Frères et sœurs bien-aimés de Dieu, de la Congrégation de la Mission et vous tous vincentiens : Bonne fête ! N’oublie pas les pauvres ! s’entend dire le Cardinal Jorge Mario Bergoglio au moment où il vient d’être élu Pape et va prendre le nom de François rappelant souvent qu’ « ils ont beaucoup à nous enseigner. […] il est nécessaire que nous nous laissions évangéliser par eux ».

Homélie de Mgr Michel PANSARD, Évêque d’Évry-Corbeil-Essonnes, en la solennité de saint Vincent de Paul, le 27 septembre 2025 à la chapelle saint Vincent de Paul à Paris

Frères et sœurs bien-aimés de Dieu, de la Congrégation de la Mission et vous tous vincentiens : Bonne fête !

N’oublie pas les pauvres ! s’entend dire le Cardinal Jorge Mario Bergoglio au moment où il vient d’être élu Pape et va prendre le nom de François rappelant souvent qu’ « ils ont beaucoup à nous enseigner. […] il est nécessaire que nous nous laissions évangéliser par eux ».  (EG, 196)

Je constate depuis quelque temps que des jeunes adultes trouvent ou retrouvent le chemin de la foi au Christ par le service de la charité.

Cela a marqué l’existence de Monsieur Vincent et l’a certainement aidé à traverser une grave crise spirituelle et morale où il éprouve un désenchantement une quinzaine d’années après son ordination.Toujours est-il qu’au sortir de cette crise il fonde des Congrégations d’œuvre de charité et de mission.

Parce que c’est d’abord au cœur du ministère de Jésus, le Christ, qui inaugure son ministère public en reprenant les paroles du prophète Isaïe : « L’Esprit de Dieu repose sur moi pour annoncer laBonne nouvelle aux pauvres », …

« Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » Lc 4,21

Nous venons d’entendre dans l’Évangile de Matthieu les derniers mots de Jésus avant la passion, lesdernières paroles, le dernier effort de Jésus pour nous placer devant l’essentiel pour lequel il va engager sa vie.

C’est l’annonce d’un jugement, ce mot peut nous gêner mais ne l’évacuons pas trop vite. Dans lelivre des Écritures, l’évocation du jugement est toujours comme un panneau indicateur. Attention :notre vie, la vérité de notre vie, la vie véritable se joue là.

Dans la parabole, le jugement n’arrive pas au terme d’un long et lent procès où l’on pèse le pour et lecontre, où l’on plaide à charge et à décharge. Ici, les attendus sont rapides, la sentence est simple : J’aieu faim, tu m’as donné ou tu ne m’as pas donné à manger, entre ou non dans la joie de ton maître.

Il en va de la rencontre avec le Seigneur, celle que nous attendons : « nous attendons ta venue dans la gloire » et celle que nous vivons aujourd’hui.

Les deux marchent ensemble : celui qui vient comme juge des vivants et des morts est Celui qui estvenu, qui s’est fait proche de nous, Celui qui nous a aimés sans mesure et qui s’est fait le frère, ledéfenseur des plus petits, pauvres, malades et pécheurs.

Cette parabole dénonce nos velléités, ces capacités que nous avons de savourer en imagination les belles choses que nous allons faire… et que nous ne faisons pas.

Attention à nos esquives, à nos tendances à échapper aux exigences concrètes de l’amour par de longs débats, des gloses : comment pouvons-nous rencontrer Dieu dans nos frères ? Comment le Christ est-il présent dans le plus pauvre?

La réponse est claire : oui ou non, avons-nous agis quand une personne, un groupe en avaitconcrètement besoin ? C’est simple et radical. C’est là que se joue notre vie.

M’est revenue en mémoire cette parole de ce grand théologien du XXème siècle, Hans Urs von Balthazar où il évoque ces rencontres qui font nos vies comme un sacrement, le sacrement du frère : «La rencontre fait du prochain le porteur de l’appel de Dieu à mon égard, le sacrement de la parole de Dieu qui m’est adressée. Ce sacrement se distribue dans la vie de tous les jours, non dans l’enceinte de l’église…Là où se décide si j’ai réellement entendu la Parole de Dieu. »2

Et si c’était cela le jugement, tout simplement : Là où se décide si j’ai réellement entendu la Parole de Dieu ! La continuation d’une rencontre ou d’une non- rencontre, d’une vie ou d’une non-vie avec le Seigneur.

Et si c’était cela le jugement : la rencontre définitive avec celui que nous avons rencontré quand nous avons aimé, quand nous nous sommes faits proches, prochains de ces petits qui sont les frères du Seigneur.

Entendons l’appel de ce jour de fête : conduis-toi, vis de la manière dont le Seigneur se conduit avec toi ! Aime de la manière dont il t’aime ! Laisse-toi entraîner dans un agir qui t’ajuste sur l’agir de Dieu ! Laisse-toi ajuster, laisse-toi modeler, laisse-toi entraîner par l’amour même que le Seigneur te porte.

C’est ce qui fait écrire Monsieur Vincent : « Nous ne devons baser notre attitude envers les pauvres ni sur ce qui apparaît extérieurement, ni sur leurs qualités intérieures. Nous devons les voir à traversles lumières de la foi. Le Fils de Dieu a voulu être pauvre et être représenté par ces pauvres. Il n’avaitpresque pas la figure d’un homme, durant sa passion, et il passait pour fou dans l’esprit des gentils, etpour pierre de scandale dans celui des Juifs; et avec tout cela il se qualifie l’évangéliste des pauvres:« Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres » (Lc 4,18). Nous devons faire nôtres cessentiments et faire ce que Jésus a fait : soigner les pauvres, servir les pauvres, les consoler, les secourir, les aider. »3

C’est ce qui le fait prier : Ô Seigneur, Vous êtes venu nous apprendre à aimer notre prochaincomme nous-mêmes. Vous nous avez montré, par votre vie, que le service des pauvres est préférable à tout. Aidez-nous à comprendre que ce n’est point Vous quitter que de Vous quitter pour eux. Vous quiavez voulu être pauvre, Vous vous révélez dans les pauvres. En eux, Seigneur, nous Vous rencontrons,en les servant, nous Vous servons. Amen !

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2 Citation tirée de Dieu et l’homme d’aujourd’hui de 1958 page 297 et le titre du chapitre est Le sacrement du frère.

3 Cf. lett, 2546, etc…; Correspondance, entretiens, documents, Paris 1922- 1925.

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