L’appel de Dieu. Témoignage de Patrick Rabarison CM

L’appel de Dieu

Témoignage de vocation de Patrick Rabarison, CM

Patrick Rabarison, diacre lazariste, sera ordonné prêtre le 18 juin 2017 à 15h30 en église Sainte-Anne d’Amiens par Monseigneur Olivier Leborgne, évêque d’Amiens.

Patrick, quel a été ton parcours avant d’entrer au séminaire ? J’ai fait des études en géographie et en géopolitique à l’Université Paris-Sorbonne. J’ai complété cette spécialisation universitaire par un engagement au niveau associatif et politique. J’ai pu travailler ainsi au rapprochement entre mon université (dont j’ai été élu administrateur et consulteur pendant quelques années) et des universités étrangères dans le cadre de la coopération inter-universitaire.

A quelle occasion as-tu ressenti le désir de te mettre au service de Dieu ?

C’est à l’occasion d’un voyage d’étude en 2002 en Bosnie-Herzégovine que j’ai pu vivre un moment décisif dans la découverte de ma vocation. J’ai été, en effet, profondément bouleversé par les séquelles psychologiques et matérielles laissées par la guerre inter-confessionnelle qui a ravagé ce pays au début des années 90. Le témoignage de rescapés civils ainsi que la vue inoubliable de villages entièrement rasés et de murs maculés de sang m’ont fait prendre conscience du caractère tragique de la condition humaine et du prix inestimable de la vie et de la paix.

A mon retour en France, je me suis senti déterminé à consacrer ma vie professionnelle à la cause de la paix et de la fraternité entre les peuples. Je voulais devenir un pont entre les hommes à l’image du pont de Mostar qui est un beau symbole de la cohabitation harmonieuse entre des communautés de cultures et de confessions différentes. Très vite s’est donc posée la question du lieu où pourrait se réaliser un tel projet.

L’expérience de prière et de fraternité universelle que j’ai pu vivre à Cologne en 2005, à l’occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse, a constitué pour moi une réponse aussi inattendue que providentielle à tous mes questionnements intérieurs. Je me suis identifié aux Rois Mages (saints patrons de ces JMJ) et à leur itinéraire spirituel. Itinéraire que le Pape Benoît XVI a très bien décrit dans son homélie de la veillée de Marienfeld (20 juillet 2005) décisive pour mon appel. Dans un monde désordonné, ces rois étaient à la recherche d’un Roi-Messie capable de garantir le droit, la paix et la justice dans le monde. C’est pourquoi ils se sont mis en route pour le retrouver. Ils ont pensé le trouver dans les riches palais de Jérusalem, mais, contre toute attente, ce fut dans une petite étable de Bethléem qu’ils l’ont trouvé. Ils ont alors compris que « le pouvoir de Dieu est différent du pouvoir des puissants de ce monde ».

Au pouvoir tapageur et pompeux de ce monde, ajoutait Benoît XVI, Dieu n’oppose pas, en effet, une légion d’anges mais le pouvoir sans défense de l’Amour qui, sur la Croix, succombe et qui cependant instaure le Règne de Dieu. Ces paroles inspirées ont changé toute ma conception du pouvoir. Une véritable « conversion » s’en est suivie. « Ce ne sont pas les idéologies qui sauvent le monde, mais seulement le fait de se tourner vers le Dieu vivant […] c’est l’Amour qui sauve le monde. » J’ai compris ce jour-là que Dieu ne m’attendait pas dans les institutions internationales œuvrant pour la paix mais dans son Église.

 

En mai 2015 tu as prononcé les vœux dans la Congrégation de la Mission dite des Lazaristes. Pourquoi un tel choix ?

Plus qu’un choix, je demeure aujourd’hui convaincu qu’il s’agit avant tout d’une réponse à un appel.

Par la lecture et la méditation de plusieurs ouvrages consacrés à saint Vincent de Paul, j’ai découvert, en effet, la place particulière qu’occupe le Dieu Providence dans sa vie. Que ce soit à travers des événements ou la personne des pauvres, Il ne cesse de l’interpeller et de la provoquer à  l’action. Cet équilibre entre la contemplation du Dieu « riche en miséricorde » révélé par Jésus-Christ dans les Écritures, l’attention « aux signes des temps » par lesquels Il ne cesse de nous parler et l’action concrète envers les plus pauvres, constitue la grande force et la richesse de la spiritualité vincentienne.

Le sentiment de ne compter pour rien et pour personne constitue, je le crois, une des grandes pauvretés de notre temps. Il s’agit là d’un « signe des temps » auquel nous ne pouvons pas rester indifférents. Il est significatif à cet égard que la Société Saint Vincent de Paul qui a fait de la lutte contre la solitude et l’isolement, l’axe transversal de toutes ses actions, ait participé en 2011 à la reconnaissance de la solitude comme grande cause nationale. « Il ne me suffit pas d’aimer Dieu si mon prochain ne l’aime » disait Saint Vincent. La Bienheureuse Mère Térésa de Calcutta, Prix Nobel de la Paix, qui a joué également un rôle important dans mon discernement, relevait amèrement « qu’il y a toujours beaucoup de monde pour faire de grandes choses mais en revanche très peu de monde pour faire de petites choses avec un grand amour. »

Mon expérience personnelle m’a montré que les personnes en situation de grande précarité sociale ou de grande souffrance morale n’attendent pas « de grandes choses » de nous, tout juste une attention fraternelle, un peu de bonté, de tendresse, un sourire, autrement dit un peu d’humanité.

Pour toi, que veut dire : « être prêtre aujourd’hui » ?

Pour répondre à cette question, permettez-moi de vous partager deux expériences mémorables qui colorent mon regard sur ce qui, à mes yeux, manifeste toute la beauté et la grandeur du ministère du prêtre aujourd’hui. Au cours d’une année de stage en Normandie, j’ai participé avec un confrère prêtre aux funérailles d’un jeune homme qui s’était donné la mort quelques jours auparavant. Les parents et la sœur du défunt étaient amorphes, prostrés sur leurs chaises quand, brusquement, après la communion, le prêtre a quitté le chœur et s’est approché d’eux. Arrivé à leur hauteur, les parents et la sœur se sont jetés comme un seul homme dans ses bras. Il les a aussitôt après serrés contre son cœur. Cette image restera gravée dans ma mémoire parce que, derrière le prêtre,  j’ai vu le Christ-Bon Pasteur qui s’est servi de son ministre consacré pour leur manifester physiquement toute sa tendresse et sa compassion.

J’ai été amené une autre fois à porter la communion à une personne proche hospitalisée. Au téléphone, elle me confiait son regret de ne pas avoir beaucoup d’amis pour la visiter. Elle attendait avec impatience la venue du Christ présent dans la sainte eucharistie. A peine suis-je arrivé dans sa chambre qu’elle a commencé à s’effondrer en larmes et à me dire combien cette fidélité du Christ à son égard la touchait et la consolait de toutes ses tribulations.

Que peut-on offrir de mieux aux personnes que l’on aime sinon le Christ. Le Christ humble, le Christ présent, comme le soulignait Monsieur Vincent, aussi bien dans les espèces du pain et du vin que derrière la figure de la personne pauvre. Oui, pour ce Christ « doux et humble de cœur » qui n’attend de moi qu’une seule chose, à savoir lui donner mon cœur, je suis prêt à donner toute ma vie.

Être intendant des mystères de Dieu, apporter au nom de Dieu la paix, la joie que Jésus seul peut offrir au monde, que demander de plus sinon lui rendre grâce pour le fait que, tout indigne et faible que je suis, Il m’ait quand même appelé à son service ! Merci de prier pour moi.

Patrick RABARISON, CM 🔸

Que peut-on offrir de mieux aux personnes que l’on aime sinon le Christ ! Le Christ humble, le Christ présent, comme le soulignait Monsieur Vincent, aussi bien dans les espèces du pain et du vin que derrière la figure de la personne pauvre.

Pour Information :

Ce témoignage est paru dans la revue de l’Archiconfrérie de la Sainte Agonie de Notre Seigneur Jésus-Christ, numéro 66