Nous aspirons tous à être bien et à planifier notre vie avec l’assurance d'atteindre nos objectifs et de nous sentir en sécurité et réconfortes au plus profond de nous-mêmes. Mais la vie nous montre, parfois avec douleur, que ce n'est pas toujours le cas. C'est-à-dire que nous ne pouvons pas tout prévoir, que nous ne pouvons pas tout maîtriser, qu'il y a beaucoup de choses qui échappent à notre maîtrise et à notre contrôle.

Homélie Premier Dimanche de l’Avent. 1er Décembre 2024. Rencontre Directeurs Provinciaux des Filles de la Charité. Chapelle st Vincent de Paul. Paris

Nous aspirons tous à être bien et à planifier notre vie avec l’assurance d’atteindre nos objectifs et de noussentir en sécurité et réconfortes au plus profond de nous-mêmes. Mais la vie nous montre, parfois avec douleur, que ce n’est pas toujours le cas. C’est-à-dire que nous ne pouvons pas tout prévoir, que nous nepouvons pas tout maîtriser, qu’il y a beaucoup de choses qui échappent à notre maîtrise et à notre contrôle.

Cette réalité personnelle d’incertitude quant à l’avenir est nourrie par nos propres échecs, nos attentesdéçues et l’influence de facteurs externes qui remettent en question nos rêves. En plus, la réalité socialefrappe aussi notre optimisme : la douleur engendrée par les guerres, les catastrophes naturelles, la recherched’une vie digne ou l’expérience de l’impunité ou de l’injustice, peuvent créer des sentiments de désillusion, desattitudes de fermeture ou de fatigue face à un monde qui semble n’avoir rien appris de son passé.

Et que dit Dieu face à tout cela ? Je crois que les lectures de la Parole de Dieu, en ce premier dimanche de l’Avent, nous aident à discerner sa volonté. Je voudrais souligner trois idées à cet égard :

La première idée vient de la conviction que l’histoire, interprétée à partir de la Parole de Dieu, est imprégnée d’une promesse divine. Une promesse, comme le dit Jérémie, c’est l’irruption d’une présence salvatrice : « Le Seigneur-est (et sera)-notre-justice ». En lui et dans son action, le peuple trouvera la source inépuisable de sa joie. Cette promesse salvifique parle de Dieu, de sa manière d’aimer et d’agir. Il accueille, écoute et se laisse interpeller par la souffrance et les besoins de ses enfants, c’est pourquoi il les encourage à ne pas perdre l’espérance. C’est pourquoi le Psalmiste s’exclame : « Il est droit, il est bon, le Seigneur… Sa justice dirige les humbles, il enseigne aux humbles son chemin. Les voies du Seigneur sont amour et vérité ».

De ce point de vue, le temps de l’Avent est un temps pour se souvenir. Se rappeler avec gratitude que lapromesse salvifique de Dieu s’est définitivement manifestée comme la plénitude de l’amour en Jésus-Christ,le Verbe fait chair. C’est en lui, dans sa réalité historique, que se manifeste la vérité de la promesse divine. C’est en lui et dans sa résurrection que se confirment le salut et la guérison auxquels nous sommes tous appelés. C’est pourquoi, en fin de compte, l’Avent est aussi une invitation à raviver notre espérance. Si, eneffet, la pleine vie que le Christ nous communique recrée déjà la vie quotidienne et est le principe de laconversion et de la libération, ici et maintenant, nous ne devons pas oublier que, grâce à Pâques, l’histoirehumaine est appelée à la plénitude de l’amour, une réalité qui ne s’accomplira pleinement que dans l’éternité. Il ne s’agit pas d’une nouvelle promesse, mais de l’accomplissement définitif de la promesse faite depuis les temps anciens. L’Évangile de Luc relate cette conviction concernant la seconde venue du Christ : « Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire. Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche ».

La deuxième idée que je veux souligner est que le temps de l’Avent nous rappelle aussi que notre espérance, est une espérance qui se vit dans la tension. Le Pape François utilise une belle expression pour parler de l’espérance chrétienne. Il dit que l’espérance est « comme jeter l’ancre sur l’autre rive ». « L’espérance, c’est vivre dans la tension toujours, en sachant que nous ne pouvons pas faire notre nid ici…La vie du Chrétien est « en tension vers ». Si un chrétien perd cette perspective, sa vie devient statique etles choses qui ne bougent pas se corrompent » 1. Le Pape nous rappelle ainsi que la vie, sans la tension qu’apporte l’espérance, se transforme facilement en autoréférence, en recherche d’adaptation à ce qui est donné, en repli sur soi et sur ses propres intérêts. Vivre dans la tension, c’est sentir que la plénitude nousattend sur l’autre rive, mais qu’elle fleurit déjà dans notre pratique quotidienne.

Et la troisième idée à souligner est que toute espérance vécue dans le Christ est une forme de résistance à ce qui est une attaque contre la dignité humaine. On peut donc dire que l’espérance chrétienne est une forme de résistance. Résistance à tous les projets qui nous éloignent du Dieu révélé en Jésus et de sonprojet de rendre digne et divine la vie humaine. L’espérance est donc vécue en résistance contre un moded’organisation de la société qui produit exclusion et souffrance, contre tout système de valeurs qui justifie les forts et exalte la superficialité. L’espérance chrétienne s’intègre dans la vie comme une résistance aux discours conformistes et à la médiocrité même qui nous justifie. Avoir de l’espérance, c’est résister à la recherche d’issues faciles et sans effort, c’est résister à la rhétorique sans vie, au changement sans esprit.Espérer, c’est résister à la perte de ses rêves, c’est résister à l’apprivoisement des désirs.

C’est pourquoi l’espérance chrétienne ne doit pas être confondue avec la naïveté, la fantaisie ou un positivisme louable. C’est une prophétie qui anticipe la volonté de Dieu et cherche à la proclamer dans la vie. L’espérance doit donc être, comme le dit le Pape François, « l’air que respire le chrétien ».

L’Avent nous invite à respirer cet air, en attendant patiemment, joyeusement et avec vigilance cet amour plein qui accueille tout, qui illumine tout, qui sauve tout. C’est ainsi qu’on comprend que l’être humain sedécouvre lui-même dans la mesure où il espère, dans la mesure où il sait attendre.

Comme je l’ai mentionné au début, avec cette Eucharistie, nous ouvrons la rencontre internationale desDirecteurs provinciaux des Filles de la Charité. Un ministère enraciné dans l’identité, à la fois de la Compagnie et de la Congrégation de la Mission, et qui cherche à accompagner les Sœurs dans leur vocation et leur mission de service au Christ dans les pauvres, qui cherche à encourager les Sœurs dans leur espérance afin que rien ni personne ne leur vole la joie d’être des instruments de la miséricorde de Dieu. Je vous demande de nous garder dans votre prière.

Chers frères et sœurs, laissons-nous guider par l’Esprit de Dieu afin que nous puissions vivre ce temps de l’Avent en nous souvenant avec gratitude de la promesse de l’amour éternel de Dieu et en résistant à tout ce qui empêche sa bonté d’éclairer notre monde. Amen.

 

1 Pape François, Homélie – Sainte Marthe, le 29 octobre 2019

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