Chères sœurs, chers frères :
Une femme condamnée à mort par des hommes qui veulent appliquer la loi coûte que coûte !
Un cercle de mort dressé autour d’une accusée surprise en flagrant délit !
Des pierres prêtes à être utilisées pour lapider la coupable… Ironie de l’histoire « LE COUPABLE » est absent… pour un adultère il en faut deux… ces hommes de loi n’ont surpris en flagrant délit que la femme !
Voilà l’image qui est au centre de notre liturgie ce matin.
Cette femme pécheresse est au centre de la scène ; mais elle n’est pas toute seule. Près d’elle se trouve Jésus, le maître silencieux, baissé. Il écrit de son doigt sur la terre. Jésus le maître ne veut pas polémiquer, ne déclenche aucune commission d’enquête… il regarde, il se baisse, il écrit du doigt sur la terre et lance, non pas une pierre mais une parole libératrice pour les uns et pour les autres :
« Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre ! »
Oui, qui est sans péché ? Selon la loi… personne ! Vis-à-vis de la loi tous sont coupables… La loi ne cherche que des coupables à accuser, à condamner. La loi exige un homme sans péché, un être parfait, mais qui est parfait ?
Bref, la loi ne cherche que des coupables en flagrant délit. Mais il faut le savoir :
Aucun délit, aucun péché ne dit pas la vérité d’une vie !!!
Le flagrant délit est une faille certes, il peut même être un péché…mais personne ne peut être réduit à son péché : « si notre cœur venait à nous condamner, Dieu est plus grand que notre cœur, il connaît tout » (1 Jn 3,20).
Frères et sœurs : Retenons pour notre méditation trois points aujourd’hui :
- Ne tombons pas dans le piège du légalisme, ne tombons pas dans le piège de la loi pour la loi. Ah ! que nous sommes enclins à cela … surtout les curés. Souvent nous invoquons qu’il s’agit de la loi de Dieu !!! Est-ce vraiment la loi de Dieu ou est-ce la loi des hommes ? Saint Paul, dans la lettre aux Philippiens vient de dire : « à cause de la connaissance du Christ-Jésus, j’ai tout perdu : je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ, et, en lui, d’être reconnu juste, non pas de la justice venant de la loi de Moïse mais de celle qui vient de la foi au Christ… ». Parfois il nous faut laisser tomber nos fausses images de Dieu pour accepter que Dieu est comme il est et non pas comme il nous convient qu’il soit. Jésus a critiqué souvent le légalisme de Pharisiens. Il a dit des choses claires : « l’homme n’est pas pour la loi, la loi est au service de l’homme… ». Cela nous le comprenons bien, n’est-ce pas ? Il a dit une chose plus subtile encore : « je ne suis pas venu abolir la loi, mais l’accomplir… Et alors quoi ? Ceci est moins simple que cela en a l’air… Il ne rejette pas la loi de Moïse, mais il dit qu’en la pratiquant on ne doit pas oublier ce qui est essentiel à la loi : la justice, la miséricorde et la fidélité (cf. Mt 23,23). A vrai dire, la seule loi que Jésus a invoquée est celle du commandement de l’amour ! Alors, ne soyons pas légalistes ; ne regardons pas en arrière comme le disait Isaïe. Le présent de Dieu est amour et pardon. Avec le Christ, quelque chose de nouveau est en train de naître, ne le voyez-vous pas ?
- Le geste de Jésus mérite d’être commenté : il se baisse et il écrit sur la terre. A deux reprises le texte le dit. Ce geste a de l’importance puisque l’évangéliste insiste : Jésus se baisse et, du doigt, il écrit sur la terre. Nous sommes ramenés à la genèse lorsque Dieu crée à partir de la glaise. Il y a ici une nouvelle création… Tout bas, à notre niveau il réécrit sa loi, non pas dans le marbre ni la pierre mais sur une matière meuble (molle) parce que telle est notre nature. Préférons-nous ce doigt divin qui sauve, recrée et n’accuse pas ? Ou préférons-nous les pierres menaçantes (la loi de pierre) qui deviennent des armes mortelles… ?
Jésus dépasse l’âge de pierre en matière de pardon et de jugement : « plutôt qu’une loi inflexible, gravé dans le marbre et imposée d’en haut, avec le risque d’écraser le coupable, Jésus propose une pratique humaine de la loi au plus près de la vie toujours complexe, et en quelque sorte au service de l’être humain qu’il s’agit avant tout de sauver[1] ».
- Il y avait autour de la femme un cercle de mort qui la condamnait et l’écrasait. Jésus, par contre, ouvre, relève et libère. Il est venu pour ouvrir et non pas fermer, pour sauver et non pas pour perdre. Il est venu chercher et sauver CE[2] qui était perdu. Cherchons en nous ce qui risque de se perdre pour que Jésus le sauve. Avec cet épisode de la femme adultère, nous assistons à la première absolution : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ?… Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus ». Quelle absolution, quel relèvement… quelle joie !!!
Cela dit, le mystère du mal et du péché reste tout entier. Jésus n’a résolu ni le mystère du péché et du mal, ni celui de la souffrance et de la mort. Par contre il a proposé des issues… Dans ce récit tout le monde est sauvé et libéré : les scribes et les pharisiens, les accusateurs, sont libérés d’un crime affreux qu’ils étaient tout près de commettre. La femme est aussi libérée, remise débout… va… ne pèche plus !
Frères et sœurs :
Jésus ne permet pas que l’on jette la première pierre sur la pécheresse.
Lui non plus, ne jette pas la première pierre.
Il ne promulgue non plus une loi écrite sur la pierre, c’est-à-dire sans nuance, sans humanité, sans tendresse.
Jésus nous révèle un Dieu qui n’est pas contre l’homme ni la femme !
Saurons-nous dépasser l’âge de pierre ?
[1] Yves-Marie BLANCHARD, L’Evangile du Christ roi ou la figure johannique de l’agneau », Paris, DDB, 2012, p. 67.
[2] « CE » et non pas « CEUX » cf. Luc 19,10. En lisant « ce », tout le monde est concerné. Il y a chez toute personne quelque chose qui se perd ou risque de se perdre. C’est cela-même que le Fils de l’homme est venu chercher et sauver.