieu est représenté avec la barbe, apparemment le leadeur, au centre, bien assis. Il manipule de l’argent qui était considéré comme malpropre. De l’argent sale dirions-nous aujourd’hui en raison de sa provenance : des Romains, les occupants. Ils étaient des collaborateurs des  Romains avides d’argent pour mieux dominer et Matthieu, loin d’être isolé, profitait de la situation sans scrupules. L’évangile parle d’eux assez souvent en les appelant « les publicains ». Ils ont leurs petits réseaux, leurs petits clubs dont Jésus dit d’eux en Mt 5,46 qu’ils aiment ceux qui les aimaient par intérêt personnel, ils se réunissent entre eux, cercle fermé. On les appelle « les publicains pécheurs ». L’évangile mentionne l’un d’eux, Zachée, comme le « chef des collecteurs », quelqu’un de riche.

Dans cette scène du tableau, où il fait presque nuit, la porte s’ouvre soudainement, et Jésus entre avec Pierre. Leurs visages s’éclairent, s’illuminent et Jésus tend le doigt vers Matthieu. Et Matthieu, surpris, le doigt tourné vers lui, comme pour dire est-ce vraiment moi. Et Pierre confirme de son doigt plus amorphe, moins sûr.

Le premier enseignement que l’on peut tirer c’est que Jésus ne met pas de limites à l’appel, il n’exclut personne de son amitié, même ce collecteur d’impôt pas très louable « il n’y a rien de plus détestable que ce genre d’activités… ». Il appelle aussi des pêcheurs de métier, rien de plus commun. Ils étaient très nombreux à vivre de la pêche.

Jésus ne met pas de limites à son appel. C’est nous qui mettons des limites à son appel, à son œuvre, même à ses miracles, miracles de sa présence et de son amour, sa miséricorde en nous !!! (C’est l’expérience de St Vincent de Paul lorsqu’il va rencontrer le Christ dans les pauvres…).

Le deuxième enseignement : c’est la réponse de Jésus à ceux qui sont scandalisés qu’il puisse appeler Matthieu et fréquenter des personnes aussi peu fréquentables : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs. »Mc 2,17. Jésus indique même dans un passage de l’évangile un publicain comme modèle, exemple d’humble confiance dans la miséricorde, le pardon de Dieu, alors que des Pharisiens se vantent de leur perfection morale.

La sainteté n’est pas d’abord la perfection morale, ni des personnes, mais l’expérience de la miséricorde, du pardon de Dieu qui apporte la sainteté au milieu du péché de l’homme. La miséricorde, le pardon infini qui se mêle à la boue du monde pour la surmonter et être sauvé de cet enlisement. C’est cette sainteté là que nous professons quand nous disons de l’Eglise « une sainte et catholique » et qui peut faire des miracles en nous par la puissance de la miséricorde.

Là encore, St Vincent de Paul fait cette expérience qui va tout changer dans sa vie : la conversion pastorale comme dit le Pape François. St Vincent l’incarne à merveille. Tout en faisant de la pastorale, Vincent de Paul n’a pas véritablement rencontré avant cette année charnière 1617, la miséricorde de Dieu pour lui-même, source de toute conversion pastorale. Pour nous aussi, aujourd’hui et maintenant, la miséricorde divine authentique est une expérience charnière…

La sainteté du Christ, visible dans sa miséricorde, choquait déjà ses contemporains, avec l’absence de ce côté raide et rigoriste : il empêchait le feu de tomber sur les indignes et ceux qui avaient une mauvaise conduite, il interdisait d’arracher l’ivraie (les mauvaises herbes) qu’il voyait prospérer au milieu des champs de blé, par crainte de les détruire. Au contraire il se mêle aux pécheurs, pauvres, riches ou étrangers, et mangent avec eux. Assumant les péchés, nos péchés, non en se séparant des pécheurs, mais en union avec eux pour les sauver. Tel est le chemin de sainteté tracé par le Christ ; et à sa suite, celui de Matthieu, puis de Vincent de Paul.

Lorsque Matthieu prend conscience qu’il est appelé, il est saisi intérieurement par le Christ. Il est surpris et saisi. Moi si indigne ! Son cœur est touché. Il se découvre : Il est enfin aimé pour lui-même, gratuitement. Il a enfin une demeure intérieure. Il sait où il peut demeurer, grandir, vivre, il a un cœur qui devient avec le Christ le centre de sa vie. Il devient une nouvelle personne, sa vie devient et va devenir un chemin de vie ; « Alors Mathieu répond à l’appel de Jésus » ! Comme Vincent de Paul et pourquoi pas chacun de nous. Même si nous avons déjà répondu à son appel, celui-ci s’actualise, devient nouveau car il ne peut vieillir.

Ceux qui sont apparemment les plus éloignés, véritable paradoxe de l’évangile, peuvent devenir un modèle d’accueil de la miséricorde de Dieu parce qu’ils en perçoivent les merveilleux effets dans leurs existences, dans leurs vie. St Vincent de Paul avec les deux évènements significatifs, entre autres, en 1617, va vivre comme Matthieu une véritable conversion pastorale à Folleville au nord de Paris. Il fut appelé au chevet d’un paysan qui avait la réputation d’être quelqu’un de grande bonté, d’un saint homme qui éprouve le besoin de se confesser. Il est désormais en paix avec ses gros péchés qu’il n’avait jamais avoués. Prise de conscience d’une grande pauvreté spirituelle des personnes, d’une population nombreuse en rural à l’époque. St Vincent, touché, sans doute évangélisait dans ces situations de pauvreté qu’il rencontre parce qu’elles lui révèlent la grande miséricorde de Dieu, pour lui aussi, va créer les « missions d’évangélisation » des campagnes.

Puis à Chatillon-lès-Dombes près de Lyon, dans sa paroisse, dans cette même année de 1617, alors qu’il vient juste d’arriver, au cours d’une messe qu’il se prépare à dire, on vient l’avertir que toute une famille est malade et dans une très grande misère. Il en parle à l’homélie. Il s’y rend lui-même l’après midi. Il constate que beaucoup de femmes ont entendu l’appel. Devant cette générosité, il réalise qu’il faut organiser la charité.

C’est la naissance des confréries des dames de la charité appelées aujourd’hui Equipes saint Vincent en France…

« Servir le Christ dans les pauvres, corporellement et spirituellement ».

Avec St Vincent de Paul, Le grand signe de la mission, de l’évangélisation c’est lorsqu’elle se réalise par les pauvres…

La relique du cœur de St Vincent est un cœur embrasé, un cœur qui s’est désarmé de lui-même, pour s’abandonner avec confiance à sa miséricorde, un cœur brûlant comme les disciples d’Emmaüs.

Ce n’est pas une commémoration d’un mort vertueux et héroïque que nous vivons… Nous n’honorons pas non plus un mort mais un vivant. Son histoire et son action perdurent.

Dans une société fragilisée par la violence verbale et par le terrorisme, l’humilité, la tendresse, la douceur, la simplicité doivent nous stimuler.

C’est l’attitude de Jésus à notre égard ! Amen !

Philippe MOUSSET, Evêque de Périgueux et Sarlat

 

Ceux qui sont apparemment les plus éloignés, véritable paradoxe de l’évangile, peuvent devenir un modèle d’accueil de la miséricorde de Dieu parce qu’ils en perçoivent les merveilleux effets dans leurs existences, dans leurs vie

Mgr. Philippe MOUSSET, Evêque de Périgueux et Sarlat