C’est à l’ensemble des communautés religieuses, membres de la Corref, que sœur Véronique Margron, op, présidente de la Corref, a adressé une lettre intitulée « Suis-je le gardien de mon frère ? ».

« Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 9)

C’est à l’ensemble des communautés religieuses, membres de la Corref, que sœur Véronique Margron, op, présidente de la Corref, a adressé une lettre intitulée « Suis-je le gardien de mon frère ? ». Après avoir rappelé les « mesures essentielles de confinement » face au coronavirus, elle encourage trois dimensions spirituelles :

La fraternité : « La “quarantaine” nécessaire où il nous est demandé d’être désormais, pourrait alors  avoir  cette vertu  spirituelle  de nous  rapprocher par la  foi et par le cœur de tous ces visages vulnérables, rejetés, laissés pour  compte, et de tous les souffrants. (…) La fraternité nous intime de porter le souci de faire tout notre possible pour ne pas enrayer plus encore les services spécialisés, voire l’ensemble de système de soins, et épuiser davantage celles et ceux qui se donnent sans compter ».

L’hospitalité : « Nous qui aimons tant l’hospitalité, première vertu biblique, rendons la créative. (…) Notre capacité d’humanité doit se tenir déterminée dans ce combat de longue haleine. Non en défiant un virus qui n’en a cure, mais en étant à nos modestes mesures, de petits laboratoires sans prétention de cette créativité du lien. (…) Dans cette hospitalité de la foi incarnée, n’oublions pas non plus les services de l’État, (…) les soutenir c’est vouloir que notre démocratie, la façon dont nous sommes viscéralement attachés à la liberté, à la dignité, à l’égalité et à la fraternité, puisse rester debout dans cette crise sans précédent et l’emporter ».

La compassion : « Notre tradition biblique nous apprend que les fléaux ne sont jamais loin. Elle nous raconte aussi que l’humain met du temps, 40 jours, 40 ans, pour trouver son chemin, changer sa vie, son cœur. C’est l’heure de s’ouvrir davantage, d’élargir l’espace de sa tente intérieure. (…) Le service de l’Église, aujourd’hui plus qu’hier encore, doit être celui de la compassion à quiconque en a besoin. À nous ensemble d’en inventer une nouvelle forme, au service de tous dans ces temps de grande épreuve pour beaucoup ».

 

« Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 9)

Chers toutes et tous. Malgré les beaux jours, nous sommes en pleine tempête. Celle-ci est sournoise car invisible et tapie. Mais elle est bien réelle et pour beaucoup, en ce monde et dans notre pays elle les a déjà atteints de plein fouet, avec son cortège de douleurs et de questions.

La Corref se permet de vous rappeler les mesures essentielles de confinement.

Aucune célébration publique, pas même avec un nombre restreint d’hôtes. Pour les célébrations liturgiques intracommunautaires, merci instamment de respecter les mesures de « distanciation sociale » – de un mètre – recommandées par l’État. Et bien sûr celles de la Conférence des évêques de France et de la Corref quant à la communion et les concélébrants. Une « distanciation sociale » à respecter autant que faire se peut dans l’ensemble de la vie commune.

Beaucoup de communautés seront toutes ces semaines en jeûne eucharistique. Un jeûne qui va nous faire souffrir. Qu’il soit le levier pour une communion plus profonde avec ce peuple invisible qui se tient en chacun de nous et dans le cœur de nos communautés. C’est le moment de l’élargir encore.

La question de la veille de nos frères et sœurs décédés et des célébrations d’obsèques se pose bien sûr avec une acuité toute particulière. Au-delà de l’attention sanitaire qui s’impose, nous reviendrons vers vous pour des propositions plus précises afin que ceux qui meurent continuent d’être honorés comme il convient à un humain, et que soit toujours manifestée notre espérance de leur accueil par le Dieu de toute tendresse.

Pour les communautés qui ont des lits d’EHPAD, les mêmes mesures que pour l’ensemble de ces Établissements doivent être strictement respectées, spécialement concernant les visites. Dans toutes les maisons où nous avons des salariés, les recommandations du premier ministre, samedi 14 mars, doivent être mises en œuvre. S’il ne s’agit pas de personnels indispensables, tels les soignants et les équipes de cuisine, le chômage partiel doit être favorisé ou, selon, le chômage technique. Et bien sûr le télétravail quand il est possible.

Pour les personnels indispensables, merci de faciliter leurs transports de façon sécure. Il va de soi qu’une attention toute particulière doit être faite afin qu’aucun de nos salariés ne se retrouve plus encore en difficulté financière.

Toutes ces contraintes pourraient nous sembler démesurées. Le printemps commence, la vie éclot de toutes ses couleurs et ses senteurs et nous émerveille une fois encore. Mais voilà, nous combattons un ennemi invisible et chacun est, dans cette guerre et à sa modeste place, un soldat indispensable.

La fraternité

Il ne s’agit pas de combattre l’expansion du virus seulement pour nous-même, mais au nom de la fraternité, au nom du souci d’autrui, des plus fragiles d’abord de nos sociétés.

Malades, migrants, sans domiciles, personnes pauvres et bien d’autres. Nos sociétés, nous-mêmes peut-être, nous mettons habituellement des femmes et des hommes, des groupes humains en quarantaine, au loin. Parfois nous en faisons des boucs émissaires. Notre histoire, y compris religieuse, en porte les stigmates, aujourd’hui toujours. La « quarantaine » nécessaire où il nous est demandé d’être désormais, pourrait alors avoir cette vertu spirituelle de nous rapprocher par la foi et par le cœur de tous ces visages vulnérables, rejetés, laissés pour compte, et de tous les souffrants.

La fraternité c’est encore le souci de notre système de santé et de l’ensemble des soignants qui le font vivre au quotidien. Ils sont sur le pont pour nous tous. Nous savons leur compétence, leur implication. Nous connaissons aussi ses limites, y compris dans un pays riche comme le nôtre. Ne participons pas, par négligence ou imprudence à le tendre un peu plus. Dans les semaines à venir arriveront plus encore de patients et de patients graves. Le virus peut toucher tout le monde et des formes graves peuvent se développer chez   tous. La fraternité nous intime de porter le souci de faire tout notre possible pour ne pas enrayer plus encore les services spécialisés, voire l’ensemble de système de soins, et épuiser davantage celles et ceux qui se donnent sans compter. Disons-leur notre reconnaissance.

L’hospitalité

Nous qui aimons tant l’hospitalité, première vertu biblique, rendons la créative. Créative d’abord – et nous avons bien conscience que c’est difficile – pour nos frères et sœurs aînés malades et en Ehpad. La visite fait partie de notre art de vivre. Elle est pour nous une nécessité humaine autant que spirituelle. Mais aujourd’hui, il nous faut impérativement trouver d’autres formes de visites, de soutien, de compagnonnage. Non seulement pour les protéger, mais pour veiller aussi sur ceux avec qui nous vivons et qui travaillent auprès de nous. Trouver des manières qui signifient notre amitié et notre soin.

Notre capacité d’humanité doit se tenir déterminée dans ce combat de longue haleine. Non en défiant un virus qui n’en a cure, mais en étant à nos modestes mesures, de petits laboratoires sans prétention de cette créativité du lien.

Nous proposons aussi que chaque communauté puisse  porter en sa prière l’hôpital le plus proche, l’ensemble de ses patients et de ses soignants. Mais encore les EHPAD de notre quartier ou dans nos maisons. Mais aussi les équipes médicales et soignantes travaillant en milieu carcéral et dans les associations au service des plus démunis, dans notre  pays.

Dans cette hospitalité de la foi incarnée, n’oublions pas non plus les services de l’État, eux aussi sur le pont sans relâche, de même que ceux des municipalités. Toutes ces femmes et tous ces hommes sont à notre service. Tous font face à un inédit depuis bien longtemps, à cette échelle, qui chamboule toute la société et tout dans nos sociétés. L’heure n’est pas  aux conjonctures politiques, pas davantage de se transformer chacun en directeur général de la santé. Plus tard les bilans seront tirés. Pour le moment, les soutenir c’est vouloir que notre démocratie, la façon dont nous sommes viscéralement attachés à la liberté, à la dignité, à l’égalité et à la fraternité, puisse rester debout dans cette crise sans précédent et l’emporter. Puissions-nous signifier notre gratitude aux uns et aux autres.

La compassion

Notre tradition biblique nous apprend que les fléaux ne sont jamais loin. Elle nous raconte aussi que l’humain met du temps, 40 jours, 40 ans, pour trouver son chemin, changer sa vie, son cœur. C’est l’heure de s’ouvrir davantage, d’élargir l’espace de sa tente intérieure.

Ces semaines sombres, nombre de personnes sont et seront en effroi, en détresse, sans plus de points d’appui. En Église, il nous faut trouver comment les soutenir, alors même que nous ne pourrons les rejoindre physiquement, ce que nous faisons habituellement, pour beaucoup d’entre nous, en les visitant, les accompagnant. Manifester notre écoute, notre proximité bouleversée, notre foi humble et tenace est une priorité. Le soutien spirituel et humain ne peut s’interrompre, bien au contraire, quand des personnes et des familles vont en avoir d’autant plus besoin que les lieux habituels, aumôneries, paroisses, ne peuvent plus répondre autant. Le service de l’Église, aujourd’hui plus qu’hier encore, doit être celui de la compassion à quiconque en a besoin. À nous ensemble d’en inventer une nouvelle forme, au service de tous dans ces temps de grande épreuve pour beaucoup.

Chères sœurs, chers frères et pères, restons proches les uns des autres par l’amitié et la prière. Par la supplication pour ce monde et pour que nous apprenions tous de ce drame et de ce combat à devenir plus humains et proches. Ne négligeons rien de ce qui dit notre responsabilité et notre souci de tous.

Avec toute mon amitié fraternelle

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