Seul ou même en groupe, mais d’Eglise, Jésus nous met en relation les uns avec les autres, pour que nous recevions la Bonne Nouvelle de Dieu, que nous la partagions et qu’ensemble nous la répandions dans le monde selon ce que nous en vivons réellement.
Frédéric Pellefigue
Homélie: Fête de l’institution de la Congrégation de la Mission
25 janvier 2023
Avec la fête de la conversion de st Paul, l’Eglise fait mémoire du parcours de cet apôtre de Jésus. Il a reçu une vocation exceptionnelle, comme nous pouvons le voir en considérant l’histoire de l’Eglise. Pour autant, nous avons entendu avec l’Evangile que d’autres ont aussi été envoyés par le Seigneur, dans le monde entier. Le Pape François, suivant la tradition de l’Eglise, insiste pour faire entendre à tous les fidèles catholiques que nous sommes tous impliqués dans cet envoi. Le Pape rappelle régulièrement que, parce que nous avons été touchés par Jésus, parce que nous avons eu le bonheur de le rencontrer, nous sommes portés à le faire connaitre aux autres. Dans l’Exhortation Apostolique La joie de l’Evangile, le Pape affirme : « la première motivation pour évangéliser est l’amour de Jésus que nous avons reçu, l’expérience d’être sauvés par lui qui nous pousse à l’aimer toujours plus. Mais quel est cet amour qui ne ressent pas la nécessité de parler de l’être aimé, de le montrer, de le faire connaître ? Si nous ne ressentons pas l’intense désir de le communiquer, il est nécessaire de prendre le temps de lui demander dans la prière qu’il vienne nous séduire ». C’est ce que je vous propose de renouveler aujourd’hui, par l’intercession de st Paul. Aidons-nous de son expérience pour vivre la nôtre.
Nous pouvons repérer, premièrement, que dans le récit des Actes des Apôtres, Paul de Tarse se présente animé d’une ardeur jalouse pour Dieu, et dans cet élan, il part à Damas, raconte-t-il, avec le devoir de ramener à Jérusalem ceux qui suivent le chemin du Seigneur Jésus, pour qu’ils subissent leur châtiment. Nous connaissons déjà l’événement où Paul se retrouve enveloppé d’une grande lumière céleste et interpelé par Jésus. Après l’avoir identifié, il l’interroge : « que dois-je faire, Seigneur ? ». En portant attention à son interrogation, nous pouvons comprendre que c’est là que s’opère sa conversion. Parti ardemment avec le devoir de persécuter les disciples de Jésus, il ose le remettre en question dans sa rencontre avec le Ressuscité : « que dois-je faire ? ». Nous pouvons reprendre pour nous cette interrogation dans notre dialogue avec Jésus. « Que dois-je faire ? » … Nous pouvons être nous-mêmes animés d’une ardeur pour Dieu, mais est-elle ajustée ? Comment est-elle en communion avec ce que Jésus nous fait connaître de Dieu ? Profitons de cette fête pour nous rajuster davantage. Si jamais nous n’avons pas d’ardeur pour Dieu, laissons-nous alors d’autant plus interpeler par Jésus. Il n’aime pas ce qui est tiède.
Remarquons, deuxièmement, qu’à la question de Paul « que dois-je faire ? », Jésus ne lui donne pas une réponse toute faite. Il l’invite à aller, en s’en remettant à d’autres : d’abord à ses compagnons, qui vont le mener aveugle jusqu’à Damas ; puis à Ananie, qui vient à sa rencontre tandis qu’il ne le connaît pas encore. Alors qu’il était un homme déterminé dans son action, Paul va apprendre à s’en remettre à d’autres, à faire confiance à ce que Jésus lui propose et à ce que les autres vont lui dire. Il se laisse donc entrainer par Jésus à abandonner ses seuls points de vue – il passe par une cécité – pour mieux recevoir la révélation de Dieu et son appel à le servir, avec l’aide des autres. Nous-mêmes, appelés à participer à l’évangélisation, pouvons faire cette expérience du dessaisissement de nos seuls points de vue. Seul ou même en groupe, mais d’Eglise, Jésus nous met en relation les uns avec les autres, pour que nous recevions la Bonne Nouvelle de Dieu, que nous la partagions et qu’ensemble nous la répandions dans le monde selon ce que nous en vivons réellement. Comme st Paul, saisis dans notre ardeur à faire connaître Dieu, continuons d’apprendre à vivre l’évangélisation dans la confiance en l’autre et dans une recherche partagée de l’accomplissement de la volonté de Dieu.
Enfin, troisièmement, nous pouvons repérer que Paul est appelé aussi à dépasser sa première cible du peuple d’Israël et à devenir le témoin du Christ devant tous les hommes. Avec Jésus, la promesse de Dieu s’offre à tous. Cette dimension universelle va devenir la marque de l’apostolat de Paul, et il va s’y consacrer avec force et conviction, tout en cherchant l’adhésion des autres frères juifs à cette nouveauté radicale. Le Pape François ne cesse pas de rappeler cette dimension universelle de l’évangélisation, exigeante, et fidèle à l’amour de Dieu qui n’exclut personne. Jésus Ressuscité envoie même ses apôtres annoncer l’Evangile à toute la création. Même si nous ne partons pas tous dans le monde, nous pouvons chercher à vivre ce partage de la Bonne Nouvelle de Dieu sans limite, au hasard de nos rencontres quotidiennes, dans le fil ordinaire de chaque journée où nous entrons en contact avec les uns et les autres, en famille, en communauté, au travail, dans la rue, dans toutes nos relations avec le vivant où Dieu lui-même se fait présent.
C’est dans ce même mouvement apostolique que st Vincent de Paul s’est laissé entrainer, par les événements, par les rencontres avec Madame de Gondi, avec le pauvre pénitent, avec le peuple de Folleville répondant à l’appel à la confession générale, avec les autres prêtres venus apporter leur concours. Demandons à Dieu, par l’intercession de notre saint fondateur, que nous sachions nous convertir à l’évangélisation qu’il veut, nous laissant nous rajuster dans notre zèle ; nous laissant appeler à la confiance et à la collaboration ; et nous laissant envoyer à tous, notamment à ceux qui n’ont pas reçu la lumière du Christ. Nous partagerons les signes de la vie nouvelle plus forte que le mal, que le Ressuscité a lui-même donnés.
Frédéric Pellefigue cm