« Nous ne sommes que de passage ; toute chair passe comme l'herbe ; le temps qui passe ne se retrouve jamais. »…Ces proverbes d’allure pessimiste se croisent avec d’autres qui sonnent plus joyeusement : « Chaque minute qui passe te rapproche de Dieu ; “nous sommes des oiseaux de passage, demain nous serons loin,” On pourrait continuer ce jeu-là avec de nombreuse citations.

Homélie. Fête du Saint Sacrement. 14 juin 2020. Le Berceau de Saint Vincent de Paul

Mes sœurs, mes frères,

 « Nous ne sommes que de passage ; toute chair passe comme l’herbe ; le temps qui passe ne se retrouve jamais. »…Ces proverbes d’allure pessimiste se croisent avec d’autres qui sonnent plus joyeusement : « Chaque minute qui passe te rapproche de Dieu ; “nous sommes des oiseaux de passage, demain nous serons loin,” On pourrait continuer ce jeu-là avec de nombreuse citations. Passer, c’est changer…Ce verbe évoque le transitoire et la proximité. Et pourtant à y bien réfléchir, évoquer un passage, c’est reconnaitre une présence si furtive soit-elle, comme une caresse, un sourire qui illumine la journée, une permanence toute de proximité, un bienfait qui en dit long sur quelqu’un d’aimé. Passer, c’est toujours laisser une trace, maintenir une action et peut-être transformer. Jésus le savait bien qui a inventé le plus bel acte d’amour qui soit avec ce que le nouveau Peuple de Dieu a nommé l’Eucharistie. Dieu passe en nous, se fait nourriture, transforme nos êtres de chair et nous sculpte une nouvelle créature de ressuscité. Aujourd’hui nous en célébrons l’origine, la  source et la permanence. Comme dirait Stéphan Berg, « Suivez-moi ! ».

; A l’ origine, il y a la Pâque comme nous le rappelle le livre du Deutéronome, en ce jour. Le Peuple de Dieu est livré à l’esclavage. Il souffre mort et passion, anticipant celle du Fils de Très-Haut. Alors Dieu lève un homme, un de ces géants de l’humanité qui par la puissance divine concrétise la délivrance. Moïse est le bras de Dieu qui préserve les fils d’Israël lors de la nuit pascale fondatrice, qui les marquera  du sang de l’Agneau lors du passage de la colère de Dieu sur l’Egypte des Pharaons. Après ce sera le passage de la mer rouge, le passage par le désert, le passage par le pays de la sécheresse et de la soif, le passage par la pauvreté, la faim, le dénuement matériel et spirituel. Et ces passages seront contrebalancés, enrichis par les dons inoubliables de la manne, ‘cette nourriture inconnue des pères’ et de ‘l’eau de la roche la plus dure’. Quand Yahvé passe, il ne laisse pas sans recours et sans secours : « Pas un peuple qu’il ait ainsi traité ! ». Ainsi la manne et l’eau seront-elles bénédictions et vie malgré les obstacles rencontrés : Dieu ne passe jamais en vain. Dieu passe, repasse et reste.

II. Moïse annonçait un autre Envoyé de Dieu « lorsque les temps furent accomplis ».Au travers de ses faits et gestes, se profile Jésus, Fils de Dieu Sauveur. Il passe dans notre humanité, il passe dans le temps, il passe dans le même peuple, par le même exil et les mêmes fins de non -recevoir, revivant en lui la passion du peuple élu et sa délivrance par le don inégalable de la résurrection. Et pour que ce don soit le don fait à toute l’humanité, il donne à la ‘multitude’, – je dis bien à la ‘multitude’ – l’offrande de son propre corps et de son propre sang. Cette nouvelle manne est un corps à corps avec le Christ, En relisant le chapitre 6 de st Jean, nous trouvons des mots et des raccourcis qui en disent long sur l’apport de l’Eucharistie : « vivant, vie éternelle, vraie nourriture, vraie boisson, je le ressusciterai au dernier jour, demeurer en moi… » pour ne regarder que les seuls versets (31 à 38) utilisés aujourd’hui. Ce n’est pas de l’imagination mais la réalité

III. Mais alors si Dieu passe et repasse, on peut dire qu’il reste. Dieu demeure. Il se fait notre ami et nous appelle « mes amis », Il vit en nous. « Chacun d’entre nous reçoit le Christ  mais le Christ reçoit chacun d’entre nous » a écrit st Jean-Paul II. J’aime à penser que Jésus se plaît en notre compagnie comme il le faisait en son pays natal. Il investit chacun de nos êtres et nous presse de le recevoir. Quand on célèbre l’Eucharistie, on a déjà un pied dans le ciel. Au fond, chaque jour, chaque dimanche, quand nous le pouvons, Dieu force notre porte et s’assoit à la table de notre vie. Nous vivons avec lui et lui avec nous. Quand nous prenons un peu de temps pour y penser, un vertige d’amour nous saisit et nous transporte de joie. Chaque messe est une Fête-Dieu…

Amen

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