La Mission. Sortir vers les horizons de Dieu. Retraite spirituelle à Ars. Province de France (22-27 Octobre 2017). Quatrième Jour

La Mission. Sortir vers les horizons de Dieu.

Retraite spirituelle à Ars. Province de France (22-27 Octobre 2017) Quatrième Jour

La retraite est un parcours dans le désert. Mon rôle est de vous guider. J’ai cherché à m’inspirer de plusieurs figures bibliques. La première qui m’est venue à l’esprit est celle de Moïse, qui transmit au peuple la Loi. C’est un modèle très exigeant. Un autre guide est le démon. C’est vraiment de la racaille comme modèle pourrait-on dire dans une certaine façon peu commode de parler. La troisième figure est la personne qui dans le désert apporte au prophète Elie du pain et de l’eau, mais ensuite se retire, afin de permettre à Elie de monter tout seul sur la Montagne de Dieu. Moi je ne vous donnerai pas grand-chose, mais seulement de l’eau et du pain. C’est à vous de faire le reste.

Quatrième jour

L’EGLISE DE SAINT VINCENT ET LA NOTRE

 

 

Murs et frontières

C’est à la mode aujourd’hui de parler de murs et frontières. Les frontières sont quelque chose de naturel. Elles marquent les différences. Les murs sont construits par l’homme, comme la Tour de Babel. Ils créent des inimitiés.

Le Pape et Trump parlent d’ailleurs de murs et frontières. La frontière entre les Etats Unis et le Mexique est de 3200 km. Un mur monté en partie existe déjà, mais Trump appelle ce mur un jouet. Il cherche donc à le rallonger et le fortifier.

Le Pape veut rapprocher les peuples, parce que l’Eglise ne peut se contenter de rester au centre, mais doit plutôt aller vers les périphéries à la rencontre des peuples, pour porter le Christ à tous, l’amour de Dieu fait homme, et non pour faire du prosélytisme, mais plutôt nous accompagner sur le chemin de la vie.

 

L’Eglise « de toujours » et l’Eglise du Pape François

Il y avait une critique des milieux conservateurs entre la « Messe de toujours » et celle du « franc maçons » Annibale Bugnini cm.

Aujourd’hui le fossé s’est davantage creusé. Cela ne plaît pas que le Pape dans « Amoris Laetitia » décrive la famille telle qu’elle est dans sa réalité contextuelle et non pas comme on aimerait qu’elle soit. Cela ne plaît pas qu’il soit vraiment concret, qu’il nous propose la voie d’un discernement pastoral contextuelle plutôt que de s’enfermer dans un rigorisme dogmatique froid et stérile qui met l’accent sur un idéal presqu’abstrait. Cela ne plaît pas non plus qu’il insiste sur une Eglise décentrée d’elle-même, qui n’attend pas les gens sur place mais plutôt qui se risque sur les sentiers de la rencontre même et surtout vers ceux qui sont en difficulté, et aussi même des chrétiens non-catholiques romain (les protestants) et des non chrétiens, sans verser dans aucun prosélytisme. Cela ne plaît qu’il exhorte à ne pas avoir peur de la condition de minorité des chrétiens. Cela ne plaît pas non plus la distinction qu’il fait entre l’unité véritable et une malsaine uniformité (l’unité des boutons). Cela ne plaît pas qu’il propose une lecture du monde contemporain sans le condamner, mais aussi sans non plus le sanctifier. Cela ne plaît qu’il veuille repenser le questionnement sur le rôle de la femme dans l’Eglise. Ils ont peur que cela puisse ouvrir des possibilités de voir un jour des femmes ordonnées prêtres !!!

 

Saint Vincent et l’Eglise

Un lazariste aujourd’hui, je l’espère et je le crois aussi, ne se sent pas mal à l’aise avec le langage et l’attitude du Pape. J’ai vu le Pape aller rendre visite au Président de la République Italienne (notre Eglise de Saint Sylvestre au Quirinal est tout proche du palais présidentiel) avec un cortège composé de quatre grandes voitures (service de sécurité) et une petite dans laquelle il se trouvait. Cela m’a rappelé Saint Vincent qui appelait ignominie (V, 344) et infamie (XII, 21) l’usage du carrosse. Ces Paroles de notre saint fondateur sont en parfaites syntonie avec le Pape : « quand l’Eglise des premiers siècles vivait de la communion des biens, les fidèles étaient tous saints ; mais à peine qu’elle a eu ses propres biens et les ecclésiastiques les bénéfices particuliers […], tout a commencé à dépérir. Les ecclésiastiques d’aujourd’hui ne sont plus que l’ombre de ces ecclésiastiques des temps anciens et du siècle d’or » (XII, 398). Les pires ennemis de l’Eglise sont les prêtres, dit Saint Vincent (XI, 309 ; XII, 86). L’Eglise a besoin des « hommes évangéliques » (III, 202). L’évêque Speciano écrivait à la fin du XVIème siècle : « A une époque des hommes en or célébrait dans des calices de bois ; mais aujourd’hui des hommes de bois célèbrent dans les calices en or ».

 

Nous dans l’Eglise

Partons, pour cette étape, de la parabole du blé et de l’ivrai en Mt 13, 24-30

« Le royaume des cieux est semblable à un homme qui a semé une bonne semence dans son champ. Mais, pendant que les gens dormaient, son ennemi vint, sema de l’ivraie parmi le blé, et s’en alla. Lorsque l’herbe eut poussé et donné du fruit, l’ivraie parut aussi. Les serviteurs du maître de la maison vinrent lui dire : Seigneur, n’as–tu pas semé une bonne semence dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ? Il leur répondit : C’est un ennemi qui a fait cela. Et les serviteurs lui dirent : Veux–tu que nous allions l’arracher ? Non, dit–il, de peur qu’en arrachant l’ivraie, vous ne déraciniez en même temps le blé. Laissez croître ensemble l’un et l’autre jusqu’à la moisson, et, à l’époque de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Arrachez d’abord l’ivraie, et liez–la en gerbes pour la brûler, mais amassez le blé dans mon grenier ».

Dans un champ où la bonne graine a été semée, dans la nuit, quand il n’y a pas de lumière, l’ennemi arrive et sème l’ivraie. L’ennemi c’est le diable, le diviseur, celui qui sème l’ivraie parmi le grain, celui qui sème le mal parmi le bien. Les serviteurs sont impatients et veulent tout de suite séparer le mal du bien. Mais le Seigneur refreine leurs ardeurs : « quelques fois, sinon très souvent, nous sommes très prompts à juger, à cataloguer, à ranger les bons d’un côté et les mauvais de l’autre », relève très amèrement le Pape François. Le Seigneur par contre sait attendre. « Il regarde le champ de la vie de chaque personne avec beaucoup de patience et de miséricorde : il voit le mieux la saleté et le mal de plusieurs d’entre nous, cependant il voit aussi les germes du bien, et il attend avec confiance que ces germent murissent ». Et comme cela arrive assez souvent, Begoglio dit « qu’il est beau de savoir que Dieu nous attend pour nous pardonner. Et il conclut : « Attention ! La patience évangélique n’est pas une sorte d’indifférence face au mal ; on ne saurait confondre le bien du mal ! Face à l’ivraie qui est fortement présent dans notre monde, le disciple du Seigneur est appelé à imiter la patience de Dieu ».

 

Serviteurs impatients

Dans cette parabole les serviteurs jouent un rôle très important. L’ivraie est un parasite qui ne se distingue pas du bon grain. Elle s’assimile subtilement au bon grain, au point de le pénétrer de l’intérieur et s’enraciner en lui. L’ivraie c’est le mal, qui se trouve en l’intérieur de la communauté chrétienne et qui est aussi en nous. Nous devons toujours en tenir compte. Combien de fois nous sommes nous trompés en voulant bien faire, avons-nous compris le bien en voulant éradiquer le mal ? C’est la violence de la religion, des moralistes, des éducateurs. Nous voulons une communauté parfaite, une Eglise immaculée sans ride, nous n’acceptons même pas nos propres faiblesses.

En étudiant l’histoire de nos missions j’ai découvert que nos confrères italiens du XIXème siècle n’avaient absouts pratiquement aucun habitant d’un village. Jansénisme ? Non, mais des serviteurs impatients.

A une époque il y avait encore cette forte distinction entre les bons et les mauvais. Les gardiens étaient les bons et les voleurs les mauvais. Les prêtres étaient des bons (Don Camillo) et les pécheurs étaient les mauvais (Peppone). Les catholiques étaient les bons et les non catholiques les mauvais.

Ceux-là de nos confrères dont je parle se considéraient comme des bons. Du haut de la chair ils fustigeaient le péché. Saint Alphonse ne s’est pas fait lazariste parce que dégouté et irrité par un de nos confrères le Père Cutica qui prêchait comme un grondement de tonnerre.

 

Eloge de l’ivraie

Je pense ici à Erasme avec son Eloge de la folie, et je me demande si le mal n’est vraiment que mauvais. Le Père Fausti écrit : « le mal n’est pas pour détruire ou défaire ou dérouter, mais pour l’exaltation du bien : au moyen de la miséricorde nous devenons fils du Père, qui fait pleuvoir sur les justes et les injustes, et fait lever son soleil sur les bons et les mauvais. Si Dieu se révèle dans le bien comme un don, dans le mal il révèle son essence la plus intime et sa nature propre : il est par-don, amour sans conditions et sans limites. Le mal n’endommage pas le bien, mais collabore à son plein triomphe : il n’est pas pour la perdition, mais le salut. Vraiment tout concours au bien » (Rm 8, 28).

Nous devons comprendre qu’il n’existe pas le Bien à l’état pur et le Mal séparé du bien. Il y a une certaine perversion du bien, de même qu’il y a quelques bribes de bien dans le mal. Tout ceci nous ouvre à l’espérance, même si ça nous fait aussi peur.

Chose étrange : Vincent parle de cette contamination du bien. Il dit à cet effet : « qu’avons-nous vraiment de nous, si ce n’est le néant et le péché ? » (XI, 58). Il a affirmé en d’autres circonstances « qu’il y en a dans la Compagnie qui croient être pires que les démons de l’enfer » (XII, 208).

Ce langage contraste avec les comportements et raisonnements de beaucoup dans l’Eglise, ceux qui s’asseyent sur une cathèdre, dans une posture de juges, qui maltraitent les pénitents, qui menacent sans cesses les gens de sanctions éternelles. Nous devons affirmer avec force que la Vie nous la recevons de Jésus Christ et non de la Loi. La loi ne doit pas être interprétée dans un esprit d’esclave, mais de fils, parce que lui seul a en lui l’amour de Dieu, le Fils.

Durant son voyage à Milan cette année, le Pape François a pratiquement répondu aux attentes des gens. Son choix de visiter un quartier pauvre et les prisons, contraste avec les habitudes des papes jusqu’à Paul VI, qui étaient portés sur des épaules, arborant de longues chapes de plusieurs mètres, et aussi un langage de certains prédicateurs.

Je crois qu’il y a aucun doute que ce que François nous propose soit vraiment l’Eglise de Jésus Christ. Nous devons retourner à la prière, au pardon, à la miséricorde, à l’eucharistie, à l’adoration.

 

Prière

Béni soit Dieu,

Le Père de notre Seigneur Jésus Christ !

Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ.

Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour.

 Il nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ.

Ainsi l’a voulu sa bonté, à la louange de gloire de sa grâce,

la grâce qu’il nous donne dans le Fils bien-aimé.

En lui, par son sang, nous avons la rédemption, le pardon de nos fautes.

C’est la richesse de la grâce que Dieu a fait déborder jusqu’à nous en toute sagesse et intelligence.

Il nous dévoile ainsi le mystère de sa volonté, selon que sa bonté l’avait prévu dans le Christ : pour mener les temps à leur plénitude, récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre.

En lui, nous sommes devenus le domaine particulier de Dieu,

Nous y avons été prédestinés selon le projet de celui qui réalise tout ce qu’il a décidé : il a voulu que nous vivions à la louange de sa gloire, nous qui avons d’avance espéré dans le Christ.

En lui, vous aussi, après avoir écouté la parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et après y avoir cru, vous avez reçu la marque de l’Esprit Saint. Et l’Esprit promis par Dieu est une première avance sur notre héritage, en vue de la rédemption que nous obtiendrons, à la louange de sa gloire. (Eph 1, 3-14)

 

Luigi MEZZADRI, CM 🔸

Je crois qu’il y a aucun doute que ce que (Le Pape) François nous propose soit vraiment l’Eglise de Jésus Christ. Nous devons retourner à la prière, au pardon, à la miséricorde, à l’eucharistie, à l’adoration.

Traduction :

P. Emmanuel Patrick Issomo Mama CM