Oui, ce qui fait la sainteté de Louise de Marillac c’est, avec la grâce de Dieu, d’avoir su transformer ses blessures en sources d’eau vive où les autres (les pauvres, les petits, ses sœurs de communauté) venaient s’abreuver
Alain Perez
Fête de Sainte Louise de Marillac
Pendant longtemps, trop longtemps sans doute, Louise de Marillac a été considérée par certains comme une femme insignifiante, pas très équilibrée et vivant dans l’ombre de St Vincent. Il est vrai que depuis son enfance, la vie ne l’a pas épargnée : étant une enfant naturelle, elle n’a pas connu sa mère, et les difficultés familiales, la maladie, l’angoisse et la nuit de la foi l’ont visitée, creusant en elle de profondes blessures…
Eh bien, paradoxalement, je dirais que c’est justement tout cela qui la rend si proche de nous et finalement si sympathique ! En effet, Louise de Marillac n’a pas été une « super-femme », une privilégiée, une héroïne. Elle n’est pas née sainte, mais elle l’est devenue, en parcourant un chemin humain et spirituel bien chaotique parfois… A travers ses difficultés personnelles et ses blessures, elle a connu de grandes purifications et des « lâcher-prise » qui l’ont fait grandir et mûrir. Et c’est ainsi que, peu à peu, ont été imprimés en elle, les traits d’une sainteté que l’on pourrait définir comme « sainteté à visage humain ».
Oui, ce qui fait la sainteté de Louise de Marillac c’est, avec la grâce de Dieu, d’avoir su transformer ses blessures en sources d’eau vive où les autres (les pauvres, les petits, ses sœurs de communauté) venaient s’abreuver. En effet, nous le savons par expérience : n’est- ce pas souvent par les choses qui nous blessent que nous devenons vulnérables, et donc ouvert aux autres et véritablement humains ?!
Mais, comment Louise a-t-elle pu décentrer son regard d’elle-même, de ses difficultés et de ses souffrances personnelles, pour le centrer sur ceux qui souffrent, et trouver ainsi son équilibre ? Sans aucun doute, par sa relation à Dieu et par son amour de Jésus vivant au milieu des hommes, et d’une manière spéciale, par son amour de Jésus vivant dans son Eucharistie et dans les démunis.
Oui, dans l’Eucharistie, notre Dieu a manifesté la forme extrême de l’amour, bouleversant les critères de pouvoir qui règlent trop souvent les rapports humains et affirmant de façon radicale le critère du service : « si quelqu’un veut être le premier de tous, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » (Marc 9,35).
De plus, et « ce n’est pas un hasard, si dans l’Evangile de St Jean, nous ne trouvons pas le récit de l’institution de l’Eucharistie mais celui du lavement des pieds : en s’agenouillant pour laver les pieds de ses disciples, Jésus explique le sens profond de l’Eucharistie. Et St Paul rappelle avec vigueur, que n’est pas permise une célébration où ne resplendit pas la charité manifestée dans le partage concret avec les plus pauvres. » (Mane nobiscum Domine n°28).
St Vincent vivait déjà, sans doute, ces deux exigences fondamentales du service des pauvres. Ainsi, au cours des missions qu’il donnait dans les campagnes, il laissait souvent, comme signe concret de sa prédication dans les villages, une association destinée au service des pauvres et des malades. Mais, pour visiter et animer durablement ces associations, il fallait une femme au grand cœur et intelligente. Et c’est ainsi que St Vincent a vu en Louise de Marillac, la femme capable d’assumer cette responsabilité. Ce fût un choix pertinent !
En effet, en réalisant ce service, Louise apprit à sortir d’elle-même, à ouvrir son cœur aux nécessités des frères les plus pauvres, isolés et abandonnés. Elle comprit que c’était là une façon de réaliser la mission du Christ : annoncer l’Evangile en témoignant par la charité.
Louise de Marillac y a investi toutes ses forces et toute son intelligence. Elle affronta avec courage et habileté les charges qui lui étaient confiées, devenant une véritable missionnaire de la Charité, animée par la conviction que « l’amour est inventif jusqu’à l’infini »…. Et, finalement, ce sont les pauvres eux-mêmes qui la sauvèrent, comme ils avaient sauvé Vincent de Paul auparavant…
Dans son testament spirituel, Louise de Marillac a transmis aux premières Filles de la Charité cette perle précieuse qui avait donné force, lumière et couleur à son existence. Ainsi, après un si long chemin tissé d’inquiétudes et d’épreuves, Louise de Marillac recommandait à ses Filles l’essentiel. C’est-à-dire, à l’imitation de celui du Christ, son testament ne connait qu’un seul verbe : AIMER. « Mes chères sœurs, écrit-elle, ayez bien soin du service des pauvres, et surtout de bien vivre ensemble dans une grande union et cordialité, vous aimant les unes les autres, pour imiter l’union et la vie de Notre-Seigneur. Priez bien la Sainte Vierge qu’elle soit votre unique Mère. »
En ce jour où nous faisons mémoire de Ste Louise, remercions Dieu de l’avoir donnée à l’Eglise et à la Compagnie des Filles de la Charité. Prions aussi pour qu’à l’exemple de Ste Louise, nous sachions cheminer nous aussi vers la sainteté, en devenant chaque jour un peu plus humbles, simples et aimants …Un peu plus humains, finalement !…
Que Ste Louise intercède aussi pour nous ! Qu’elle nous accompagne sur notre chemin de sainteté, nous les gens ordinaires, avec nos qualités et nos défauts, nos handicaps moraux et spirituels… Que l’exemple et la prière de Ste Louise nous obtienne la grâce de savoir nous abaisser et descendre dans notre pauvreté, avec confiance, puisque la puissance de Dieu se déploie toujours dans la faiblesse. Qu’à la prière de Ste Louise, Dieu nous accorde le don de la sainteté. Nous nous savons pécheurs et nous tombons sans cesse. Mais aussi, nous nous relevons sans cesse pour reprendre la route, parce que nous croyons à l’Amour de Dieu et nous savons, grâce à Jésus, qu’il est et qu’il sera toujours plus grand que notre cœur.
Enfin, n’oublions jamais que l’expérience de l’ Amour de Dieu nous renvoie toujours à l’Amour des petits, à la responsabilité et au service de nos frères, spécialement les plus petits et les plus pauvres. Nous inspirant de l’exemple de Ste Louise, au lieu de tant discourir sur la pauvreté, les injustices et les pauvres, ayons le courage de nous compromettre et de nous engager dans des réalisations concrètes. Comme Ste Louise, ayons le courage de voir, de dénoncer, d’agir et de servir.
C’est cela emprunter le chemin de la « sainteté à visage humain », celle dont le monde d’aujourd’hui a tant besoin !