L’Ambulance de Notre-Dame de Pouy


L’Ambulance de Notre-Dame de Pouy

Les Lazaristes de Dax

Le terme Ambulance désignait aussi bien le véhicule que l’unité médico-chirurgicale (ou hôpital)  près des champs de bataille ou en zone plus éloignée, accueillant les soldats blessés. C’est ainsi qu’en septembre 1914 le Grand Séminaire des Lazaristes de Dax fut transformé en Ambulance.

Nous remercions le Père Jean-Marie LESBATS (lazariste),  de nous avoir transmis ce texte qui, s’il n’est pas signé, doit être écrit (en 1920) par le Père Pierre Coste. L’Ambulance de Notre Dame de Pouy fut fermée le 1er février 1919.

RELATION SUR L’AMBULANCE de NOTRE-DAME du POUY

Le 27 Janvier 1919, M. l’Administrateur de l’hôpital 86 (Lazaristes de Dax ) recevait de M. le Délégué Régional de la S.B.M. de Bordeaux la lettre suivante :

Je m’empresse de vous informer que le Directeur du Service de Santé m’avise qu’il a prononcé la fermeture provisoire de votre Formation à partir du 1er Février prochain.

Ouverte le 1er Septembre 1914, l’Ambulance de N.-D. du Pouy a donc existé 4 ans et 5 mois. Nous voudrions esquisser sa petite histoire.

Dès le début des hostilités, M. Delanghe mit à la disposition du Service de Santé une partie de la Maison de N.-D. du Pouy. Son offre ne fut pas tout d’abord accep­tée. Cependant, le 31 Août, dans l’après-mi­di, comme on a renoncé à transformer en hôpital le Collège de Jeunes Filles de la ville, et que .des blessés vont arriver à Dax, on fait savoir à M. le Visiteur qu’une Ambulance de la Croix-Rouge sera établie dans le local des Lazaristes.

À ce moment, N.-D. du Pouy re­gorge de monde : car la Maison-Mère y a cher­ché un refuge. Néanmoins, on n’hésite pas. On est serré ? On se serrera davantage ! Il faut faire place aux défenseurs de la France…

Cinq Salles leur sont réservées : la Salle de Philosophie, la Salle d’Oraison avec la sacristie, la Salle de Récréation des Étudiants, la Salle de Théologie, et la Salle de Récréation des Frères Coadjuteurs. Rien n’est prêt ! et les Blessés seront là dans 2 jours. On se hâte donc ; on cherche du linge, des lits, des tables, des armoires, de la vaisselle. On vide les Salles : avant tout, la propreté la plus grande. Pas de microbes ! Et les maçons envoyés par le si serviable M. Ducamp passent la nuit à blanchir les murs.

Cependant, le 1er Septembre 1914, un peu avant le lever de la Communauté, un coup de téléphone apprend à M. Marlats qu’un train de Blessés est sur le point d’arriver à Dax… L’aménagement de l’Ambulanceest à pei­ne commencé : que faire ? « Recevoir les Bles­sés ! » répond M. Delanghe consulté.

Ils arrivent vers 8 heures, au nombre de 80. Tous sont fatigués ; certains grelottent de fièvre ; beaucoup sont démora­lisés. Les déposer dans les Salles est impos­sible ; on transforme donc la Cour intérieure en dortoir. Étendus sur leurs brancards, ou assis sur des bancs, les Blessés sont alignés sous la véranda. Il sont couverts de boue et de sang. On apporte de l’eau ; et chacun, prêtres, étudiants, séminaristes, électrisés par l’exemple de M. Delanghe, M. Kieffer, M. Mar­lats, s’empressent de leur laver le visage, les mains, et les pieds. Pendant ce temps, le Frère cuisinier a préparé un excellent café au lait ; les Séminaristes et les Étudiants l’offrent : il est accepté avec plaisir et re­connaissance.

Cependant, peu à peu, les bles­sés, après être passés par la Salle de pansements, gagnent leur Salle respective et goû­tent enfin dans un bon lit un repos souhaité et réparateur.

Cette réception cordiale, qui réconforte nos soldats, a touché leur cœur. Elle fait également une impression heureuse et profonde sur M. le Sous-Préfet, M. le Mai­re, et quelques notables présents.

L’arrivée des premiers Blessés à l’Ambulance a été racontée par un Étudiant écrivant à ses Frères mobilisés. Nous nous en voudrions de ne pas citer ici cette page délicieuse :

Vers la fin d’Août, trois Ambu­lances étaient organisées dans la ville de Dax. Après les Baignots, les Thermes, Graci­et, ce fut le tour de N.-D. du Pouy d’orga­niser la sienne.

C’était le 1er Septembre, vers 6 heures du matin. La nouvelle se répand sou­dain parmi nous : 80 Blessés attendent à la Gare.       Presque tout était à faire encore pour les recevoir. En quelques heures, grâce à l’entrain que tout le monde met à l’ouvra­ge, notre Salle de Récréation et la Salle d’Oraison sont transformées en dortoirs ; la Salle de Théologie devient Salle de pansements. Les bancs sont alignés sous la marquise ; les seaux, les bassins, placés tout à côté. Tout est prêt ! Il est temps : car nous entendons déjà voitures et automobiles qui amènent nos hôtes…

Nos Blessés paraissent. Quelle émotion ! Quel saisissement pour nous, à la vue de ces hommes aux habits souillés de boue et de sang, blessés, à bout de forces ! C’était Jésus-Christ sollicitant nos soins. Aussitôt tous : prêtres, étudiants, séminaristes, s’empressent. Les souliers sort délacés avec d’infinies précautions pour ne pas blesser les pieds déjà si meurtris. Dou­cement, respectueusement, nous lavons ces fi­gures pâlies, ces mains ensanglantées …

Une ou deux heures après, nos chers blessés repo­saient tous dans un lit bien doux, dans la paix et le calme parfait…

Ainsi naquit en hâte, à l’aube du 1er Septembre 1914, l’hôpital Auxiliaire de Notre-Dame du Pouy. Disons maintenant comment il a vécu.

 

CE QUE FUT NOTRE AMBULANCE AU POINT DE VUE ADMINISTRATIF

C’est la « Société de Secours aux Blessés Militaires » qui a pris la direction de l’Ambulance. M. Dubroca, avocat du Barreau de Dax, est nommé Administrateur ; M. Schleich, Re­ceveur Municipal, fait fonction de Comptable. Ils installent leur Bureau  dans le Parloir, face à la loge du Frère Portier. L’un et l’autre res­teront à leur poste jusqu’à la fermeture de l’É­tablissement.

Ainsi qu’on l’a dit plus haut, cinq Salles ont été mises à la disposition du Service de Santé. D’abord Salle de pansements, la Salle de Théologie devint plus tard un dortoir, ainsi que la Salle de Récréation des É­tudiants, la Salle d’Oraison, et la Salle de Récréation des Frères Coadjuteurs. La Salle de Philosophie, avec la petite sacristie de la Salle d’Oraison, est transformée en Salle de pansements et de Pharmacie. Entre la salle de Théologie et le corridor qui mène aux WC., on place le vestiaire. La véranda est un ré­fectoire idéal pendant l’été, l’automne et le printemps ; pendant l’hiver, on l’installe dans la Salle de Récréation des Prêtres, et, en 1915, dans la Salle de Récréation des Sémina­ristes partis pour Paris.

Une Fille de la Charité, Sœur Angèle, Melle Thérould, Melle Mora, Melle Contraires, aidées de, quelques infirmiers, dont deux séminaristes, un frère coadjuteur et un prêtre de la mission, et deux prêtres du dio­cèse d’Aire, veillent au bon entretien du lin­ge et du matériel, à la propreté des salles et des corridors.

Nous devons mentionner ici le dévouement de certaines personnes qui, jusqu’à la fin de la guerre, ont aidé les infirmières à raccommoder ou à renouveler le linge de l’Am­bulance.

Séminaristes et Étudiants bran­cardent les blessés qui arrivent et, sans se lasser, passent la nuit près d’eux.

Comme les Salles sont gaies, avec leurs lits en cercle le long des mu­railles, recouverts d’une couverture blanche et propre, baignant dans une lumière abondan­te que laissent passer des ouvertures larges et nombreuses ! On souhaiterait presque d’être malade pour y être soigné ! …

N.-D. du Pouy s’était chargée de la nourriture, de l’éclairage, du chauffage et du blanchissage, moyennant une rétribution de 2 Fr., puis de 2,50 Fr., et enfin, depuis Octobre 1918, de 3 Fr. par jour et par homme.

Aux premiers mois des hostili­tés, Séminaristes et Étudiants servent les soldats à table. Plus tard, ce rôle fut laissé aux infirmiers militaires, et plus spécialement au Frère Lahouze. Tous s’en acquittent avec joie, car l’appétit de nos poilus est bon. Et comment ne le serait-il pas ? Chaque jour, à chaque repas, on leur présente une soupe excellente, un gros morceau de viande de qualité supérieure, des légumes frais à discrétion, un dessert, et un grand verre de pinard … sans eau. Le jeudi et le di­manche, on y ajoute du café et de la gniole … pardon ! du bon Armagnac. Etonnez-vous après cela qu’un de nos poilus qui avait beaucoup maigri dans les hôpitaux de l’Avant ait réussi à grossir de sept livres en dix jours !!! Et comprenez la désolation de M. l’Econome … quand est arrivé le régime des restrictions.

Toutes les fêtes civiles, tou­tes les fêtes de l’Eglise Universelle, toutes les fêtes de la Famille de Saint Vincent é­taient marquées par un petit extra : excel­lent moyen de faire connaître la Religion à nos Poilus. Vin blanc de Chalosse, vins rou­ges de Bordeaux et de Bourgogne, vin pétil­lant de Champagne étaient les bienvenus ! Un petit verre de liqueur – Bénédictine. Yzarra, etc. – n’était pas refusé ! Et la douceur d’un bon cigare avec sa fumée parfumée aidait à faire la digestion…

Après ces menus, on s’explique la réponse d’un infirmier à un sergent qui l’interrogeait sur l’Ordinaire des sous-offi­ciers : « Ici, tous les soldats sont sergents », et la réflexion d’un poilu : « Ils n’y ga­gnent pas à nous nourrir, ces Messieurs ! »… En effet, ils y perdaient ; mais ils faisaient plaisir : il suffisait … D’ailleurs, en maintes circonstances, des âmes charitables, touchées des soins délicats qu’ils donnaient aux « braves poilus », leur envoyèrent des se­cours en nature et en argent.

Aux soldats qui aimaient à lire on a procuré des livres variés : romans, revues, journaux. A ceux qui aiment à jouer, on fournit un jeu de Darnes, un Loto, un Domino. des cartes, des quilles, un croquet. A un vio­loniste, un violon ; à un peintre, des cou­leurs et des crayons. Quand on s’ennuie dans les Salles, s’il pleut on se rend ou on se fait porter sous la véranda ; et s’il fait beau, on élit domicile au jardin : semblable au lézard, on boit à longs traits du soleil et on prend un bain de lumière. A l’occasion, les tilleuls fournissent, avec une agréable infusion, des parfums, de l’ombre, et de la fraîcheur. Quant à ceux qui ont les jambes so­lides, ils montent sur la colline, d’où s’é­lance la Tour de Borda ; et, après avoir erré à loisir dans le bois, du haut du kiosque ils contemplent Dax, la Chalosse, les Landes, ad­mirent la neige dorée et la masse imposante des Pyrénées, cherchent la mer derrière les pins et, s’ils ne la voient, l’entendent.

Deux fois par semaine ont lieu des promenades collectives, puis des promena­des individuelles. Quelquefois un groupe pri­vilégié est porté par l’Omnibus de Notre-Dame à la Maison Natale de Saint Vincent de Paul, et au Sanctuaire de N.-D. de Buglose.

Aussi, lorsque les Inspecteurs Administratifs passent, ils mettent sur les registres d’observations : « Pas de réclamation de la part des malades.- Nourriture suffisante, et bien préparée .- Hôpital très bien tenu. » – Et lorsque les Blessés, débarquant en Gare, demandent à des employés ou à des gendarmes : « Dis donc, vieux, à quel Hôpital est-on le mieux à Dax ? », on répond : « Va aux Lazaristes !  »

 

CE QUE FUT L’AMBULANCE AU POINT DE VUE MÉDICAL

Quand on créa l’Ambulance, le Service médical fut confié au Docteur Mora, de Dax. Sœur Angèle, Melle Thérould, Melle Mora, Melle Contraires, Frère Lahouze, Frère Schweizer, et l’infirmier Dabadie étaient ses aides.

Intelligent, un peu froid, le Docteur Mora était un excellent médecin. Très habile à diagnostiquer une maladie, il savait aussi prescrire le remède approprié. Il était très bon pour les Blessés ; et, comme un Ins­pecteur ne le trouvait pas assez sévère, il déclara vouloir encore pécher par excès de bonté. Dévoué à l’excès, il venait tous les jours à l’Ambulance et, à plusieurs repri­ses, malgré son âge et sa santé précaire, il n’hésita pas, après avoir passé la nuit à­ attendre les Blessés en Gare, à consacrer enco­re toute la matinée à les soigner à N.-D. du Pouy. Quand il cessa de venir à l’Ambulance, en 1917, c’est qu’il était frappé mortelle­ment.

Son contact quotidien avec une religieuse en qui il avait pleine confiance, sa connaissance plus intime des prêtres et des frères de St. Vincent de Paul, firent tomber certains préjugés et ouvrirent les yeux de son âme à la vie surnaturelle. Sa mort fut très chrétienne. La Messe des Obsèques, chantée par un prêtre mobilisé qui fut son secrétaire, un christ déposé sur son cercueil au nom de l’Am­bulance, une délégation de l’Ambulance et de la Maison exprimèrent à sa famille la recon­naissance des Blessés et des Lazaristes de N.-D.- du Pouy.

  1. Parier, Aide-major de 1ère Class­e succéda au Docteur Mora. Il resta peu, mais il fut aimé de ses malades qu’il aimait et soignait avec science et exactitude. Quand il nous quitta, en Juillet 1917, rappelé aux Armées, il fut unanimement regretté, pleuré même. Une gerbe de fleurs, cueillie en hâte, lui dit de façon pittoresque les sentiments qui étaient au fond de tous les cœurs.
  2. Goyenèche, Aide-Major de 2ème Classe, ne fit que passer.

Il fut remplacé par M. le Docteur Beaumont, Major de 2ème Classe. L’année 1918 fut un peu rude. De nombreux et gros Blessés furent hospitalisés longtemps à N.-D. du Pouy : ils trouvèrent toujours en M. Beaumont des soins ­intelligents et consciencieux.

Sœur Angèle est un vrai trésor ! Car elle est une infirmière hors-ligne ; et elle est dévouée comme une digne Fille de St. Vincent de Paul. Après avoir pansé pendant 4 ou 5 heures, elle ira faire un lit avec en­train, balaiera rapidement un corridor, cirera la Salle de pansements, raccommodera du linge, et sera encore là à minuit ou 1 heure pour assigner leur place aux Blessés qui arrivent… Après cela, laissez-la commander vivement : c’est la fille d’un Général. Au reste, elle ne commande que dans l’intérêt des Blessés, qui comprennent vite sa manière d’agir, la respec­tent, lui obéissent, et lui conservent une pro­fonde reconnaissance pour ses soins si dévoués et si éclairés.

Mademoiselle Thérould est une infir­mière distinguée, très habile, et d’un absolu dévouement. Quand, au bout de 6 mois, elle dut quitter l’Ambulance pour se donner à d’autres devoirs, elle emporta l’estime de tous.

Mademoiselle Mora paraît distante : elle n’est que discrète. Très attentive, elle travaille bien, sans bruit. Elle est la digne collaboratrice de son père. Et, ce qui ne gâ­te rien, elle connaît admirablement l’art de « gâter » les Blessés ou malades par des « petits plats de sa composition » .

Mademoiselle Contraires a passé, toute simple, toute douce, exécutant ponctuellement les ordres de son Infirmière-ma­jor. Pendant 1 ans, abeille laborieuse, elle a voltigé de salle en salle, soignant avec délicatesse, et réconfortant avec un sourire. On n’oubliera pas son blanc costume, insigne du dévouement de la Jeune Fille Française Catholique.

Le Frère Schweizer parle si bien le français que les soldats se refusent à croire qu’il est d’origine suisse. Il a été chargé spécialement des hospitalisés. Quel heureux choix ! et comme il a été fidèle à la consigne ! Il reçoit les soldats quand ils arrivent ; veille à ce qu’ils aient un bon lit ; leur apporte aussitôt un peu de bouil­lon bien chaud ; mendie du papier à lettres pour qu’ils puissent écrire ; quête pour avoir des livres, des jeux, des, disques de gramo­phone, un peu de tabac, des cigares, du vin, de la gniole.

A ceux qui s’ennuient de rester au lit, il apprend à relier ou à fabriquer des fleurs dont il pare l’autel de la Vierge. Il est là à l’heure des repas, et s’assure que rien ne manque. On le trouve encore à la Salle de pansement, aidant le Médecin ; et, d’un mot, d’un sourire, donnant un peu de cou­rage au patient. Il est près des soldats le jour ; si c’est nécessaire, il est près d’eux la nuit. Il parle avec eux de la pluie, du beau temps, de leur famille, de leurs bles­sures, de leurs exploits. Il leur parle aussi de religion, et acquiert sur eux un ascendant considérable. Les poilus l’appellent : « Mon­sieur l’Abbé ». Présent à leur arrivée, il as­siste à leur départ ; et quand ils ont quitté l’Ambulance, il garde leur souvenir…

Aimable Frère Schweizer, que de bien vous avez fait à nos chers Blessés. Croyez-le : votre bonté souriante brillera longtemps au plus intime de leur cœur !…

 

Et Monsieur baptiste ?

« Monsieur Baptiste », c’est le Frère Lahouze, accouru d’Antoura (Liban) à la mobili­sation… Brusque, parfois un peu trivial dans ses paroles, il a un cœur d’or. Tenez­-vous tranquilles, chers poilus, sinon gare à M. Baptiste !.. Il n’est pas caporal, mais il aurait dû l’être. Il vous gronde : mais il vous soigne si bien, de nuit, de jour !.. Souvent son asthme l’étouffe ; énergique, il marche quand même ; et, maternel, vient voir discrètement si vous dormez bien.

Essentiellement actif, il travaille sans cesse, et procure du travail aux autres. A celui-ci il fait peindre une voitu­re, des contre-vents ; à celui-là il fait ré­parer un plancher. Jardinier avec les jardi­niers, il est vigneron avec les vignerons. A tous ceux qui s’ennuient et qui veulent et peuvent travailler, il procure une occupation et un peu de … « pinard » ! … Aussi quand nos poilue quittent l’Ambulance, emportés par l’automobile, qu’est-ce qu’on entend ! « Vive M. Baptiste ! Vive M. Baptiste !  »

Nous ne disons rien de M. Mar­lats, qui fut jusqu’au bout l’homme d’affai­res de l’Ambulance, le grand protecteur des soldats, et leur avocat habile et tenace quand il s’agissait d’obtenir des Chefs ou des Mé­decins quelque faveur ou quelque permission exceptionnelle. Aussi beaucoup lui ont-ils voué la plus touchante reconnaissance.

Avec un tel personnel, les ma­lades étaient sûrs d’âtre parfaitement soi­gnés. Ils le furent en effet. Témoin le jugement des blessés eux-mêmes ; témoin la pré­dilection marquée qu’avait pour « les Lazaristes » M. Vielle, Médecin-Chef de la Place de Dax ; témoin encore les paroles élogieuses adressées par les Inspecteurs Généraux lors de leurs visites ; témoin enfin le Registre des inspections Médicales, où l’on trouva plu­sieurs fois signés du Directeur-adjoint du Service de Santé, pourtant sévère, cette men­tion : « hôpital très bien tenu » .

 

CE QUE FUT L’AMBULANCE AU POINT DE VUE RELIGIEUX

1995 Blessés ou Malades ont été hospitalisés dans notre Formation. Dans ce nombre, 2 étaient Juifs, 5 protestants, 2 musulmans, 1 sans religion ; tous les autres se sont déclarés Catholiques.

Un Rabbin s’est présenté deux fois, alors qu’il n’y avait pas de Juifs. Nous n’a­vons jamais vu de ministre Protestant.

Voici comment était organisé le Service religieux pour les Catholiques.

Ils eurent un aumônier à eux : M. Duhour, d’abord ; M. Payen, ensuite ; enfin M. Darricau. L’aumônier restait en contact per­manent avec les Blessés. Il les visitait fré­quemment. Il s’entretenait avec eux familière­ment ; lesmettait au courant des cérémonies qui se faisaient à la Chapelle, et les invitait à y assister si cela leur faisait plaisir.

Matin et soir, Sœur Angèle réci­tait publiquement la prière dans les différen­tes Salles.

Le Dimanche, à 8 heures, une messe était dite dans notre Chapelle : elle était ex­clusivement réservée aux Soldats des Lazaristes et des Baignots. Pendant cette Messe, chants par les soldats, et instruction par l’aumônier ou un autre prêtre. Voici comment un Etudiant rendait compte de cette cérémonie à ses Frères mobilisés :

« Nous voici au Dimanche de la Passion. Huit heures vont sonner ; la Chapelle s’emplit peu à peu. Ce sont surtout des mili­taires qui forment l’auditoire. Ils sont peut-être 150, installés les uns dans la partie réservée aux fidèles, les autres dans l’espace qui se trouve entre les stalles. De nombreuses soutanes se montrent aux tribunes. L’office commence ; M. Duhour célèbre la messe. M. Bo­gaërt, en surplis, récite à haute voix la prière du matin. L’instruction commence aussitôt après l’Evangile. C’est le tour de M. Bogaërt de prêcher aujourd’hui ; l’ordre des instruc­tions l’amène à traiter le sujet si important et très délicat de la Confession. Tout le ser­mon se résout à ces deux questions : Pourquoi nous confesser ? Comment nous confesser ?

Bogaërt y a répondu à l’apostolique, très simplement, mais avec toute l’ardeur du son âme de prêtre. La claire exposition de la doc­trine est parsemée de plusieurs récits qui la mettent dans un plus grand jour encore, et lui. communiquent lumière et mouvement. Les soldats se déclarent ravis de « tout comprendre » ; « pas un mot ne nous échappe, et ces histoires donc ! elles vous gravent pour toujours dans la mémoi­re le,s vérités de la religion ! » Mais bien­tôt nous entendons les tintements d’une sonnette. « Vous le savez, c’est le moyen « constitutionnel » d’avertir nos prédicateurs qu’il est temps de conclure… Cependant F. Dutrey s’est installé à l’harmonium ; les feuilles sont distribuées par les soins de F. Trocq, et nos braves soldats entonnent de tout coeur un de ces nombreux cantiques composés pour le Temps de la Guerre. En vérité, c’est fort impressionnant… Après l’Élévation, le prêtre invite les assistants à se recueillir et à prier avec ardeur Jésus-Christ présent sur l’autel pour notre âme, pour nos parents, pour le salut de notre France bien­ aimée. Le chant d’un cantique termine la cérémonie. »

A l’occasion des Grandes Fêtes de l’Église, on invitait les soldats à a’approcher des Sacrements de Pénitence et d’Eucharistie.. On insistait un peu plus vivement à l’approche de Pâques. Beaucoup répondaient à cet appel. Une lettre d’un Etudiant à ses Frères nous dépein­dra encore la Cérémonie de Pâques 1916.

« A 7 h., Messe de Communion pour les Militaires .. Oh ! la belle cérémonie ! Près de 200 Soldats, tous combattants revenus du Front, tous plus ou moins mutilés, se pressaient sur les bancs. Si vous aviez pu con­templer l’expression de joie et de sérénité qui était peinte sur le visage de tous ces braves gens ! L’air de fête qui s’échappait de toute leur personne, leur uniforme immaculé achevaient de donner le change. Ces hommes sem­blaient plutôt revenir de la parade que des tranchées remplies de boue et de sang. FF. Bi­la et Deymier servaient la Messe en uniforme. Après l’Evangile, allocution par M. Duhour : Louange à Dieu, le Christ est ressuscité ! tel fut le leitmotiv de ce discours, tout à fait chant de triomphe et cri d’allégresse, et affirmation des espérances qui remplissent nos âmes. Quand le prêtre eut terminé son exhorta­tion, nos soldats entonnèrent le Credo. Ils le firent avec toute leur âme ; ils furent bien un peu déroutés tout de même, car dans ce Cre­do chanté sans ritournelles, sans la plus pe­tite fioriture, ils ne reconnaissaient plus leur Dumont. Chose admirable ! toutes les rè­gles de la liturgie furent observées, en cette messe de soldats : il ne faut pas de cantique français pendant la Messe, dit-on, mais du la­tin. Va donc pour le latin ; parfaitement ! Et nos troupes chantèrent après l’Élévation un Panis Angelicus en plain-chant ! Puis M. Duhour récite à haute voix les Actes avant la Commu­nion. Tous les soldats suivent sur leur petit livre. Et alors, ce fut bien le moment le plus touchant de toute la cérémonie : plus de 150  s’approchèrent de la Table Sainte. Ils ont ac­compli cet acte de haute religion délibérément, en pleine liberté, et avec ce sérieux, cette dignité et cette majesté que donne à l’être intelligent le contact avec la Mort. Ils gar­deront sûrement dans leur coeur, à côté du souvenir de leur Première Communion, le souve­nir de cette Communion Pascale, en l’An de grâce 1915. »

M. Payen et M. Gobeau furent écou­tés aussi avec beaucoup d’intérêt et de pro­fit ; le premier pendant 2 ans, le second pendant une année.

Quant à M. Darricau, dès ses pre­miers sermons il fit sensation. Un sergent, sortant de la Chapelle et rencontrant un in­firmier lui dit à brûle-pourpoint : “Ah ! il parle bien, le jeune Aumônier !”     et comme ce­lui-ci réplique : “ça ne me surprend pas”, il ajoute : “C’est un As !”

Parmi les soldats, quelques-uns n’ont pas fait la Première Communion. Ils de­mandent à s’instruire ; et, quand ils sont prêts, ils communient avec joie. D’autres n’ont pan été confirmés ; ils apprennent également le catéchisme, et, quand ils le savent, Mon­seigneur de Cormont est heureux de leur admi­nistrer le Sacrement qui fera d’eux des sol­dats du Christ et de parfaits chrétiens.

La procession du Saint-Sacrement, à N.-D. du Pouy, est très belle. Elle doit ce­la à son site merveilleux. Les soldats étaient fiers d’y prendre part. Celui-ci faisait des guirlandes ; celui-là posait des oriflammes ; un autre aidait à dresser les Reposoirs. Ceux qui pouvaient marcher escortaient dévotement le Saint-Sacrement ; ceux qui étaient impotents se faisaient porter sous la véranda ou à la Chapelle, afin d’assister au triomphe de No­tre-Seigneur.

Nous avons eu 4 décès à notre Ambulance. Ces quatre soldats sont morts en bons chrétiens, après avoir communié et reçu l’extrême-onction en pleine connaissance.

Par tempérament, les Français ne sont donc pas anticatholiques. Ce sont plutôt de grands ignorants. Instruisons-les. Montrons-leur de belles cérémonies qui leur parlent aux yeux, et ils aimeront la Religion de Nos Pères, qui a fait la France si grande et si belle.

Telle fut la vie de l’Ambulance établie pendant la Guerre à N.-D. du Pouy : 1995 Blessés s’y sont succédés de 1914 à 1919. C’étaient des prêtres, des avoués, des artistes, des étudiants, des employés, des négociants, des industriels, des ouvriers, des agriculteurs. Tous ont reçu à Notre-Dame un excellent accueil ; on a essayé de les en­tourer de bons soins, d’affection et de dé­vouement. On a tâché de leur montrer par des actes ce qu’est la Religion Catholique et la Vie Religieuse.

Beaucoup l’auront compris. Chez plusieurs des préjugés hostiles seront tombés ; chez d’autres sera née une véritable affection pour le Prêtre. Nous en avons des preuves claires et nombreuses. Que de Lettres charmantes venues de tous les points du Front de France et d’Orient nous pourrions citer ici !… Celui-ci écrit pour le plaisir de rester en relations avec des prêtres qu’il a appréciés ; celui-là pour exprimer sa reconnaissance. Un autre, prisonnier en Allemagne, se rappelant combien on a été généreux autre­fois pour lui à Notre-Dame du Pouy, n’hésite pas à demander ce qui lui manque. Un quatri­ème s’est trouvé si heureux à l’Ambulance qu’il s’établit à Dax et vient fréquemment visiter ces Messieurs. Un cinquième quitte l’hôpital pour réforme : avant de se marier, il revient et invite M. Marlats à son maria­ge…

Et la meilleure preuve que la reconnaissance des anciens Blessés est sincè­re et profonde, c’est qu’un certain nombre continue cette correspondance avec la Maison depuis 2, 3 et 4 ans.

Le Docteur Mora, sentant sa fin prochaine, demande les Derniers Sacrements, mais il veut les recevoir d’un Prêtre de la Mission.

Pourquoi ne dirait-on pas enfin que les deux prêtres infirmiers du diocèse d’Aire, ont donné à ces Messieurs leur estime et une réelle affection ?

Pendant la Guerre, N.-D. du Pouy ne s’est pas consacrée à l’œuvre des Missions. Mais par la manière dont elle a di­rigé l’Ambulance, elle a en quelque sorte prêché une Mission permanente à toute la France et fait du bien à l’âme de ceux qui y ont été hospitalisés.

Y a-t-il présomption à supposer que St. Vincent de Paul aura été satisfait de l’œuvre de charité spirituelle et corporelle accomplie à l’Hôpital de N.-D. du Pouy pen­dant la durée de la Grande Guerre ?…

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Pendant la Guerre, N.-D. du Pouy ne s’est pas consacrée à l’œuvre des Missions. Mais par la manière dont elle a dirigé l’Ambulance, elle a en quelque sorte prêché une Mission permanente à toute la France et fait du bien à l’âme de ceux qui y ont été hospitalisés.

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