L’atmosphère de dévotion créée par les danseurs était palpable et l’assemblée en était visiblement saisie. La joie et la gratitude exprimées sur le visage et dans les gestes des danseurs dans leur louange de Dieu se communiquaient à l’assemblée.

Kalahrdaya, la Bonne Nouvelle proclamée par la danse

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Perceval PONDROM

Les 14 et 15 juin derniers, le prêtre jésuite Saju George et une petite troupe constituée d’élèves de son Centre d’Art, Culture et Spiritualité « Kalahrdaya » (en sanskrit : « Cœur de l’Art ») présentaient un programme de danse classique indienne, respectivement à la chapelle Saint-Vincent-de-Paul à Paris et à l’église Sainte-Anne à Amiens. Kalahrdaya est un centre de développement personnel par la danse, la musique et l’art destiné en priorité aux populations marginalisées. Pour Saju George, la danse, langage religieux naturel en Inde comme dans bien d’autres pays, est un outil d’évangélisation et de dialogue interreligieux. D’après la tradition indienne, c’est le langage donné par Dieu aux petits exclus de l’accès aux textes sacrés, afin qu’ils le connaissent et le louent d’une façon inimitable. Moi qui avais vécu et travaillé pendant deux ans à Kalahrdaya, qui avais baigné dans la spiritualité de l’art sacré indien, qui avais été nourri de l’amitié du P. Saju, de ses confrères et des élèves du centre, j’avais à cœur de présenter cette façon différente de prier et de louer Dieu par la danse, aux confrères, aux fidèles et à tous ceux qui seraient intéressés.

Par la danse inaugurale, appelée « offrande de fleurs », les danseurs remerciaient Dieu, le sanctuaire et l’audience de l’opportunité de danser, puis suivaient quelques numéros de danse « pure » (sans éléments théâtraux) ; ensuite, des danses « théâtrales » illustraient des thèmes spirituels et bibliques, et le programme se concluait par une sorte de bouquet final louant Dieu pour la résurrection du Christ et une pièce courte pour demander la bénédiction de Dieu sur l’assemblée. Sensible à l’hospitalité de la Congrégation de la Mission, le P. Saju avait ajouté au début de la partie « théâtrale » la chorégraphie d’une hymne à saint Vincent de Paul dans sa langue natale, le malayalam. Saint Ignace était aussi honoré par une illustration de sa célèbre « prière d’abandon ». Entre autres morceaux, une hymne à la Création ou bien la danse au Saint-Esprit auraient été plus familiers à ceux qui avaient déjà fréquenté les tournées européennes de Kalahrdaya. Chaque morceau était introduit par un exposé explicitant la signification des paroles des chants et des gestes des danseurs.

Mon inquiétude avant cet événement inhabituel dans la chapelle Saint-Vincent s’est muée au cours de la soirée en joie profonde. L’atmosphère de dévotion créée par les danseurs était palpable et l’assemblée en était visiblement saisie. La joie et la gratitude exprimées sur le visage et dans les gestes des danseurs dans leur louange de Dieu se communiquaient à l’assemblée. Pour ces jeunes villageois, l’expérience de libération par la danse et la louange de Dieu n’est pas qu’une théorie. La danse est ce qui leur permet de briller sur les scènes indiennes et européennes, et cette expérience peut contribuer à les transformer, s’ils sont assidus, en des leaders qui tireront vers le haut les habitants de leurs villages. Les vincentiens étaient émus d’entendre Saju raconter ses expériences, dès son enfance avec la Société de Saint Vincent de Paul, présente en Inde dans de nombreuses paroisses, et pendant son ministère de diacre qu’il a voulu vivre dans une paroisse lazariste du sud de Calcutta. Le curé lui avait offert une petite bicyclette avec ces paroles qui ont nourri sa vie au service des villageois : « Va dans les villages, entre dans les maisons, prie avec les habitants et fais leur connaissance. »

À la fin des soirées, après la danse de bénédiction, le public et les danseurs se sont attardés assez longuement au fond des églises pour échanger. Tous étaient visiblement touchés par cette expérience. Saju m’a ensuite exprimé sa gratitude d’avoir pu danser en l’honneur de saint Vincent, devant ses reliques : un « grand sentiment de plénitude » partagé avec nous tous. Il rêve à présent de chorégraphier la vie de Monsieur Vincent, pourquoi pas à l’occasion du quatrième centenaire de la fondation de la Congrégation de la Mission ?

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