« Espérer, ce n’est pas se mentir ou se voiler la face, mais croire que l’amour est plus solide que le reste, parce que, contrairement à nos ambitions, nos richesses, nos conflits, tout ce qui nous distrait trop souvent de l’essentiel, l’amour a les promesses d’éternité. Il ne passera jamais, saint Paul nous le dit. Quand le monde qui nous entoure nous fait peur, l’espérance chrétienne ne nous dit pas de rester là à pleurnicher parce que tout va mal, ni de sourire bêtement parce que tout irait bien ; elle ne nous invite pas à attendre que Dieu détruise ce monde-là pour en construire un autre ; elle nous pose une question très simple : comment faire de tout cela une occasion d’aimer davantage ? »

Adrien Candiard, Veilleur, où en est la nuit ?, Petit traité de  l’espérance à l’usage des contemporains, Editions du Cerf, Paris 2016, 78

EDITORIAL

ESPERANCE

« Ce que j’aime le mieux dit Dieu, c’est l’Espérance. La foi ça ne m’étonne pas.

La Charité, dit Dieu, ça ne m’étonne pas…

Mais l’Espérance dit Dieu, voilà ce qui m’étonne, Moi-même.

Qu’ils voient comme ça se passe aujourd’hui et qu’ils croient que ça ira mieux demain matin. Ça c’est étonnant et c’est bien la plus grande merveille de ma grâce, et j’en suis étonné moi-même ! … L’espérance s’avance entre ses deux grandes sœurs, et on ne prend seulement pas garde à elle… Sur le chemin raboteux, sur la route interminable, sur la route entre ses deux sœurs, la petite espérance s’avance. C’est elle, cette petite, qui entraîne tout… Car la foi ne voit que ce qui est, la charité n’aime que ce qui est, L’espérance voit ce qui sera dans le temps et l’éternité. Pour ainsi dire dans le futur de l’éternité même ». Charles Péguy (1873-1914)

« L’Espérance ne va pas de soi » pour reprendre l’expression de Péguy, et vient bousculer et mettre à mal notre vie chrétienne. Sans doute y a-t-il urgence à parler de l’espérance : ne vivons-nous pas dans un monde de plus en plus désespéré, avec des guerres qui paraissent interminables, sur une terre menacée dans sa survie écologique, quelquefois, par le comportement des êtres humains eux-mêmes, avec l’apparition de maladies nouvelles et résistantes, avec une « crise économique » qui accroît le fossé d’injustice envers les plus pauvres de la planète ? Oui, la liste est longue des maux qui nous feraient devenir sombres, alors qu’il y a peu, il y a cinquante ans, dans les années soixante   ou   soixante-dix   l’humanité   était   remplie   d’optimisme !

Aujourd’hui, la jeunesse, chez nous et partout, est, au moins, sans repères au pire, précisément, sans espérance.

Alors, malgré crises, obstacles, tensions, injustices, dérèglements climatiques, attentats …etc… que traverse notre 21e siècle, comment sommes-nous provoqués à l’audace d’espérer sans réserves ? Comment vivre cette dimension essentielle de notre Foi et en être des témoins véritables auprès des pauvres?

Cette espérance-là, c’est notre tâche, peut-être même notre tâche la plus urgente en ce monde privé d’horizon. Elle n’est pas à chercher en nous, elle ne repose pas sur nos forces et notre volonté, elle est à puiser en Dieu, en notre confiance en Lui puisque, nous dit Saint Vincent de Paul :

« Confiance et Espérance c’est presque la même chose » (X, 503)

RAVIVER LA FLAMME DE L’ESPERANCE

 

Vivre l’espérance c’est sans doute un défi important qui attend les chrétiens qui veulent aller jusqu’au bout de leur foi. Les  soubresauts que connaît le monde d’aujourd’hui, violence, rejet de celui qui est différent, indifférence devant tant de drames humains, doivent les pousser à comprendre de manière renouvelée en quoi consiste leur espérance et ce qu’ils ont à offrir au monde. En commençant ses catéchèses du mercredi sur l’espérance, le Pape François disait : « Nous en avons tant besoin, en ces temps qui paraissent obscurs, dans lesquels nous sommes parfois égarés devant le mal et la violence qui nous entourent, devant la douleur de tant de nos frères. Il  faut  de  l’espérance ! Nous nous sentons égarés et même un peu découragés, parce que nous sommes impuissants et il nous semble que cette obscurité ne finira jamais » (mercredi 7 décembre 2016). Pourtant, l’espérance n’est pas un vague optimisme, ni même un vague espoir, elle répond à l’aspiration la plus profonde du cœur humain au bonheur.

L’espérance, telle que l’exprime le langage traditionnel c’est la vie éternelle. C’est une vie nouvelle offerte à ce peuple de pécheurs que nous sommes. Elle va donc au-delà de nos forces, de notre regard sur  les personnes comme sur le monde. Mais, ce n’est pas pour autant un rêve pour demain, car elle est d’abord une Bonne Nouvelle, fondée sur la conviction que Dieu marche avec nous sur nos routes humaines, que Dieu vient réaliser quelque chose de nouveau avec nous, même lorsque tout semble « désespéré », c’est-à-dire « sans espoir » ! L’espérance nous donne donc la possibilité de marcher avec courage sur les chemins de nos vies, puisque Dieu nous y attend. Ces chemins deviennent alors les chemins de Dieu, chemins de salut, de libération. C’est bien cette espérance que par toute sa vie, par son engagement concret, Vincent de Paul a voulu proposer aux pauvres, à tous ceux qui étaient dans la détresse « corporelle et spirituelle ».

Vivre dans l’espérance, ce n’est donc pas un rêve pour demain. C’est vivre dans l’attente de quelque chose qui a déjà été accompli, avec la certitude de marcher vers quelque chose qui existe et non vers quelque chose que je voudrais voir exister. C’est affirmer qu’on a un avenir et que cet avenir n’est pas de tomber dans le néant. C’est croire que ma vie est bonne. Vivre dans l’espérance transforme une vie. Elle est gage de libération jusqu’à son terme, la rencontre définitive avec Dieu. Et nous sommes assurés que cela se réalisera certainement pour chacun et chacune d’entre nous. Dès lors, l’espérance ne peut que procurer une grande joie au cœur de l’homme. « Ayez la joie de l’espérance » dit saint Paul aux Romains (12, 12). En effet, quelle plus grande joie que d’arriver à la rencontre du grand amour qu’est le Seigneur et de savoir qu’en toutes circonstances cet amour ne nous manquera jamais ! L’espérance, c’est la vertu par excellence des petits, des pauvres de cœur, de ceux qui ont le cœur ouvert. Souvent, nous pouvons constater que ce sont eux qui continuent à espérer, qui savent que l’espérance ne déçoit pas (cf. Rm 5,5), que le mal ne peut avoir le dernier mot ! Dès lors, espérer c’est accepter de faire confiance à Dieu, car lui est un Dieu fidèle.  » Continuons sans fléchir d’affirmer notre espérance, car il est fidèle celui qui a promis  » (He 10, 23). Il s’agit pour nous d’accepter d’entrer dans ses desseins, sans rien prétendre, assurés que son aide  peut nous parvenir d’une manière différente de celle que nous attendons. C’est ce qu’a vécu st Vincent en recherchant la conformité à la volonté de Dieu.

Toutefois, l’attente que vit celui qui espère ne dispense pas pour autant de voir les dures réalités de la vie. Ainsi, Vincent de Paul a voulu rejoindre les pauvres jusque dans leur misère. Car il savait que l’espérance ce n’est pas une idée, une idéologie dirait-on aujourd’hui. Elle n’est pas fondée sur des sentiments, sur des raisonnements ou des prévisions humaines. Elle se vit dans la rencontre d’une personne, le Christ, présent en nous et dans nos frères, en particulier dans les pauvres. Il est vrai que nous avons toujours à démasquer les fausses espérances, ces « idoles » dans lesquelles l’homme est toujours tenté de placer son espérance, en en faisant l’objet de son espérance, comme l’argent ou le pouvoir. « Qu’ils deviennent comme elles, tous ceux qui les font, ceux qui mettent leur foi en elles » dit le psaume (113B, 8). Ce que Dieu promet, il le réalise, ce qui n’est pas le cas des idoles. De plus, fondée sur l’attente de la rencontre de Dieu, l’espérance ne conduit pas non plus à une résignation facile qui attendrait tout immédiatement d’en-haut ! Espérer c’est aussi savoir interpeller le Seigneur, en particulier par la prière, par le Notre Père qui résume tout ce que notre espérance peut nous faire désirer (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 1820).

Certes, l’espérance a une dimension personnelle, individuelle, mais, en même temps, elle a une dimension communautaire, ecclésiale. Il s’agit de nous soutenir et de nous aider réciproquement dans l’espérance, car il est si difficile d’espérer en toutes circonstances. On n’apprend pas à espérer seul. Celui qui s’enferme dans son bien-être individuel ou sur ses problèmes personnels ne connaît pas l’espérance ! Elle doit être partagée avec les autres. C’est donc bien une vertu missionnaire. Si elle anime le cœur du disciple lui-même, il ne peut la garder   pour   lui   seul.    Le    chrétien   est    « semeur   d’espérance »,

« missionnaire d’espérance », d’abord pour les pauvres, les exclus, ceux qu’on ne regarde pas ou ceux qui ne sont pas aimés. Le premier pas à faire pour cela, c’est certainement de partager le désespoir de celui qui n’en peut plus, dont l’avenir semble brisé. « Souvent, a dit le Pape François,  les  larmes  sèment  l’espérance ».  Il  rejoint  là  la  Béatitude

« Bienheureux ceux qui pleurent », traçant un chemin pour porter les épreuves les uns des autres.

L’espérance nous fait donc lever les yeux vers le haut, vers l’horizon que Dieu ouvre à l’homme, parce qu’il veut son bonheur. Espérer c’est accepter d’entrer dans ce dessein de Dieu, et donc d’aller de l’avant sur les chemins de vie qu’il ouvre devant nous !

Saint Vincent et l’espérance

Le premier biographe de st Vincent, Mgr Abelly1, présente l’espérance de Monsieur Vincent avec l’emphase qui lui est connue pour l’ensemble de son œuvre, tant il veut mettre en évidence toutes les vertus pratiquées par le futur saint. Il note : « Si la foi de M. Vincent a été grande, son espérance en Dieu n’a pas été moins parfaite ; et l’on peut dire en quelque façon de lui, qu’à l’imitation du père des croyants, il a souvent espéré contre l’espérance même ; c’est-à-dire qu’il a porté son espérance en Dieu, lorsque selon toutes les apparences humaines il y avait moins de sujet d’espérer ; et comme sa foi, étant simple et pure, ne s’appuyait que sur la seule vérité de Dieu, ainsi son espérance, étant tout élevée au-dessus des sentiments et des raisonnements de la nature, ne regardait que la seule miséricorde et bonté de Dieu ». (Abelly Livre III, Chapitre II, page 10). A déchiffrer sa correspondance et ses entretiens, on voit qu’apparaissent des ancrages humains solides qui lui permettent d’argumenter un enseignement de qualité, utile aujourd’hui, et lui donnent la force de lutter contre les risques de la vie.

I.  ANCRAGES HUMAINS

 

St Vincent a hérité d’une bonne nature : paysan, terrien, réaliste, il bénéficie d’un équilibre qui lui permet d’affronter la réalité et ses

1 Faisons acte d’honnêteté intellectuelle : notre recherche sur l’espérance selon st Vincent nous a amenés à trouver plus de références explicites chez Abelly que dans l’édition de Pierre Coste.

âpretés et de résister aux contradictions qui ne manquent pas de jalonner toute sa vie. Dans son enseignement, deux assises humaines apparaissent comme sources d’espérance : son opiniâtreté et sa  patience. Il espère des fruits et sait attendre.

Opiniâtreté

« La perfection consiste en la persévérance invariable »

 

« La perfection consiste en la persévérance invariable à l’acquisition des vertus et à l’avancement en icelles, parce que, dans la voie de Dieu, c’est reculer de n’y pas avancer, à cause que l’homme ne demeure jamais en même état et que les prédestinés, à ce que dit le Saint-Esprit, ʺils iront de vertu en vertuʺ (Ps 83,8). Or le moyen de cela, Monsieur, est la continuelle reconnaissance des miséricordes et bontés de Dieu sur nous, avec la continuelle ou fréquente appréhension de s’en rendre indigne et de déchoir d’être fidèle à ses petits exercices, notamment à ceux de l’oraison, de la présence de Dieu, des examens, de la lecture spirituelle, et de faire, chaque jour, quelques actes de charité, de mortification, d’humilité et de simplicité. J’espère, Monsieur, que l’usage exact de ces choses nous rendra enfin bons missionnaires et selon le cœur de Dieu ». (A Etienne Blatiron à Alet – 9 octobre 1640 – II, 129)

« Dieu sera lui-même votre force »

 « Je compatis, lui dit-il, à vos travaux, qui sont grands, et qui croissent lorsque vos forces diminuent par les maladies. C’est le bon Dieu qui fait cela, et sans doute qu’il ne vous laissera pas une si grande surcharge sur les bras, sans vous aider à la soutenir ; mais il sera lui-même votre force, aussi bien que votre récompense, pour les services extraordinaires que vous lui rendez en cette occasion

pressante. Croyez-moi, trois font plus que dix, quand Notre- Seigneur y met la main ; et il la met toujours, quand il nous ôte les moyens humains, et qu’il nous engage dans la nécessité de faire quelque chose qui excède nos forces. Nous prierons cependant sa divine bonté qu’il ait agréable de donner la santé à vos prêtres malades, et de remplir votre communauté d’une grande espérance en sa miséricorde ». (A Marc Coglée, supérieur à Sedan – 4 décembre 1650 – IV, 116)

Patience

« C’est par leur patience…qu’ils se sont rendus victorieux »

 

« La candeur avec laquelle vous m’avez exprimé vos peines est une grâce de Dieu, et je vous en souhaite une autre, qui est la patience. Votre abattement d’esprit ne durera pas ; c’est un nuage épais qui passe. L’homme est comme le temps, qui n’est jamais en même état, et je veux croire que, depuis votre lettre écrite, vous en avez ressenti quelque allégement. Si ces pensées fâcheuses viennent de l’esprit malin, vous ne voudriez pas adhérer à ce qu’il prétend, qui est de vous ennuyer au service de Dieu et de priver les âmes des secours qu’elles reçoivent de votre présence de delà ; et si ces peines viennent de Dieu, vous êtes trop à lui pour rejeter ce qu’il vous présente, et trop expérimenté dans les conduites de la grâce pour ne savoir pas qu’elle se trouve dans les tribulations. Les saints ont été exercés en diverses manières, et c’est par leur patience dans les difficultés et par leur persévérance dans les saintes entreprises qu’ils se sont rendus victorieux. Vous le savez, Monsieur, et je sais aussi que vous ne voulez pas aller à Dieu par un autre chemin que  le leur. (A un prêtre de la mission, à Saint-Meen – 17 mai 1656 – V,615)

« Ne rien dire qui témoigne de l’impatience »

 

« Quelle est donc la vertu de patience ? C’est ce qui fait qu’on supporte patiemment tous les fâcheux accidents qui se rencontrent dans la vie, sans se fâcher ; ou, si l’on se laisse aller, on rentre d’abord en soi-même pour apaiser le trouble. De là il faut donc avoir une bonne provision de patience, mes chères sœurs ; car, quand il ne vous viendrait rien à souffrir du côté  des hommes,  hélas ! nous sommes si chétifs que dans nous-mêmes nous en trouverons assez ; et nous sommes si changeants que nous avons assez de choses qu’il faut supporter ; ce qui ne se peut faire sans patience. Quoi ! Monsieur, une personne qui ne se fâche point en tout ce qui lui arrive, ni lorsqu’on la reprend quand elle n’a point failli, c’est cela la patience ? • Oui, mes sœurs ; et vous devez vous exercer à cela quand il vous vient quelque chose  à supporter, soit du côté des dames ou des malades ou des enfants, pour ne rien dire qui témoigne de l’impatience, quoique, quand les pauvres font quelque plainte, ou murmurent contre vous, on les peut avertir, pourvu que l’on ne se fâche point, pour remédier aux fautes qu’ils pourraient faire s’ils continuaient. » (Conférence du 14 juillet 1658 – Sur l’humilité, la charité, l’obéissance et la patience – X,533-534)

  1. SON ENSEIGNEMENT

 

 

L’objet de l’espérance

« Que, devant tout, nous cherchions sa gloire, son royaume »

 

« Notre-Seigneur veut que devant tout nous cherchions sa gloire, son royaume, sa justice, et, pour cela, que nous fassions notre

capital de la vie intérieure, de la foi, de la confiance, de l’amour, des exercices de religion, de l’oraison, de la confusion, des humiliations, des travaux et des peines, en la vue de Dieu, notre souverain Seigneur ! que nous lui présentions des oblations continuelles de service et de souhaits pour procurer des royaumes à sa bonté, des grâces à son Église et des vertus à la Compagnie. Si une fois nous sommes ainsi établis en la recherche de la gloire de Dieu, nous sommes assurés que le reste suivra.

Nous avons promesse de Notre-Seigneur qu’il fournira à tous nos besoins, sans nous en mettre en peine ; il se faut pourtant préparer aux affaires temporelles et y veiller autant que Dieu le désire, mais non pour faire notre principal de cela. Dieu attend ce soin de nous, et la Compagnie fera bien de le prendre ; mais, si elle prend le change à chercher les choses extérieures et périssables, négligeant les intérieures et divines, elle ne sera plus Mission ; ce sera un corps sans âme ; et ce lieu-ci sera, comme il a été autrefois, un sujet de douleur pour les gens de bien et d’aversion à Dieu. Voilà,  Messieurs, comme nous devons tout premièrement et avant toute autre chose chercher le royaume de Dieu ». (Conférence du  21 février 1659, Sur la recherche du Royaume de Dieu XII,132-133)

Les moyens d’y parvenir Nous mettrons notre confiance en Dieu

« L’espérance est donc d’espérer de la bonté de Dieu qu’il accomplira les promesses qu’il nous a faites »

 

« Mes soeurs, il s’agit donc de la confiance en la Providence de Dieu. Pour vous expliquer ceci, il faut que vous sachiez, mes chères soeurs, qu’il y en a de deux sortes : confiance et espérance. L’espérance, mes soeurs, produit la confiance ; c’est une vertu

théologale par laquelle nous espérons que Dieu nous donnera les grâces qu’il faut pour arriver à la vie éternelle. Et cette vertu d’espérance, voyez-vous, doit être pleine de foi, croyant sans hésiter que Dieu nous fera la grâce d’arriver au ciel, pourvu que nous nous servions des moyens qu’il nous donnera. Et cela, nous sommes obligés de le croire, que Dieu veut nous faire toutes les grâces nécessaires pour nous sauver. De sorte qu’une personne qui ne croit pas cela, que Dieu pense à nous sauver par les voies que sa Providence connaît nous être propres, offense Dieu. De n’être pas assez forts en l’espérance et de penser que Dieu ne pense pas  à notre salut, c’est une défiance qui lui déplaît. L’espérance est donc d’espérer de la bonté de Dieu qu’il accomplira les promesses qu’il nous a faites. Il y a, à cette heure, la confiance en la Providence. Confiance et espérance, c’est presque la même chose. Avoir confiance en la Providence, cela veut dire que nous devons espérer que Dieu prend soin de ceux qui le servent, comme un époux prend soin de son épouse et un père de son enfant. C’est ainsi que Dieu prend soin de nous, et encore bien davantage. Nous n’avons qu’à nous abandonner à sa conduite, comme dit la règle, de même qu’«un petit enfant fait à sa nourrice». Qu’elle mette son enfant sur le bras droit, il s’y trouve bien content ; qu’elle le tourne sur la gauche, il ne s’en soucie pas ; pourvu qu’il ait sa mamelle, il est satisfait. Nous devons donc avoir la même confiance en la Providence divine, puisqu’elle a soin de tout ce qui nous concerne, en la manière qu’une mère nourrice a soin de son enfant, un époux de son épouse ; et ainsi nous y abandonner entièrement, comme l’enfant fait au soin de sa mère et comme une épouse se confie au soin que son mari prend de ses biens, de toute la maison ». (Conférence du 9 juin 1658 – Sur la Providence – XI,502-503)

Nous croirons en la puissance de Dieu

« Le germe de la toute-puissance de Dieu en nous »

 

« Voyant un jour quelques-uns des siens qui se laissaient un peu trop abattre et décourager par le sentiment qu’ils avaient de leurs imperfections, il leur dit pour les encourager : ʺNous avons le germe de la toute-puissance de Dieu en nous ; ce qui doit nous être un grand motif d’espérer et de mettre notre confiance en lui, nonobstant toutes nos pauvretés. Non, il ne faut pas vous étonner de voir des misères en vous, car chacun en a sa bonne part ; il est bon de les connaître, mais non pas de s’en affliger démesurément ; il est bon même d’en détourner la pensée, quand elle nous porte au découragementʺ ». (Ab

  1. III, Ch. III, pp. 24-25).

Nous ferons que les pauvres connaissent le salut

« Comment se sauvera-t-elle sans foi, sans espérance et sans amour ? »

 

« Vous savez, Messieurs, l’ignorance du pauvre peuple, qui est presque incroyable, et savez aussi qu’il n’y a point de salut pour les personnes qui ignorent les vérités chrétiennes nécessaires, à savoir selon le sentiment de saint Augustin, de saint Thomas et autres, qui estiment qu’une personne qui ne sait ce que c’est que le Père, ni le Fils, ni le Saint-Esprit, ni l’Incarnation, ni les autres mystères, ne peut se sauver. Et en effet, comment une âme qui ne connaît pas Dieu, ni ne sait ce que Dieu a fait pour son amour, peut-elle croire, espérer et aimer ? Et comment se sauvera-t-elle sans foi, sans espérance et sans amour ? Or, Dieu, voyant cette nécessité et les accidents qui, par succession de temps, sont arrivés par la négligence des pasteurs et la naissance des hérésies, qui ont causé

un grand déchet à l’Église, a voulu, par sa grande miséricorde, remédier à cela par les missionnaires, les ayant envoyés pour  mettre ces pauvres gens en état de se sauver ». (Conférence du 6 décembre 1658, Sur la fin de la Congrégation de la Mission – XII,80- 81)

Nous serons ainsi juges du monde

« Nous serons un jour assis avec lui et ses apôtres, pour juger tout le monde »

 

« Qu’ajouterons-nous à ce que nous avons dit des raisons que nous avons de remercier Dieu de la grâce qu’il nous a faite de nous avoir mis en cet état, de lui être ainsi consacrés pour continuer la mission de son Fils et des apôtres ? C’est que nous serons un jour assis avec lui et ses apôtres, pour juger tout le monde : « Vous serez assis sur douze trônes jugeant les douze tribus d’Israël » (Mat. 19, 28). Nous devons vivre en cette espérance, qu’après notre mort, allant au ciel, nous ne serons pas, au jugement, comme coupables, mais comme juges de tout le monde ; nous jugerons même  les anges, comme dit saint Paul : « si nous vivons bien en cet état » (1 Cor 6,3) ». (Conférence du 7 novembre 1659 – Des vœux – XII,371- 372)

Nous serons récompensés

« Il sera notre pourvoyeur »

 

« Ah ! Messieurs, demandons bien tous à Dieu cet esprit pour toute la Compagnie, qui nous porte partout, de sorte que, quand on verra un ou deux missionnaires, on puisse dire : «Voilà des personnes apostoliques sur le point d’aller aux quatre coins du

monde porter la parole de Dieu.» Prions Dieu de nous accorder ce cœur, il y en a, par la grâce de Dieu qui l’ont, et tous sont serviteurs de Dieu. Mais aller là ! ô Sauveur ! n’être point arrêté, ah ! c’est quelque chose ; ayons ce cœur, tous un même cœur, détaché de tout, que nous ayons une parfaite confiance en la miséricorde de Dieu, sans sonner, s’inquiéter, perdre courage. «Aurai-je ceci en ce pays- là ? Quel moyen ?» O Sauveur ! Dieu ne nous manquera jamais ! Ah ! Messieurs, quand nous entendrons parler de la mort glorieuse de ceux qui y sont, ô Dieu ! qui ne désirera être en leur place ? Ah ! qui ne souhaite de mourir comme eux, d’être assuré de la récompense éternelle ! O Sauveur ! y a-t-il rien  de  plus  souhaitable ! Ne soyons donc pas liés à ceci ou à cela ; courage ! Allons où Dieu nous appelle, il sera notre pourvoyeur, n’appréhendons rien. Or sus, Dieu soit béni ! Prions-le tous à cette intention. » (Répétition d’oraison du 22 Août 1655 – XI,291-292)

 

 

Abelly écrit encore : « Dans les plus grandes et plus difficiles entreprises, qui ne se pouvaient soutenir qu’avec grande peine et grande dépense, dès que ce saint homme avait connu la volonté de Dieu, il allait tête baissée, sans s’étonner de toutes les difficultés qui se pouvaient présenter ; tenant pour certain, et le disant souvent, « que la Providence divine ne manque jamais pour les choses qu’on entreprend par ses ordres » ». (Ab L.III, Ch. III, p 12)

« Nous mettrons la clef sous la porte »

 

« L’on a su qu’un jour, celui qui avait charge de l’économie et du soin de la maison de Saint-Lazare lui étant venu dire qu’il n’avait pas

un sol, pour fournir à la dépense tant ordinaire qu’extraordinaire, qu’il fallait faire pendant les exercices des ordinands qu’on allait commencer, ce grand cœur, tout plein de confiance en Dieu, élevant sa voix: «O la bonne nouvelle! lui dit-il, Dieu soit béni ; à la bonne heure, c’est maintenant qu’il faut faire paraître si nous avons de la confiance en Dieu. Et un ecclésiastique de ses amis, auquel il avait une confiance particulière, lui parla un jour sur le sujet de cette grande dépense qu’il lui fallait faire au temps des ordinations, et lui remontrant que sa maison étant fort incommodée et ne pouvant plus soutenir une telle charge, il semblait qu’il dût exiger quelque chose de chaque ordinand qui venait à Saint-Lazare; à quoi M. Vincent répondit en souriant : « Quand nous aurons tout dépensé pour Notre- Seigneur, et qu’il ne nous restera plus rien, nous mettrons la clef sous la porte, et nous nous retirerons » . » (Ab L.III, Ch. III, p 13)

« Sa sagesse adorable saura bien la faire tourner à notre profit »

 

« Tout ce que Dieu fait, il le fait pour le mieux ; et partant, nous devons espérer que cette perte (de la ferme d’Orsigny) nous sera profitable, puisqu’elle vient de Dieu. Toutes choses tournent en bien aux hommes justes, et nous sommes assurés que, recevant les adversités de la main de Dieu, elles se convertissent en joie et en bénédiction. Je vous prie donc, Messieurs et mes Frères, de remercier Dieu de l’événement de cette affaire, de la privation de ce bien, et de la disposition dont il nous a prévenus pour agréer cette perte pour son amour; elle est grande, mais sa sagesse adorable saura bien la faire tourner à notre profit, par des manières qui nous sont inconnues à présent, mais que vous verrez un jour : oui, vous  le verrez ; et j’espère que la bonne façon avec laquelle vous vous êtes tous comportés en cet accident si peu attendu, servira de fondement à la grâce que Dieu vous fera à l’avenir de faire un

parfait usage de toutes les afflictions qu’il lui plaira nous envoyer ».

(A la communauté de st Lazare – septembre 1658 – VII, 251-252)

« Tout ce que les hommes feront et diront contre nous, se tournera en bien »

 

« Un supérieur d’une des principales maisons de sa Congrégation lui ayant mandé qu’il se faisait de grandes intrigues pour supplanter sa communauté, et qu’il y avait même des personnes puissantes qui appuyaient les mauvais desseins de leurs adversaires, M. Vincent lui répondit en ces termes : « Pour ce qui est des intrigues dont on se sert contre nous, prions Dieu qu’il nous garde de cet esprit, puisque nous le blâmons en autrui, il est encore plus raisonnable de l’éloigner de nous. C’est un défaut contre la Providence divine, qui rend ceux qui le commettent indignes des soins que Dieu prend de chaque chose. Établissons nous dans l’entière dépendance de sa sainte conduite, et dans la confiance qu’en faisant de la sorte, tout ce que les hommes feront et diront contre nous, se tournera en bien. Oui, Monsieur, quand bien même toute la terre s’élèverait pour nous perdre, il n’en sera que ce qu’il plaira à Dieu, en qui nous avons mis notre espérance. Je vous prie d’entrer dans ce sentiment et d’y demeurer, en sorte que jamais plus vous n’occupiez votre esprit de ces appréhensions inutiles » ». (Ab. L. III, Ch. III, pp. 15-16).

En prière avec Monsieur Vincent

 

 

 

« O Sauveur de nos âmes, lumière du monde, éclairez, s’il vous plaît, notre intelligence, vous qui vous êtes formé une Compagnie de pauvres

… qui vous servent en la manière que vous avez enseignée.

Faites-en, mon Dieu, vos instruments, donnez-leur et donnez-moi, misérable pécheur que je suis, la grâce de faire toutes mes actions par charité, humilité et simplicité dans l’assistance du prochain.

Faites-nous cette grâce, Seigneur.

Nous espérons,

si nous sommes fidèles en la pratique de ces vertus, avoir la récompense que vous promettez

à ceux qui vous servent en la personne des pauvres. »

Conférence du 9 février 1653, Sur l’esprit de la compagnie

(IX, 597-598)

Et aujourd’hui …

DES RAISONS D’ESPERER

 

Le quotidien La Croix du début octobre 2017 propose ce bel article sur l’association Snehasadan. Ce foyer, Maison où l’on est aimé, voulu par un père jésuite, a été fréquenté par Amir Sheik, jeune indien des rues, qui dirige aujourd’hui un café bibliothèque pour aider les jeunes à sortir de la rue. Il dit qu’il faut « redonner ce que l’on a reçu »2. Ce simple témoignage vécu au loin, fait écho aux multiples initiatives connues ici :

Renouant le dialogue avec des gens qui ont progressivement perdu tous leurs liens sociaux et leurs raisons d’espérer, ces initiatives ouvrent des espaces où la vie redevient humaine, aidant à trouver des solutions que les services administratifs trop fonctionnarisés n’assument plus.

2 Amir Sheikh, La vie c’est la vie, Ed. Marabout, 2014

QUELQUES MOTS DE PERSONNES RETROUVANT L’ESPERANCE …

 

« … La confiance dans l’avenir. C’est de retrouver la confiance dans l’avenir … de … de ne plus avoir peur de demain, après-demain, tout ça, c’est de retrouver une sérénité et pour ça, c’est de retrouver la confiance. Mais la confiance vis-à-vis de toi, vis-à-vis des autres, et quand tu as cette confiance-là, après l’avenir, il devient plus calme, plus serein, et tu vois ça d’une manière plus douce. Alors que  quand tu te  dis : ‘oh demain ; c’est encore la galère, ras-le-bol !’ Eh bien, il faut que

… moi, je crois que pour retrouver un goût de vivre, il faut retrouver l’espérance du lendemain … » … de Gaëtan.

« … J’oublie pas ces gens-là, qui m’ont fait voir que à l’intérieur d’eux, il y avait quelque chose, y avait surtout un feu qui brûlait, que c’était l’espoir, que c’était l’amour, l’amour de Dieu et moi, ça me ravive et ça me donne chaud au cœur, j’ai envie d’aller beaucoup plus loin et je trouve que tout ce qui m’est arrivé, il y a peut-être des choses pas, peut-être des choses tristes qui me sont arrivées, mais, disons c’est sûrement pour mon bien, pour me faire voir que maintenant quand je me retourne, je dis : tu vois c’est triste, mais tu peux aller de l’avant parce que de toutes façons, quand tu te retournes tu vois quand même que cette chose-là elle s’est passée et maintenant tu l’assumes bien, tu

… t’es contente c’est du passé et maintenant va de l’avant parce qu’il y a des choses bonnes qui t’attendent … » … de Marie.

« … C’est moi qui ai décidé de ne pas baisser les bras, et de dire : bon, c’est ça, mais dans quelques jours, ce sera autrement … Dieu m’a aidée, beaucoup, il a toujours été avec moi, il m’a aidée beaucoup à avoir du courage, remonter la pente, de dire, ça va se passer … J’aimerais revoir ma fille … j’aimerais, c’est l’espérance … » … de Monique.

« L’ESPERANCE NE DEÇOIT PAS »

Pape François, Audience générale du 7 décembre 2016

« … L’espérance ne déçoit pas. L’optimisme déçoit, mais pas l’espérance. Nous en avons tellement besoin en ces temps qui semblent obscurs, où nous nous sentons parfois désemparés devant le mal et la violence qui nous entourent, devant la douleur ressentie par tant de nos frères. Nous avons besoin de l’espérance ! Nous sommes désemparés, mais aussi un peu découragés car nous nous sentons impuissants et nous avons l’impression que cette obscurité ne finira jamais.

Mais il ne faut pas laisser l’espérance nous abandonner, car Dieu nous accompagne de son amour. « Je suis dans l’espérance car Dieu est à mes côtés » : nous pouvons tous dire cela. Chacun de nous peut affirmer : « J’espère, je suis dans l’espérance, car Dieu chemine à mes côtés ». Il avance et me tient par la main. Dieu ne nous laisse pas seuls. Le  Seigneur Jésus a vaincu le mal et nous a ouvert le chemin de la    vie. »

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BIBLIOGRAPHIE

 

Olivier Belleil, Espère et prends courage, Editions des Béatitudes, 2016 Adrien Candiard, Veilleur, où en est la nuit ?, Editions du Cerf, 2016

Cyril Tisserand, Bâtisseurs d’espérance, Artège, mai 2016

Pape François, L’espérance chrétienne, Catéchèses, Parole et silence 2017

NUMEROS DEJA PARUS

 

Cahier n° 101 : La Miséricorde

Fiches Vincentiennes

Cahier n° 102 : Les réfugiés

Fiches Vincentiennes 102, Les réfugiés

Cahier n° 103 : 1617-2017, Mission-Charité https://famvin.org/fr/2017/06/24/fiches-vincentiennes-103-1617-2017- mission-charite/

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2ème semestre 2017, Berceau de st Vincent de Paul