Le principe de laïcité nous demande de ne pas exprimer nos convictions religieuses, philosophiques ou politiques. Quel dommage ! La nation veut éduquer ses enfants à la liberté, à savoir tenir debout pour atteindre la dignité humaine. Très beau mais comment cela est-il possible si on n’initie pas les jeunes à réfléchir et exprimer leurs convictions ? On en fait des mollusques sans colonne vertébrale !
Vincent Goguey
Laïcité et religions
Le principe de laïcité nous demande de ne pas exprimer nos convictions religieuses, philosophiques ou politiques. Quel dommage ! La nation veut éduquer ses enfants à la liberté, à savoir tenir debout pour atteindre la dignité humaine. Très beau mais comment cela est-il possible si on n’initie pas les jeunes à réfléchir et exprimer leurs convictions ? On en fait des mollusques sans colonne vertébrale !
Le besoin de reconnaissance est constitutif de l’humain : aux yeux de qui est ce que j’existe ? L’une des causes qui pousse quelqu’un à être violent ou la mésestime de soi c’est la non-reconnaissance de ce qu’il est. Que les lieux de la laïcité soient des lieux de non-dit, non- expression des citoyens sont des lieux de non-reconnaissance et donc un terreau à la violence.
Depuis plus de 25 ans je fais des interventions dans des collèges et lycées catholique (car en public nous n’avons pas cette liberté d’organiser ces rencontres !). Certains d’entre eux ont plus de la moitié d’élèves de confession musulmane, d’autres sont très interreligieux, particulièrement en Seine saint Denis où se côtoient hindous, bouddhistes ; chrétiens, musulmans, sans religion. Mes interventions ont pour but de les inviter à réfléchir le sens de la Vie : Pourquoi es-tu ici sur Terre ? Lors de ces rencontres j’invite chacun a exprimer ses propres convictions, visions de l’existence. Il n’y a jamais eu aucun souci d’expression. La seule attention que je donne sur le mode d’expression est de ne pas chercher à imposer son point de vue à l’autre ni à contrer les convictions de l’autre. Apprendre à découvrir les camarades de classes pour savoir avec qui ils vivent au quotidien. Si au départ, quelques adeptes d’une religion autre que chrétienne, sont sur la défensive sur le fait que je sois prêtre, très vite la suspicion s’efface car ils perçoivent bien que je cherche à les mettre en posture de « chercheur de vie ». Le simple fait qu’ils aient la possibilité d’exprimer leurs convictions, d’être entendus et respectés dans cette expression de ce qu’est la vie selon leurs croyances (un athée croit que Dieu n’existe pas !!!) ils se sentent reconnus et non donc plus besoin de se mettre en attitude de forteresse assiégée qu’il faudrait défendre. Ils peuvent alors ouvrir leur maison pour inviter les autres à venir visiter leur monde ! Chacun en sort enrichi.
Nous savons tous que c’est grâce à la différence des autres qu’on apprend à se connaitre
soi-même. Pourquoi limiter la rencontre de ces différences qu’à l’aspect culturel ou culinaire ? Je te propose un plat, je ne t’oblige pas à y gouter, mais tu sais que c’est là sur le comptoir de présentation du repas !
Pendant trois ans, en Périgord, j’ai eu la grâce et la joie d’accompagner une équipe des conférences st Vincent de Paul (groupe de catholiques se mettant au service de personnes en fragilité ou marquées par la solitude). Cette équipe a la particularité d’être constituée de personnes d’obédiences religieuses différentes. Notre équipe est donc constituée de chrétiens, indous, bouddhistes, et autres qui n’avaient pas de rattachement très défini. Ce fut trois ans très bénéfiques. La règle de ces équipes est de se retrouver tous les 15 jours pour des réunions à deux temps : première partie spirituelle, la seconde concrète en faisant l’état des lieux des personnes que l’on suit.
Il nous a fallu un petit temps d’apprivoisement pour savoir un peu qui ont était. On aurait pu faire le choix de taire nos convictions et réduire la dimension caritative à une simple action sociale mais nous avons fait le choix de jouer cartes sur tables. Pour cela nous avons organisé des temps spécifiques de partages sur des thèmes précis en lien avec nos convictions :
« Qu’est ce qui me pousse à me mettre au service de personnes en fragilité ? » ; « l’espérance dans nos traditions » ; « comment vivre plus intensément notre foi ? », etc. ô combien cela a été bénéfique à chacun d’entre nous. Bien évidemment cela demande d’avoir une disponibilité intérieure à accueillir l’autre dans ce qu’il exprime, tant sur le fond, que la forme que le vocabulaire employé. À partir de là, la première partie de nos rencontres a toujours été très fructueuse car chacun savait se nourrir de l’apport des autres.
Étonnant que bien des touristes vont visiter et s’informer sur les temples ou pagodes des pays visités et ne sont guère capables d’aller à la rencontre de leurs voisins qui n’ont pas les mêmes convictions qu’eux !
Ce style d’échanges sur le fond à pour conséquences d’agrandir nos connaissances sur d’autres manières de croire, de voir cet univers, de penser autrement les modes de communications avec le transcendant ou notre relation aux autres. Ça crée des liens d’amitié basés sur le respect et sur le fait qu’on est semblable au moins en un point : nous sommes des chercheurs de Vie (selon les traditions nous la nommons différemment). Une autre conséquence, non des moindres est la paix qui s’installe entre nous et nous fortifie et dynamise pour œuvrer ensemble contre certains maux de notre société !
Le simple fait de découvrir combien l’autre prend au sérieux sont chemin de foi (quel qu’elle soit) est stimulant pour chacun et invite à un renouvellement sur notre propre chemin. Entendre tel ou tel aspect de la foi de l’autre sur la conception de l’univers, notre relation à celui-ci est une invitation à chercher dans notre propre tradition ce qu’en disent nos textes sacrés et les témoins qui ont jalonnés les siècles.
Osons créer des lieux d’expressions ouverts à tous ainsi nous lutterons contre l’entre-soi ou se distille l’amertume vis-à-vis des autres… on sait bien jusqu’où cela peut aller !