L’image, d’une Marianne en pleurs face à un chêne géant déraciné, de Jacques Faizant m’est venu spontanément en mémoire le jour où j’ai reçu la nouvelle que le P. Gonzague Danjou a fait sa Paques. Parce que géant, le P. Danjou l’était sans aucun doute et dans tout le sens du terme ; physiquement, il l’était pour beaucoup d’entre nous les malgaches, qui sont plutôt de taille modeste.
P Sedy RABARIJAONA CM
A Dieu P. Danjou
L’image, d’une Marianne en pleurs face à un chêne géant déraciné, de Jacques Faizant m’est venu spontanément en mémoire le jour où j’ai reçu la nouvelle que le P. Gonzague Danjou a fait sa Paques. Parce que géant, le P. Danjou l’était sans aucun doute et dans tout le sens du terme ; physiquement, il l’était pour beaucoup d’entre nous les malgaches, qui sont plutôt de taille modeste. Mais surtout, il était un géant spirituellement, un vrai modèle du missionnaire infatigable, qui a laissé une empreinte indélébile dans le cœur de beaucoup de personne et à la province de Madagascar en particulier. Si nous, les jeunes confrères malgaches, nous sommes en mission « Ad Gentes » maintenant, c’est grâce à la formation et à l’exemple du P. Danjou que nous le devons. Un géant humble qui n’a jamais cherché la lumière de la célébrité ni les louanges. La preuve, il est parti quasi en catimini, discrètement et sur la pointe des pieds, fidèle jusqu’à la mort avec cette humilité des fils de Saint Vincent.
Fils de Saint Vincent de Paul, le P. Danjou l’a été jusqu’au plus profond de son être. Combien de confrères, de Filles de la Charité, de laïcs ont appris les cinq vertu vincentiennes seulement en le voyant et en l’imitant vivre tout simplement son sacerdoce ? « Donnez-moi un homme d’Oraison et il sera capable de tout » disait Saint Vincent. Citation qui a pris corps vraiment chez le P. Danjou. C’était un homme de prière, c’est pourquoi, il a pu réaliser tant de choses et accompagner tant de personnes dans sa vie missionnaire.
Jeune séminariste, j’avais remarqué que chaque fois que j’arrivais à la chapelle de notre maison de Soavimbahoaka, pour les laudes ou les vêpres, il était déjà là ; agenouillé et prenant l’Autel à bras le corps, abimé dans la prière. Un jour, je me suis dit que ce n’est pas normal que moi, le benjamin de la communauté, je me laisse devancer par le Supérieur, qui avait déjà un certain âge à ce moment. J’ai pris donc la résolution de me rendre à la chapelle avant lui, quitte à me lever plus tôt ; ce petit jeu a duré quelques semaines et jamais j’ai pu le battre. Quand je lui ai avoué ma défaite, et ma désillusion, il s’est contenté de rire en me disant : « Un jour viendra, t’inquiètes, marche. »
Un homme d’action aussi, ne rechignant à aucune tâche, toujours disponible et obéissant, en allant où les supérieurs, ses anciens séminaristes pour la plupart, l’ont envoyé. Visiteur, 18 ans durant, ce qui est un record dans les annales de la Province de Madagascar, Vicaire général, Curé, Supérieur, Formateur et Directeur Spirituel, Confesseur et surtout inimitable professeur de l’Histoire de l’Eglise. Ce n’est pas exagérer du tout, de dire qu’une multitude de Malgaches : évêques, prêtres, religieux-ses, laïcs ont pu croître dans la foi grâce aux multiples et divers ministères du P. Danjou.
Un homme charitable, d’une charité très discrète non seulement pour les pauvres, ses vrais « Seigneur et Maitre », mais aussi envers ses confrères, tous sans exception, qu’on soit malgache, français, slovène, polonais, espagnol ou italien. Combien étions-nous à faire la queue, tout au long des années, devant sa porte pour lui demander de corriger les fautes de français de nos devoirs ? Jusqu’à récemment, il était de notoriété publique que le P. Danjou était le correcteur des thèses et mémoires des jeunes prêtres malgaches étudiants à Paris. Sans mentionner les aides matérielles, accompagnement spirituel, qu’en toute discrétion il nous a prodigué.
Le P. Pedro Opeka a dit un jour que sans les encouragements et l’appui du P. Danjou, du temps où il était Visiteur, « Akamasoa ne serait pas ce qu’il est maintenant. » Je suis convaincu de ça aussi. A notre dernière rencontre il y a de cela quelques années, je lui ai dit que ce serait bien qu’il écrive ses mémoires pour les générations futurs, étant donné les choses qu’il a vu et vécu comme missionnaire ; suggestion qu’il a balayé d’un revers de main en me répondant avec un sourire moqueur : « On l’intitulera les mémoires d’un âne. » C’était ça le P. Danjou, un homme de foi et d’humilité, un homme qui sait rire de lui-même, mais jamais de l’autre…
Des anecdotes, des histoires édifiantes, concernant le P. Danjou rempliront des pages et des pages, mais le connaissant je ne crois pas que cela lui ferait beaucoup plaisir. C’est pourquoi, je vais conclure en m’unissant à la peine et à la douleur de la Famille Danjou, et en l’assurant de mes humbles prières.
«! Mandria am-piadanana Mompera ¡ Veloma Rangahy »
P. Sedy RABARIJAONA, CM – Province de Porto Rico