Telle est la question persistante d’un collégien à chaque fois qu’il rencontre un prêtre. Et chacun dit « non, ton chien ne t’aime pas ! »
Vincent Goguey
Mon chien m’aime-t-il ?
Telle est la question persistante d’un collégien à chaque fois qu’il rencontre un prêtre. Et chacun dit : « non, ton chien ne t’aime pas ! » Scandale et incompréhension, révolte et confrontation de la part de plusieurs d’entre eux dans cette classe de troisième. Le sujet est très délicat dans notre société si encline à s’investir dans la cause des animaux, au risque de ne plus s’émouvoir de voir nos semblables à la rue ou affamés.
Mais pourquoi donc ces prêtres s’obstinent ils à dire que les animaux n’aiment pas les humains ? C’est pourtant très clair, nous dit ce jeune, quand nos amis les bêtes nous retrouvent à la maison, ils sont tout à la joie, ils remuent la queue, nous font la fête, viennent nous faire de gros câlins et voudraient nous lécher tout le visage. Tout cela, si ce n’est pas des signes d’amour, je n’y comprends rien. Ils nous sont attachés, on peut percevoir de la fidélité de la part de certains d’entre eux qui vont jusqu’à se laisser mourir à la mort de leur maitre. Et en plus quand j’ai besoin de lui parler, il m’écoute, il me comprend, il ne me juge pas. Il sent quand je suis avec de la tristesse et il vient me consoler. Alors pourquoi donc s’obstiner à ne pas voir l’évidence, mon chien il m’aime ! D’ailleurs je peux dire que j’aime autant mon chien que ma sœur ! Elle, elle ne montre pas autant de joie quand je rentre à la maison, elle ne me calcule pas, pire elle vient régulièrement m’embêter.
Eh oui l’animal de compagnie a pris bien de la place dans la vie de nos contemporains. Au risque de mettre beaucoup de confusion. Lorsqu’on en arrive à avoir autant d’amour pour un animal que pour un semblable (et je l’ai entendu aussi par des adultes, évoquant avoir la même peine au moment du décès de leur enfant ou d’un animal !!!), il y a même des psys pour animaux, oups pardon il faut dire des comportementalistes, et on se met maintenant à fêter les anniversaires de ces charmantes bêtes. J’ai même vu une femme coupant son ostie en deux pour en donner la moitié à son petit chien ! Une réflexion est quelque peu nécessaire pour ne pas faire n’importe quoi.
Si nous disons que les animaux ne nous aiment pas, c’est pour évoquer une différence radicale entre l’animal et l’humain. Que ce soit pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, l’homme est créé à l’image de Dieu et pour cela il a insufflé son souffle de vie. Lorsque des personnes disent que les animaux nous aiment, ils projettent des sentiments humains sur ce que peuvent ressentir leurs protégés. Bien évidemment qu’il a de l’attachement, une présence très importante, un besoin affectif etc. C’est indéniable.
Il faut aussi reconnaitre que notre langue française est très pauvre en vocabulaire et un seul mot regroupe des situations très différentes. On a que ce mot amour pour dire notre lien avec les fraises, une bonne pâtisserie, un animal, un film qui nous a plu, ou encore ses enfants ou sa femme. Il est même étonnant de constater qu’il nous faut inverser des adjectifs pour dire le contraire de ce que nous disons. J’aime une personne (là il y a le max d’amour) j’aime beaucoup une personne (là c’est moins que de dire j’aime !!!). Un ami est une personne en amitié, pour dire celui qui pourrait être notre compagnon de vie on va dire « petit » ami !!! Paradoxe de la langue française.
Sur le fait qu’un animal nous comprenne, certes il peut ressentir notre émotion principale, particulièrement lorsque nous allons mal, mais de dire que c’est mon confident, il y a un fossé non franchissable. Car le propre d’un ami (humain je veux dire) ce n’est pas d’acquiescer à tout ce que dit l’ami mais c’est aussi lui faire des retours, c’est argumenter parfois par un point de vue différent pour lui faire prendre conscience d’une réalité qu’il ne voit pas. Derrière cela il y a toute la réalité du discernement, du jugement ajusté à une situation particulière.
Il faut aussi réfléchir par l’absurde. Est-ce qu’un animal est capable de faire du mal comme le font les humains ? Bien évidemment que non, car nous avons le libre arbitre qui nous donne cette terrible et en même temps passionnante aptitude du discernement entre le Bien et le Mal. Cela les animaux ne l’ont pas (ils ne se font pas la guerre, ils ne fabriquent pas d’armes). L’amour n’est pas qu’un sentiment, un affect, c’est aussi une décision. Aimer c’est être capable de donner sa vie pour quelqu’un, ça demande réflexion puis décision !
Autre aspect : nous n’avons aucune difficulté à « aimer » un animal, contrairement à nos proches qui parfois nous gonflent vraiment et… nous empêchent de respirer (alors ils te gonflent ou ils t’asphyxient ?… que de paradoxes !). Dans les évangiles, le Christ nous donne un enseignement, mieux un commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Si nous voulons avancer vers l’éternité, il nous faut « apprendre » à aimer. C’est donc bien que cela n’est pas évident. Tout l’évangile est un long apprentissage à l’amour. Donner plus de place à l’autre qu’à soi ! L’amour demande de renoncer à soi, pour permettre de faire advenir la part divine de l’autre et ainsi mieux vivre cette communion divine.
Si, aimer nos semblables étaient aussi facile que d’aimer un animal, le Christ ne l’aurait pas institué comme commandement aussi important que celui d’aimer Dieu ! « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée, et de toute ta force. Voici le second commandement : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là ! » Marc 12, 30-31.
Nous sommes entrés dans une période où l’on nivelle tout par le bas. On voudrait que tout ait la même importance. Au nom du respect de la différence, on ne supporte plus les différences ! Nous ne savons plus hiérarchiser. Il nous faut apprendre à avoir des priorités dans la vie. Oui il y a beaucoup à faire pour qu’on ne fasse pas n’importe quoi avec les animaux et c’est très bien qu’il y ait des associations de défenses des animaux. Mais que cela ne nous éloigne pas du grand défi de notre présence sur Terre : Apprendre à aimer l’autre, car plus je m’investis à le faire grandir et plus je rentre dans cette communion divine. J’ai besoin de l’autre pour avancer sur le chemin de la vie éternelle.